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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2188/2007

ATA/41/2008 du 05.02.2008 ( CM ) , ADMIS

Recours TF déposé le 19.03.2008, rendu le 29.05.2008, REJETE, 1C_123/2008
Descripteurs : ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; ÉLECTION(DROITS POLITIQUES) ; DROITS POLITIQUES ; VOTATION(DROITS POLITIQUES) ; LIBERTÉ D'EXPRESSION
Normes : Cst.34.al2 ; Pacte II.25.letb ; LEDP.21 ; LEDP.63
Résumé : Annulation de l'élection administrative complémentaire dans la commune de Vernier. L'opération électorale n'a pas été l'expression fidèle et sûre de la volonté des électeurs.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2188/2007-CM ATA/41/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 5 février 2008

dans la cause

 

Madame Maja LUSCHER
représentée par Me François Haddad, avocat

et

Monsieur Georges ZUFFEREY

et

ASSOCIATION LIBÉRALE DE VERNIER

représentés par Me Olivier Jornot, avocat

contre

MOUVEMENT CITOYENS GENEVOIS

et

COMMUNE DE VERNIER

représentée par Me David Lachat, avocat

et

CONSEIL D’ÉTAT

et

Monsieur Thierry CERUTTI, appelé en cause

représenté par Me Mauro Poggia, avocat

 



EN FAIT

I. Procédures administratives

1. Le 3 juin 2007, une élection complémentaire a eu lieu dans la commune de Vernier pour la désignation du troisième membre du Conseil administratif de celle-ci. Trois candidats s’étaient présentés, soit Madame Nelly Buntschu (Parti du Travail), Monsieur Thierry Cerutti (Mouvement citoyens genevois - ci-après : MCG) et Monsieur Georges Zufferey (Parti Libéral).

2. Les résultats de cette élection complémentaire ont été les suivants :

Electeurs inscrits

21’034

Bulletins retrouvés

6’267

Bulletins blancs

59

Bulletins nuls

105

Participation

29.79%

 

 

T. Cerutti

G. Zufferey

N. Buntschu

Vernier

2’474

2’290

1’339

1. Village

520

688

221

2. Châtelaine

719

503

408

3. Aïre

645

780

470

4. Avanchets

590

319

240

Pourcentages

40.54%

37.52%

21.94%

3. Par lettre datée du 6 juin 2007 et remise à la succursale de Châtelaine de l’entreprise La Poste le même jour, Madame Maja Luscher a recouru contre le résultat de l’opération électorale précitée.

Elle conclut au fond à l’annulation de cette élection, à l’organisation d’un nouveau scrutin et à l’octroi de frais de dépens. A titre préalable, elle requiert le Tribunal administratif d’ordonner au département des institutions (ci-après : DI), la production des lettres reçues à propos de cette élection et l’audition d’un témoin.

Il avait été signalé à cette électrice que des représentants du MCG s’étaient rendus chez les électeurs et s’étaient fait remettre le matériel de vote de ces derniers lorsque ceux-ci avouaient ne pas l’utiliser. Un gendarme avait été observé entrant dans des immeubles au moyen d’une clé « passe-partout » pour y coller des affichettes de propagande en faveur de M. Cerutti.

L’article 34 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) donnait à tout citoyen la faculté d’exiger que le résultat d’une votation ne soit reconnu que s’il était l’expression fidèle et sûre de la libre volonté du corps électoral. Si des irrégularités avaient été constatées, elles n’entraînaient l’annulation du scrutin que s’il était possible d’envisager un lien de causalité entre le vice allégué et le résultat.

Dans le cas de la commune de Vernier, le MCG avait, premièrement, utilisé les armoiries officielles de cette collectivité publique, comportement prohibé par l’article 31 alinéa 3 de la loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 (LDP - RS 161.1), ainsi que cela avait été constaté par décision du 31 mai 2007 (ATA/272/2007). Deuxièmement, des militants du MCG s’étaient fait remettre le matériel électoral de certains citoyens et troisièmement, un gendarme avait été observé à une reprise au moins, utilisant une clé « passe-partout » pour apposer du matériel de propagande dans l’entrée d’un immeuble.

La conjugaison de ces trois éléments avait pu influencer l’issue du scrutin, hypothèse qui suffisait pour en obtenir l’annulation sur le vu des résultats serrés.

4. Le 7 juin 2007, le juge délégué à l’instruction de la cause a requis le Conseil d’Etat de prendre toutes les mesures nécessaires afin de conserver les registres, cartes de vote et bulletins concernant l’opération électorale litigieuse. Ledit conseil était également invité à se déterminer sur le caractère préjudiciel de l’enquête qu’il pourrait ordonner.

5. Le 11 juin 2007, un avocat s’est constitué pour la défense des intérêts de Mme Luscher.

6. Par acte expédié le 11 juin 2007, l’association libérale de Vernier (ci-après : l’association ou l’ALV) et M. Zufferey, domicilié sur le territoire de cette commune et candidat à l’élection litigieuse, ont déposé un recours contre celle-ci. Ils concluent au fond à l’annulation de l’élection, avec suite de frais et dépens. A titre préalable, ils demandent la suspension de la procédure jusqu’au terme de l’instruction préliminaire diligentée par le Procureur général et à l’apport du dossier de celle-ci à la procédure administrative.

Les élections au Conseil administratif de la ville de Vernier avaient eu lieu les 29 avril et 3 juin 2007. 184 voix séparaient M. Cerutti, qui en avait obtenu 2'474, de M. Zufferey, qui en avait reçu 2'290. Le 6 juin 2007, le Conseil d’Etat avait refusé de valider l’élection, motif pris des irrégularités dénoncées par certains citoyens. Des bulletins auraient été récoltés directement chez les électeurs et des membres des forces de l’ordre, en uniforme, auraient procédé à du démarchage à domicile. Tant M. Zufferey, candidat, que l’association libérale de Vernier, parti politique actif dans la commune, disposaient de la qualité pour agir. Le résultat d’une élection ne devait être reconnu que s’il traduisait de manière fidèle et sûre la volonté librement exprimée du corps électoral. C’est ainsi que le vote par correspondance anonyme avait été interdit par la jurisprudence du Tribunal fédéral et s’il était avéré que des tiers avaient fait signer des cartes d’électeurs aux intéressés, ces garanties auraient été violées. De surcroît, le MCG avait utilisé les armoiries officielles de la commune de Vernier. Sur le vu du très faible écart séparant les deux candidats les mieux placés lors du second tour, il était vraisemblable que le résultat du scrutin avait été vicié par les actes dénoncés.

7. Le 13 juin 2007, le Conseil d’Etat s’est déterminé. Il a confirmé avoir pris toutes les mesures nécessaires en vue de conserver les registres, cartes de vote et bulletins relatifs à l’opération électorale litigieuse. Il n’entendait pas mener une enquête pouvant avoir une portée préjudicielle et était opposé à la suspension de la procédure en cours par-devant le Tribunal administratif, sauf s’il s’agissait d’attendre le terme de l’instruction préliminaire diligentée par le Parquet du Procureur général.

8. Par lettre du 13 juin 2007 reçue au greffe du tribunal le lendemain, M. Cerutti a demandé à « intervenir » dans la procédure.

9. Le 14 juin 2007, le juge délégué a interpellé le Procureur général afin qu’il l’informe d’une éventuelle instruction préliminaire et du calendrier des opérations qu’il entendait ordonner.

10. Par lettre du 18 juin 2007, le Procureur général a informé le juge délégué qu’il avait ordonné l’ouverture d’une instruction préparatoire du chef d’infraction à l’article 282 bis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), du chef de captation de suffrages, sous le numéro P/8701/2007, confiée à un juge de l’instruction.

11. Par décision du 22 juin 2007, le président du Tribunal administratif a ordonné la jonction des causes nos A/2188/2007 et A/2286/2007 sous le n° A/2188/2007 et a suspendu la procédure au motif qu’il convenait de faire application de l’article 14 alinéa 1er de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) du fait de la procédure pénale en cours. A la reprise de la procédure administrative, les parties seraient invitées à se déterminer sur la requête d’appel en cause déposée par le candidat ayant obtenu le plus de voix lors de l’opération électorale contestée.

12. Le 17 septembre 2007, le juge délégué à l’instruction de la cause a prié le juge d’instruction chargé de la procédure pénale de lui remettre en prêt le dossier de celle-ci, dont le contenu est repris sous chiffre II.

13. Le 24 septembre 2007, la reprise de la procédure a été prononcée.

14. Par lettres des 28 septembre, 4 et 10 octobre 2007, Mme Luscher, M. Zufferey, l’association et le Conseil d’Etat s’en sont rapportés à justice quant à la demande d’appel en cause formée par M. Cerutti.

Le 9 octobre 2007, le MCG a conclu à l’appel en cause de l’intéressé.

Le 12 octobre 2007, la commune de Vernier s’est opposée à l’appel en cause.

Par décision du 12 octobre 2007, le Tribunal administratif a ordonné l’appel en cause de M. Cerutti et a invité les parties à compléter leurs écritures dans un délai au 2 novembre 2007 pour les recourants et au 23 du même mois pour les intimés.

15. Le 2 novembre 2007, Mme Luscher a déposé des écritures. Il ressortait de la procédure pénale que dans un nombre significatif d’immeubles locatifs, des individus s’étaient livrés à du porte-à-porte pour faire de la propagande en faveur d’un candidat, mais également pour pousser les électrices et électeurs à leur remettre leur matériel de vote après signature de la carte, voire de celle de membres de leur famille. Dans trente-six cellules familiales, le juge d’instruction avait mis en évidence dix cas dans lesquels le matériel de vote avait été remis à ces démarcheurs. Dans onze cas, l’un des membres de la famille avait signé les cartes de vote des autres membres de cette même famille. De tels comportements étaient prohibés par l’article 282bis CP, incrimination introduite dans le code pénal par loi du 9 avril 1995 afin de prévenir les abus de suffrage par correspondance. Au stade où en était alors l’instruction pénale, on pouvait retenir que dix-sept suffrages avaient été captés du fait que la carte de votation avait été signée par un membre de la famille de l’électrice ou l’électeur, deux cas dans lesquels les électrices concernées disaient n’avoir pas voté et vingt-trois cas d’influence illicite. Dans le cadre de la procédure par-devant le Tribunal administratif, il ne s’agissait pas de déterminer qui étaient les auteurs des irrégularités mais si le libre choix des électeurs avait été respecté. Or, M. Cerutti avait admis devant le juge d’instruction qu’il avait eu des contacts avec nombre de concierges auxquels il avait demandé le matériel électoral que ceux-ci avaient pu trouver dans les poubelles. Les intentions des auteurs de tels actes étaient indifférentes, car ces derniers étaient constitutifs d’irrégularités de la procédure électorale même si les auteurs avaient agi par excès de zèle.

16. Le 2 novembre 2007, l’association et M. Zufferey se sont également déterminés. Des témoins entendus par le juge d’instruction avaient exposé le comportement de tiers, venus chercher leur matériel électoral, et qui leur avaient demandé de signer les cartes soit pour eux-mêmes, soit pour des membres de leur famille. Un concierge avait expliqué qu’un candidat lui avait demandé si beaucoup de gens jetaient leur enveloppe de vote sans les ouvrir et lui avait remis une carte comportant des numéros de téléphone afin de récolter le matériel de vote distribué pour le second tour. Les résultats de l’élection du 3 juin 2007 ne traduisaient pas d’une manière fidèle et sûre la volonté librement exprimée du corps électoral. Des individus étaient intervenus systématiquement pour récolter des cartes de vote en trompant les électeurs et en les incitant à les signer pour des membres de leur famille. Ces faits étaient constitutifs d’une violation de l’article 34 Cst. Comme seules 184 voix séparaient M. Cerutti de M. Zufferey, il y avait lieu d’annuler l’opération électorale.

17. Le 20 novembre 2007, la commune de Vernier s’en est rapporté à justice.

18. Le 23 novembre 2007, le Conseil d’Etat a invité le tribunal de céans « à donner aux graves constatations que la procédure pénale avait permis de mettre à jour la suite qu’elle comportait ».

184 voix séparaient M. Cerutti du second candidat et les faits établis par le juge d’instruction permettaient de considérer que le vote ne traduisait pas d’une façon fidèle et sûre la volonté du corps électoral.

19. Le 23 novembre 2007, M. Cerutti a répondu aux recours, dont il a demandé le rejet avec suite de dépens. Ces deux actes avaient un caractère politique et visaient à empêcher l’arrivée au Conseil administratif de la ville de Vernier d’un élu qui n’appartenait pas à un parti traditionnel. Entre le 29 mai et le 6 juin 2007, trois personnes, soit Mesdames A B_____, A D______ et C R_____, s’étaient adressées respectivement au service des élections et votations, au Tribunal administratif et au Procureur général pour signaler que des personnes rendaient visite aux électeurs de la commune pour leur demander leur matériel de vote, respectivement pour exposer que des agents en uniforme distribuaient dans les immeubles le matériel électoral de M. Cerutti. Le Procureur général avait été saisi le 7 juin 2007 par le Conseil d’Etat en charge du DI et le dossier avait été transmis à un juge d’instruction, qui avait commencé les auditions le 14 juin 2007.

Il ressortait de l’instruction pénale préalable que certains des électeurs de la commune concernée avaient signé la carte de vote de membres de leur famille et avaient remis ce matériel à des inconnus s’étant présentés à leur porte  : il s’agirait de Mesdames AN______, S AJ___, des époux MO P____, de Madame T______, de Monsieur M______, de Madame H_____, de Madame AJD______. Il y aurait eu donc dix-huit cas de carte de vote signée non par le destinataire de celle-ci mais par un tiers. Rien ne permettait d’attribuer à M. Cerutti ou au mouvement politique auquel il appartenait de tels agissements. Un déplacement de dix-huit voix alors qu’il l’avait emporté sur le second candidat de 184 voix ne permettait pas de conclure à une falsification du résultat de l’élection.

20. Le 27 novembre 2007, les parties ont été convoquées à une audience de comparution personnelle appointée au vendredi 21 décembre 2007.

Le 14 décembre 2007, un avocat s’est constitué pour la défense des intérêts de la commune de Vernier.

21. Le 21 décembre 2007, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle.

a. Mme Luscher a déclaré persister dans ses écritures. Elle n’avait pas été le témoin direct des procédés décrits dans sa lettre. Elle avait mis en relation le porte-à-porte avec des agissements de représentants du MCG  ; cela lui avait été rapporté par une tierce personne. S’agissant de l’usage d’une clé passe-partout, elle l’avait mise en relation avec la campagne pour M. Cerutti, car il lui avait été rapporté que les mêmes personnes collaient des affiches pour ce candidat.

Au moment du dépôt de son recours le 6 juin 2008, elle n’avait pas été informée que des demandes de duplicata avaient été déposées auprès du service des votations et élections pour que le matériel de vote soit réexpédié.

Lorsqu’elle distribuait des tracts pour le Parti des Verts, de nouveaux électeurs lui avaient dit avoir reçu la visite de personnes leur indiquant ce qu’il fallait voter. Elle leur avait montré des bulletins et ces personnes avaient reconnu celui du MCG, parti pour lequel ils avaient ainsi voté.

b. M. Zufferey, membre de l’association libérale de Vernier, a exposé que sa propre campagne avait été menée au moyen de stands disposés à certains endroits de la commune et par le biais de tracts. Aucun des militants de son parti n’avait fait de porte-à-porte et un tel procédé n’était pas dans leurs habitudes. L’ALV n’avait pas pris de mesure particulière à l’égard de l’électorat nouveau constitué par les étrangers. Au cours de la campagne, il n’avait pas été le témoin direct de faits de la nature de ceux instruits sur le plan pénal et n’avait pas non plus été approché par des citoyens qui lui auraient relaté de tels faits. A sa connaissance, de tels agissements n’avaient jamais été reprochés à d’autres partis actifs sur le territoire de la commune.

Il y vivait depuis une trentaine d’années et à son souvenir, il n’y avait jamais eu de second tour pour l’élection au Conseil administratif. Lui-même, sortant, avait été élu au premier tour lors de l’élection précédente.

L’intéressé a encore déclaré persister dans ses écritures.

c. Madame Monique Mattenberger, présidente de l’ALV, a confirmé les conclusions prises par cette association. Il ne lui avait pas été rapporté de faits semblables à ceux décrits dans la procédure pénale lors de la campagne électorale, alors même qu’elle y avait participé de manière active. Son association avait décidé le dépôt d’un recours après avoir eu connaissance des résultats de l’élection.

d. Représentant le Conseil d’Etat, Monsieur Frédéric Scheidegger a exposé que cette autorité s’en rapportait à justice, mais qu’elle considérait néanmoins que la volonté de l’électorat n’avait pas pu être constatée. Sur la base des dénonciations reçues, le Conseil d’Etat avait considéré qu’il ne pouvait valider l’élection et était d’avis que la procédure pénale avait renforcé le lien entre les agissements dénoncés, comme le porte-à-porte, et M. Cerutti.

Sur question du tribunal, M. Scheidegger a confirmé que les cartes de vote des personnes qui s’étaient rendues au local de vote avaient été détruites, mais que leur nombre était faible par rapport à l’ensemble des suffrages exprimés.

e. Agissant pour la commune de Vernier, Monsieur Apothéloz, conseiller administratif élu, a déclaré que la commune persistait dans ses écritures et s’en rapportait à justice. Lors de rencontres avec des habitants des quartiers de Vernier-Village et des Libellules, avant le premier tour, il lui avait été rapporté une campagne très active du MCG, mais il ne lui avait pas été décrit de faits semblables à ceux contenus dans la procédure pénale. Il n’avait pas donné de consignes au personnel communal pour aller chercher du matériel de vote remis aux électeurs. A sa connaissance, aucun des membres du Conseil administratif n’avait donné de telles instructions et il ne lui avait pas été rapporté par un agent municipal que Mme Buntschu, qui était en charge de ces derniers, aurait donné de tels ordres. Aucun des militants de son propre parti n’avait fait de porte-à-porte et il lui avait semblé que l’ensemble des autres, hormis le MCG, utilisait des moyens ordinaires de propagande, comme les stands et les tracts.

Du fait de l’accession de certaines personnes de nationalité étrangère au droit de vote, le corps électoral de la commune avait passé d’environ douze mille à vingt mille personnes. Il avait été organisé le 4 septembre 2006 une soirée d’information à laquelle avaient assisté environ sept cents personnes, invitées sur la base d’une liste d’adresses des nouveaux électeurs étrangers fournie par le service des votations et élections. L’ensemble du Conseil administratif sortant, soit M. Zufferey, Mme Buntschu et M. Apothéloz, était présent et les partis ayant alors des élus au conseil municipal étaient représentés. Lors de cette manifestation, il n’avait pas été prévu de présentation du matériel électoral courant.

f. Le MCG a été entendu par la voix de Monsieur Jost, son président. Il n’était pas domicilié sur le territoire de la commune de Vernier et n’avait pas participé personnellement à la campagne proprement dite, son rôle s’étant limité à l’impression de papillons. Il n’avait pas non plus participé à des séances formelles avec des personnes qui aidaient M. Cerutti dans sa campagne. L’arrivée de nouveaux électeurs, de nationalité étrangère, avait été discutée mais le MCG n’avait pas conçu de campagne particulière à leur égard.

Le MCG conclut au rejet du recours.

g. M. Cerutti a exposé que pour l’élection au Conseil administratif, il avait été décidé de faire une campagne de proximité car le MCG ne disposait pas des mêmes moyens que les autres partis. Il avait fait lui-même - et seul - du porte-à-porte, car il ne se considérait pas comme suffisamment connu. Il avait appris que des tiers auraient mené une telle campagne lorsque le Conseil d’Etat avait décidé de suspendre la validation de son élection. Aucun membre ou sympathisant du MCG ne lui avait rapporté avoir pris des initiatives personnelles. Il avait fait du porte-à-porte dans le quartier des Avanchets avec Monsieur P K______ dans deux allées. Il était allé dans trois autres allées au Lignon, seul et durant une unique matinée, juste avant les fêtes de Pentecôte. Il avait appris par la procédure pénale que des tiers s’étaient rendus dans d’autres immeubles du Lignon pour y récolter du matériel de vote et que des cartes de visite à son effigie y avaient été distribuées. Il a expliqué que son matériel de campagne avait été disponible dans une vingtaine d’établissements publics ou de magasins, de même que dans deux vidéos-clubs. Il s’agissait de cartes de visite, comportant d’un côté sa photo et de l’autre le nom et le numéro de téléphone de personnes parlant des langues étrangères. Comme il avait laissé ses cartes à la libre disposition du public, il faisait l’hypothèse que des tiers les auraient prises et distribuées eux-mêmes.

Il avait subi une campagne très virulente, l’un de ses concurrents faisant la sienne sur le thème « tous sauf Cerutti ».

Les personnes qui avaient récolté des bulletins ne faisaient pas campagne pour le MCG et ne s’étaient pas présentées comme telles auprès des électeurs ; elles n’avaient pas de mandat en ce sens et il n’avait jamais demandé à personne de faire du porte-à-porte à sa place. Sa propre campagne avait été basée sur le thème du fairplay et lorsqu’il abordait des électeurs, il leur conseillait de voter sans faire de propagande à son égard. Il ignorait quelles étaient les personnes qui avaient voulu lui nuire en se faisant passer soit pour lui-même, soit pour son frère. La photo utilisée par le juge d’instruction dans le cadre de la procédure pénale pour le présenter aux témoins datait de 2005. Il devait donc être possible de trouver quelqu’un qui lui ressemble et qui soit reconnu par les témoins.

Lorsque le Tribunal administratif avait interdit par voie de mesures provisionnelles l’usage des armoiries de la ville de Vernier, le MCG s’était conformé à cet ordre et n’avait plus fait de campagne pour éviter tout quiproquo. Ainsi, le MCG était seul présent sur le terrain avant le premier tour et le seul parti absent lors des derniers jours précédents celui de l’élection.

M. Cerutti a répété n’avoir pas fait de porte-à-porte de manière illicite, ni avoir demandé à des tiers de le faire.

S’agissant de ses interventions auprès de concierges, il a exposé en avoir rencontré tous les jours mais n’en avoir questionné que trois à cinq pour savoir si du matériel électoral avait été jeté lors du premier tour. A ceux qui lui avaient répondu affirmativement, il leur avait demandé de prendre contact avec lui afin de rendre visite ensemble aux électeurs concernés pour leur exposer l’importance de leur vote. Cette idée était restée morte-née, car aucun concierge n’avait pris contact avec lui. Sa démarche était pédagogique et si le projet s’était réalisé, il aurait expliqué aux personnes concernées qui étaient les différents candidats, comme il l’avait fait au cours de sa campagne.

Il considérait que les dysfonctionnements litigieux n’avaient pas eu d’influence sur le résultat du scrutin, car l’écart des voix était de 3% et on ne savait pas en outre à qui les suffrages éventuels captés avaient profité.

Il ne comprenait pas pourquoi l’un des témoins interrogés par le juge d’instruction, Madame R Y_______, l’avait reconnu et il a confirmé également ne pas avoir rendu visite à un autre témoin, Madame BL____. Quand il était entré dans un immeuble des Avanchets, il avait profité de la sortie d’un habitant pour s’y introduire. Au Lignon, il était entré en même temps qu’un autre habitant. M. Cerutti a encore tenu à préciser que la méthode du porte-à-porte lui avait été recommandée par un politicien genevois qui la pratiquait lui-même. D’autres partis y avaient eu recours pour la même opération électorale sur le territoire d’autres communes.

22. Le 3 janvier 2008, le juge délégué à l’instruction de la cause a prié l’Association des Communes Genevoises de lui remettre le dépliant qu’elle avait confectionné à l’occasion des élections municipales dans le canton de Genève. Il s’agit d’un document A4 recto-verso, illustré, expliquant que les citoyennes et citoyens majeurs, domiciliés légalement en Suisse depuis plus de huit ans pouvaient voter dans la commune où ils résidaient. Quelques indications concernant l’organisation politique des communes en fonction de leur taille étaient encore fournies, de même que des adresses internet permettant de lire le même document dans neuf langues étrangères différentes. Un document semblable, établi par le DI et des relations extérieures du canton de Vaud, a également été fourni par l’Association des Communes Genevoises.

23. Le 11 janvier 2008, M. Zufferey et l’ALV d’une part, ainsi que le MCG, d’autre part, ont déposé des observations écrites.

24. M. Zufferey et l’ALV ont exposé que leurs écritures avaient pour seul objet de compléter leurs premières observations écrites du 2 novembre 2007. Depuis cette date, le juge d’instruction avait procédé à de nouvelles auditions.

Il était ainsi apparu que Monsieur J P______, entendu le 13 novembre 2007, avait indiqué avoir signé la carte de son épouse ainsi que celle de sa fille et les avoir remises à une personne s’étant présentée comme représentante de la commune de Vernier. Monsieur S P______ et Madame E D______ ont tous deux indiqué qu’une personne s’était rendue chez eux afin de réclamer leur carte de vote signée et qu’ils ne savaient pas pour qui ils avaient voté. L’expert en écritures avait établi que très vraisemblablement les dates de naissance de onze cartes de vote avaient été inscrites par la même personne et, enfin, le 12 décembre 2007, Mme R Y______, confrontée à M. Cerutti, avait confirmé que ce dernier s’était rendu chez elle afin de se faire remettre des cartes de vote.

Lors de l’audience de comparution personnelle des parties devant le Tribunal administratif du 21 décembre 2007, M. Cerutti avait admis que des irrégularités avaient été commises lors de la campagne précédant l’opération électorale du 3 juin 2007. Des personnes s’étaient rendues dans certains immeubles du Lignon pour récolter du matériel de vote alors que des cartes de visite à son effigie avaient été distribuées. Il ne savait pas qui étaient ces personnes et elles n’avaient pas de mandat en ce sens. Il avait d’ailleurs admis les mêmes faits dans sa réponse écrite du 23 novembre 2007. Ainsi, aucune des parties à la procédure par-devant le Tribunal administratif ne contestait l’intervention de tiers dans la campagne électorale.

Contrairement à ce que soutenait M. Cerutti dans ses observations du 23 novembre 2007, ce n’était pas dix-huit votes qui étaient nuls puisque le juge d’instruction, procédant par sondage, avait découvert plus de quarante bulletins remplis dans des circonstances litigieuses (cartes de vote remises à des tiers indéterminés, électeurs ayant voté pour des membres de leur famille et personnes ayant indiqué ne pas avoir voté du tout alors que leur carte de vote avait été signée et retournée au service des votations et élections (ci-après  : SVE). Il aurait été matériellement impossible que le juge d’instruction examine plus de six mille cartes de vote et contrairement à ce que soutenait M. Cerutti, peu importait de savoir à qui ces irrégularités avaient profité. La juridiction administrative devait seulement examiner, une fois des irrégularités avérées, si celles-ci avaient pu influencer de manière décisive le résultat du scrutin. Il était matériellement impossible d’interroger un par un tous les électeurs s’étant exprimés le 3 juin 2007, de sorte que seule une annulation du scrutin était envisageable.

Si le « porte-à-porte » était protégé par l’article 34 Cst, il en allait tout autrement de visites au cours desquelles des tiers se faisaient remettre le matériel de vote des personnes visées.

M. Zufferey et l’ALV persistaient ainsi dans leurs conclusions en annulation de l’élection du 3 juin 2007, avec suite de frais et dépens.

25. Le MCG considérait que les recours adressés au Tribunal administratif avaient un caractère uniquement politique. Les candidats de ce mouvement avaient fait une campagne « de proximité » conformément à leur promesse. Celle menée à Vernier avait un caractère pédagogique afin d’apprendre à la population le fonctionnement des opérations de vote et d’inciter les abstentionnistes à remplir leur devoir électoral. M. Cerutti avait arpenté la commune pendant trois semaines, sept jours sur sept, de 07h00 à 22h00, lors du premier tour. Son succès à l’occasion de cette première opération électorale avait constitué une surprise et avait incité d’autres groupes politiques à le dénigrer lors du second tour. Les Verts notamment l’avaient dénigré, à quoi s’ajoutait qu’un juge au Tribunal administratif, membre de ce parti, était domicilié dans la commune de Vernier. La question de l’impartialité de la justice était dès lors posée. S’agissant de M. Zufferey, il n’avait pas attaqué M. Cerutti au cours de sa campagne. Le tribunal n’était pas non plus impartial, puisqu’il n’avait pas encore statué au fond dans une cause ayant trait à l’utilisation des armoiries officielles de la commune par le MCG.

Le collège des contrôleurs électoraux ne s’était pas unanimement inquiété de la lettre reçue de Mme AB_____. Monsieur Laurent Moutinot, conseiller d’Etat en charge du DI, avait trompé les autres membres du Conseil d’Etat lors de leur réunion du 6 juin 2007.

Les lettres de doléances dont avait eu connaissance le Conseil d’Etat avaient été envoyées entre le 29 mai et le 1er juin par trois membres du Parti des Verts. Ces personnes s’étaient rétractées devant le juge d’instruction et ce dernier, également militant politique et ancien élu socialiste, avait violé son devoir d’impartialité. Les recourants n’avaient aucunement apporté la preuve que les 184 voix d’avance obtenues par M. Cerutti l’aient été de manière frauduleuse.

M. Cerutti avait été inculpé à sa demande pour accéder au dossier de la procédure pénale.

Seule Mme R Y______ avait mis en cause M. Cerutti et le MCG de manière spontanée. Ce parti ignorait tout des faits concernant les familles MO P____, M______ ainsi que Mme T______. Il fallait relever toutefois que ceux-ci s’étaient déroulés entre le mardi 29 mai et le vendredi 1er juin, soit après une conférence de presse tenue par le parti « A gauche toute » dénonçant la campagne de M. Cerutti.

Les demandes de duplicata au SVE avaient eu un caractère pédagogique dans une commune où le taux d’abstention était le plus élevé du canton de Genève. De surcroît, ces duplicata n’avaient été envoyés qu’aux électeurs concernés eux-mêmes. Les démarches auprès de concierges avaient eu également un caractère pédagogique pour que les électeurs prennent au sérieux leur devoir et pour éviter que certaines composantes de « l’Alternative » ne mettent la main sur du matériel électoral.

Le dossier mettait à jour de très graves dérives démocratiques, notamment parce que le juge d’instruction et le juge rapporteur du Tribunal administratif étaient issus du même parti politique, lui-même allié au Parti des Verts.

La procédure pénale avait démontré que les nouveaux électeurs n’étaient pas informés de manière suffisante quant à l’exercice du droit de vote. Or, toute la démocratie reposait sur l’exercice de la liberté d’expression, le MCG ayant été meilleur que ses adversaires pour démontrer la pertinence de ses arguments.

C’était l’Etat qu’il convenait de mettre en cause pour n’avoir pas correctement informé les nouveaux électeurs.

Dans de nombreuses familles, des suffrages étaient captés par l’épouse ou l’époux, la fille ou le fils, la voisine ou le voisin, sans que ceux-ci ne puissent être mis à la charge de M. Cerutti. Ce dernier était donc victime d’une cabbale habilement instrumentalisée par ses adversaires.

En fin de compte, seize votes devaient être considérés comme nuls et parmi ceux-ci seuls deux avaient, peut-être, bénéficié à M. Cerutti.

Le vote par correspondance manquait totalement de sûreté, comme le démontrait l’élection du conseiller national Ricardo Lumengo à Bienne. Le MCG n’avait fait qu’aider les nouveaux électeurs étrangers dont l’ignorance devait être soulignée.

Le recours de personnes proches des Verts constituait une tentative de manipulation du pouvoir judiciaire à des fins politiques.

Le MCG conclut au fond au rejet des recours et à l’allocation d’une indemnité de procédure.

26. Le 18 janvier 2008, M. Cerutti a déposé des conclusions. Il conclut au rejet des différents recours, avec suite de frais et dépens. L’expert commis par le juge d’instruction avait considéré que 11 cartes de votes avaient été complétées par la même personne pour ce qui était des dates de naissance. Ce fait ne pouvait conduire à l’annulation des scrutins visés. Certains témoignages recueillis par le juge d’instruction étaient contestés. M. Cerutti avait gagné l’élection avec une différence de 184 voix et même si 19 votes étaient considérés comme nuls, cela ne suffisait pas à annuler l’ensemble du scrutin. De surcroît, la différence avec le second candidat, M. Zufferey, était de 3% des suffrages exprimés, marge supérieure à celle constatée dans d’autres communes genevoises pour la même opération électorale.

27. Le 21 janvier 2008, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

II. Procédure pénale

28. Ainsi que cela a déjà été mentionné, la communication du dossier de la procédure pénale a été demandée au juge d’instruction compétent en date du 17 septembre 2007. Les 15 et 22 novembre ainsi que le 13 décembre 2007, les parties ont été informées du dépôt du dossier de la procédure pénale et de l’apport à celui-ci de pièces nouvelles. Elles ont fait usage du droit de consulter le dossier de la procédure à partir du 23 octobre 2007.

29. Il ressort du dossier de la procédure pénale les éléments suivants  :

30. A compter du 29 mai 2007, Mmes A D______, A B______ et C R______ ont signalé à diverses autorités cantonales ou communales que des tiers faisaient de la propagande politique pour le compte du MCG demandant aux citoyens s’ils avaient voté et les priant dans le cas contraire de leur remettre le matériel électoral après avoir signé la carte idoine.

31. A teneur de la dénonciation du Conseiller d’Etat au Procureur général datée du 7 juin 2007, les personnes chargées de la récapitulation générale de l’élection complémentaire avaient signalé avoir pris connaissance de la lettre de Mme AB_____ et exprimaient leur vive inquiétude, demandant au chef du DI de prendre les mesures qu’il estimerait nécessaires, cas échéant tant sur le plan pénal que sur le plan administratif (pièces 10'000 à 10'008).

32. Les 13 et 14 juin 2007, MM. Y P_______, A O_____, M M______ et AL D______ (pièce 10'066) ont rapporté des faits semblables soit au Procureur général, soit au Conseil d’Etat (pièces 10'023, 10'064 et 10'066).

33. Le 2 août 2007, Mme BL______ a exposé au Procureur général avoir reçu la visite de M. Cerutti, qui lui avait demandé si elle avait déjà voté. L’intéressé lui avait alors proposé de prendre ses bulletins et de voter à sa place (pièce 10'071).

34. Les 22 et 27 juin 2007, un commissaire de police a procédé à des auditions d’électeurs habitant Le Lignon, sur le territoire de la commune de Vernier (pièces 40'001 à 40'013). Un concierge des immeubles 5 à 9 de l’avenue du L_____ avait constaté au mois de mai 2007 que des affiches avaient été apposées à l’intérieur de l’entrée de chacun de ses immeubles et que des cartes de visite, également aux couleurs du MCG, avaient été glissées dans les supports des noms des locataires à chaque palier. Fin mai - début juin, M. M A______ avait reçu la visite d’une personne s’étant présentée comme appartenant au MCG, se chargeant de collectes d’enveloppes de vote et de les remettre à la poste.

35. Entendu le 15 juin 2007 par le juge d’instruction, Mme A R______ a notamment déclaré avoir reçu à son domicile un jeune homme qui avait ouvert tant l’enveloppe de vote de Mme A R________ que celle de son fils et qui lui avait demandé de signer cette dernière. Après avoir pris les deux enveloppes, ce jeune homme était parti. Le soir-même elle avait appelé sa cousine, Mme B_____ à laquelle elle avait expliqué ce qui lui était arrivé (pièces 50'000 à 50'009).

36. Le 18 juin 2007, M. Cerutti a été entendu en qualité de témoin. Il a notamment exposé avoir fait du porte-à-porte le 25 mai 2007 entre 10h00 et 12h00 dans le quartier du Lignon et à une autre reprise dans celui des Avanchets. D’autres membres du MCG avaient pratiqué le porte-à-porte dans le quartier des Libellules. Il n’avait lui-même pris et posté une enveloppe de vote qu’à une seule reprise (pièces 50'011 à 50'015). Le 20 juin 2007 a été entendu par le juge d’instruction M. P H______, qui avait proposé à M. Cerutti d’être présent quotidiennement, à raison d’un minimum de dix heures par jour, sur le territoire de la commune de Vernier. Il s’était surtout occupé de la zone du Lignon, où son fils pouvait jouer avec d’autres enfants en l’attendant. Son rôle consistait à distribuer des cartes de visite aux passants, les appelant à voter M. Cerutti. Il n’avait fait du porte-à-porte qu’à une seule reprise et n’avait pas distribué de cartes de visite en les plaçant à la porte des appartements.

37. Le 20 juin 2007, le juge d’instruction a recueilli les déclarations de Mme C R_____, auteur d’un courrier daté du 1er juin 2007 à M. O C______, conseiller municipal à Vernier. Elle savait que des personnes avaient fait du porte-à-porte dans son immeuble, appelant à voter pour M. Cerutti. Une de ses connaissances avait accepté de remettre sa propre carte de vote ainsi que celle de son fils (pièces 50'022 et 50'023).

38. Le 21 juin 2007, a été entendue Mme A D______, auteur du courrier du 29 mai 2007 envoyé au Conseiller d’Etat en charge du DI. Elle habitait dans un immeuble dont l’entrée était protégée par un code. Elle avait constaté que les affichettes en faveur de M. Cerutti avaient été placées dans l’entrée de l’immeuble et qu’on avait pu ouvrir la porte arrière de celui-ci protégée par un passe que seuls possédaient les locataires. Il était toutefois aussi possible d’ouvrir cette porte avec une clef des services industriels (ci-après : clef SI). Elle n’avait pas fait personnellement l’objet de sollicitation de partisans du MCG (pièces 50'025 à 50'027). Le même jour a été entendu M. Y P______, auteur d’une lettre adressée le 13 juin 2007 au Procureur général. Quelques jours avant la date-limite pour l’expédition des votes par correspondance, quelqu’un avait sonné à sa porte pour lui dire qu’il pouvait lui remettre son matériel électoral, en se contentant de signer la carte. Après cette visite, il avait quitté l’immeuble et constaté la présence de M. Cerutti au bas de celui-ci (pièces 50'028 à 50’030).

39. Le même jour également, Monsieur K AJ______ a déclaré avoir signé sa carte de vote sans l’avoir pourtant renvoyée lui-même. Il a été suivi de M. A AJ______, à qui sa carte de vote a été présentée et qui a déclaré que celle-ci avait été signée par sa sœur (pièces 50'032 à 50'037). Quant à Mme B AJ______, elle a soutenu n’avoir pas signé la carte de vote que lui présentait le juge. Enfin, M. G AJ______, à qui sa carte de vote a été présentée, a déclaré qu’elle n’était pas munie de sa signature (pièces 50'038 à 50'043). Lors de son audition, l’épouse de M. G AJ______, Madame AD AJ______, a expliqué qu’elle ne travaillait pas encore lors de la campagne électorale litigieuse. A cette occasion, un homme et une femme étaient montés dans l’appartement qu’elle occupe notamment avec son beau-père et sa belle-sœur. Cette dernière avait signé les cartes de vote de plusieurs membres de la famille, soit quatre selon les souvenirs du témoin. Les deux personnes qui étaient entrées dans l’appartement avec sa belle-sœur lui avaient tendu un document à signer, que cette dernière leur a rendu et ils les ont repris. Les cartes ainsi remises étaient celles des beaux-parents du témoin, de son mari et de son beau-frère. Elle ne pouvait plus se souvenir si ses beaux-parents avaient signé leur carte (pièces 50'050 à 50'052). Mme S AJ______ a exposé habiter avec ses parents, ses deux frères, sa belle-sœur et sa nièce. Elle se souvenait qu’un homme était venu lui faire signer des papiers et qu’elle ne s’était pas rendue au bureau de vote. Deux personnes avaient sonné à la porte et elle avait répondu car elle était la seule de la famille à bien parler le français. A leur demande, elle avait apporté toutes les enveloppes qu’elle avait trouvées et avait signé les cartes au nom de AJ_____ A, AJ______ B, AJ______ G et AJ______ K. L’homme qui était sur place lui avait exposé qu’elle avait le droit de signer pour ses parents et ses frères. Elle ne se souvenait pas du nom du candidat qui avait été présenté par ces personnes et ne savait pas qui avait été élu. Après avoir pris une feuille dans le matériel de vote, ces deux personnes avaient mis des documents dans des enveloppes, les avaient refermées et étaient parties (pièces 50'057 à 50'061).

40. Entendu également le 22 juin 2007, Monsieur O R______ a déclaré d’abord au juge d’instruction qu’il avait signé sa carte de vote avant de se rétracter, reconnaissant qu’il avait demandé à sa mère de le faire. Interrogée à la suite de son fils, la mère de l’intéressé a reconnu avoir signé la carte de vote de ses deux enfants, outre la sienne (pièces 50'044 à 50'049).

41. Madame Z Q______ a exposé avoir voté par correspondance pour la désignation du Conseil administratif de la commune de Vernier le 3 juin 2007. Elle avait signé sa carte et celle de son mari, car elle s’occupait de tous les papiers du ménage. Elle avait suivi les conseils de voisins pour choisir pour qui elle votait et pour qui elle faisait voter son mari (pièces 50'053 à 50'056).

42. Lors de son audition du 22 juin 2007, Monsieur A O______ a déclaré qu’il habitait dans le quartier des Libellules et qu’il y présidait depuis 2005 une association active dans le domaine de l’intégration des habitants. Il avait écrit au Conseil d’Etat. Il avait constaté qu’une association de locataires s’était créée sous le nom de « AS-LOC » qui avait déposé une liste au nom de M. Cerutti. Cette association avait appelé les gens à participer à un apéritif, à conserver le matériel de vote et à venir à sa permanence avec ces documents. Il n’avait pas assisté à cette rencontre, mais avait recueilli les déclarations de tiers qui s’y étaient rendus avec leur propre matériel de vote (pièces 50'062 à 50'065).

43.Entendu également le 22 juin 2007, Monsieur M M______ a exposé avoir vu, probablement au mois de mai, un tiers dénommé K______ remplir le matériel de vote de personnes étrangères et le leur remettre. Il avait observé ainsi une personne de nationalité portugaise et nommée P______ arriver à une table tenue par M. K______ et trier le matériel de vote avec ce dernier. Le témoin a encore déclaré avoir ouï dire que le même K______ avait tenté de convaincre d’autres habitants du quartier à voter pour M. Cerutti (pièces 50’066 et 50’067).

44. Entendu comme témoin suivant, Monsieur A DA______, a exposé avoir signé une pétition dénonçant les agissements du MCG à l’occasion de la campagne électorale litigieuse. Comme le témoin précédent, M. M______, il avait observé M. K______ prendre le bulletin de vote du dénommé P______ sans donner à ce dernier d’explications quant au choix possible parmi les différents candidats (pièces 50'068 et 50'069).

45. Le 25 juin 2007, le juge d’instruction a entendu en qualité de témoin M. S C______, qui a notamment déclaré n’avoir pas fait de porte à porte au cours de la campagne (pièces 50'070 à 50'072). Le même jour, le juge d’instruction a entendu Madame P A______ élue au conseil municipal de la ville de Vernier. Elle avait participé à la campagne en faveur de M. Cerutti en distribuant des papillons dans les boîtes aux lettres. Elle n’avait jamais montré à quelqu’un comment remplir sa carte de vote et choisir un bulletin et la seule personne dont elle avait posté l’enveloppe de vote était son mari (pièces 50'073 à 50'075).

46. Toujours le 25 juin 2007, a été entendu également Mme H T______, secrétaire à mi-temps du MCG, qui n’avait pas participé à la campagne (pièces 50'076 à 50'078).

47. Le 26 juin 2007, le juge d’instruction a entendu M. K R______ qui a exposé vivre chez ses parents avec son épouse prénommée MA______, son père prénommé SY______ et sa mère prénommée SH______. Seul son frère A______ était encore officiellement domicilié chez ses parents. Il n’avait pas signé personnellement sa carte de vote mais son père l’avait fait. Il ignorait si ce dernier s’était fait aider pour remplir le matériel électoral (pièce 50'080 à 50'082).

48. Le 27 juin 2007, Monsieur D AN_______ a expliqué au juge d’instruction que son épouse avait été incitée, alors qu’elle se trouvait chez elle, à signer sa carte de vote et celle de son mari, qu’elle avait remises au tiers qui s’était présenté à sa porte (pièce 50'085 à 50'088).

49. Le 27 juin 2007, Monsieur K B______ a exposé avoir signé sa carte de vote, mais que son épouse avait signé la sienne. Lors de l’interrogatoire de cette dernière, lorsque le juge d’instruction lui a fait constater que sous la signature sur procès-verbal ne correspondait pas à celle figurant sur la carte de vote, Madame M B______ a exposé avoir plusieurs signatures et ne plus se souvenir si elle avait signé elle-même la carte de vote ou si son mari l’avait fait. Réentendu par le juge d’instruction et après s’être vu rappeler les conséquences du faux témoignage, M. B______ a reconnu avoir signé outre sa propre carte de vote, celles de son épouse et de sa fille. Il avait suivi les conseils d’une personne dénommée P______, soutenant le candidat du MCG (pièces 50'090 à 50'098).

50. Le 27 juin encore Monsieur H K______ a exposé avoir été le mandataire de la liste déposée par l’association AS-LOC, qui avait soutenu M. Cerutti. Il avait été le seul à être actif dans le quartier des Libellules, distribuant des tracts dans les boîtes aux lettres des immeubles correspondant au bassin scolaire de l’école du même nom. En outre, il tenait une table placée sur la terrasse d’une boulangerie du quartier. Il avait préparé sur un support A3 une explication sur le mode de vote, prenant comme exemple le bulletin de AS-LOC. Il n’avait aidé personne à remplir un bulletin en faveur de M. Cerutti et n’avait pas fait de porte à porte dans le quartier des Libellules (pièces 50'100 à 50'105).

51. Le 28 juin 2007, le juge d’instruction a entendu le concierge assistant des immeubles sis nos 5, 6, 7 et 9 de l’avenue du L_____ correspondant au bâtiment « La grande tour ». Il a confirmé avoir constaté que des affiches avaient été apposées dans les allées nos 5, 6 et 7 durant les 15 jours précédent le 3 juin 2007  : elles étaient en faveur de M. Cerutti et il les avait enlevées, l’affichage étant interdit dans l’immeuble. Dans l’allée no 6, il avait également constaté que des petites cartes de visite appelant à voter M. Cerutti avaient été glissées dans le porte cartes indiquant le nom du locataire (pièces 50'112 et 50'113).

Monsieur M F______, concierge des mêmes immeubles a confirmé avoir constaté la présence d’une carte colorée dans les portes-cartes des entrées d’appartement sis au 29ème étage du n° 5.

Le même jour a encore été entendue Madame M O______, concierge des immeubles 1 à 4 de l’avenue du L_____ dit « La petite tour ». Alors qu’elle était en train de nettoyer l’une des allées, elle avait constaté que M. Cerutti - qu’elle avait reconnu grâce à la photo qu’elle avait déjà vue - et un tiers y étaient entrés. La jeune fille gardant son enfant lui avait relaté que deux personnes avaient sonné à la porte de l’appartement et lui avaient remis un petit carton identique à celui qu’elle-même avait reçu. Un très grand nombre de ces cartes était jeté dans la poubelle de l’allée ce qu’elle avait fait remarquer à l’un de ces deux messieurs (pièces 50'114 à 50'116).

52. Le 29 juin 2007, Madame M T______, a expliqué avoir signé sa propre carte de vote et celle de sa fille, qu’elle avait remise à un tiers venu sonner à sa porte et qui tenait déjà à la main d’autres enveloppes (pièces 50'124 et 50'125).

53. A la même date, Monsieur MO M______ a aussi été entendu. Il avait reçu la visite de deux hommes, qui lui avaient demandé s’il souhaitait voter pour M. Cerutti, lequel n’était pas personnellement présent. M. M_______ avait lui-même apposé sa date de naissance et sa signature sur le document. Après avoir quitté l’appartement du témoin, ces deux hommes y étaient revenus, pour lui demander si quelqu’un d’autre habitait l’appartement. Après avoir répondu affirmativement, le témoin leur a apporté l’enveloppe de vote de sa mère. Il avait signé la carte, sur conseil des deux inconnus, qui lui ont précisé qu’ils étaient en mesure d’y ajouter la date. Il a précisé enfin avoir entendu les deux mêmes personnes sonner à d’autres portes de l’allée, mais il ignorait s’ils avaient pris le matériel de vote d’autres personnes (pièces 50’133 à 50’136).

54. Le 2 juillet 2007, Monsieur E L______ a expliqué au juge d’instruction avoir signé sa propre carte de vote ainsi que celle de son épouse, car cette dernière était analphabète. Sur question du juge d’instruction, il a convenu que sa femme signait parfois elle-même certains documents. Entendue hors la présence de son époux, Madame H L______, après avoir affirmé qu’elle avait signé elle-même sa carte, a reconnu qu’elle l’avait été par son mari (pièces 50'140 à 50'146).

Le 2 juillet 2007, a été entendu en qualité de témoin Monsieur L J______, qui a expliqué s’être rendu dans un parc public avec son épouse après avoir pris son matériel de vote. Des enfants qui y jouaient, parlant bosniaque, ont rempli les documents nécessaires. Madame H J______ avait alors signé les formulaires pour elle-même et son mari (pièces 50'147 et 50'148 ; 50'157 et 50'158).

55. Lors de son audition du 2 juillet 2007, Madame L AN______, témoin, a expliqué avoir reçu, alors qu’elle était seule à la maison, un monsieur prétendant agir au nom de la commune. Il avait ouvert les enveloppes adressées au témoin et à son mari, l’intéressée avait alors signé les cartes de vote puis les avait remises à cet inconnu (pièces 50'167 à 50'169).

Le 3 juillet 2007, Monsieur F R______, témoin, a exposé au juge d’instruction que sa mère avait voté pour lui (pièce 50'171 à 50'172).

56. Entendus séparément puis simultanément le 18 juillet 2007, Madame R C______ et Monsieur EM C______ ont expliqué au juge d’instruction que la première avait signé les deux cartes de vote et posté son matériel ainsi que celui de son époux (pièces 50'191 à 50'193). Il résulte des renseignements fournis par le SVE au juge d’instruction que Mme R C_______ a voté lors des deux tours et M. EM C_______ seulement lors du second.

57. Entendu le 23 juillet 2007, Monsieur J D______ a admis avoir laissé son épouse remplir sa carte de vote, ce que cette dernière, également entendue, a confirmé (pièces 50'224 à 50'225 ainsi que 50'227 à 50’228).

58. Entendu le même jour, Monsieur R P______ a été entendu par le juge d’instruction. Quoique sa femme sache signer, il l’avait fait pour elle en remplissant leur deux cartes de vote (pièces 50'229 à 50'231).

59. Toujours le 23 juillet 2007, le juge d’instruction a entendu séparément Madame G H_____ et Monsieur H H_____. Il ressort de l’audition de ce dernier qu’il ne reconnaissait pas sa propre signature sur la photocopie qui lui était présentée de sa carte de vote (pièces 50'233 à 50'238).

60. Le 24 juillet 2007, Monsieur MO P______ a exposé que sa propre carte de vote avait été signée par sa mère. Il ressort de l’audition de cette dernière qu’elle avait été abordée à son propre domicile par une personne s’étant présentée comme le frère de Monsieur Cerutti et qu’il l’avait assurée qu’elle pouvait signer pour son fils puisqu’ils faisaient ménage commun (pièces 50'260 à 50'265).

61. Le même jour, Madame E Y______ a expliqué avoir signé sa propre carte de vote ainsi que celle de son fils KA______. Un candidat à l’élection litigieuse, qu’elle a reconnu sur une photo présentée par le juge d’instruction comme étant M. Cerutti, avait collecté ces deux cartes après s’être présenté à sa porte (pièces 50'267 à 50'269).

62. Le 25 juillet 2007, le juge d’instruction a entendu séparément les époux A______ et G______ B______; il ressort de leurs auditions que la carte de vote de Mme B______ avait été signée par son mari (pièces 50'284 à 50'287).

63. S’agissant du couple formé de Madame M____ et Monsieur MA_____ C______, c’est ce dernier qui a rempli les deux cartes (pièces 50'290 à 50'294).

64. Le même jour, Madame R G______ a exposé avoir signé la carte de vote de sa mère, Madame J G______, au motif que cette dernière était handicapée (pièces 50'305 et 50'306).

65. Toujours le 25 juillet 2007, Madame P G______ a reconnu avoir écrit sa date de naissance sur sa carte de vote ; elle ne se souvenait pas avoir voté, mais n’en était pas sûre. Il n’était pas impossible qu’elle ait entendu voter, mais qu’elle ait oublié de signer sa carte (pièces 50'310 et 50'311).

66. Le même jour, Madame R______ et Monsieur SH H_____ ont expliqué que leur matériel de vote avait été emporté part une tierce personne, parlant albanais, qui leur avait simplement demandé de les signer. Ils ne savaient ainsi pas pour qui ils avaient voté (pièces 50'313 à 50'320).

67. Selon l’audition de Madame G R______ et de sa fille M R______, la première avait signé la carte de vote de la seconde, qui se trouvait alors sur son lieu de travail (pièces 50'322 à 50'327).

68. Il ressort de l’audition de Madame VA_____ et de Monsieur A H_____ que leur deux cartes de vote ont été signées par la première (pièces 50'333 à 50'338).

69. A leur suite a été entendu Monsieur M HI______, qui n’a pas reconnu sa signature sur sa propre carte de vote. Il a émis l’hypothèse qu’elle avait été signée par son père. Selon l’audition ultérieure de Monsieur S HI______, père du prénommé M______, il était possible qu’il ait signé la carte de son fils, parti au travail (pièces 50'340 à 50'345).

70. Le juge d’instruction a entendu ensuite Madame G K______, laquelle a exposé faire domicile commun avec son époux GH______ et leurs quatre enfants, dont un seul était majeur. Elle avait reçu la visite d’un homme de grande taille qui lui avait demandé si elle avait voté. Elle avait trouvé deux enveloppes, qu’elle avait ouvertes et dont elle avait signé les cartes. Elle les avait remises à cet inconnu, de telle sorte qu’elle ignorait pour qui elle avait effectivement voté. Selon les explications que lui avait fournies une amie, cette dernière avait reçu une visite identique (pièces 50'347 à 50'350).

71. Le 16 août 2007, a été entendue Madame M BL______, mère de Madame MO B______, conseillère municipale de la commune de Vernier. Mme BL____ avait raconté à sa fille avoir reçu la visite du candidat Thierry Cerutti, qui lui avait demandé si elle avait voté. Elle lui avait répondu qu’elle s’en occuperait elle-même et la conversation s’était alors terminée. Elle avait entendu M. Cerutti sonner chez ses voisins. Avec l’aide de sa fille, elle avait dénoncé ces faits au Procureur général (pièces 50'364 à 50'366).

72. Lors de l’audition du 21 août 2007 de Madame FL_____ et de Monsieur F A______, ce dernier a expliqué avoir signé sa propre carte de vote et celle de son épouse, au motif qu’elle était analphabète (pièces 50'385 à 50'389).

73. Il ressort de l’audition de Monsieur M P______ que ce dernier avait remis sa carte de vote signée à une tierce personne de sexe féminin, sur conseil de cette dernière, et sans savoir pour qui il votait (pièces 50'394 à 50'396).

74. Toujours le 21 août 2007, le juge d’instruction a entendu encore les époux C______ et A M______ lesquels, interrogés séparément, ont déclaré chacun avoir signé leur carte de vote et laisser leur fils AN______ décider qui élire (pièces 50'410 et 50'411 ainsi que 50'413 et 50'414).

75. Le 22 août 2007, Monsieur AV R______ a déclaré au juge d’instruction avoir demandé à son père de signer sa propre carte de vote, car il était toujours domicilié chez ses parents, même s’il n’y vivait plus (pièces 50'426 et 50'427).

76. Le même jour, le juge d’instruction a encore entendu Monsieur Patrick Ascheri, chef du SVE et maire de la commune d’Anières. M. Ascheri a décrit tant le contrôle du vote au bureau que de celui par correspondance. S’agissant de ce second mode, les enveloppes de transmission étaient soit délivrées par la poste, soit remises au guichet du SVE, soit encore déposées dans la boîte aux lettres. L’enregistrement des votes était effectué par le SVE. Un premier groupe de personnes recevait les enveloppes et les ouvrait, unissant la carte de vote avec l’enveloppe par un trombone. Lors de ce premier contrôle, les enveloppes dont le contenu paraissait problématique étaient réservées et confiées à un autre groupe de deux personnes, chargées de l’examen des cas particuliers. Ensuite, les enveloppes étaient transmises à une salle de traitement où travaillaient une quinzaine de personnes qui n’étaient pas des fonctionnaires, mais engagées sur la base d’un contrat de droit privé pendant les périodes d’élections et de votations. Elles vérifiaient notamment la date de naissance et la signature sur la carte et réunissaient ces documents par lots de cinquante. Ensuite de cela, quatre personnes connectées au système informatique « vota » lisaient le code barre figurant sur la carte de vote pour faire apparaître sur un écran de contrôle la date de naissance complète de l’électeur afin de vérifier l’exactitude de celle portée sur la carte. En cas de divergence, l’opérateur transmettait la carte de vote et l’enveloppe au groupe chargé des cas particuliers. Le service renvoyait les cartes de vote défectueuses, ainsi que l’enveloppe, aux électeurs concernés chaque soir, jusqu’à la date limite. Dans les deux dernières soirées précédant le vote, les électeurs étaient même prévenus par téléphone.

La lecture du code barre avait pour conséquence l’enregistrement informatique du vote, ce qui permettait de reconstituer à quelle heure les cartes avaient été enregistrées. Chaque fois qu’un lot de cinquante cartes avait été vérifié, la personne en charge du contrôle vérifiait également que le compteur global des votes avait été augmenté d’autant.

Chaque soir durant une campagne électorale, les enveloppes étaient placées dans une urne plombée, correspondant à l’arrondissement où étaient domiciliés les électeurs.

Il n’y avait pas de contrôle des signatures, l’Etat ne disposant pas d’une banque contenant de telles données. L’ensemble du système démocratique suisse était basé sur la confiance.

Les cartes consultées par le juge d’instruction étaient bien celles correspondant à des votes valables, à moins qu’une irrégularité ait été constatée lors de l’ouverture de l’enveloppe de vote au moment du dépouillement.

Sur question du juge d’instruction demandant pourquoi il avait vu des cartes de vote sans signature, M. Ascheri lui a répondu qu’il était possible que la personne chargée du contrôle se focalise sur la date de naissance et laisse passer une carte sans signature. Lorsqu’une personne signait pour une autre, infirme, elle devait l’indiquer sur la carte de vote.

M. Ascheri a encore indiqué avoir participé à plus de quarante conférences destinées aux électeurs étrangers organisées soit dans des communes, soit dans des communautés étrangères et que le SVE avait produit un nouveau mémento civique expédié notamment aux étrangers et rédigé en langue française (pièces 50'430 à 50'434).

77. Entendu le 24 août 2007, puis à sa demande une seconde fois le 27 août 2007, Madame M BA______ a exposé avoir aidé le dénommé P____ à remplir son devoir électoral, sans pour autant l’influencer dans son choix (pièces 50'436 à 50'443).

78. Le 29 août 2007, M. C R______, concierge, a exposé avoir été approché par M. Cerutti, lequel lui avait demandé de récolter dans les boîtes se trouvant en dessous des boîtes aux lettres les enveloppes de votation qui auraient pu être jetées par les locataires des immeubles sis nos 40 à 48 de l’avenue de C_____ dont s’occupait le témoin. Ce dernier n’avait toutefois pas obtempéré, jetant le matériel de vote qu’il avait ainsi trouvé (pièces 50'447 à 50'449).

79. Le 3 septembre 2007, le juge d’instruction a entendu Monsieur DY______ , policier, qui lui a exposé n’avoir aucun rapport avec le MCG et n’avoir pas participé à la campagne électorale de son frère Thierry. Le même jour a été entendu à nouveau en qualité de témoin M. Thierry Cerutti ; ce dernier a notamment reconnu avoir pris contact avec un concierge dans le but de récupérer le matériel de vote et d’aller voir, avec ledit concierge, les personnes qui l’avaient jeté. La personne concernée n’avait jamais repris contact avec le témoin.

80. A la même date, Monsieur H MO P______ a expliqué avoir reçu à son domicile la visite de M. DY______ auquel son épouse et lui-même avaient remis leur matériel de vote ainsi que celui de leur fils, la carte ayant été signée par Mme MO P____ (pièces 50'462 à 50'464).

81. Le témoin suivant a été Monsieur E Q____________, qui a reconnu avoir oublié de signer sa carte de vote (pièces 50’465 à 50'466).

82. Le 5 septembre 2007, Monsieur M A______ a confirmé les déclarations faites à un commissaire de police selon lesquelles il avait reçu la visite d’un représentant du MCG qui lui avait demandé, ainsi qu’à son colocataire, s’il avait voté (pièces 50'467 à 50'468).

83. Le 19 septembre 2007, le juge d’instruction a inculpé M. Thierry Cerutti de fraude électorale et de captation du suffrage au sens des articles 282 et 282bis CP ainsi que, subsidiairement, d’infraction à l’article 183 de la loi genevoise sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05), pour avoir, sur la commune de Vernier, en compagnie de tiers, dans le cadre du deuxième tour de l’élection du Conseil administratif du 3 juin 2007 auquel il se présentait. Il a agi en tant qu’auteur principal, co-auteur ou instigateur, organisé dans le cadre de sa campagne électorale et dans les jours précédant la date du scrutin, en procédant à des activités systématiques de porte-à-porte dans certains immeubles de la commune de Vernier, dans le but d’obtenir que des électeurs potentiels remettent leur matériel de vote avec leur carte de vote signée, voire celles de membres de leur famille, afin de pouvoir exercer, sans en avoir la légitimité, leur droit de vote à leur place ou tout au moins s’assurer de leur vote par correspondance, en agissant ainsi notamment dans les cas suivants :

a. immeuble __-__ avenue du L_____ (petite tour) dans lequel il a admis avoir fait du porte-à-porte et a été vu en faire avec un tiers

Mme AN______, __ av. du L_____, laquelle avait remis à un homme non identifié son matériel de vote et celui de son mari, M. AN_______, absent, après qu’il lui ait fait signer les deux cartes de vote en lui faisant croire de manière fallacieuse que, puisqu’elle ne voulait pas voter, elle devait rendre son matériel de vote à la commune, dont il s’était fait passer pour un représentant, ce qui avait permis d’exercer son droit de vote à sa place, ainsi que celui de son mari puisque leur vote a été enregistré.

Mme R______, _ av. du L_____, qui, alors qu’elle venait de constater que des personnes se livraient à du porte-à-porte dans son allée en distribuant de la propagande électorale en sa faveur, avait remis son matériel de vote et celui de son fils à un homme non identifié qui s’était présenté à sa porte en lui expliquant qu’il venait pour pousser les gens à voter et lui avait proposé de prendre en charge ce matériel, étant précisé que cet homme lui avait fait signer sa carte de vote et celle de son fils après qu’il lui ait expliqué que cela était autorisé, qu’il avait emmené avec lui le matériel de vote sans qu’elle ait pu elle-même sélectionner son bulletin de vote et le placer elle-même dans l’enveloppe de vote et sans qu’elle sache quel bulletin de vote avait été joint à la carte de vote de son fils.

b. immeuble __ avenue du L_____

Mme S______ et M. K AJ___, _ avenue du L_____, avaient remis dans leur appartement à un homme et à une femme rencontrés par M. AJ______ au bas de l’immeuble, leur matériel de vote ainsi que celui de leur fils et frères A______, B______ et G______ AJ______, après que Mme AJ______ ait signé toutes les cartes de vote, ces deux personnes lui ayant expliqué qu’elles étaient venues pour pousser les gens à voter et lui disant faussement qu’elle avait le droit de signer pour ses frères et sa mère, étant précisé que c’étaient ces personnes qui avaient choisi les bulletins de vote et complété l’enveloppe de transmission, Mme AJ___ et son père étaient dans l’incapacité de dire pour qui ils avaient voté.

c. Quartier Mouille-Galand / Montfleury / route de Peney

Mme R Y_______, _ chemin M______, laquelle avait remis personnellement à M. Cerutti sa carte de vote et celle de son fils, handicapé, après les avoir signées, étant précisé que Mme R Y______, qui ne voulait pas voter et qui pensait qu’elle avait de ce fait l’obligation de renvoyer le matériel de vote à la commune, a remis à M. Cerutti ce matériel car il avait offert de s’en charger, non seulement en lui cachant qu’une telle restitution n’était pas nécessaire, mais en exerçant son droit de vote à sa place et à la place de son fils, puisque leur vote a été enregistré.

Les époux MO P______, _ chemin de M______, lesquels étant d’accord de voter pour M. Cerutti, avaient signé leur carte de vote sans choisir eux-mêmes leur bulletin de vote et remis leur matériel à M. DY______ qui leur avait proposé de le prendre en charge, étant précisé que Mme MO P______, sur instigation de celui-ci qui lui avait dit que cela était autorisé, avait signé la carte de vote de son fils, en son absence, et la lui avait également remise avec le matériel de vote.

Il a également été précisé que des activités de porte-à-porte ont été constatées dans l’immeuble voisin sis ___ route de M______.

d. Quartier avenue des L______ / avenue H____

Mme T______, _ avenue des L______, avait remis à un homme non identifié, faisant campagne pour M. Cerutti, après qu’elle lui ait dit son intention de voter pour lui, son matériel de vote, soit son enveloppe fermée contenant sa carte de vote signée et son enveloppe de vote contenant le bulletin qu’il lui avait conseillé de prendre mais avait également remis le matériel de vote de sa fille après qu’elle en ait signé la carte de vote car il lui avait faussement indiqué qu’elle avait le droit de le faire.

M. M______, _ avenue H______, lequel avait remis à deux hommes non identifiés, faisant campagne pour M. Cerutti, après qu’il leur ait dit qu’il était d’accord de voter pour lui, non seulement son matériel de vote et sa carte de vote signée mais également ceux de sa mère, dont il avait signé la carte de vote après qu’ils lui aient faussement indiqué qu’il avait le droit de le faire.

e. Quartier des Avanchets dans lequel M. Cerutti avait admis avoir fait du porte-à-porte avec un tiers

Les époux H_____, - rue de la C______, qui avaient remis leur matériel de vote, après avoir signé leurs cartes, à un homme non identifié qui faisait campagne, s’exprimant en albanais, et qui leur avait proposé de porter leurs enveloppes de vote à la poste, étant précisé qu’ils ne savaient pas pour qui ils avaient voté.

Mme KU______, - rue L______, qui avait remis le matériel de vote (y compris les cartes de vote signées par elle mais sans qu’elle ait choisi de bulletin de vote) de son mari et de son fils, à un homme non identifié qui lui avait expliqué venir pour les votations et lui avait proposé de prendre en charge le matériel de vote pour lui éviter de se déplacer le dimanche, comme elle lui avait dit en avoir l’intention, lui indiquant faussement pour le surplus qu’elle avait le droit de signer ces cartes de vote à la place des membres de sa famille.

M. Cerutti a totalement contesté les faits qui lui étaient reprochés (pièces 50'472 à 50'475).

84. Le 24 octobre 2007, le juge d’instruction a entendu Monsieur C D______, fonctionnaire auprès de l’office cantonal de la population et chef de la section établissant la base donnée constituant le rôle électoral à partir duquel les cartes de vote étaient envoyées aux électeurs. Ce service prenait également en charge tous les cas de nouveaux électeurs dont le nom avait été inscrit sur le rôle électoral après la confection des cartes de vote. Enfin, ledit service intervenait également en cas de demande de duplicata. Il s’agissait de situations dans lesquelles les personnes concernées n’avaient pas reçu le matériel en raison d’un changement d’adresse ou d’une déficience de l’entreprise La Poste. Il arrivait également que des cartes de vote soient détériorées lors de la mise sous pli. Dans ce dernier cas, le service n’établissait pas un duplicata, mais une nouvelle carte. Enfin, des électeurs disant avoir égaré ou détruit le matériel de vote recevaient également des duplicata.

Les duplicata étaient établis au même format que les cartes de vote, mais dans une couleur différente.

Lors du deuxième tour de l’élection au Conseil administratif de la ville de Vernier, le témoin avait observé que la même personne venait chercher plusieurs duplicata. Le témoin en avait délivré six entre le 30 mai et le 1er juin, dont trois à la demande d’une personne qui s’était légitimée sous l’identité de Thierry Cerutti.

Le témoin n’avait alors pas remis directement le matériel de vote à l’intéressé, mais l’avait envoyé à l’adresse des personnes concernées. Les demandes transmises par M. Cerutti l’avaient été au moyen d’un formulaire identique pour chacune de ces demandes, qui avait été également remis à une autre collaboratrice du SVE à l’appui de demandes supplémentaires de duplicata.

C’était la première fois que le témoin recevait des demandes multiples de duplicata pour le compte de tiers et en particulier il n’avait pas observé de telles demandes à l’occasion du premier tour de la même élection (pièces 50'482 à 50'485).

Saisis par le juge d’instruction, treize formulaires identiques avaient été adressés au SVE, la personne concernée n’ayant qu’à y ajouter son adresse et à le signer (pièces 50'491 à 50'503).

85. Le même jour, le juge d’instruction a entendu Monsieur M SA______, lequel lui a déclaré avoir rencontré au bas de l’immeuble dans lequel il habitait une personne qui lui avait demandé s’il entendait voter. Comme il avait répondu de manière affirmative, cette personne lui a proposé de prendre sa carte de vote et celle de son épouse. Ce tiers a alors suivi le témoin au domicile de ce dernier et s’est fait remettre la carte de vote du témoin, signée par celui-ci, ainsi que celle de son épouse, que le témoin avait signée lui-même. Après que ce dernier lui avait indiqué vouloir voter pour le parti socialiste, la tierce personne lui avait répondu qu’il n’y avait pas de problème. Sur question complémentaire du juge d’instruction, le témoin a expliqué qu’il n’avait donné ni sa date de naissance ni celle de son épouse (pièces 50'504 à 50'509).

86. Le 26 octobre 2007, a déposé Madame MA C______, fonctionnaire et collègue de M. D______. Elle avait reçu au guichet une personne qui lui avait demandé des duplicata mais elle n’avait pas cherché à connaître son identité. Il s’agissait de quelqu’un parlant le français sans accent particulier, mais pas de M. Cerutti. Elle n’avait pas pensé à faire remarquer à la personne qui s’était présentée au guichet que les requêtes en duplicata n’étaient pas signées. Sur question du juge, elle a encore ajouté que de telles demandes n’avaient concerné que l’élection de la commune de Vernier (pièces 50'512 à 50'514).

87. Le même jour a témoigné Monsieur M C______, qui avait habité __ chemin de M_______ jusqu’à la fin du mois de septembre 2007. Le témoin a exposé ne pas avoir voté pour l’élection litigieuse. Il n’avait pas signé de carte de vote mais reconnaissait celle de son père sur l’exemplaire qui lui était soumis. Quant à sa date de naissance, elle n’était pas de la main de son père, mais devait être de celle d’un tiers (pièces 50'517 à 50'519).

88. Le 30 octobre 2007, Monsieur V E______ a exposé avoir reçu la visite d’une personne déclarant aider les électeurs à voter. Avec l’aide d’un ami domicilié en ville de Genève, il avait signé sa carte, y ajoutant le feuillet qui lui avait été montré par la personne qui s’était présentée chez lui. Il se souvenait avoir voté pour un candidat dont le nom était « Cerutti » ou approchant. Il n’avait pas indiqué lui-même sa date de naissance sur sa carte de vote (pièces 50'521 à 50'524).

89. Le 2 novembre 2007 a été entendu Monsieur M AD______. Le témoin n’avait pas voté pour l’élection litigieuse, car il avait dû partir au chevet de sa grand-mère à l’étranger. Alors qu’il travaillait, M. Thierry Cerutti s’était présenté à son domicile et avait parlé à la mère du témoin. Celui-ci n’a pas reconnu la carte de vote qui lui était présentée par le juge d’instruction et a démontré à l’aide de son livret C que sa signature était totalement différente. La date de naissance était exacte, mais elle n’était pas non plus de sa main. La mère de M. AD______, Madame A AD______ a également été entendue. Elle avait signé et inscrit sa date de naissance sur sa propre carte. Elle avait reçu à deux reprises des visites pour cette opération électorale, l’une d’entre elle étant le fait de M. Thierry Cerutti, qu’elle avait reconnu en photo sur des papiers que l’intéressé distribuait. La visite de M. Cerutti s’était déroulée avant le premier tour et la deuxième visite, du fait d’un tiers, s’était déroulée avant le second tour. Elle avait alors apposé la date de naissance de son fils sur la carte de vote de celui-ci et l’avait remise à la personne qui s’était présentée à sa porte (pièces 50'526 à 50'531).

90. Le 2 novembre 2007 a aussi témoigné Monsieur G S______, qui a déclaré ne pas avoir voté le 3 juin 2007. Il n’avait pas non plus demandé de duplicata, alors même qu’un document en ce sens avait été remis à l’office cantonal de la population. Le nom et l’adresse qui figuraient sur la demande n’étaient pas de sa main. Il ne se souvenait pas avoir reçu de matériel électoral à la maison.

Il ressort du procès-verbal que la demande en faveur de M. S______ est l’une de celle déposée par M. Cerutti (pièces 50'538 à 50'540).

91. Le même jour, une demande de duplicata a été soumise à Monsieur J R______. Le témoin a déclaré n’avoir jamais effectué une telle démarche, mais se souvenait avoir reçu ce document chez lui. Quant à Madame S R______, également entendue comme témoin, elle a aussi exposé n’avoir jamais fait de demande de duplicata par l’intermédiaire de M. Cerutti, qu’elle ne connaissait pas (pièces 50'541 à 50'544).

Le même jour a encore été entendue Madame B H______, qui a exposé avoir été abordée par deux hommes qui lui ont proposé de lui faire envoyer une deuxième fois le matériel de vote. Elle n’avait pas rempli le document que lui présentait le juge et n’avait pas reçu de matériel à son domicile. Les hommes qui l’avaient abordée avaient noté les renseignements nécessaires pour un tel duplicata sur une feuille qui n’était pas celle que lui présentait le juge (pièces 50'545 à 50'547).

92. Toujours le 2 novembre 2007, a été entendue Madame N R______, qui a exposé avoir été abordée par deux hommes alors qu’elle se rendait chez sa fille. Celle-ci ayant déclaré avoir jeté le matériel de vote, les deux hommes lui avaient alors proposé d’en demander un duplicata. Les formulaires que lui présentait le juge d’instruction n’étaient pas de sa main. Elle avait bien reçu le duplicata, mais ne l’avait pas utilisé (pièces 50'548 à 50'549).

93. Le juge d’instruction a enregistré également les déclarations de M. A K______: il n’avait pas voté pour le second tour des élections de la commune de Vernier. Il a expliqué qu’il se trouvait dans un café au Lignon lorsqu’un ami lui avait désigné M. Cerutti. Le témoin avait alors demandé à ce dernier s’il pouvait voter et avait expliqué qu’il avait détruit tout son matériel de vote. M. Cerutti a alors pris note du nom du témoin sur un set de table et ce dernier avait reçu quelques jours après son matériel de vote, qu’il avait utilisé en allant au local le dimanche suivant. Sur nouvelle question du juge, il avait confirmé qu’il n’avait signé aucun formulaire pour demander à nouveau son matériel de vote, M. Cerutti s’étant servi à cette fin d’un set de table (pièces 50'550 à 50'551).

94. Le même jour, Madame B T______ a répondu au juge d’instruction n’avoir fait aucune demande de duplicata de son matériel de vote et n’avoir jamais rempli le formulaire à cet effet qui lui était présenté. Ce document n’avait été rempli ni de sa main, ni de celle de son mari et la signature qui y figurait n’était pas la sienne (pièces 50'552 à 50'553).

95. Monsieur J B______, qui s’est présenté spontanément au juge d’instruction, a exposé avoir reçu la visite de deux hommes, qui lui avaient laissé une carte de visite en faveur du candidat Cerutti. Il avait alors signé les documents qui lui avaient été présentés par ces deux personnes pour obtenir un duplicata de son matériel de vote, qu’il avait finalement mis à la poubelle après l’avoir reçu (pièces 50'554 à 50'555).

96. Le témoin suivant, Madame E F______ a exposé avoir rencontré au centre commercial du Lignon M. Thierry Cerutti qu’elle avait reconnu sur photographie. Ce dernier lui avait demandé son nom et son adresse afin de lui faire expédier un duplicata de son matériel de vote, avec lequel elle avait voté.

97. Le 8 novembre 2007, le juge d’instruction a entendu Mme HA R______ et son époux, Monsieur SA R______. Ce dernier a exposé avoir reçu la visite de deux hommes qui lui avaient demandé s’il avait voté. A leur demande, il était allé chercher son propre matériel de vote qu’il n’avait pas retrouvé. Il avait alors présenté celui de son épouse et les deux visiteurs lui avaient expliqué qu’il pouvait signer la carte de vote à la place de celle-ci. Sur question, le témoin a confirmé au juge d’instruction n’avoir remis à ces deux personnes que la carte de vote de son épouse, qu’il avait signée. Quant à la date de naissance de celle-ci, elle avait été ajoutée par l’un des deux visiteurs (pièces 50'559 à 50'563).

98. Le 13 novembre 2007, M. J C______ a été entendu par le juge d’instruction. Il avait reçu la visite d’une personne qui s’était légitimée comme un représentant de la commune de Vernier. Alors que le témoin préparait une tasse de café, cette personne a rempli son matériel de vote et lui a demandé de signer la carte de l’épouse du témoin. Ce dernier n’avait pas indiqué les dates de naissance (pièces 50'564 à 50'568).

99. Le 19 novembre 2007, M. Cerutti a été à nouveau entendu. Il a déclaré contester l’intégralité des faits qui lui étaient reprochés, et n’être ni l’auteur, ni le co-auteur, ni l’instigateur de ceux-ci. Il n’avait fait du porte-à-porte qu’en deux lieux, soit au Lignon, dans «La petite tour» et aux Avanchets. Il s’était rendu au no __ de l’avenue du L_____, mais n’était pas allé chez Mme AN______. Il ignorait qui était Mme R______. Il n’était jamais allé dans la famille AJ______ et contestait avoir rencontré Mme R Y______ avant le second tour.

Il n’était jamais allé chez Mme MO P____, ni chez M. J C______, ni chez les autres personnes entendues soit M. et Mme A AD______, M. S A______ et M. V E______. Il en allait de même de Mme M T______ et de M. M______. Il n’avait pas non plus rencontré la famille K______ ni le couple formé de Mme et M. A S_______. M. Cerutti a encore contesté le témoignage de M. Y P______.

Il a admis en revanche avoir déposé trois formulaires de demande de duplicata du matériel de vote pour Mme S_____ et M. J R______ ainsi que pour M. G S______. Le document pour demander un duplicata du matériel de vote avait été élaboré par M. E S______, appartenant à la section d’Onex/MCG. Il contestait les déclarations du témoin D______, un ami d’enfance et maintenait que celui-ci lui avait demandé si le service lui avait envoyé les duplicata au candidat lui-même. Les exemplaires vierges de demande de duplicata faisaient partie du matériel de campagne.

Sur question du juge d’instruction, M. Cerutti a reconnu avoir rempli les formulaires de M. et Mme R______, de M. T T______ ainsi que de Mmes F H______, R______ et MA______.

Il avait bien demandé à plusieurs concierges de lui signaler le matériel électoral que ceux-ci retrouvaient dans les poubelles, mais aucune de ces personnes ne l’avait rappelé chez les électeurs (pièces 50'570 à 50'579).

100. Le 7 décembre 2007, ont été entendus en audience contradictoire M. Thierry Cerutti et MO P______. Ce dernier a confirmé qu’il n’avait pas signé sa carte de vote, et que cela avait été fait par sa mère en son absence. Ce témoin a été suivi de Mme MO P______, qui a confirmé n’avoir pas reçu la visite de M. Cerutti, mais celle d’une tierce personne. Son mari lui avait dit qu’il devait s’agir du frère de l’inculpé. Elle ne le reconnaissait toutefois pas sur des photos présentées par ce dernier également en audience de confrontation, Mme BL______ a confirmé avoir reçu la visite de M. Cerutti.

101. Mme A R______ a confirmé avoir remis son matériel de vote à des inconnus qui s’étaient présentés à sa porte, alors qu’elle avait trouvé dans le support de sa carte de visite un document en faveur de M. Cerutti. Du fait des circonstances, elle considérait avoir voté pour ce dernier. Mme G O______ a confirmé avoir reçu la visite de tiers, sans être en mesure de reconnaître M. Cerutti. Le témoin suivant, Mme AN_______ ne l’a pas non plus reconnu.

102. Quant à Mme A AD______, elle a confirmé avoir reçu la visite de M. Cerutti avant le premier tour et celle d’un tiers avant le second. Elle avait remis à cette dernière personne le matériel de vote de son fils afin qu’il vote pour M. Cerutti.

103. Egalement en audience de confrontation, Mme M T______ a exposé ne pas reconnaître M. Cerutti. Elle était sûre d’avoir signé deux cartes de vote, mais ne savait plus qui avait mis la date.

104. Le témoin suivant, M. S P______, a confirmé sa signature qui figurait sur sa carte de vote, mais qu’il ne se souvenait pas avoir exprimé son suffrage. Lorsqu’il fallait voter, il était habituellement aidé par une assistante sociale.

105. M. SH H______ a déclaré ne pas reconnaître M. Cerutti comme la personne qui était venue chez lui.

106. Le témoin suivant a été M. P H______ qui a exposé qu’il n’avait jamais fouillé les poubelles des allées, ni établi de demandes de duplicata.

107. Mme G K______, confrontée à M. Cerutti, a déclaré ne pas le reconnaître, de même que M. SA R______.

108. M. C D______ a confirmé ses précédentes déclarations. Il n’avait pas proposé à M. Cerutti de lui envoyer le matériel de vote obtenu grâce à des demandes déposées par ce dernier chez lui.

109. Mme E D______ a confirmé avoir signé des documents dont elle ne se souvenait pas et a déclaré reconnaître vraisemblablement M. Cerutti comme la personne qui s’était présentée chez elle. L’intéressé a contesté avoir fait du porte-à-porte dans l’immeuble où habitait le témoin. Interrogé par le juge d’instruction sur le fait de savoir pourquoi il avait été en possession d’une demande de duplicata au nom de Mme D______, il a répondu qu’il était possible qu’une telle demande ait été remplie à la suite d’une rencontre dans la rue, ce que le témoin a nié (pièces 50'580 à 50'606).

110. Le 12 décembre 2007, le juge d’instruction a poursuivi les audiences de confrontation par l’audition de Mme E Y______. Ce témoin a confirmé avoir remis son matériel de vote et celui de son fils à M. Cerutti, fait que l’intéressé a contesté. Elle se souvenait également que l’inculpé avait avec lui sous le bras, plusieurs enveloppes identiques à celle qu’elle venait de lui remettre.

111. Il ressort encore du dossier de la procédure pénale que le juge d’instruction a commis un expert pour examiner 11 cartes de vote, soit celles de Mesdames et Messieurs N M_______ et MO M_______, M T_______, I T_______, S P______, V E______, M B______, M SA______, HA R______, M C______ et M DC______, afin de déterminer si la date de naissance figurant sur ces différentes cartes avait été inscrite de la même main. A teneur des conclusions de l’expert, datées du 5 novembre 2007, de nombreuses concordances graphiques spécifiques permettaient de soutenir très fortement l’hypothèse sur laquelle la date de naissance figurant sur les cartes de vote qui lui avaient été remises avaient été inscrites de la même main. De l’avis de l’expert, si le nombre de personnes pouvant avoir œuvré comme démarcheurs à domicile pouvait être limité à une centaine d’individus, la probabilité de retrouver des caractéristiques communes à deux personnes différentes était quasi nulle. Il était dès lors quasi certain que toutes les dates de naissance étaient de la même main.

EN DROIT

 

1. A teneur de l’article 56F, alinéa 1er lettre a de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05), le Tribunal administratif siège au nombre de cinq juges notamment en matière d’élections.

En cette matière, le délai de recours est de six jours en application de l’article 63 alinéa 1er lettre c LPA ; lorsque le dernier jour d’un délai tombe un samedi, il expire le premier jour utile suivant (ATA/656/2007 du 18 décembre 2007) selon l’article 17 alinéa 3 LPA (ATA/623/2007 du 4 décembre 2007).

L’opération électorale litigieuse a eu lieu le 3 juin 2007. Le recours de Mme Luscher a été expédié le 6 juin 2007, celui de l’association et de M. Zufferey l’a été le lundi 11 juin 2007, soit le premier jour utile après l’expiration du délai.

Les recours sont ainsi recevables.

2. En application de l’article 14 LPA, la suspension de la procédure administrative peut être prononcée lorsqu’une procédure pénale porte sur les mêmes faits. En l’espèce, l’instruction des recours de Mme Luscher, de l’association et de M. Zufferey, joints par décision du 22 juin 2007, a été suspendue dès cette date et jusqu’au 24 septembre 2007.

3. Les parties à la présente procédure ont le droit d’être entendues.

Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.256/2001 du 24 janvier 2002 consid. 2a et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.742/1999 du 15 février 2000 consid. 3a ; Arrêt du Tribunal fédéral du 12 novembre 1998 publié in RDAF 1999 II 97 consid. 5a p. 103). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Cst. qui s’appliquent (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.256/2001 du 24 janvier 2002 consid. 2b ; 1P.545/2000 du 14 décembre 2000 consid. 2a et les arrêts cités ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 198).

Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 Cst., le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 et les arrêts cités).

En l’espèce, tant les parties recourantes que les autorités intimées et l’appelé en cause par la décision du 12 octobre 2007 ont pu s’exprimer par écrit. Elles ont également participé à une audience de comparution personnelle des parties qui s’est tenue le 21 décembre 2007 et ont eu accès au dossier, contenant notamment celui de la procédure pénale en cours. Les 11 et 18 janvier 2008 a eu lieu un ultime échange d’écritures, demandé par les parties. Enfin, le 21 janvier 2008, elles ont été informées que la cause était gardée à juger.

4. A teneur de l’article 25 lettre b du Pacte international relatif aux droits civils et politiques entré en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992 (Pacte II – RS 0.103.2  ; ATF 129 I 185 p. 192), tout citoyen a le droit et la possibilité de voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs.

Selon l’article 34 alinéa 2 Cst. (ATF 132 I 104 consid. 3.1 p. 108 supra), la garantie des droits politiques protège la libre formation de l’opinion des citoyens et des citoyennes et l’expression fidèle et sûre de leur volonté. Parmi les principes tirés de cette disposition constitutionnelle, figurent notamment le droit à la composition exacte du corps électoral, celui au secret du vote ainsi qu’à la régularité des modalités de l’expression de la volonté populaire. Les trois recourants se plaignent de ce que des inconnus s’étaient rendus chez des électeurs afin de se faire remettre le matériel électoral de ceux-ci, de telle sorte que le résultat de l’élection ne pouvait être considéré comme représentant de manière fidèle et sûre la volonté librement exprimée du corps électoral. Ils concluent en conséquence à l’annulation de l’opération électorale litigieuse.

5. Le droit à la composition exacte du corps électoral a fait l’objet d’un arrêt du Tribunal fédéral du 16 août 1995 (ATF 121 I 187) sous l’angle de l’examen de la garantie d’une expression fidèle et sûre de la volonté des citoyens dans le cas du vote par correspondance. Selon le Tribunal fédéral, la procédure de vote doit être organisée dans son ensemble d’une manière telle que la volonté des citoyens s’exprime de manière fidèle et sûre. Lorsqu’un nouveau mode de scrutin introduit sur certains points des simplifications, celles-ci doivent être compensées par des mesures de sécurité supplémentaires. Ainsi, l’admission du vote par correspondance doit être compensée par l’introduction de mesures de protection plus élevées contre les abus (ATF 121 I 187 consid. 3 p. 191). A teneur de cet arrêt, il était généralement admis par la doctrine que le vote par correspondance comportait un risque accru d’abus (ATF 121 I 187 consid. 3d p. 193). Pour ce motif, la plupart des cantons exigeait soit que les électeurs signent leur carte de vote, soit qu’ils fassent une demande expresse pour pouvoir voter par correspondance. Un vote anonyme ne permettant pas d’identifier les votants, ne correspondait pas à la notion d’expression fidèle et sûre de la volonté des électeurs. Il revenait dès lors aux cantons de s’organiser de manière à ce que lesdits électeurs puissent être identifiés de manière sûre (ATF 121 I 187 consid. 3f p. 195).

Selon la doctrine (A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, Berne 2000, p. 300), le droit à la composition exacte du corps électoral oblige l’autorité à vérifier que seuls prennent part aux votations et élections les citoyens qui ont l’exercice des droits politiques.

En l’espèce, il ressort des auditions diligentées par le juge d’instruction en charge de la procédure pénale qu’un certain nombre d’électeurs ont remis à des tiers dont l’identification est sans pertinence quant à l’issue de la présente procédure, leur carte d’électeur signée et que certains d’entre eux ont également remis à ces personnes les cartes électorales de membres de leur famille. Ainsi, dans chacun des cas où un électeur a remis sa carte de vote à un tiers au lieu d’expédier l’intégralité du matériel contenant son bulletin de vote ou qu’il a signé la carte de vote d’autres membres de sa famille, il y a lieu de considérer que le droit à une composition exacte du corps électoral a été violé.

6. La garantie des droits politiques implique le respect des règles de procédure (ATF 131 I 442 consid. 3.1 p. 446-447 et consid. 3.8 p. 453), afin notamment de ne pas nuire à la crédibilité du résultat de l’élection.

Selon l’article 63 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05), le vote par procuration est interdit. L’électeur choisissant d’exprimer son suffrage par correspondance doit signer sa carte de vote et inscrire sa date de naissance complète puis l’expédier au service des votations et élections accompagnée de son enveloppe de vote fermée contenant le ou les bulletins (art. 21 al. 1er du règlement d’application de la loi sur l’exercice des droits politiques du 12 décembre 1994 - REDP - A 5 05.01). La notion de vote personnel est renforcée par l’article 20 du même règlement selon lequel les pouvoirs publics expédient à chaque électeur une carte de vote, nul ne pouvant exercer son droit de vote s’il n’est pas titulaire de ladite carte. Enfin, l’article 23 REDP réserve aux seuls handicapés la faculté de requérir l’aide à une personne de leur choix pour exercer leur droit politique.

En l’espèce, il est acquis que des électeurs n’ont pas signé de leur main la carte de vote, mais que celle-ci l’a été par une tierce personne alors même qu’ils n’étaient pas handicapés. Le fait de remplir soi-même sa propre carte de vote et de la remettre à une tierce personne qui y joint alors le bulletin électoral qu’elle veut, constitue une violation de l’article 63 LEDP prohibant le vote par procuration et de l’article 21 REDP selon lequel l’électeur expédie son enveloppe de vote fermée, contenant le bulletin correspondant à l’opération électorale, après avoir rempli la date de naissance, signé sa carte de vote et l’avoir jointe à l’enveloppe fermée sous un second pli. Ces deux règles contribuent à garantir la régularité du vote par correspondance. Elles sont également violées si un électeur se contente de signer sa propre carte, mais n’indique pas sa date de naissance.

7. L’article 34 Cst. garantit également le droit à un vote sans influence de tiers. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral toutefois, l’exercice de la liberté d’expression est indispensable à la démocratie et il serait vain de vouloir sanctionner tous les excès, les électeurs devant être présumés être capables de faire leur choix, de reconnaître les exagérations manifestes et de se forger une opinion (SJ 1992 313 consid. 2 p. 319).

En l’espèce, les renseignements volontairement fallacieux, ayant trait notamment à la possibilité pour une personne de signer des cartes de vote émises au nom des membres de sa famille, ne peuvent être protégés par la liberté d’expression. Si l’article 16 alinéa 2 Cst. protège notamment le droit de répandre librement son opinion, on ne saurait considérer qu’il couvre des mensonges quant aux règles gouvernant l’exercice du droit de vote.

Dans ces conditions, il convient également d’admettre que le droit à un vote sans influence a été violé.

8. Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les recourants n’ont pas à prouver qu’un ou plusieurs vices ont affecté de manière certaine le résultat d’une élection. L’autorité chargée de trancher un tel litige doit simplement se convaincre qu’une telle influence a été possible  ; elle se fonde sur une impression d’ensemble lorsqu’il est exclu d’apprécier sous forme de dénombrement l’influence des vices constatés (ATF 112 Ia 129 consid. 3a p. 134).

Dans ses écritures des 23 novembre 2007 et 18 janvier 2008, l’appelé en cause considère que 18 ou 19 votes pourraient être considérés comme nuls, car ils correspondraient à des suffrages recueillis dans des conditions litigieuses. Or, ce nombre devrait être rapporté à la différence de 184 suffrages séparant l’appelé en cause du second candidat le mieux placé recourant dans la présente procédure. De surcroît, l’écart des voix était supérieur à 3% alors même que dans plusieurs communes genevoises, l’écart des voix entre un candidat élu et le premier de ceux qui ne l’avaient pas été, était plus faible.

Ainsi que cela ressort des résultats de l’opération électorale litigieuse, 6’267 bulletins ont été retrouvés. Il est manifeste que l’enquête pénale n’a pas consisté en l’audition de près de 6’300 électeurs afin de déterminer dans quelles conditions ils avaient exprimé leur choix. Le tribunal de céans doit dès lors se forger une impression d’ensemble du scrutin. Les éléments qu’il retiendra sont les suivants  :

a. Il est avéré que des personnes se sont présentées chez des électeurs pour collecter leur matériel de vote, leur faisant croire dans certains cas qu’ils procédaient ainsi pour le compte des autorités communales. À certaines occasions, ces personnes se sont fait remettre plusieurs cartes de vote, signées le cas échéant par le même électeur. Il est constant également que les électeurs ayant remis leur seule carte de vote à un tiers ne peuvent ainsi connaître à qui leur suffrage est allé. Il est acquis enfin que des demandes de duplicata ont été remises au service chargé des élections et votations et que celui-ci a renvoyé le matériel électoral aux personnes ainsi désignées, sans s’assurer qu’elles souhaitaient effectivement le recevoir, certaines de ces demandes n’étant pas signées.

b. La propagande électorale sous forme de porte-à-porte n’est en rien prohibée. En l’espèce, toutefois il est établi que des électeurs ont reçu la visite de personnes faisant non seulement de la propagande électorale en faveur d’un candidat - comportement parfaitement admissible - mais qui ont abusé de la situation pour se faire remettre du matériel électoral dans des conditions violant tant les garanties de rang constitutionnel que le droit cantonal pertinent. Ces opérations paraissent s’être déroulées principalement dans des quartiers à forte population étrangère, composée d’électeurs exerçant pour la première fois des droits nouveaux et peu au fait du système électoral helvétique.

c. Dans le cadre de l’examen que pratique le Tribunal administratif, il est sans importance de déterminer à qui les suffrages ainsi captés ont pu profiter. Juge de l’opération électorale, le tribunal de céans doit apprécier si l’opération litigieuse a été l’expression fidèle et sûre de la volonté des électeurs au sens de l’article 34 alinéa 2 Cst. (ATF 129 I 185 consid. 7.2 p. 199 et 232 consid. 4.2 p. 244). Tel n’est pas le cas sur le vu de l’ensemble des éléments de fait rappelés ci-dessous. L’élection complémentaire dans la commune de Vernier du 3 juin 2007 pour la désignation du troisième membre du Conseil administratif doit dès lors être annulée, le scrutin devant être répété.

d. Les questions de l’influence éventuelle de l’usage des armoiries communales au cours de la campagne, de la détermination de la personne ayant reçu au SVE des duplicata et de celle ayant fait usage d’un clé SI ou passe-partout peuvent rester indécises, car leur résolution est sans influence sur le résultat auquel est conduit le tribunal de céans par l’examen des faits auquel il a procédé.

9. Bien fondé, les recours doivent être admis. Leurs auteurs, qui obtiennent gain de cause, ont droit aux dépens auxquels ils ont conclu. Ceux-ci seront arrêtés à deux fois CHF 2'500.- pour respectivement Mme Luscher, d’une part et l’association libérale de Vernier et M. Zufferey, d’autre part, en application de l’article 87 alinéa 2 LPA. Ils seront mis conjointement et solidairement à la charge du Mouvement citoyens genevois, intimé et de M. Cerutti, appelé en cause. La commune de Vernier et le Conseil d’Etat qui n’ont pas pris de conclusions formelles, n’ont pas droit à une allocation de dépens, le canton étant au demeurant une collectivité publique d’une taille suffisante pour disposer de son propre service juridique (ATA/591/2007 du 20 novembre 2007 ; ATA/813/2003 du 4 novembre 2003). Les frais de la procédure seront mis conjointement et solidairement à la charge de M. Cerutti et du MCG à hauteur de CHF 3'000.-.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevables les recours déposés le 6 juin 2007 par Madame Maja Luscher et le 11 juin 2007 par Monsieur Georges Zufferey ainsi que l’association libérale de Vernier contre l’élection administrative complémentaire du 3 juin 2007 dans la commune de Vernier. 

au fond :

les admet ;

annule l’élection administrative complémentaire du 3 juin 2007 dans la commune de Vernier ;

met les frais de la cause à hauteur de CHF 3'000.- conjointement et solidairement à la charge de Monsieur Thierry Cerutti et du Mouvement citoyens genevois  ;

condamne conjointement et solidairement Monsieur Thierry Cerutti et le Mouvement citoyens genevois au versement d’une indemnité de procédure d’un montant de CHF 2'500.- à Madame Maya Luscher, d’une part, d’un montant de CHF 2'500.- à Monsieur Georges Zufferey ainsi qu’à l’association libérale de Vernier, d’autre part ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Haddad, avocat de Mme Maya Luscher, recourante, à Me Olivier Jornot, avocat de M. Georges Zufferey et de l'association libérale de Vernier, recourants, à Me Mauro Poggia, avocat de M. Thierry Cerutti, au Mouvement citoyens genevois, au Conseil d'Etat ainsi qu'à Me David Lachat, avocat de commune de Vernier.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, Mme Junod, juges, M. Hottelier, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :