Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/529/2005

ACOM/46/2005 du 12.07.2005 ( CRUNI ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/529/2005-CRUNI ACOM/46/2005

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 12 juillet 2005

 

dans la cause

 

Madame B__________ représentée par Me Raphaël Dallèves, avocat

contre

UNIVERSITé DE GENèVE


et

FACULTé DES SCIENCES éCONOMIQUES ET SOCIALES

(élimination)


1. Madame B__________, née en 1973, de nationalité suisse, est immatriculée à l’université de Genève depuis le semestre d’hiver 2003-2004 en faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté). Elle brigue une licence en relations internationales.

Au titre d’études antérieures, Mme B__________ a indiqué avoir suivi quatre semestres d’études en géologie à l’université de Fribourg en 1994-1996.

2. Par décision du 16 septembre 2003, Mme B__________ a été admise à titre conditionnel au premier cycle des études en sciences sociales. Le délai de réussite était fixé impérativement à octobre 2004, sous peine d’exclusion de la faculté . Référence était faite à l’article 2, deuxième paragraphe, du règlement d’études de la faculté 2003-2004 (ci-après : RE).

3. Par courrier du 13 octobre 2003, Mme B__________ s’est adressée au doyen de la faculté . N’ayant jamais connu d’échec définitif lors de ses études universitaires antérieures, elle souhaitait obtenir davantage d’explications concernant les raisons pour lesquelles elle n’était admise qu’à titre conditionnel.

Le doyen de la faculté s’est déterminé le 20 juin 2004. L’examen des documents figurant dans le dossier de Mme B__________ permettait de constater que seuls les résultats de 1995, attestant de l’échec de l’examen préliminaire, étaient produits. Selon la pratique constante de la faculté, l’échec provisoire, aussi bien que l’absence de résultats, étaient assimilés aux situations qui entraînaient une admission conditionnelle.

4. Mme B__________ a présenté une partie des examens du premier cycle aux sessions d’hiver et d’été 2004.

A la session d’automne 2004, elle a représenté un certain nombre de branches dans lesquelles elle avait obtenu des résultats inférieurs à la moyenne.

Selon procès-verbal du 15 octobre 2004, Mme B__________ avait obtenu trois crédits à la faculté et une moyenne générale de 3,86.

Elle était exclue de la faculté, le délai de réussite étant échu (art. 13 ch. 1 let. c ou art. 2 RE).

5. Le 26 octobre 2004, Mme B__________ s’est adressée au doyen de la faculté. Son parcours universitaire méritait quelque attention. Après avoir obtenu sa maturité à Brigue en 1993, elle avait commencé des études de géologie à l’université de Fribourg. Désireuse d’exercer un métier créatif et artistique, elle avait quitté l’université et accompli une formation de couturière. Elle avait travaillé dans cette branche durant plusieurs années. Dès 2002, elle avait ressenti le besoin de reprendre des études, à la fois pour son épanouissement personnel et intellectuel, mais également parce qu’elle souhaitait améliorer ses perspectives professionnelles. Elle avait donc repris des études à l’âge de 30 ans et après un laps de temps de dix ans depuis la maturité. Elle avait dû réapprendre à étudier et elle avait mis un certain temps à se réadapter à l’effort académique requis. De plus, elle avait dû concilier l’université avec ses heures de travail à l’aéroport. Elle avait fini par trouver un équilibre et regrettait d’autant plus d’avoir échoué de si peu. Compte tenu de sa situation, elle demandait au doyen de bien vouloir considérer ses résultats et de réexaminer les raisons pour lesquelles elle avait été soumise aux conditions strictes.

Le 27 octobre 2004, Mme B__________ a confirmé sa demande de reconsidération de ses résultats et elle a sollicité un entretien.

6. Le 15 novembre 2004, Mme B__________ a formé opposition à la décision d’exclusion de la faculté du 15 octobre précédent.

Elle a entre autres invoqué une inégalité de traitement entre l’admission régulière et une admission sous condition. Elle se posait notamment la question de savoir « si le fait d’avoir déjà débuté des études universitaires antérieurement justifiait un traitement différent du régulier ».

Eu égard au fait particulier de son cas, la décision d’exclusion manquait d’une base claire et avait été prise sans considération pour le principe d’égalité.

Elle observait un manque de sens des réalités par rapport à l’organisation des sessions d’examens d’octobre et s’opposait à cette organisation ainsi qu’aux conséquences en découlant, c’est-à-dire aux résultats de ses deux dernières épreuves, introduction en droit et histoire contemporaine I.

Ses progrès entre les différentes sessions étaient visibles, malgré la compression excessive des jours d’examens. Elle demandait à la faculté de lui permettre de répéter son premier cycle ou de lui permettre de repasser les deux derniers examens.

En annexe à son opposition, Mme B__________ a produit des attestations émanant des professeurs Patrick Verley d’une part, et Michel Oris d’autre part. Tous deux estimaient que le parcours de l’intéressée méritait que l’on puisse reconsidérer la situation et lui laisser une dernière chance de réussite.

7. Par décision du 27 janvier 2005, le doyen de la faculté a rejeté l’opposition.

Le grief d’inégalité de traitement n’était pas fondé. Le 20 janvier 2004, il avait rappelé à Mme B__________ que l’admission conditionnelle des étudiants ayant échoué dans leurs études antérieures était une pratique constante de la faculté. Concernant la concentration des périodes d’examens, elle résultait de contraintes logistiques inévitables. Tous les étudiants étaient évidemment soumis aux mêmes conditions et Mme B__________ ne pouvait pas prétendre être victime d’une différence de traitement.

La décision était déclarée applicable, nonobstant recours et mentionnait la voie de recours auprès du Tribunal administratif (sic).

8. Mme B__________ a saisi la commission de recours de l’université (ci-après : CRUNI) d’un recours contre la décision précitée, par acte du 7 mars 2005.

La décision d’admission conditionnelle n’était pas entrée en force et, sur la base de la lettre du 20 janvier 2004 du doyen de la faculté, elle pouvait de bonne foi déduire qu’aucune limitation stricte n’avait finalement été posée à son admission à la faculté.

En conséquence, la décision d’exclusion du 15 octobre 2004 ne reposait pas sur une base suffisante.

L’article 20 alinéa 3 RE ayant pour objet le changement de faculté n’était pas applicable à son cas. Elle avait mis fin à ses études à Fribourg en 1996 et ce n’est que sept ans plus tard qu’elle avait décidé de recommencer des études universitaires. Ce cas de figure ne correspondait pas à un changement de faculté au sens de l’article 20 RU, mais représentait une nouvelle immatriculation et une nouvelle inscription, pure et simple.

L’exclusion de la faculté manquait à cet égard également de base légale.

La décision sur opposition était frustrante par sa brièveté et ne se déterminait pratiquement sur aucun des nombreux éléments soulevés dans l’opposition. Il s’agissait là d’un excès négatif du pouvoir d’appréciation assimilé à une violation du droit. À cela s’ajoutait une violation du droit d’être entendu dans la mesure où il n’avait pas été donné suite à sa demande de reconsidération de la décision du 15 octobre 2004, ni à celle d’un entretien personnel.

L’autorité de décision aurait dû tenir compte de son parcours et de circonstances particulières de son cas pour lui reconnaître le bénéfice des circonstances exceptionnelles.

Elle conclut à l’annulation de la décision querellée.

9. Dans sa réponse du 11 avril 2005, l’université s’est opposée au recours.

L’admission conditionnelle prise en application de l’article 2 alinéa 2 RE avait fait l’objet d’une décision du 16 septembre 2003. La lettre du 20 janvier 2004 du doyen de la faculté n’était pas une décision mais une simple réponse à une demande de renseignements.

La décision d’admission à titre conditionnel du 16 septembre 2003 était dès lors devenue définitive et devait être appliquée.

Mme B__________ n’avait pas réussi son premier cycle d’études en obtenant une moyenne de 3,86 et c’est à juste titre qu’elle avait été éliminée de la faculté.

Aucune des circonstances évoquées par Mme B__________ ne constituait une circonstance exceptionnelle permettant d’obtenir des dérogations.

10. A la demande de Mme B__________, la CRUNI a autorisé un second échange d’écritures.

11. La recourante a produit sa réplique le 30 mai 2005.

L’admission conditionnelle ne lui avait pas été imposée et, au surplus, ne reposait sur aucune base légale pertinente, les directives de la faculté n’en constituant pas une. Quant aux directives de la conférence des directeurs des universités suisses (CRUS) elles ne prévoyaient en aucune manière une quelconque limitation d’admission d’une étudiante ou d’un étudiant voulant recommencer des études dans une branche principale autre que celle de ses études antérieures. C’était donc de manière arbitraire ou à tout le moins sans égard au principe de proportionnalité que la faculté appliquait schématiquement et systématiquement l’admission à titre conditionnel.

S’agissant des circonstances exceptionnelles, la réponse du 11 avril 2005 de l’université était particulièrement lacunaire. Il appartenait donc à la CRUNI d’apprécier ces circonstances exceptionnelles, invoquées dans le recours et non combattues par la faculté.

12. La faculté a dupliqué le 27 juin 2005.

Les directives de la CRUS ne constituaient que des recommandations formulées à l’égard des universités suisses et n’avaient pas de force contraignante.

Sans remettre en doute les différents motifs évoqués par la recourante, la faculté estimait qu’ils ne la conduisaient pas à revenir sur sa décision d’élimination.

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 27 janvier 2005 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. Mme B__________ n’a pas été entendue par le doyen alors qu’elle l’avait expressément demandé dans son courrier du 27 octobre 2004. Le droit d’être entendu oralement par l’organe prenant la décision sur opposition étant un grief d’ordre formel, il sera examiné en premier lieu.

3. a. La CRUNI a déjà eu l’occasion de relever que la faculté persiste à ignorer l’obligation qui découle de l’article 10 alinéa 2 RIOR (ACOM/118/2004 du 16 décembre 2004 et les références citées).

b. La recourante a expressément demandé à être entendue dans le cadre de l’opposition. Cette demande a été écartée sans aucune motivation ni justification.

c. En statuant sans avoir donné une suite favorable à la requête de la recourante, la faculté s’est méprise sur la portée du droit d’être entendu en l’espèce.

4. A cela s’ajoute que la décision querellée ne respecte pas l’article 14 alinéa 1 RIOR.

L'obligation de motiver une décision administrative découle du droit d'être entendu. La motivation d'une décision administrative ne doit pas nécessairement se trouver dans la décision elle-même; elle peut découler par exemple d'une correspondance séparée ou du renvoi à une prise de position d'une autre autorité; il n'y a pas non plus d'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuves et griefs invoqués, tout en se limitant à ceux qui sont pertinents (B. BOVET, Procédure administrative, 2000, p. 267ss). Pour répondre aux exigences de motivation, il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2000, p. 615).

En l’espèce, la décision sur opposition est manifestement sommaire et ne semble pas adaptée au cas particulier de l’étudiante qui a soulevé des griefs précis sur les circonstances dans lesquelles elle a été amenée à reprendre des études, justifiant selon elle une nouvelle immatriculation et non pas le traitement standard des étudiants changeant simplement de faculté.

5. Au vu de ce qui précède, le dossier sera retourné à l’université pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR). Il ne sera pas alloué d’indemnité à la recourante, faute de conclusions dans ce sens.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 mars 2005 par Madame B__________ contre la décision sur opposition de la faculté des sciences économiques et sociales du 27 janvier 2005 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision sur opposition du 27 janvier 2005 de la faculté des sciences économiques et sociales ;

renvoie le dossier à l’université pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité ;

communique la présente décision à Me Raphaël Dallèves, avocat de la recourante, à la faculté des sciences économiques et sociales, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Mme Bovy, présidente ;
Mmes Bertossa et Pedrazzini-Rizzi, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

R. Falquet

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :