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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2630/2016

ATA/362/2017 du 28.03.2017 sur JTAPI/37/2017 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2630/2016-LCI ATA/362/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mars 2017

3ème section

 

dans la cause

 

FONDATION A______
représentée par Me Antoine Boesch, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 janvier 2017 (JTAPI/37/2017)


EN FAIT

1) En 2015, la Fondation A______ (ci-après : la fondation) est devenue propriétaire d'une part de copropriété de la parcelle n° 1______, feuille 2______, de la commune du B______, en zone de développement 3, constituée sous la forme de la propriété par étages (PPE). Cette part consiste en l'unité d'étage n° 2.06, correspondant à un local commercial (ci-après : le local) sis au rez-de-chaussée, au __, chemin C_____.

Avant l’acquisition du local par la fondation, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE ou le département) avait autorisé en juillet 2010 le changement d'affectation de locaux commerciaux sis au rez-de-chaussée en une école privée d'esthétique.

2) Par courrier du 29 janvier 2016, le DALE, par l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC), a fait part à la fondation de ce que, la veille, il avait été constaté par un inspecteur que le local avait changé d’affectation – « d’une onglerie en lieu de culte » selon le rapport d’enquête –, et ce sans aucune autorisation de construire, et lui a imparti un délai de dix jours pour faire valoir son droit d'être entendue. Toutes autres mesures et/ou sanction justifiées par la situation demeuraient, en l’état, réservées.

3) Par observations de son conseil nouvellement constitué des 11 et 29 février 2016, la fondation a demandé qu’il lui soit confirmé que l’intervention du département tendant à lui imposer un changement d’affectation était sans objet.

Par analogie avec le droit du bail, l’activité associative – présentement exercée – devait être assimilée à l’activité commerciale, par opposition à l’usage d’habitation, lequel aurait effectivement nécessité un changement d’affectation soumis à autorisation. S’il était possible qu’occasionnellement un visiteur y fasse sa prière, le local avait un usage associatif.

4) Par lettre du 21 juillet 2016, avec indication d’une voie recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) dans un délai de dix jours dès sa notification, l’OAC a, en application des art. 129 ss de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), ordonné à la fondation de requérir, dans un délai de trente jours, une autorisation de construire relative au changement d'affectation. La décision du département à cet égard, de même que toutes autres mesures et/ou sanction justifiées par la situation demeuraient, en l’état, réservées.

5) Par acte du 8 août 2016, la fondation a formé recours auprès du TAPI contre cette « décision », concluant, « avec suite de frais et dépens », à son annulation, à la constatation que l’utilisation qu’elle faisait du local était conforme à l’affectation de ce dernier et qu’elle était en droit, sans solliciter ni obtenir du DALE de changement d’affectation, de continuer d’utiliser le local comme elle le faisait jusqu’à présent et comme décrit dans le recours, ainsi qu’au déboutement de l’intimé et de tout intervenant de toutes autres conclusions.

6) Dans sa réponse du 11 octobre 2016, le DALE a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Les conditions de recevabilité, selon l’art. 57 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), d’un recours contre sa décision incidente du 21 juillet 2016 (ordre de requérir une autorisation de construire) n’étaient pas remplies.

7) Par acte du 14 octobre 2016, de nombreux copropriétaires de l'immeuble sis __, __ et __ chemin de C______ au B______ – dont plusieurs avaient peu de temps auparavant déposé auprès du Tribunal de première instance, contre la fondation, une action en cessation de l’atteinte fondée sur les art. 679 et 684 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) en raison de l’usage du local – ont sollicité du TAPI, sous la plume de leur conseil, qu'il ordonne leur appel en cause dans la procédure. Au fond, ils concluaient, principalement, à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement, à la confirmation de l'ordre du DALE de déposer une demande d'autorisation de construire.

8) Dans sa réplique du 3 novembre 2016, la fondation a persisté dans les conclusions de son recours.

9) Par jugement du 15 novembre 2016 – non frappé d’un recours –, le TAPI a rejeté l’appel en cause formé le 14 octobre 2016.

10) Par jugement du 12 janvier 2017 notifié le lendemain à la fondation, le TAPI a déclaré irrecevable le recours interjeté le 8 août 2016 par celle-ci contre la décision du DALE du 27 (recte : 21) juillet 2016 et a mis à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-.

La recourante, à qui il incombait de motiver son recours, n'avait pas prétendu que la décision attaquée lui causerait un préjudice irréparable au sens de l’art. 57 let. c LPA. En tout état de cause, les coûts liés à une telle procédure pourraient certes lui être épargnés si le tribunal statuait immédiatement sur les questions qui étaient posées dans son recours. Il ne s'agissait toutefois pas d'un préjudice juridique.

S'agissant de la seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA, bien que l'admission du présent recours mettrait effectivement fin au litige, aucun élément ne permettait en revanche de retenir en l'état que la procédure d'autorisation de construire requise nécessiterait des mesures probatoires longues et coûteuses.

Au vu de ces éléments, le grief relatif au prétendu défaut de motivation du département souffrirait de demeurer ouvert.

11) Par acte expédié le 13 février 2017 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), la fondation a formé recours contre ce jugement, concluant, « avec suite de frais et dépens », à l’annulation de celui-ci ainsi que de la décision du département du 21 juillet 2016, à la constatation que l’utilisation par elle de son local était conforme à l’affectation de ce dernier, à la constatation qu’elle était en droit, sans solliciter ni obtenir du DALE un changement d’affectation, de continuer d’utiliser son local comme elle l’avait fait jusqu’à présent et comme décrit dans le présent recours, enfin au déboutement de l’intimé et de tout intervenant de toutes autres conclusions.

Il était absolument certain qu’effectivement, une décision du TAPI sur décision incidente permettrait d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

12) Par courrier du 20 février 2017, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative, sans formuler d’observations.

13) Dans sa réponse du 21 février 2017, le DALE a transmis son dossier à la chambre administrative comme demandé par celle-ci.

14) Par lettre du 23 février 2017, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Est litigieux l’ordre donné par l’intimé au recourant de requérir une autorisation de construire relative au changement d’affectation du local « d’une onglerie en lieu de culte ».

3) Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé modifier même partiellement la destination d’une construction ou d’une installation (art. 1 al. 1 let. b LCI).

4) a. Dans deux arrêts récents, (ATA/526/2016 et ATA/527/2016 du 21 juin 2016, consid. 2), la chambre administrative a précisé les contours de l’intervention du département lorsqu’il ordonne de requérir une autorisation de construire.

Lorsque le département constate qu’une construction a été érigée sans droit, il peut inviter l’intéressé à déposer une autorisation de construire, ce qui peut constituer une alternative à une remise en état. Cela ne présuppose toutefois pas que l’autorisation de construire sera délivrée. Cette invite n’est pas une décision (ATA/1258/2015 du 24 novembre 2015 consid. 3 et ATA/544/2014 du 17 juillet 2014).

Toutefois, lorsque l’intéressé, précédemment invité à déposer une demande d’autorisation de construire pour régulariser la situation, ne s’y conforme pas, ni ne détruit la construction querellée, le département prononce une décision, sujette à recours, conformément aux art. 129 et 130 LCI (ATA/526/2016 et ATA/527/2016 du 21 juin 2016, consid. 2).

b. Une décision qui confirme l'obligation faite à une recourante de déposer des requêtes en autorisation de construire ne met pas fin à la procédure et revêt un caractère incident (arrêts du Tribunal fédéral 1C_92/2017 du 15 février 2017 ; 1C_390/2016 et 392/2016 du 5 septembre 2016 ; 1C_386/2013 du 28 février 2014 consid. 1.2).

5) Sont susceptibles d’un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

6) L’art. 57 let. c LPA a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 p. 190 ss ; 133 II 629 consid. 2.3.1 p. 631). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; ATF 127 II 132 consid. 2a p. 126 ; 126 V 244 consid. 2c p. 247ss ; 125 II 613 consid. 2a p. 619 ss). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 précité consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 p. 631 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/231/2017 du 22 février 2017 ; ATA/385/2016 du 3 mai 2016 ; ATA/64/2014 du 4 février 2014).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 p. 95).

7) En l’espèce, le DALE, par sa lettre du 21 juillet 2016, a ordonné à la fondation de requérir, dans un délai de trente jours, une autorisation de construire relative au changement d'affectation. Il est clairement ordonné de requérir, dans un délai de trente jours, une autorisation de construire relative au changement d’affectation sur la base des art. 129 ss LCI et la voie de recours est indiquée. Il ne s’agit pas d’une simple invite, ce d’autant moins que ce courrier fait suite à l’exercice préalable par le recourant de son droit d’être entendu.

Conformément aux principes rappelés ci-dessus, il s’agit d’une décision incidente sujette à recours dans le délai de dix jours, comme dûment mentionné sur la décision querellée.

Le recourant se trompe sur l’objet du présent litige, lequel se limite à l’obliger au dépôt d’une requête, sans aucunement préjuger de la décision finale. Il appartient en effet à l’autorité d’établir les faits d’office (art. 19 LPA) et de réunir les renseignements pour fonder sa décision (art. 20 al. 1 LPA).

De surcroît, il n’est pas exclu qu’à l’issue de l’instruction de la demande d’autorisation de construire, le département considère qu’il n’y a pas de changement d’affectation (dans ce sens arrêt du Tribunal fédéral 1C_470/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2.2).

Le recourant conserve par ailleurs la possibilité de recourir contre la décision que prendra le département après instruction, s’il l’estime infondée, cas échéant en contestant à ce stade la soumission à autorisation.

En tout état, l’ordre de déposer une requête en autorisation n’impose que de simples démarches administratives.

Compte tenu de ce qui précède, le recourant ne démontre pas l’existence d’un préjudice irréparable, qu’il n’invoque d’ailleurs même pas.

8) Se pose la question de la seconde hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA, à savoir si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

La présente procédure ne permet précisément pas de trancher la question de fond. À défaut du dépôt d’une requête formelle et de l’instruction du dossier par le département, aucune autorité ne peut se prononcer valablement. C’est précisément pour ce motif que le département a ordonné le dépôt d’une requête formelle.

De surcroît, dans ce dossier, le dépôt de la requête ne nécessite pas l’élaboration d’un travail démesuré ou excessivement coûteux.

La question de savoir si l’autorisation peut être délivrée n’est en conséquence pas l’objet du présent litige.

La présente procédure de recours n’étant dès lors pas susceptible de déboucher sur une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA in fine), la seconde hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA n’est pas réalisée.

9) Les conditions de l’art. 57 let. c LPA n’étant pas remplies, c’est à juste titre que le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

En définitive, le recours, manifestement mal fondé, sera rejeté sans instruction (art. 72 LPA).

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 février 2017 par la Fondation A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 janvier 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la Fondation A______ un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine Boesch, avocat de la recourante, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :