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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3221/2021

ATA/216/2022 du 01.03.2022 ( PROC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3221/2021-PROC ATA/216/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er mars 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse

et

COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE



EN FAIT

1) a. Le 1er juillet 2020, le Conseil d'État a ordonné l'ouverture d'une enquête administrative ainsi que la suspension provisoire avec traitement, à l'encontre de Monsieur A______, maître d'éducation physique au cycle d'orientation, suite à des allégation d'élèves quant à son comportement à leur égard.

M. A______ avait déjà contesté l'intégralité des allégations et déposé des plaintes pénales pour dénonciation calomnieuse, voire calomnie ou diffamation à l'encontre des élèves concernées.

b. Par courrier du 9 avril 2021, M. A______ a demandé la prise en charge des frais de procédure et d'honoraires d'avocat concernant les procédures pénales et administratives.

c. Par arrêté du 5 mai 2021, le Conseil d'état a clôturé l'enquête administrative et transmis le dossier au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département) afin qu'il détermine si une sanction disciplinaire devait être prononcée et a mis fin à la suspension provisoire.

d. Le 10 mai 2021, le département a informé M. A______ qu'aucune sanction disciplinaire ne serait prise à son encontre.

e. Le 1er juin 2021, le département a informé l'intéressé de la prise en charge des frais de la procédure pénale dirigée contre lui et de celles dirigées contre les élèves. Il l'a également informé de son refus de prendre en charge les frais de procédure et honoraires d'avocat dans le cadre de la procédure administrative qu'il avait initiée.

2) a. Parallèlement, le 20 novembre 2019, M. A______ a recouru auprès du Conseil d'État contre une décision du département du 18 octobre 2019, par laquelle celui-ci refusait d'entrer en matière sur une demande de prise en charge de frais et d'honoraires d'avocat relatifs à la procédure pénale initiée par le recourant à l'encontre d'élèves et ceux relatifs à la procédure administrative.

b. Le Conseil d'État ayant rejeté le recours par arrêté du 19 août 2020, M. A______ a interjeté recours le 21 septembre 2020 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative).

Il a conclu à l'annulation de l'arrêté du Conseil d'état du 19 août 2020, à l'annulation de la décision de la conseillère d'état en charge du DIP du 18 octobre 2019 et à ce qu'il soit dit que les frais de défense induits par les accusations infondées des élèves soient pris en charge par l'État, à la constatation que le refus de son transfert portait atteinte à sa personnalité ; à ce qu'il soit ordonné à l'autorité intimée de le transférer immédiatement dans un autre établissement ; à la condamnation de l'autorité intimée à une indemnité équitable valant participation aux honoraires d'avocat. Le mémoire de son conseil comptait seize pages et renvoyait, s'agissant des faits, au recours déposé devant le Conseil d'état.

3) Par arrêt du 6 juillet 2021 (ATA/720/2021), la chambre administrative a rejeté le recours, qui ne portait plus que sur la prise en charge des frais et honoraires de la procédure administrative, vu la décision du département du 1er juin 2021 admettant la prise en charge des frais et honoraires des procédures pénales.

La chambre administrative a mis un émolument de CHF 250.- à la charge de M. A______ et n'a pas alloué d'indemnité de procédure.

4) M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt de la chambre administrative le 14 septembre 2021 (cause 8C_630/2021).

5) Par acte remis à la poste le 14 septembre 2021, M. A______ a élevé réclamation auprès de la chambre administrative contre l'arrêt du 6 juillet 2021 de la chambre administrative (ATA/720/2021), concluant à ce qu'une indemnité de CHF 4'500.- lui soit allouée, à la charge de l’État de Genève, compte tenu de l'activité déployée par son conseil. Outre la rédaction d'un acte de recours devant le Conseil d'état puis devant la chambre administrative, une audience s'était tenue, ce qui représentait en totalité 20 heures d'activité. L'indemnité réclamée correspondait à la moitié du coût induit.

Il avait obtenu gain de cause sur la question de la prise en charge des frais relatifs à toutes les procédures litigieuses sauf la procédure administrative. Sur la question de sa suspension, le département avait reconsidéré sa décision injustifiée lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 25 février 2021.

6) Le 5 novembre 2021, le département a souligné que l'émolument fixé à CHF 250.-, modeste, tenait bien compte du fait que seule la question de la prise en charge des frais de procédure et honoraires d'avocat relatifs à l'enquête administrative devait encore être tranchée par l'autorité judiciaire. Le recours ayant été rejeté sur ce point, il était parfaitement justifié de faire supporter au recourant les frais inhérents à la procédure qu'il avait initiée, étant par ailleurs précisé qu'il n'avait jamais été privé de son salaire, suffisant pour faire face à ce genre de dépense.

Le rejet du recours justifiait également l'absence d'octroi d'une indemnité de procédure. Subsidiairement, le montant avancé dans la réclamation était beaucoup trop élevé au regard du plafond fixé et de la pratique judiciaire en la matière.

Il concluait au maintien de l'émolument et contestait l'octroi d'une indemnité de procédure et subsidiairement son montant.

7) Le 24 novembre 2021, M. A______ a répliqué.

Il se justifiait de l'indemniser pleinement, le risque de toute erreur commise par l'autorité publique devant être supporté par l'État lui-même, selon la jurisprudence de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

L'autorité intimée était de mauvaise foi puisqu'elle avait spontanément revu sa décision sur plusieurs aspects, lui donnant ainsi gain de cause.

Une indemnité au titre de la procédure de réclamation était due, compte tenu de la « violence institutionnelle » que les remarques de l'autorité intimée continuaient d'alimenter.

8) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetée en temps utile devant la juridiction compétente, la réclamation est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ – E 2 05).

2) a. La juridiction administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, conformément au principe de la proportionnalité, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.- pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire (art. 87 al. 2 LPA et 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03 ; ATA/581/2009 du 10 novembre 2009 et les références citées). En dépit d'une formulation potestative, la jurisprudence reconnaît aux parties un véritable droit à l'allocation de dépens (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2016 consid. 5 ; ATA/41/2008 du 5 février 2008 consid. 9).

b. La juridiction saisie dispose d’un large pouvoir d’appréciation également quant à la quotité de l’indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat (ATF 111 V 48 consid. 4a ; ATA/334/2018 du 10 avril 2018), ce qui résulte aussi, implicitement, de l’art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l’indemnité à CHF 10'000.-. Enfin, la garantie de la propriété (art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) n'impose nullement une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_172/2016 du 16 août 2016 consid. 4.5).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les décisions des tribunaux en matière de frais et dépens n’ont pas à être motivées, l’autorité restant néanmoins liée par le principe général de l’interdiction de l’arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b ; 111 Ia 1).

c. La fixation des dépens implique une appréciation consciencieuse des critères qui découlent de l'esprit et du but de la réglementation légale (ATF 107 Ia 202 consid. 3 ; arrêts 1C_435/2015 du 17 septembre 2015 consid. 3 ; 1P.63/2005 du 22 mars 2005 consid. 3). Elle s'effectue en fonction des circonstances particulières de chaque cas d'espèce, tenant compte notamment de la nature et de l'importance de la cause, du temps utile que l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre d'audiences auxquelles il a pris part, des opérations effectuées et du résultat obtenu (ATF 122 I 1 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_35/2016 du 21 avril 2017 consid. 6.2 ; 2C_825/2016 du 6 février 2017 consid. 3.1).

3) À l'appui de sa réclamation, le recourant invoque la jurisprudence de la CEDH rappelant le principe selon lequel le risque de toute erreur commise par l'autorité publique doit être supporté par l'État lui-même (ACEDH Zustovic c. Croatie du 22 avril 2021 requête no 27903/15).

Cette argumentation tombe à faux, la vocation de l'indemnité de procédure, comme vu ci-dessus, n'étant pas celle de compenser ou d'indemniser les atteintes que le recourant aurait subies selon lui de l'autorité publique (ATA/306/2021 du 9 mars 2021 consid. 4).

4) Pour le reste, le recours déposé par le recourant contre un arrêté du Conseil d'État du 19 août 2020 a été rejeté par la chambre administrative, ce qui, a priori ne lui confère aucun droit à des dépens puisqu'il n'a eu ni entièrement, ni partiellement gain de cause, comme l'exige l'art. 87 al. 2 LPA pour que les frais indispensables occasionnés par la procédure puissent donner lieu au versement d'une indemnité.

Toutefois, le recourant fait valoir qu'il a obtenu gain de cause sur plusieurs de ses conclusions, en cours de procédure. Ainsi, il aurait obtenu la prise en charge par l'État de ses frais et honoraires d'avocat dans les procédures pénales ainsi que l'entrée en matière sur sa demande de transfert dans un autre établissement scolaire.

Ce raisonnement ne saurait être suivi. En effet, la décision du Conseil d'État de prendre en charge les frais et honoraires dans les procédures pénales a été prise dans le cadre de l'enquête administrative, laquelle a été ouverte le 1er juillet 2020 et clôturée par arrêté du 5 mai 2021. Le recourant avait demandé à nouveau que ces montants soient pris en charge le 9 avril 2021 par un courrier adressé au Conseil d'État. Il ne peut donc être retenu que c'est grâce à l'activité déployée par son conseil dans la procédure ouverte devant la chambre de céans qu'il a obtenu gain de cause sur ce point.

S'agissant de sa conclusion visant à ce que la chambre administrative ordonne à l'autorité intimée de le transférer immédiatement dans un autre établissement, dont la recevabilité qui est disputée n'a pas été examinée, le recours étant devenu sans objet sur ce point, le recourant fait valoir qu'au cours de l'audience du 25 février 2021, le département avait indiqué qu'il n'était pas opposé à ce qu'il aille enseigner ailleurs, ce qui prouverait qu'il avait obtenu gain de cause sur ce point.

Or, lors de l'audience de comparution du 25 février 2021, le département a indiqué également que selon le résultat de l'enquête administrative, il se déterminerait à nouveau sur l'ensemble des requêtes du recourant, ce qu'il a fait dans sa décision du 1er juin 2021. L'autorité intimée a encore précisé qu'à la date de l'arrêté contre lequel l'intéressé avait recouru, il n'avait pas encore les réponses lui permettant de se prononcer sur les requêtes du recourant.

Il convient de rappeler ici que la décision du 1er juin 2021, ainsi que l'enquête administrative ne faisaient pas l'objet du recours, lequel portait uniquement sur une décision de refus des requêtes du recourant, rendue le 18 octobre 2019 par le département, avant l'ouverture de l'enquête administrative et confirmée par le Conseil d'État le 19 août 2020.

Le raisonnement du recourant ne peut donc être suivi et il n'est pas possible de considérer qu'il a obtenu partiellement gain de cause devant la chambre administrative par son recours.

Il s'ensuit que la réclamation sur indemnité sera rejetée.

5) Aucun émolument ne sera perçu pour la réclamation (art. 87 al. 1 LPA) et, vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation déposée le 14 septembre 2021 par Monsieur A______ contre l'arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 6 juillet 2021 ;

au fond :

la rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure pour la présente cause ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :