Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/25300/2012

ACJC/825/2015 du 08.07.2015 sur JTBL/713/2014 ( OBL ) , JUGE

Descripteurs : BAIL À LOYER; RÉSILIATION ANTICIPÉE; AFFECTATION; IMMEUBLE D'HABITATION; PROLONGATION DU BAIL À LOYER; EXPULSION DE LOCATAIRE
Normes : CO.257f.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25300/2012 ACJC/825/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 8 JUILLET 2015

 

Entre

A______, p.a. B______, ______ Genève, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 19 juin 2014, comparant par Me Emmanuelle Guiguet-Berthouzoz, avocate, rue de Versonnex 7, 1207 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Madame C______ et Monsieur D______, domiciliés______ Genève, intimés, représentés tous deux par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile,

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/713/2014 du 19 juin 2014 et notifié aux parties par pli du
25 juin 2014, le Tribunal des baux et loyers a déclaré inefficace le congé notifié à D______ et C______ (ci-après : les locataires) le 19 octobre 2012, pour le 31 novembre (recte : 30 novembre) 2012, relatif à l'appartement de 5 pièces situé au 6ème étage (recte : 4ème étage) de l'immeuble sis ______ à Genève, a annulé le congé ordinaire notifié à D______ et C______ le 19 octobre 2012, pour le 31 mars 2013 relatif à ce même appartement, et débouté les parties de toutes autres conclusions.

En substance, le Tribunal a retenu que le fait de dispenser quelques massages dans l'appartement servant d'habitation ne constituait pas une affectation contraire à cette fin et ne pouvait justifier un congé immédiat, fondé sur l'art. 257f al. 3 CO. A______ n'était ainsi pas dispensée d'établir que la situation était grave au point d'être insupportable pour elle et le voisinage; ce cas d'application n'était pas comparable à celui de l'ATF 132 III 109, qui traitait de l'exploitation d'un salon de massage érotique dans des bureaux. Les enquêtes n'avaient pas établi que l'activité de C______ avait troublé la tranquillité du voisinage; aucun témoin ne s'était plaint d'avoir été dérangé; en outre, une podologue pratiquait dans son logement dans l’immeuble, sans que cela soit jugé comme insupportable pour la bailleresse.

Le Tribunal a estimé que faute d'une violation du devoir de diligence des locataires, le congé ordinaire, fondé sur la même motivation, ne reposait sur aucun motif valable et était dépourvu d'intérêt. Il devait donc être annulé pour les mêmes motifs que ceux exposés à l'appui du congé extraordinaire.

B. a. Par acte formé le 25 août 2014, A______ a appelé du jugement. Elle a conclu à son annulation, et, à titre principal, à ce que le congé extraordinaire notifié pour le 30 novembre 2012 soit déclaré efficace et à l’évacuation immédiate des locataires. A titre subsidiaire, elle a conclu à ce que le congé ordinaire, notifié pour le 31 mars 2013, soit déclaré valable et à ce qu’aucune prolongation de bail ne soit accordée aux locataires.

Elle a soutenu que les conditions de l'art. 257f al. 3 CO étaient réalisées. Les premiers juges avaient retenu, à tort, que les massages pratiqués dans l'appartement n'étaient qu'occasionnels, que personne ne s'était plaint de cette activité dans l'immeuble alors qu'une dénonciation anonyme avait été adressée à la régie, que le maintien du bail n'était pas insupportable pour la bailleresse, alors que les intimés s'étaient engagés à ne plus pratiquer de massages fin 2011, et, enfin, que la bailleresse avait accepté une activité de podologue dans un appartement de l'immeuble, alors que les situations étaient incomparables.

Quant au congé ordinaire, A______ a rappelé qu'il répondait à des conditions différentes et moins strictes que celles du congé extraordinaire. Celui-ci avait été notifié en raison de la persistance des locataires à utiliser leur appartement comme un salon de massage, en violation de leur engagement de mettre fin à cette activité après le 31 décembre 2011. La confiance avait été rompue, ce qui justifiait qu'un congé ordinaire soit notifié. Les locataires avaient en outre échoué à démontrer que ce motif était contraire aux règles de la bonne foi. Ce congé devait donc être déclaré valable.

Aucune prolongation de bail ne devait être accordée, la durée de la procédure ayant abouti à une prolongation de bail de fait suffisamment longue. En outre, les locataires n'avaient plus l'utilité de ce logement et cherchaient un appartement plus petit, à proximité de leur autre salon de massage, ce qui résultait d'un échange de courrier avec la régie au début du mois d'avril 2014, produit en procédure d'appel.

A______ a produit de nouvelles pièces.

b. Dans leurs écritures du 25 septembre 2014, les locataires ont conclu, principalement, à la confirmation du jugement entrepris et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal des baux et loyers pour ordonner l'audition de deux témoins supplémentaires et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Ils ont soutenu que les premiers juges avaient, à raison, estimé le témoignage de la concierge plus crédible que celui de l'inspecteur mandaté par la bailleresse pour investiguer sur cette affaire. Le Tribunal avait donc valablement retenu que l'activité de massage se réduisait à quelques rendez-vous dans la semaine. Aucune crédibilité ne pouvait être donnée à un témoignage anonyme. Quant au maintien du bail, il n'était pas insupportable du fait que l'activité de massage avait persisté après le 31 décembre 2011, la bailleresse n'ayant subi aucun inconvénient. En outre, une activité analogue de podologue était tolérée dans l'immeuble.

A propos du congé ordinaire, les locataires s'en sont remis à la motivation des premiers juges. Ils avaient respecté leurs engagements en louant une arcade et en y transférant l'activité de massages, exercée à raison de deux à trois heures seulement par semaine dans l'appartement. Aucune rupture de la confiance ne pouvait être invoquée. Ils contestaient la possibilité pour une partie de notifier un congé subsidiaire, celui-ci contrevenant à l'exercice d'un droit formateur par l'envoi d'un premier congé et contournait la protection des locataires contre les congés représailles.

c. A______ n'a pas fait usage de son droit de réplique.

d. Les parties ont été avisées le 27 octobre 2014 que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants sont ressortis de la procédure :

a. Selon contrat du 5 juin 1981, E______, en qualité de bailleresse, a remis à bail à D______ et F______, en qualité de locataires, un appartement de 5 pièces au 4ème étage de l’immeuble sis ______, à Genève.

Le logement est constitué de trois chambres, un living, une cuisine, une salle de bains, une douche et un WC. Le bail stipule que l'objet est destiné à l'usage exclusif d'appartement.

Le bail a été convenu pour une durée indéterminée et a débuté le 1er août 1981.

Le contrat prévoyait un droit de résiliation des parties pour les échéances des 31 mars, 30 juin et 30 septembre, moyennant un préavis de congé de trois mois. La résiliation au 31 décembre était exclue.

Le loyer initial a été fixé au montant annuel de 17'040 fr., plus 1'800 fr. de charges.

b. A une date indéterminée, A______ est devenue propriétaire de l'immeuble, figurant en qualité de bailleresse dans la relation contractuelle nouée entre les parties.

c. L'épouse actuelle de D______ se nomme C______.

d. Le 10 décembre 2010, B______ (ci-après : la régie) a mis en demeure D______ de mettre un terme à la sous-location du logement et de le réintégrer d'ici le 27 décembre 2010, faute de quoi le bail serait résilié de manière anticipée.

Après un passage dans l'immeuble, elle avait constaté qu'il n'habitait plus le logement et que ce dernier était sous-loué par une personne qui l'utilisait dans un but commercial formellement interdit dans un objet destiné à l'habitation.

e. Dans sa réponse du 14 décembre 2010 à la régie en charge de la gestion de l'immeuble, D______ a indiqué que le logement n'avait fait l'objet d'aucune sous-location depuis la prise du bail il y a 27 ans. La personne de type asiatique qui s'y trouvait était une amie de sa femme, C______, à qui ils avaient demandé de séjourner de temps à autre dans le logement pour dissuader d'éventuels cambriolages durant leur séjour en Asie de la fin octobre à la mi-décembre 2010.

f. Le 21 décembre 2010, la régie a informé D______ qu'elle acceptait la présence d'une personne dans le logement en vue de dissuader les cambrioleurs; toutefois, elle rappelait qu'en aucun cas une activité commerciale ne pouvait être déployée dans l'appartement.

g. Par courrier du 28 octobre 2011, la régie a informé D______ qu'elle avait reçu des plaintes concernant l'activité de salon de massage déployée dans l'appartement, qui était interdite; en particulier, les machines à laver le linge et le séchoir étaient utilisés à grande fréquence pour les besoin du salon de massage.

En outre, des recherches avaient permis de constater que des massages traditionnels thaïlandais se déroulaient dans l'appartement. De ce fait, D______ était mis en demeure de mettre un terme immédiat à l'activité commerciale exercée dans le logement. Sans une confirmation écrite de réintégration du logement et de la cessation de l'exploitation des locaux comme salon de massage d'ici le 30 novembre 2011, le bail serait résilié de façon anticipée.

Etait joint à ce courrier un extrait du site internet www.______.com faisant la publicité pour des massages traditionnels thaïs effectués sous l'enseigne « G______ » au 4ème étage de l'immeuble sis ______ avec la mention « Ouvert 7 jours sur 7 de 9h à 20h ».

h. Par pli du 4 novembre 2011 adressé à D______, la régie, à la suite d'une entrevue, a accepté qu’un ultime délai au 31 décembre 2011 lui soit accordé pour mettre un terme à toute activité commerciale dans l'appartement sous peine de s’exposer à une résiliation anticipée du bail.

Le courrier a été retourné à la régie avec la mention « Bon pour accord » et a été contresigné par C______ en l'absence de son époux, puis par D______ le 16 novembre 2011.

i. Sur mandat de la régie, l'Agence H______, a rendu un rapport le 27 septembre 2012.

Il en résulte que l'enquêteur s'est rendu, entre le 18 et le 26 septembre 2012, à cinq reprises dans le logement sis ______, et s'y est fait masser une fois par C______ et trois fois par une masseuse de nationalité thaïlandaise, prénommée I______.

L'enquêteur a conclu qu'un salon de massage à l'enseigne « G______ » y était exploité commercialement par C______, que cette dernière employait une masseuse du nom de I______ et une seconde masseuse non identifiée, que les chambres étaient aménagées pour masser, que le salon était ouvert du lundi au dimanche, entre 10h00 et 22h00, et qu'il restait ouvert en l'absence de C______ et, enfin, qu'il avait vu un agenda hebdomadaire sur lequel était inscrit de nombreux rendez-vous.

Etaient notamment joints au rapport

·        un dépliant publicitaire au nom de « G______ » contenant l'adresse du ______, le numéro de téléphone pour les réservations, les horaires d'ouverture, le type et le tarif des massages proposés et des photographies des chambres de massage;

·        un extrait du Registre du commerce attestant de l'inscription en mai 2012 d'une entreprise individuelle au nom de J______ au ______ ayant pour but les massages traditionnels thaïs;

·        un extrait du répertoire des Entreprises du canton de Genève, tiré du site internet officiel de l'Etat de Genève le 27 septembre 2012; la raison sociale inscrite est J______; l'activité est décrite comme une activité à domicile avec 1-2 travailleurs.

j. Par avis officiels de résiliation du 19 octobre 2012, adressés séparément à D______ et C______, le bail de l'appartement a été résilié avec effet immédiat, en application de l'art. 257f al. 3 CO, pour le 30 novembre 2012.

Le courrier d'accompagnement précisait que la bailleresse venait d'apprendre que l'activité de massage avait repris dans l'appartement et que cette activité illicite n'avait pas pris fin malgré les engagements pris en ce sens.

k. Par requête déposée le 20 novembre 2012 et introduite auprès du Tribunal le 31 janvier 2013, D______ et C______ (ci-après : les époux D______ et C______) ont contesté le congé avec effet immédiat. Ils ont conclu à son inefficacité en application de l'art. 257f al. 3 CO et au déboutement de la bailleresse.

La cause a été enregistrée sous le numéro C/25300/2012.

A l'appui de leurs conclusions, les époux D______ et C______ ont admis que C______ exerçait l'activité de masseuse thaïe, qui n'engendrait aucune nuisance sonore. Ils ont expliqué qu'à la suite du rendez-vous à la régie, C______ s'était mise à la recherche d'un nouveau local pour exercer sa profession; depuis le début de l'année 2012, elle exploitait son activité dans un local situé ______; deux ou trois clients fidèles et exigeants lui avaient demandé d'être reçus chez elle, si bien qu'elle avait décidé, exceptionnellement, de continuer à les recevoir au ______. L’appartement n'était donc utilisé à des fins professionnelles que deux à trois heures par semaine. Jusqu'à la fin de l'année 2011, deux pièces - sur les cinq - étaient utilisées pour son activité professionnelle, puis une seule à compter du mois de janvier 2012.

Les conditions de l'art. 257f al. 3 CO n'étaient pas réunies. L'activité de C______ était silencieuse, n'engendrait aucune gêne pour le voisinage et n'était nullement exclue par le contrat de bail. Le congé était tardif dès lors qu'il était intervenu dix mois après la mise en demeure.

l. Simultanément au congé anticipé du 19 octobre 2012, la bailleresse a également notifié, par avis officiels séparés adressés aux époux D______ et C______, un congé ordinaire, pour l'échéance contractuelle du 31 mars 2013.

Le courrier d’accompagnement se référait aux motifs indiqués à l'appui du congé anticipé.

m. Par requête déposée le 20 novembre 2012 et introduite auprès du Tribunal le 31 janvier 2013, les époux D______ et C______ ont conclu, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la cause C/25300/2012, et, à titre principal, à l'annulation de la résiliation ordinaire du 19 octobre 2012 et au déboutement de la bailleresse; à titre subsidiaire, ils ont sollicité l'octroi d'une pleine prolongation de bail de quatre ans.

La cause a été enregistrée sous le numéro C/25467/2012.

Les époux D______ et C______ ont soutenu que le motif du congé n'existait pas, dès lors qu'ils n'avaient violé aucune obligation contractuelle. L'activité professionnelle très limitée - deux à trois heures par semaine - déployée dans l'appartement n'engendrait aucune nuisance pour le voisinage. A l'exception d'une pièce, l'appartement constituait le lieu d'habitation du couple. Le congé ne pouvait reposer sur ce simple élément et était de ce fait abusif.

D______ était locataire depuis 31 ans. Il était, avec son épouse, très attaché au quartier. Vu la pénurie sévissant à Genève et l'absence de besoin de la bailleresse de récupérer le logement, une prolongation de quatre ans devait leur être accordée.

n. Par requête introduite auprès du Tribunal des baux et loyers le 19 mars 2013 et inscrite sous numéro de cause C/27898/2012, A______ a agi en évacuation à l'encontre des époux D______ et C______.

Elle a conclu, préalablement, à la jonction de la cause avec la cause C/25300/2012 traitant du congé anticipé notifié en application de l'art. 257f al. 3 CO et, à titre principal, à la condamnation des époux D______ et C______ à évacuer immédiatement l'appartement de 5 pièces sis ______, et à être autorisée à requérir l'exécution du jugement par la force publique dès son entrée en force.

o. Dans ses réponses aux requêtes des époux D______ et C______ du 23 mars 2013, la bailleresse a exposé, en substance, qu'un entretien dans les locaux de la régie s'était tenu le 4 novembre 2011 lors duquel D______ avait admis l'utilisation du logement à des fins commerciales. Un délai au 31 décembre 2011 lui avait été accordé pour que l'activité de massage cesse définitivement et pour trouver un autre local. Le site internet de « G______ » avait été modifié et mentionnait l'adresse du nouveau local sis ______. A son retour de congé-maternité, la gérante de l'immeuble avait été informée par la concierge que l'activité commerciale dans l'appartement avait repris. Un rapport d'enquête avait alors été demandé à l'Agence H______, qui démontrait que l'activité n'était pas faible mais intense, que deux pièces du logement étaient aménagées pour y effectuer des massages et qu'une autre masseuse, prénommée I______, était employée dans ce salon.

Elle a conclu, s'agissant du congé extraordinaire (C/25300/2012), à la jonction de la cause avec les causes C/25467/2012 et C/27898/2012 et à l'efficacité du congé anticipé notifié le 19 octobre 2012, pour le 30 novembre 2012. S'agissant du congé ordinaire (C/25467/2012), elle a conclu à la jonction de la cause avec la cause C/25300/2012, à la validité du congé notifié le 19 octobre 2012 pour l'échéance du 31 mars 2013 et à l'absence d'octroi de toute prolongation de bail en faveur des locataires.

p. Par ordonnance du 10 avril 2013 (C/25300/2012), le Tribunal a refusé de suspendre la procédure C/24467/2012 relative au congé ordinaire jusqu'à droit jugé dans la procédure C/25300/2012 relative à la contestation du congé anticipé; il a en outre ordonné la jonction des causes C/25300/2012 et C/25467/2012 sous le numéro de cause C/25300/2012.

Par ordonnance du même jour dans la cause C/27898/2012, il a limité les débats aux conclusions en évacuation.

q. Lors de l’audience de débats principaux du 29 mai 2013, le Tribunal a ordonné la jonction de la procédure en évacuation portant numéro de cause C/27898/2012 sous la cause C/25300/2012.

K______, gérante de l'immeuble auprès de B______, a déclaré que depuis 2012, il n'y avait plus de plaintes de voisins concernant l'entrée dans l'immeuble de gens inconnus, la porte d'entrée laissée ouverte et l'usage accru de la buanderie. L'activité des locataires posait problème en raison de l'absence de demande pour exercer une activité commerciale dans les locaux. Elle a expliqué que la première fois que les locataires avaient été interpellés, une sous-location était suspectée. Ces derniers avaient répondu à la mise en demeure en expliquant qu'ils n'exerçaient aucune activité commerciale, qui a été découverte ultérieurement en consultant le Registre du commerce et internet. Le propriétaire excluait complètement qu’une activité commerciale de ce type soit déployée dans les appartements. Une podologue exerçait certes dans l'immeuble, mais à raison d'une fois par semaine. Elle ne posait toutefois pas de problèmes parce qu'elle avait demandé une autorisation il y a une vingtaine d'années et ne faisait l'objet d'aucune plainte.

Le 4 novembre 2011, elle avait eu un entretien à la régie avec D______, à sa demande, après le courrier du 28 octobre 2011. Ce dernier avait admis qu'une activité de massages était exercée dans l'appartement et qu'il y habitait également. Un délai au 31 décembre 2011 avait donc été laissé aux locataires pour terminer leur activité. Ces derniers s'y étaient engagés dans le courrier du 4 novembre 2011, qui reflétait la discussion eue avec D______. Elle a encore précisé qu'à son retour de congé-maternité en septembre 2012, elle s'était rendue à l'appartement et avait aperçu un autocollant publicitaire sur la sonnette. La concierge lui avait confirmé que des allées et venues de personnes étrangères à l'immeuble continuaient.

D______ a, pour sa part, admis que l'activité de massage avait cessé dans l'appartement depuis le 31 décembre 2012. Depuis le 1er avril 2013, il n'y avait plus d'activité à ______, l'activité ayant été déplacée à ______, à la suite de la conclusion d'un nouveau bail de 5 ans. Il ne vivait que six mois par année dans le logement de ______. Il voyageait en Thaïlande et habitait dans le Valais le reste du temps. Son épouse dirigeait seule l'activité de massages thaïlandais. Il a précisé que dans les locaux de ______, son épouse y travaillait avec deux employées et l'horaire d'ouverture s'étendait de 10h00 à 20h00 le soir. S'agissant de ______, son épouse y travaillait avec une employée, à raison de quatre rendez-vous hebdomadaires en moyenne. Deux pièces y étaient aménagées pour les massages, mais une n'était plus utilisée.

C______ a précisé que deux pièces servaient à la pratique des massages dans l'appartement de ______. Toutefois, dès le 1er janvier 2012 et l'entrée dans les locaux sis ______, l'activité n'avait lieu que dans une seule pièce. Elle a confirmé la moyenne de quatre rendez-vous hebdomadaires. S'agissant des locaux sis ______, elle y travaillait avec quatre autres employées, 7 jours sur 7 j, de 10h00 à 20h00. Elle a contesté le rapport de l'enquêteur L______, de l'Agence H______ en ce sens qu'il attestait avoir vu son carnet de rendez-vous et que celui-ci était plein. Il était exact qu'elle lui avait indiqué travailler tous les jours, mais il était inexact qu'elle travaillait tous les jours à ______. Les nouveaux clients étaient en principe reçus à ______ mais l'enquêteur avait insisté pour ______.

r. Lors de l'audience du 23 janvier 2014, quatre témoins ont été entendus.

L______, auteur du rapport d'enquêtes de l'Agence H______ dressé le 27 septembre 2012, en a confirmé la teneur. Il a précisé que ce n'était que vers le troisième ou quatrième massage qu'une employée lui avait signalé l'existence d'un deuxième institut en phase de création. Elle lui avait laissé le choix entre l'institut de ______ et l'appartement de ______. Il avait constaté que l'institut sis ______ ne fonctionnait pas encore lors de l'établissement de son rapport. Il s'était rendu sur place et n'avait aperçu, à travers les vitrines sises au 1er étage, aucune activité. Un homme se trouvait à l'intérieur mais rien ne laissait penser qu'une activité de massages thaïlandais était exercée, hormis une pancarte sur la porte d'entrée. Il n'était pas entré dans l'institut médical et ne pouvait indiquer si celui-ci occupait tout l'espace ou s'il était mêlé à l'activité de massages. Lors du massage pratiqué le 19 septembre 2012 à ______, il a confirmé avoir croisé un client, qu'il avait vu enlever ses chaussures et sa veste, et avoir vu C______ ouvrir un agenda de type « Quo Vadis » devant lui pour lui fixer un nouveau rendez-vous. I______ lui avait confirmé l'ouverture du « salon » tous les jours de la semaine et qu'elle y travaillait pratiquement tous les jours. Il n'avait pas pu observer deux personnes travailler en même temps dans l'appartement, mais il avait eu l'occasion de se faire masser dans chacune des deux pièces et avait entendu des voix provenant de l'autre pièce. Il a indiqué que la troisième personne qu’il avait croisée dans l'appartement était une masseuse d'apparence thaïlandaise, portant un t-shirt avec l'inscription G______ et un pantalon identiques à ceux portés par I______ et C______.

M______ a expliqué habiter dans l'immeuble depuis une quinzaine d'année et exercer son activité de podologue à temps partiel dans son appartement sis au 1er étage, à raison de 5 à 8 heures hebdomadaires. Elle avait obtenu l'accord de la régie avant d'emménager. A défaut de pouvoir recevoir ses clients à domicile, elle n'aurait pas signé le bail. Elle ignorait que d'autres personnes exerçaient une activité dans l'immeuble et en particulier une activité de massages dans l'appartement des époux D______ et C______, dont elle n'avait jamais eu à se plaindre. Elle n'avait pas constaté que la porte de l'immeuble restait ouverte.

N______, locataire d’un appartement au 3ème étage de l'immeuble, a confirmé n'avoir pas eu connaissance de l'existence d'une activité de salon de massage et n'avoir jamais eu l'occasion de se plaindre des époux D______ et C______.

O______, concierge de l'immeuble et logeant au ______, a indiqué ignorer l'existence d'une activité de massage au ______ avant d'en avoir été informée par la régie. Sur demande de la régie, elle avait confirmé à cette dernière la présence d'un autocollant à proximité de la sonnette. Depuis ce premier contact avec la régie, elle avait croisé quelques personnes - environ 5 ou 6 - dans l'entrée de l'immeuble à la recherche d'un salon de massage. Elle avait constaté, 3 à 4 ans auparavant, que les époux D______ et C______ et une locataire coiffeuse lavaient beaucoup de serviettes à la buanderie. Elle avait dû chasser des jeunes qui s'installaient dans le hall pour boire et fumer et qui laissaient la porte de secours ouverte. Ces problèmes de portes n'avaient aucun lien avec le salon de massages. Elle avait observé, lors de ses nettoyages et à plusieurs reprises, une personne n'habitant pas l'immeuble se rendre au 4ème étage dans l'appartement des époux D______ et C______. Quant à la buanderie, elle a précisé que l'usage en était libre, qu'aucun horaire n'existait et que les trois machines à disposition pouvaient être utilisées à n'importe quel moment. Il était rare que les trois machines soient utilisées en même temps par le même locataire.

A l'issue de l'audience, les parties ont persisté à demander l'audition des témoins portés sur leur liste.

s. Par ordonnance du 29 janvier 2014, le Tribunal a clôturé l'administration des preuves et ordonné les plaidoiries finales écrites. Il a renoncé à l'audition de témoins supplémentaires, estimant que les témoins déjà entendus suffisaient à le renseigner sur l'activité commerciale déployée dans l'appartement et sa perception par le voisinage.

t. A l'appui de leurs plaidoiries écrites des 25 et 28 février 2015, les parties ont persisté dans leurs précédentes conclusions et observations.

Les locataires ont rappelé leur droit à la preuve et à l'audition de P______, exploitante du centre d'esthétique sis ______, qui aurait pu déposer sur l'activité à plein temps déployée à cette adresse, et de Q______, employée de C______, qui aurait pu confirmer l'activité très résiduelle pratiquée dans l'appartement sis ______.

EN DROIT

1. 1.1. L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), sous réserve des exceptions prévues à l'art. 309 CPC. Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308
al. 2 CPC). Il est précisé qu'il s’agit des dernières conclusions de première instance (JEANDIN, in Code de procédure civile commenté, 2011, n. 13 ad
art. 308 CPC).

En vertu de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée ou de la notification postérieure de la motivation.

1.2. En l'espèce, le litige porte sur la validité d'un congé extraordinaire et sur celle d'un congé subsidiaire donné pour l'échéance ordinaire du bail et, plus subsidiairement encore, sur la question de l'octroi d'une prolongation du bail.

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il faut prendre ici en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue à l'art. 271a al. 1 lit. e CO (ATF 137 III 389; 136 III 19).

Le loyer annuel de l'appartement litigieux, charges non comprises, s'élève à 17'040 fr. La valeur litigieuse est par conséquent supérieure à 10'000 fr. (17'040 fr. x 3 ans + 5 mois de procédure cantonale = 58'220 fr.). La voie de l'appel est donc ouverte. Le mémoire d'appel ayant été déposé selon les formes et dans le délai requis, il est ainsi recevable.

1.3. Il peut être formé pour violation de la loi (art. 310 let. a CPC) ou constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC).

2. Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux en appel ne sont pris en compte que (a.) s'ils sont invoqués ou produits sans retard et (b.) s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.

Les pièces nouvellement produites par l'appelante le 25 août 2014 (pièces n° 2
et 3 chargé app.) consistent un échange de correspondances datées des 1er et 7 avril 2014 survenus directement entre la régie et les locataires à propos d'une demande d'échange de l'appartement querellé avec un logement de 2,5 pièces sis dans l'immeuble de ______, également géré par la régie.

Le Tribunal ayant clôt l’administration des preuves dans son ordonnance du 29 janvier 2014 et imparti un délai aux parties au 27 février 2014 pour déposer leurs plaidoiries écrites, les pièces susvisées, qui sont postérieures à la clôture d'administration des preuves, pouvaient valablement être produites en appel et ont été produites sans retard par l’appelante. Elles seront déclarées recevables.

3. Dans un premier argument, l'appelante soutient que les conditions de l'art. 257f al. 3 CO étaient réalisées et que le congé extraordinaire notifié pour le 30 novembre 2012 devait être déclaré efficace; de ce fait, le jugement entrepris devait être réformé et l’évacuation immédiate des intimés prononcée.

3.1.1 Selon la jurisprudence, le libellé de l'art. 257f al. 3 CO est trop étroit; le Tribunal fédéral a indiqué que cette disposition impose un usage de la chose louée non seulement empreint de diligence et d'égards mais, de manière générale, conforme au contrat (ATF 132 III 109 consid. 2 p. 111; 123 III 124 consid. 2a p. 126; arrêt du Tribunal fédéral 4A_456/2010 du 18 avril 2011 consid. 3.1). La résiliation anticipée de l'art. 257f al. 3 CO est réservée aux violations du contrat en rapport avec l'usage de la chose louée, et non pas à n'importe quelle violation contractuelle (ATF 123 III 124 consid. 2 et 3 p. 126 ss). Selon l'art. 257f al. 3 CO, un usage peut être contraire au contrat de bail, quand bien même la violation ne se manifeste pas par un manque de diligence ou d'égards (ATF 123 III 124 consid. 2a p. 126; WESSNER, in Droit du bail à loyer, commentaire pratique, 2010, n. 6 ad art. 257f CO; Commentaire SVIT, adaptation française, 2011, n. 7 ad art. 257f CO; cf. VENTURI-ZEN-RUFFINEN, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, thèse Fribourg 2007, p. 192 n. 504).

La jurisprudence a précisé la portée de l'art. 257f al. 3 CO lorsqu'est en jeu le non-respect des stipulations contractuelles concernant l'utilisation de la chose. Le Tribunal fédéral a jugé qu'en cas de violation persistante des stipulations concernant l'affectation des locaux loués, le bailleur pouvait résilier le contrat sur la base de l'art. 257f al. 3 CO, même si l'activité du locataire n'engendrait pas une situation insupportable selon cette disposition (ATF 132 III 109 consid. 5
p. 113 ss; arrêts du Tribunal fédéral 4A_429/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.3; 4A_38/2010 du 1er avril 2004 consid. 3.1).

En l'espèce, le contrat conclu par les parties porte sur le bail d'une habitation de 5 pièces et spécifie expressément que cet appartement est destiné à l'usage exclusif d'habitation. Dès lors qu'il est reproché aux intimés d'avoir utilisé le logement non à des fins d'habitation, mais à des fins commerciales, la violation qui leur est reprochée constitue bien une violation du contrat en rapport avec l'usage de la chose louée.

3.1.2 La résiliation anticipée présuppose une violation grave (cf. art. 271a al. 3 let. c et 272a al. 1 let. b CO; ATF 132 III 109 consid. 2 p. 111; TERCIER/FAVRE, Les contrats spéciaux, 4e éd. 2009, p. 345 n. 2380; WESSNER, op. cit., Droit du bail, n. 31 ad art. 257f CO; WEBER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 5e éd. 2011, n. 6 ad art. 257f CO; Commentaire SVIT, op. cit., n. 33 ad
art. 257f CO; VENTURI-ZEN-RUFFINEN, op. cit., p. 147 ss n. 405 ss). L'usage non conforme à des modalités d'utilisation, prévues contractuellement, qui constituent des points essentiels du bail, remplit cette exigence (cf. WESSNER, Le devoir de diligence du locataire dans les baux d'habitations et de locaux commerciaux, in 14e Séminaire sur le droit du bail, 2006, p. 8 n. 22; arrêt du Tribunal fédéral 4A_644/2011 du 10 février 2012 consid. 3.3).

3.1.3 Dans leur motivation, les premiers juges ont retenu que l'appelante n'était pas dispensée d'établir que la situation était grave au point d'être insupportable pour elle ou le voisinage. Ils ont considéré que les circonstances du présent cas n'étaient pas comparables à celles existant dans l'arrêt publié aux ATF 132 III 109 en ce sens que les massages pratiqués par l'intimée n'étaient en rien comparable à ceux pratiqués par un salon de massage érotique exploité dans l'intégralité de locaux destinés à l’usage de bureaux. Le fait de dispenser quelques massages dans l'appartement des intimés qui leur servait d'habitation ne constituait pas une affectation contraire à cette fin.

Le Tribunal ne saurait toutefois être suivi dans son raisonnement.

Il résulte en effet expressément du bail que l'appartement est destiné à l'usage exclusif d'habitation. Une telle formulation ne peut être comprise autrement que comme la volonté des parties de ne pas tolérer un autre usage qui serait fait du logement, notamment une utilisation à des fins commerciales. La législation genevoise prohibe d'ailleurs, sous réserve de dérogations admises restrictivement, le remplacement de locaux à destination de logements par des locaux à usage commercial (cf. art. 7 et 8 de la Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitations, LDTR – RS Ge L 5.20). Il ne résulte pas du dossier qu'un tel changement d'affectation ait été accepté par la bailleresse ou que la moindre démarche administrative en ce sens n'ait été entreprise.

Bien au contraire, l'instruction du dossier a mis en évidence l'opposition expresse exprimée par la bailleresse de tolérer l'usage du logement à des fins commerciales, en particulier l'activité de massages thaïs. Les intimés ne contestent d'ailleurs pas avoir pris l'engagement, lors de la réunion du 4 novembre 2011, de mettre un terme définitif à toute activité commerciale dans l'appartement querellé, s'engageant, par leur signature, à s'exécuter d'ici le 31 décembre 2011. Le courrier du 4 novembre 2011 de la régie, valant « Bon pour accord » revenait donc à définir strictement les modalités d'utilisation du logement, en ce sens que ce dernier devait servir à l'habitation uniquement, à l'exclusion de toute activité commerciale. La fin de l'activité commerciale déployée dans l'appartement constituait donc un point essentiel du bail, tant du point de vue des locataires que de celui de la bailleresse.

Les enquêtes ont également démontré l'existence d'une violation persistante par les intimés des conditions contractuelles relatives à l'affectation de logement de l'objet remis à bail. Les intimés ont reconnu déployer une activité de massages traditionnels thaïs dans l'appartement à raison d'une moyenne de quatre rendez-vous hebdomadaires et ceci jusqu'au 31 décembre 2012. L'enquêteur L______ a également confirmé avoir été massé à quatre reprises dans le courant du mois de septembre 2012 dans l'appartement de ______, soit neuf mois après l'échéance du 31 décembre 2011 convenue entre les parties pour mettre un terme définitif à l'activité commerciale déployée dans le logement. La Cour relève que, postérieurement au 31 décembre 2011 et à la mise en demeure du 28 octobre 2011, cette activité commerciale a été maintenue durablement dans l’appartement, avec une intensité constante dans l'exploitation, et était organisée professionnellement : les massages étaient pratiqués par l'intimée ou ses employées; de la publicité était faite, par le biais d'un site internet et de dépliants publicitaires disponibles à la clientèle, pour promouvoir la pratique de massages thaïs à l'adresse du ______; les horaires d'ouverture étaient larges, soit 7 jours sur 7, de 9h00 à 20h00; deux salles de massages complètement aménagées ont été installées dans le logement, si bien que la moitié de l'espace de vie était dévolu en permanence au besoin de l'exploitation commerciale de l'intimée; l'entreprise individuelle J______ était enfin dûment inscrite au Registre du commerce et était répertoriée comme une activité à domicile avec un à deux travailleurs.

Cette situation factuelle n'est en rien comparable avec celle relative à l'arrêt du Tribunal fédéral 4A.38/2010 du 1er avril 2004 cité par les premiers juges; en effet, l'activité commerciale déployée se limitait à des travaux de traduction réalisés dans un logement de 4 pièces par l’une des colocataires, traductrice indépendante, ce qui avait conduit les juges à retenir que ladite activité ne constituait pas une affectation contraire aux fins d'habitation. Or, la présente cause diffère de celle-ci en raison notamment des aménagements spécialement conçus dans le logement querellé pour accueillir de la clientèle, de la présence d'employées pratiquant dans le logement aux côtés de l'intimée et, surtout, de l'existence d'un accord entre les parties sur la fin de toute activité commerciale dans les locaux.

Au vu des moyens mis en œuvre par les intimés pour pérenniser l'activité de massages traditionnels thaïs, malgré l'existence de stipulations contractuelles contraires, il convient de retenir que les circonstances particulières du cas doivent être traitées à l'aune des critères fixés par la jurisprudence, parue aux ATF 132 III 109. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, ce n'est pas tant la nature de l'activité déployée qui est déterminante; l'exploitation d'un salon de massages thaïs, même à raison d'une moyenne de 4 heures hebdomadaires, dans un objet loué à l'usage exclusif d'habitation, constitue une violation des obligations contractuelles des intimés, et d'autant plus que les intimés ont persisté malgré de vaines mises en demeure notifiées aux mois d'octobre et novembre 2011, à maintenir une activité commerciale dans un logement d'habitation. Il n'était donc point nécessaire, pour l'appelante, de démontrer que l'activité commerciale engendrait une situation insupportable pour elle ou le voisinage.

La question de savoir si l'activité commerciale déployée troublait la tranquillité du voisinage n'était donc pas pertinente, seule importait de déterminer si l'activité de massage thaï était incompatible avec l'affection d'habitation du logement et si les intimés avaient utilisé les locaux de manière contraire à cette affectation (cf. à ce propos, ACJC/468/2010 du 19 avril 2010 consid. 3.3). Ainsi, l'ouverture d'un autre salon de massage au ______ ne change rien au fait que l'activité commerciale déployée dans l'appartement sis ______ a persisté en tous les cas postérieurement à la mise en demeure et la signature du « bon pour accord » de mettre un terme à cette activité. Les auditions de témoins supplémentaires sollicitées par les intimés ne sont donc pas de nature à renseigner davantage les juges sur ce point. L'audition d'une de leur employée n'apparaît pas davantage nécessaire, les intimés ayant admis que l'activité commerciale se déroulait à raison d’une moyenne de quatre rendez-vous par semaine.

Enfin, l'argument selon lequel une podologue exerce également à domicile, dans l'immeuble du ______, est également sans pertinence, dès lors que cette activité a été admise à la conclusion du bail par la bailleresse, ce qui différencie les deux situations.

3.1.4 Pour que l'efficacité du congé soit admise, il faut que le bailleur réagisse avec une certaine célérité si les violations se poursuivent malgré l'avertissement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_722/2012 du 1er mai 2013 consid. 2.2). Une période de dix-huit mois entre l'ultime protestation et le congé a ainsi été considérée comme un indice que la continuation du bail n'était pas insupportable pour le bailleur (arrêt du Tribunal fédéral 4C.118/2001 du 8 août 2001 consid. 1b). En revanche, des délais de cinq mois (arrêt du Tribunal fédéral 4C.264/2002 du 25 août 2003 consid. 4.3) et d'un peu plus de huit mois (arrêt précité du 10 avril 2012 consid. 5.3) n'ont pas été jugés excessifs. Le Tribunal fédéral a même qualifié de "court" un laps de temps de quatre mois et six jours (arrêt du Tribunal fédéral 4C.270/2001 du 26 novembre 2001 consid. 3b/dd). Il y a lieu de rappeler néanmoins que tout est affaire de circonstances (arrêt du Tribunal fédéral 4A_457/2013 du 4 février 2014 consid. 3.1).

En l'espèce, le deuxième avertissement a été notifié aux intimés le 4 novembre 2011, suivi de l'accord discuté entre les parties sur la fin de toute activité commerciale dans les locaux au 31 décembre 2011, formalisé par le retour, à la mi-novembre 2011, du courrier suscité du 4 novembre contresigné par chacun des deux intimés. Le bail a été résilié le 19 octobre 2012, soit un peu moins de dix mois plus tard. Parmi les autres circonstances à prendre en considération, il faut retenir que l'appelante a mis moins d'un mois, après avoir reçu réception du rapport d'enquête de H______ du 27 septembre 2012, pour résilier le bail. Cela démontre que sitôt informée du maintien de l'activité commerciale dans l'appartement, la bailleresse a agi rapidement, démontrant ne pas s'accommoder de la persistance de cette activité. A teneur de la jurisprudence récente, un écoulement d'un délai d’un peu plus de dix mois ne fait d'ailleurs pas obstacle, au vu des circonstances du cas, à l'efficacité d'un congé fondé sur l'art. 257f
al. 3 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_457/2013 du 4 février 2014 consid. 3.1).

3.2. Le jugement entrepris sera donc annulé et le congé notifié le 19 octobre 2012, pour le 31 novembre 2012, déclaré efficace, les autres conditions d'application de l'art. 257f al. 3 CO étant au surplus réalisées.

Aucune prolongation de bail ne peut être accordée en cas de résiliation fondée sur l'art. 257f al. 3 CO (art. 272a al. 1 let. b CO).

4. Le bail ayant pris fin le 31 novembre 2012, les intimées occupent le logement de ______ sans titre juridique les y autorisant depuis cette date (art. 267 al. 1 CO).

Il sera donc fait droit à la requête en évacuation formée par l'appelante et l'évacuation immédiate des intimés sera prononcée.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, des frais ne sont pas dus dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelés que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

6. Comme déjà examiné ci-dessus (cf. consid. 1), la valeur litigieuse se monte à 58'220 fr. Elle est manifestement supérieure à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 lit. a LTF), de sorte que la voie du recours en matière civile est ouverte (art. 72 al. 2 LTF).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 25 août 2014 par A______ contre le jugement JTBL/713/2014 rendu le 19 juin 2014 dans la cause C/25300/2012-2 OSB.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Cela fait et statuant à nouveau :

Déclare efficace le congé notifié à C______ et D______ le 19 octobre 2012, avec effet au 30 novembre 2012, et dit que le bail portant sur l'appartement de 5 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis ______, à Genève, a valablement pris fin à cette date.

Condamne C______ et D______ à évacuer immédiatement l'appartement précité de leur personne, de leurs biens et de tout tiers faisant ménage commun avec eux.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Monsieur Alain MAUNOIR et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE



Indication des voies et délais de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss. de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.
(cf. considérant 6 supra).