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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/857/2012

ATA/144/2013 du 05.03.2013 sur JTAPI/703/2012 ( LDTR ) , ADMIS

Descripteurs : ; AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; LOGEMENT ; VENTE
Normes : LDTR.39.al4.letb
Parties : BURCH Bernhard, DEPARTEMENT DE L'URBANISME / ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES, BURCH Bernhard, DEPARTEMENT DE L'URBANISME
Résumé : L'immeuble, respectivement l'appartement n° 7.03, était constitué en PPE depuis le 16 mai 1984. Les recourants ont établi que ledit appartement avait déjà été cédé de manière individualisée, sous forme de cession d'actions avant le 30 mars 1985, date de l'entrée en vigueur de l'art. 9A LDTR concernant l'aliénation d'appartements loués. Le département, en application de l'art. 39 al. 4 let. b LDTR, était ainsi tenu de délivrer l'autorisation d'aliéner. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/857/2012-LDTR ATA/144/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2013

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DE L'URBANISME

et

Monsieur Bernhard BURCH
représenté par Me Yves Jeanrenaud, avocat

contre

ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES (ASLOCA)
représentée par Me Romolo Molo, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L'URBANISME

et

Monsieur Bernhard BURCH
représenté par Me Yves Jeanrenaud, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mai 2012 (JTAPI/703/2012)


EN FAIT

1) L'immeuble situé au 3, rue Maunoir aux Eaux-Vives, parcelle n° 296 de la Ville de Genève, secteur Eaux-Vives, est soumis au régime de la propriété par étages (ci-après : PPE) depuis le 16 mai 1984. Les 17 parts de PPE étaient détenues par la société immobilière (ci-après : S.I.) Rue Maunoir 3, société immobilière d'actionnaires-locataires, les lots étant divisés en actions.

2) Le 22 mars 1999, la S.I. Rue Maunoir 3, en liquidation, a cédé la pleine propriété des parts correspondant aux appartements n° 7.01, n° 7.02 et n° 7.03 à Monsieur Bernhard Burch pour un prix de CHF 432'300.-, selon acte notarié du 18 février 1999.

Selon le feuillet n° 296 n° 14 du registre foncier (ci-après : RF), les droits exclusifs de M. Burch portaient sur le lot « 7.03 appartement, balcon », représentant une quote-part de 46/1000èmes de la PPE.

3) Le 27 juillet 2007, M. Burch a conclu avec Monsieur Melker Mabeck un contrat de bail de durée indéterminée sur l'appartement n° 7.03. Le loyer mensuel était de CHF 1'900.-. M. Mabeck a quitté l'appartement le 31 mai 2011.

4) Le 30 novembre 2011, M. Burch, par l'intermédiaire de son notaire, a requis l'autorisation de vendre le lot n° 7.03, soit un appartement de trois pièces et demie avec balcon, à Monsieur Morgan Pelas pour le prix de CHF 725'000.-.

5) Par arrêté du 7 février 2012, le département des constructions et des technologies de l'information, devenu le département de l'urbanisme (ci-après : le département), a autorisé l'aliénation sollicitée au prix précité (VA 11'551). L'immeuble dans lequel était compris l'appartement était soumis au régime de la PPE depuis mai 1984. M. Burch avait acquis l'appartement, par voie de cession d'actions, à une date inconnue mais à tout le moins avant le 30 mars 1985 et souhaitait le revendre. Le transfert de la propriété au nom de M. Burch avait été enregistré en mars 1999 dans le cadre de la liquidation de la S.I. Rue Maunoir 3. L'appartement était libre de tout occupant et destiné à l'habitation personnelle de l'acquéreur. Les conditions de l'art. 39 al. 4 let. b de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) étaient réunies.

6) Cette autorisation a fait l'objet d'une publication dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 14 février 2012.

7) Le 15 mars 2012, l'Association genevoise des locataires (ci-après : ASLOCA) a recouru contre cette autorisation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant préalablement à la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties, à la jonction des causes relatives aux appartements n° 7.03 et n° 7.01 (VA 11'481), à ce que le département produise un certain nombre de pièces et, principalement, à l'annulation de l'arrêté VA 11'551, le tout « sous suite de frais et dépens ». Les motifs de la vente de l'appartement n° 7.03 n'étaient pas clairs. Le département n'avait pas indiqué d'aliénation antérieure pour justifier l'autorisation. Il en résultait que M. Burch était encore un « détenteur d'actionnaire-locataire » en 1999. Il n'était par ailleurs pas démontré que l'appartement en cause était déjà en PPE dans le cadre de l'autorisation VA 2'044 du 15 février 1989, « car la vente de l'appartement en cause paraît être modifiée en PPE, ce qui serait la première aliénation de l'appartement en cause, de sorte que l'article 39 alinéa 4 lettre d) LDTR n'est pas respecté ».

8) Le 13 avril 2012, le département a conclu au rejet du recours. Les conditions de l'art. 39 al. 4 let. b LDTR étaient réalisées puisque l'immeuble sis 3, rue Maunoir, dont faisait partie l'appartement en cause, était soumis au régime de la PPE depuis le 16 mai 1984, soit avant le 30 mars 1985, date butoir fixée par la let. b de l'art. 39 al. 4 LDTR et l'appartement avait été acquis par M. Burch à tout le moins avant le 12 octobre 1984, par voie de cession d'actions, soit qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée. Enfin, l'acquisition par M. Burch étant intervenue avant l'entrée en vigueur de la LDTR, elle n'avait pas fait l'objet d'une autorisation du département.

9) Le 18 avril 2012, M. Burch, sous la plume de son conseil, a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Les conditions de l'art. 39 al. 4 let. b LDTR étaient réalisées. En effet, l'immeuble en cause était soumis au régime de la PPE depuis le 16 mai 1984 et les actions relatives à l'appartement n° 7.03 avaient été cédées de manière individualisée, une première fois par la S.I. Rue Maunoir 3 avant le 19 septembre 1984 (comme cela ressortait d'un certificat d'actions n° 16) et une seconde fois par Monsieur Dieter Graf à M. Burch avant le 30 mars 1985 (M. Burch détenait les actions lors de l'assemblée générale des actionnaires du 31 juillet 1985 lors de laquelle il devait se prononcer sur les comptes 1984, ce qui impliquait qu'il était déjà actionnaire en 1984). Enfin, l'art. 39 al. 1 LDTR donnait des exemples de mode d'aliénation et la cession d'actions en faisait partie.

10) Le TAPI a entendu les parties lors d'une audience de comparution personnelle le 24 avril 2012.

a. A cette occasion, le représentant de l'ASLOCA a confirmé son recours. Une autorisation aurait dû être délivrée pour passer d'une propriété par actions en PPE, même si l'ayant droit restait le même. La propriété foncière devait être inscrite au RF. S'agissant de l'arrêté du 15 février 1989, il n'y avait pas eu d'inscription au RF. Enfin, l'expression « forme de propriété » contenue à l'art. 39 al. 4 let. a et b LDTR se rapportait à la PPE.

b. La représentante du département a déclaré que des autorisations d'aliéner avaient déjà été délivrées dans cet immeuble. Il n'y avait jamais eu délivrance d'une autorisation lorsqu'il s'agissait du transfert d'un droit de propriété d'un détenteur d'un certificat d'actions portant sur un appartement déterminé en son nom, c'est-à-dire quand le propriétaire économique restait le même. Enfin, en 1989, lors de la vente des certificats d'actions, l'immeuble était déjà en PPE depuis 1984.

11) Par jugement du 30 mai 2012, le TAPI a admis le recours. Les conditions de l'art. 39 al. 1 let. b LDTR n'étaient pas remplies. L'immeuble était bien soumis au régime de la PPE avant le 30 mars 1985 mais l'appartement n° 7.03 n'avait jamais été cédé de manière individualisée auparavant. Aucun élément probant ne permettait de déterminer si M. Graf était bel et bien propriétaire du certificat d'actions n° 16 avant le 30 mars 1985 : s'il ne faisait aucun doute qu'il l'était au jour de l'assemblée générale du 31 juillet 1985, assemblée générale lors de laquelle il pouvait exercer tous les droits en découlant, même celui de se prononcer sur les comptes 1984 de la société, il avait tout à fait pu devenir propriétaire du certificat entre le 30 mars et le 31 juillet 1985. De plus, lors de la liquidation de la S.I. Rue Maunoir 3 en mars 1999, l'appartement attaché au certificat d'actions n° 16 n'avait pas été aliéné en faveur de M. Graf, mais directement à M. Burch : aucune autorisation n'avait donc été délivrée pour une vente entre MM. Graf et Burch.

12) Par acte posté le 20 juin 2012, le département a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation.

Les conditions de l'art. 39 al. 4 let. b LDTR étaient réunies puisque l'immeuble sis, 3, rue Maunoir était soumis au régime de la PPE depuis le 16 mai 1984 et l'appartement n° 7.03 avait été cédé de manière individualisée avant le 30 mars 1985. La convention de cession d'actions relative au certificat d'actions n° 16 entre MM. Graf et Burch signée les 10 et 12 octobre 1984 avait été retrouvée et était jointe au recours. Le département avait l'obligation de délivrer l'autorisation dans la mesure où les deux conditions de l'art. 39 al. 4 let. b LDTR étaient réunies. L'acquisition par M. Burch de l'appartement n° 7.03 (cession du certificat d'actions n° 16) n'avait pas fait l'objet d'une autorisation en raison du fait que celle-ci était intervenue avant l'entrée en vigueur de la LDTR. Quant au transfert au nom de M. Burch, intervenu en mars 1999, cette opération n'avait pas été soumise à autorisation, dans la mesure où il s'agissait du transfert en nom d'un détenteur d'un certificat d'actions (le certificat n° 16) portant sur un appartement déterminé (l'appartement n° 7.03), du droit de propriété sur cet appartement, le propriétaire économique restant le même.

13) Le TAPI a produit son dossier le 25 juin 2012 sans formuler d'observations.

14) Par acte posté le 25 juin 2012, M. Burch, sous la plume de son conseil, a lui aussi recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation ainsi qu'à la condamnation de l'ASLOCA « à tous les frais et dépens de première et de deuxième instance, lesquels comprendront le versement d'une indemnité équitable pour couvrir les frais causés par la présente procédure ».

Les conditions cumulatives de l'art. 39 al. 4 let. b LDTR étaient réalisées. L'immeuble sis 3, rue Maunoir était soumis au régime de la PPE depuis le 16 mai 1984 et les actions relatives à l'appartement n° 7.03 avaient été cédées de manière individualisée, une première fois par la S.I. Rue Maunoir 3 avant le 19 septembre 1984 (comme cela ressortait d'un certificat d'actions n° 16) et une seconde fois par M. Graf à M. Burch avant le 30 mars 1985 (M. Burch détenait les actions lors de l'assemblée générale des actionnaires du 31 juillet 1985, lors de laquelle il devait se prononcer sur les comptes 1984 ce qui impliquait qu'il était déjà actionnaire en 1984). Aucune autorisation n'avait été délivrée par le département pour la vente entre MM. Graf et Burch car la loi n'exigeait pas qu'ils obtiennent une autorisation d'aliéner. Afin de lever tout doute, il joignait au recours le contrat de vente des actions n° 799 à n° 844 signé les 10 et 12 octobre 1984 entre MM. Graf et Burch.

15) Le 25 juin 2012, le juge délégué a remis à l'ASLOCA et à M. Burch le recours du département, en leur fixant un délai au 17 août 2012 pour lui faire parvenir leurs observations.

16) Le 27 juin 2012, le juge délégué a remis à l'ASLOCA et au département le recours de M. Burch en leur fixant un délai au 17 août 2012 pour lui faire parvenir leurs observations.

17) Le 25 juillet 2012, le département a informé le juge délégué qu'il entendait soutenir le recours de M. Burch, les griefs formulés par ce dernier apparaissant, pour l'essentiel, être identiques à ceux soulevés dans son propre recours du 20 juin 2012.

18) Dans ses observations du 28 août 2012, l'ASLOCA a sollicité la jonction de la présente cause à la cause n° A/46/2012 aux motifs que « le texte des observations était identique au texte de son appel [recte : recours] (cause A/46/2012). Il en est de même pour les pièces » et principalement au rejet du recours. La vente d'actions ne pouvait être assimilée à une vente d'appartements en PPE, d'autant plus qu'aucune autorisation n'avait été délivrée par le département en relation avec l'appartement n° 7.03.

19) Le 28 août 2012, le juge délégué a fixé un délai au 21 septembre 2012 aux parties pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

Le même jour, le juge délégué a remis au département et à M. Burch les conclusions et les observations de l'ASLOCA, celles-ci ne leur ayant pas encore été transmises, en leur fixant un délai prolongé au 28 septembre 2012.

20) Le 25 septembre 2012, le département a déclaré s'en rapporter à justice quant à la recevabilité des observations de l'ASLCOA du 28 août 2012, qui avaient été déposées hors délai. Il n'avait par ailleurs pas de requête ou d'observations complémentaires à formuler, son recours et les pièces figurant au dossier démontraient la réalisation des deux conditions de l'art. 39 al. 4 let. b LDTR.

21) Le 25 septembre 2012, M. Burch a conclu à l'irrecevabilité des observations de l'ASLOCA du 28 août 2012, celles-ci ayant été déposées hors délai, et à l'admission de son recours. Les conditions de l'art. 39 al. 4 let. b LDTR étaient réalisées. Le TAPI avait retenu dans son jugement que la première condition était réalisée et au vu des pièces, notamment le certificat d'actions n° 16 au nom de M. Graf et de la convention de cession des 10 et 12 octobre 1984, figurant au dossier, il fallait considérer que M. Graf lui avait cédé l'appartement n° 7.03 en octobre 1984. Enfin, il s'opposait à la jonction des procédures au motif qu'elles étaient différentes, ne s'appuyant pas sur le même état de fait ni sur le même fondement juridique.

22) Le 10 octobre 2012, l'ASLOCA a informé le juge délégué qu'elle ne comprenait pas la lettre du département du 25 septembre 2012 puisque le 28 août 2012, il avait accordé un délai au 21 septembre 2012 pour formuler toute requête ou observation complémentaire.

23) Le 18 décembre 2012, M. Burch a informé le juge délégué que les procédures engagées par l'ASLOCA l'avaient obligé à reporter les actes de vente des appartements n° 7.01 et n° 7.03. Ces frais représentaient un montant total de CHF 3'572.- et devraient être mis à la charge de l'ASLOCA à titre de dépens.

24) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), étant rappelé que, de jurisprudence constante, l'ASLOCA a qualité pour recourir au sens de l'art. 45 al. 3 LDTR (ATA/725/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/270/2012 du 8 mai 2012 consid. 3 ; ATA/130/2007 du 20 mars 2007 consid. 2 ; ATA/571/2006 du 31 octobre 2006 consid. 2 et les arrêts cités).

2) Selon l'art. 73 al. 1 LPA, l'autorité qui a pris la décision attaquée et toutes les parties ayant participé à la procédure de première instance sont invitées à se prononcer sur le recours. En l'espèce, par courriers des 25 et 27 juin 2012, le juge délégué a invité l'ASLOCA à se déterminer sur les recours du département et de M. Burch avant le 17 août 2012. Or, l'ASLOCA n'a remis ses observations que le 28 août 2012, soit hors du délai imparti par l'autorité, étant précisé que ce délai n'avait pas fait l'objet d'une demande de prolongation en application de l'art. 16 al. 2 LPA. Toutefois, la question de la recevabilité de ces écritures peut demeurer ouverte dans la mesure où celles-ci n'ont pas d'effet sur la solution du litige.

3) Sur la base de l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune. En l'espèce, force est de constater que même si la cause n° A/46/2012 a trait à une autorisation d'aliénation d'un appartement faisant partie du même immeuble et appartenant à M. Burch, les faits ayant conduit aux deux autorisations querellées se rapportent à une situation juridique différente, puisque l'objet de la cause n° A/46/2012 est l'appartement n° 7.01 alors que l'objet de la présente cause est l'appartement n° 7.03. Les autorisations ne s'appuient par ailleurs pas sur la même base légale. La jonction des deux causes ne sera dès lors pas ordonnée.

4) L'aliénation, sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation jusqu'alors offert en location est soumise à autorisation dans la mesure où l'appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (art. 39 al. 1 LDTR).

Le Conseil d'Etat a constaté qu'il y a pénurie, au sens des art. 25 et 39 LDTR, dans toutes les catégories des appartements d'une à sept pièces inclusivement (Arrêtés du Conseil d'Etat déterminant les catégories d'appartements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 LDTR, du 27 juillet 2011 - ArAppart - L 5 20.03).

En l'espèce, l'appartement n° 7.03 est un appartement de trois pièces et demie qui était jusqu'alors mis sur le marché locatif. Il entre ainsi en raison de son type dans la catégorie de logements où sévit la pénurie, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté. Il est à ce titre soumis à autorisation d'aliéner en vertu de cette loi et la chambre de céans est compétente ratione materiae pour contrôler la conformité à la loi de l'opération d'aliénation dont il fait l'objet.

5) Le département doit refuser l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués.

6) Selon l'art. 39 al. 4 LDTR, le département autorise l'aliénation d'un appartement si celui-ci a été, dès sa construction, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue (let. a) ; s'il était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue et qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée (let. b) ; s'il n'a jamais été loué (let. c) ; ou s'il a fait une fois au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la LDTR (let. d). L'autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d'assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d'habitation ayant été mis en PPE et jusqu'alors offerts en location, avec pour condition que l'acquéreur ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve de l'obtention d'une autorisation individualisée.

7) En cas de réalisation de l'une des hypothèses de l'art. 39 al. 4 LDTR, le département est tenu de délivrer l'autorisation d'aliéner (ATA/784/2012 du 20 novembre 2012 consid. 7 ; ATA/725/2012 du 30 octobre 2012 consid. 8 ; ATA/826/2001 du 11 décembre 2001 consid. 2 ; ATA/647/2000 du 24 octobre 2000 consid. 4), ce qui résulte d'une interprétation tant littérale (le texte indique que l'autorité « accorde » l'autorisation, sans réserver d'exception) qu'historique (l'art. 9 al. 3 aLDTR, dont le contenu est repris matériellement à l'art. 39 al. 4 LDTR, prévoyait expressément que l'autorité ne pouvait refuser l'autorisation) du texte légal. Il n'y a donc, le cas échéant, pas de place pour une pesée des intérêts au sens de l'art. 39 al. 2 LDTR. Les conditions posées à l'art. 39 al. 4 LDTR sont par ailleurs alternatives, ce qui résulte notamment de l'incompatibilité entre les let. a et b de cette disposition (ATA/784/2012 déjà cité consid. 7 ; ATA/725/2012 déjà cité consid. 8).

A l'inverse, au vu de la marge d'appréciation dont elle dispose, lorsqu'aucun des motifs d'autorisation expressément prévus par l'art. 39 al. 4 LDTR n'est réalisé, l'autorité doit rechercher si l'intérêt public l'emporte sur l'intérêt privé du recourant à aliéner l'appartement dont il est propriétaire (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.2/1999 du 19 avril 1999, consid. 2f, rés. in SJ 1999 II 287 ; ATA/104/2011, ATA/103/2011, ATA/102/2011 et ATA/101/2011 du 15 février 2011, confirmés par les Arrêts du Tribunal fédéral 1C_137/2011, 1C_139/2011, 1C_141/2011 et 1C_143/2011 du 14 juillet 2011).

8) En l'espèce, il découle donc des pièces produites que l'immeuble, respectivement l'appartement n° 7.03, est constitué en PPE depuis le 16 mai 1984 et qu'il a été cédé de manière individualisée, sous forme de cession d'actions, les 10 et 12 octobre 1984. Le contrat de cession signé les 10 et 12 octobre 1984 entre MM. Graf et Burch est par ailleurs clair et ne suscite pas de problème d'interprétation. Son article 1er précise que : « Monsieur Dieter GRAF, en sa qualité, déclare céder, valeur 1er novembre 1984, au cessionnaire qui accepte : 46 actions de cent francs chacune, nominatives entièrement libérées de la S.I RUE MAUNOIR 3 ainsi que la quote-part y relative de la créance chirographaire qui figurera au passif de son dernier bilan » ; son article 2 stipulant que « les actions sont réunies en un certificat n° 16 indivisible de 46 actions n° 799 à 844 », ce qui correspond bien à l'appartement n° 7.03 de trois pièces et demie avec balcon. De plus, aucune autorisation d'aliénation du département n'était requise à l'époque, puisque ce n'est que le 10 mars 1985 que le corps électoral du canton de Genève a adopté le chapitre concernant l'aliénation d'appartements loués et plus particulièrement l'art. 9A aLDTR entré en vigueur le 30 mars 1985, dont le contenu a été repris matériellement à l'art. 39 LDTR.

Au vu de ce qui précède, il faut considérer que l'immeuble respectivement l'appartement n° 7.03 était constitué en PPE depuis le 16 mai 1984 et que ce dernier a été cédé de manière individualisée avant le 30 mars 1985.

Dès lors et conformément à la jurisprudence précitée, le département, en application de l'art. 39 al. 4 let. b LDTR, était tenu de délivrer l'autorisation d'aliéner.

9) Le recours du département et de M. Burch seront donc admis, le jugement du TAPI annulé et l'autorisation d'aliénation VA 11'551 du 7 février 2012 rétablie.

10) Les frais de prolongement des actes de ventes pour un montant total de CHF 3'572.- qui devraient être mis à la charge de l'ASLOCA dans le cadre des dépens tels qu'allégués par M. Burch dans son courrier du 18 décembre 2012 doivent être considérés comme des conclusions nouvelles et, partant, déclarées irrecevables car formulées hors du délai de recours (ATA/50/2013 du 29 janvier 2013 ; ATA/652/2012 du 25 septembre 2012 ; ATA/490/2012 du 31 juillet 2012 ; ATA/133/2012 du 13 mars 2012).

11) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l'ASLOCA (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à M. Burch, à charge de l'ASLOCA, dès lors qu'il y a conclu et qu'il a eu recours aux services d'un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet dans la mesure où ils sont recevables les recours interjetés respectivement les 20 et 25 juin 2012 par le département de l'urbanisme et par Monsieur Bernhard Burch contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mai 2012 ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mai 2012 ;

rétablit l'autorisation d'aliénation VA 11'551 du 7 février 2012 ;

met à la charge de l'ASLOCA un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue à Monsieur Bernhard Burch une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à charge de l'ASLOCA 

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Jeanrenaud, avocat de Monsieur Bernhard Burch, au département de l'urbanisme, à Me Romolo Molo, avocat de l'ASLOCA ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :