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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2499/2003

ACOM/61/2004 du 08.07.2004 ( CRUNI ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ETRE ENTENDU; MOTIVATION DE LA DECISION; ARBITRAIRE; POUVOIR D'APPRECIATION; EXAMEN; ETUDIANT; RESULTAT D'EXAMEN; PROCEDURE
Normes : CST.29 al.2; RIOR.14
Résumé : Contestation d'une note. Le vice de procédure (violation du droit d'être entendu) peut se trouver couvert sans que l'administré en subisse un dommage. Ainsi, l'absence de motivation d'une décision sera réparée si les motifs figurent dans la réponse de l'autorité lorsque le recours a été déposé et qu'il soit donné au recourant l'occasion de répliquer. S'agissant de domaines spécialisés qui requièrent des connaissances spécifiques, le pouvoir de cognition de la CRUNI est limité à l'examen de la régularité de la procédure ainsi qu'à l'absence d'arbitraire dans la décision prise.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2499/2003-CRUNI ACOM/61/2004

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 8 juillet 2004

 

dans la cause

 

Madame S________

contre

 

UNIVERSITE DE GENEVE

et

ECOLE DE TRADUCTION ET D’INTERPRETATION

 

(contestation note)


1. Madame S________, née le _______1977, de nationalité hongroise, postule une licence en traduction au sein de l’école de traduction et d’interprétation (ETI) après y avoir réussi les examens d’admission.

2. Au cours de l’année académique 2002-2003, elle s’est présentée aux trois sessions d’examens, obtenant une moyenne supérieure à 4 dans neuf des matières du premier cycle. Pour trois autres matières, elle n’a pas atteint cette moyenne, hormis deux dispenses.

Au nombre des branches en échec figure l’examen « méthodologie de la traduction FR/ES, cr. 1 » consistant en une traduction d’un texte français en espagnol pour lequel elle a obtenu la note de 3,60 à la session d’hiver et une note identique à la session extraordinaire d’automne 2003.

3. Mme S________ a formé opposition contre cette note qui lui ayant été attribuée par le professeur Ribas-Pujol, l’estimant insuffisante et injustifiée.

A son avis, plusieurs erreurs qui lui ont été reprochées n’étaient au pire que des erreurs d’expression et non de compréhension qui ne traduisaient donc nullement une mauvaise compréhension du texte proposé.

Elle illustrait son propos par plusieurs exemples.

4. Par décision du 5 octobre 2003, le collège des professeurs de l’ETI a rejeté l’opposition sur préavis de la commission permanente d’opposition, contestant tout arbitraire à la note attribuée.

5. Mme S________ recourt en temps utile auprès de la commission de recours de l’Université (CRUNI).

L’autorité ayant prononcé la décision litigieuse s’était rendue coupable d’un excès de son pouvoir d’appréciation, le collège des professeurs n’ayant pas motivé sa décision et n’ayant répondu à aucun des arguments soulevés dans l’opposition.

La procédure n’avait pas été respectée, la décision précitée n’ayant pas été notifiée au professeur Ribas-Pujol.

Elle conclut au renvoi de son dossier à l’autorité inférieure pour nouvelle décision.

 

6. L’université s’oppose au recours. Elle estime qu’il n’existe aucun arbitraire dans l’évaluation du travail de Mme S________. Les corrections apposées sur la copie elle-même permettent amplement de se former une conviction, et il n’y a pas lieu d’entrer dans le détail d’une motivation relevant du travail des correcteurs et non d’une instance statuant en arbitraire.

Dans le cadre de sa réponse, l’université a entre autre produit les rapports du professeur Ribas-Pujol et du juré de l’examen, Mme Villacampa-Bueno, assistante de l’unité d’espagnol, ayant succédé au juré précédent, durablement atteint dans sa santé.

a. Le professeur Ribas-Pujol a précisé que le cas de Mme S________ avait été discuté au moment de son admission déjà. En effet, celle-ci n’était pas de langue maternelle espagnole mais elle en possédait une excellente connaissance. Certains candidats, dont la langue maternelle ne se trouvait pas dans les combinaisons linguistiques offertes par l’ETI se présentaient aux examens d’admission de l’ETI sans que la langue de l’unité à laquelle ils se présentent soit leur langue maternelle. Tel était le cas de Mme S________.

L’attention de cette dernière avait été attirée sur les exigences spécifiques pour ce qui est de la maîtrise de la langue écrite.

Elle avait échoué à sa première tentative en février 2003 et obtenu la note de 3,6 à l’examen lors de la session extraordinaire d’octobre 2003.

b. Le juré a quant à lui indiqué avoir dispensé le séminaire du cours en question. Les étudiants étaient habilités à rendre des travaux au cours du semestre, dont les notes pouvaient représenter jusqu’à 30 % de la note du cours.

Comme elle n’avait obtenu qu’une moyenne de 3,2, Mme S________ avait donc décidé de ne pas retenir cette note.

Pour sa part, elle avait attribué une note de 3,3 à l’examen de la candidate, arrêtée à 3,6 après discussion avec l’examinateur.

c. Pour le surplus, les deux rapports susmentionnés détaillent au dixième près la note attribuée à l’étudiante.

7. Compte tenu de ce qui précède, la CRUNI a ordonné un second échange d’écritures pour permettre à Mme S________ de se prononcer sur ces rapports.

Les parties ont maintenu leur position respective, Mme S________ réclamant en outre la consultation du juré remplacé par Mme Villacampa-Bueno.

 

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 5 décembre 2003 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. Mme S________ est soumise au règlement d’études de l’ETI en vigueur lors de l’année académique 2002-2003 (RE).

Les études pour la préparation de la licence en traduction sont divisées en deux cycles, de quatre semestres chacun (art. 9 al. 2 RE).

Dans le cadre du premier cycle, l’étudiant doit obtenir 120 crédits en traduction, connaissances nécessaires à la traduction juridique et économique et traitement informatique multilingue (art. 12 RE).

En cas d’échec à un examen organisé à une session ordinaire, lors de la première tentative, soit hiver ou été, l’étudiant est automatiquement inscrit pour une deuxième tentative à la session extraordinaire d’automne.

Les examens sont notés de 0 à 6, la note suffisante étant 4 (art. 14 al. 1, 2, 4 et 8 RE).

Lors de ses deux tentatives à l’examen relatif à l’enseignement « méthodologie de la traduction FR/ES, cr. 1 », Mme S________ a obtenu la note de 3,6.

3. La recourante voit dans la décision de rejet de son opposition une violation du principe obligeant l’administration à motiver les décisions qu’elle prend, constitutif d’un abus de son pouvoir d’appréciation. En outre, le collège des professeurs n’a pas répondu aux arguments soulevés dans l’opposition.

a. Aux termes de l’article 14 RIOR, la décision sur opposition doit être motivée en fait et en droit.

Le devoir de motiver qui découle du droit d’être entendu, reconnu par l’article 4 anc. Constitution, et consacré par l’article 29 alinéa 2 Constitution fédérale, doit mettre l’intéressé en mesure de discerner la portée de la décision et les motifs qui ont guidé l’autorité (G. MULLER, Commentaire Constitution fédérale ad. 4 anc. Constitution fédérale, p. 49).

Ainsi la jurisprudence du Tribunal fédéral a-t-elle déduit du droit d’être entendu l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision afin que l’intéressé puisse la comprendre (SJ 1996 368). A défaut de connaître les faits déterminants et les règles juridiques appliqués à la solution du litige, le bien-fondé de la décision entreprise se trouve alors soustrait au contrôle des parties et de l’autorité de recours (ATF 101 Ia 49). Il en découle que l’autorité qui a rendu la décision doit mentionner au moins brièvement les motifs sur lesquels elle s’est fondée, cette motivation devant porter sur les points nécessaires et les arguments pertinents soulevés par les parties.

b. A défaut, il ne s’ensuit néanmoins pas encore nécessairement que l’exigence d’une motivation suffisante ne soit pas satisfaite, si les raisons qui ont conduit l’autorité dans sa détermination peuvent être déduites et comprises par un autre moyen (ATF 98 Ia 465).

En effet, le vice de procédure peut se trouver couvert sans que l’administré en subisse un dommage. Ainsi l’absence de motivation d’une décision sera réparée si les motifs figurent dans la réponse de l’autorité lorsque le recours a été déposé et qu’il soit donné au recourant l’occasion de répliquer (P. MOOR, Droit administratif II, 2002, p. 228 ss).

Selon la jurisprudence de la CRUNI, une motivation insuffisante peut être complétée à l’occasion de l’instruction devant l’autorité de recours (décision CRUNI L. du 5 novembre 2002).

4. a. Compte tenu de ce qui précède, la question de savoir si la décision sur opposition rendue par le collège des professeurs de l’ETI en date du 5 décembre 2003 était insuffisamment motivée peut demeurer ouverte.

En effet, dans le cadre de l’instruction devant la CRUNI, l’université a produit les rapports détaillés de l’examinateur et de son juré et la recourante a été acheminée à prendre position ultérieurement sur ces documents, ce qu’elle a fait par une écriture datée du 12 mai 2004.

Il en résulte qu’à supposer même que la décision sur opposition ait été entachée d’un vice de procédure, celui-ci a été réparé dans le cadre de l’instruction diligentée par la CRUNI.

b. Il y a lieu de relever à cet égard que les griefs de Mme S________ sont essentiellement dirigés sur les rapports entretenus avec le professeur Ribas-Pujol et l’attitude que celui-ci a eue à son encontre, lesquels ne préjugent en rien de la stricte appréciation de l’examen qu’elle a présenté.

Tant l’examinateur que le juré sont parvenus à une note inférieure à la moyenne et la recourante n’a que son appréciation à leur opposer, selon laquelle son niveau de rédaction n’a pas fait l’objet de corrections.

c. S’agissant de domaines spécialisés qui requièrent des connaissances spécifiques, le pouvoir de cognition de la CRUNI est limité à l’examen de la régularité de la procédure menée par les autorités universitaires qui ont statué ainsi qu’à l’absence d’arbitraire dans la décision prise (décision CRUNI F.O. du 21 octobre 2003).

Sous ces réserves, son contrôle ne saurait interférer dans le très large pouvoir d’appréciation des autorités académiques en matière d’examen et de contrôle des connaissances, ou chargées d’une manière générale d’apprécier les connaissances des candidats, et s’impose une retenue particulière, quelle que soit la matière en cause (JdT 1997 I 384).

5. Le droit constitutionnel d’être entendu comprend le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et qu’il y soit donné suite, sans pour autant impliquer l’obligation d’argumenter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 121 I 57).

Dans le but « de réfuter les thèses de l’examinateur », Mme S________ a consacré l’essentiel de son opposition à la démonstration que les erreurs relevées ne constituaient en fait que des fautes d’expression, avec pour conséquence que la note attribuée devait être relevée.

Aussi bien l’examinateur que le juré ont énuméré une à une les erreurs commises par la recourante dans le texte traduit en reportant au dixième près leur incidence sur la note finale.

La CRUNI ne peut que s’estimer convaincue par ce mode de pratiquer, qui exclut en tout état l’arbitraire et la recourante n’apporte du reste aucun élément propre à démontrer que les correcteurs se seraient eux-mêmes trompés dans leur appréciation.

6. Mme S________ invoque encore que la procédure même d’opposition n’aurait pas été respectée.

L’université a confirmé que le professeur Ribas-Pujol ne faisait pas partie de la commission permanente d’opposition.

Il va en revanche de soi que ce dernier fait partie du collège des professeurs et l’on ne voit pas le profit que la recourante pourrait tirer du fait que la décision querellée ne lui aurait pas immédiatement été notifiée.

7. A teneur de l’article 34 RU, les examens sont soumis à l’appréciation de jurys formés de deux membres au minimum désignés selon des modalités définies par les règlements de facultés ou d’écoles, ou à défaut par le doyen de faculté ou le président d’école.

Un des membres du jury doit faire partie du corps professoral ou être maître d’enseignement et de recherche, exception faite pour l’école de traduction et d’interprétation. Le ou les autres membres doivent être, en règle générale, porteur d’un grade universitaire.

En l’espèce, M. Ribas-Pujol est le responsable de l’unité d’espagnol et professeur titulaire, et Mme Villacampa-Bueno assistante à cette même unité et chargée du séminaire « méthodologie de la traduction FR/ES, cr. 1 ».

Le jury ayant apprécié l’examen de la recourante était donc régulièrement constitué, et même si une tierce personne a fonctionné en qualité de juré dans un premier temps, il n’y a pas lieu de voir dans son remplacement une irrégularité, et cela d’autant moins que la personne en question est atteinte dans sa santé.

8. En tous points mal fondé, le recours sera dès lors rejeté.

Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 décembre 2003 par Madame S________ contre la décision de l'Ecole de traduction et d’interprétation du 5 décembre 2003;

au fond :

le rejette;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

communique la présente décision à Madame S________, à l’école de traduction et d’interprétation, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants :

Madame Bovy, présidente ;
Madame Bertossa-Amirdivani et Monsieur Schulthess, membres

 

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

R. Falquet

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :