Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/1200/2020

AARP/25/2023 du 27.01.2023 sur JTDP/525/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 08.03.2023, rendu le 28.08.2023, REJETE, 6b_334/2023
Descripteurs : CONTRAINTE(DROIT PÉNAL)
Normes : CP.186; CP.181; CPP.430.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1200/2020 AARP/25/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 24 janvier 2023

 

Entre

A______, partie plaignante,

appelante,

intimée sur appel joint,

 

contre le jugement JTDP/525/2022 rendu le 11 mai 2022 par le Tribunal de police,

 

et

B______, domiciliée ______ [VD], comparant en personne,

intimée,

appelante sur appel joint,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 11 mai 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) a acquitté B______ de violation de domicile, de contrainte et d’usure et laissé les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

A______ entreprend ce jugement, concluant au prononcé d’un verdict de culpabilité. Elle a toutefois retiré son appel concernant le chef d’accusation d’usure aux débats.

b. Dans le délai légal, B______ forme un appel joint, concluant à l’octroi d’indemnités à hauteur de CHF 156'047.10 avec intérêts à 5%, soit CHF 20'000.- au titre de dommages et intérêts pour perquisition illégale, mandat d’amener illégal, harcèlement judiciaire et administratif, CHF 500.- par jour pour trois jours de préparation des audiences d’instruction et de jugement ainsi qu’un jour de détention au poste de police, trois notes d’honoraires qu’elle s’est adressées à elle-même (!), CHF 119'094.20 au titre de dommage économique professionnel, CHF 1'020.- correspondant aux émoluments et frais de rappel d’une procédure de récusation, et le solde au titre de frais d’avocat, frais de transport et de copies.

c. Selon l'ordonnance pénale du 14 décembre 2020, il est encore reproché ce qui suit à B______ : entre le 13 et le 27 février 2019, elle a pénétré dans l'appartement qu'elle sous-louait à A______, sis au premier étage du boulevard 1______ no. ______ à [code postal] Genève, ce en l'absence de cette dernière et contre sa volonté, et en a changé les serrures afin d'empêcher A______ d'y accéder.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure et notamment du jugement du Tribunal des baux et loyers (TBL) du 13 juillet 2022 (JTBL/557/2022) :

a. B______ est locataire d'un appartement de deux pièces situé au premier étage de l'immeuble sis no. ______, boulevard 1______ à Genève. Le loyer s'élève à CHF 750.- par mois, hors charges.

b. Par contrat du 21 octobre 2017, B______ a remis l'appartement concerné, meublé, en sous-location à A______ pour un loyer mensuel de CHF 1'400.-, charges non comprises. Le contrat a été conclu pour une durée de 12 mois, débutant le 21 octobre 2017, renouvelable tacitement de six mois en six mois.

Aucun avis de fixation du loyer initial n'a été remis à A______, qui a versé une caution de CHF 2'800.- en mains de B______.

b. Au début de la saison froide de 2018, A______ a rencontré des problèmes avec l'allumage du système de chauffage, ce dont elle a informé B______ le 8 octobre 2018. Par courriel du 16 décembre 2018, A______ a indiqué que le contrat prendrait fin au 31 janvier 2019 en raison du différend sur le chauffage. Elle a par ailleurs sollicité la restitution de la caution, indiquant ne pas être disposée à restituer les clés sans son remboursement. Dans ce contexte, A______ a pris contact avec la régie et appris que celle-ci n’avait pas été informée de la sous-location. Par la suite, A______ a proposé de restituer l’appartement le 25 janvier 2019 en échange de la restitution de la caution. Il ressort d’un échange de messages WhatsApp du 11 janvier 2019 qu’à cette date, B______ considérait que l’état de l’appartement « semblait correct » et qu’elle acceptait dés lors de restituer la caution.

c. Par pli du 25 janvier 2019, B______ a fixé un état des lieux de sortie au 31 janvier suivant, tout en rappelant à A______ que « le préavis est de deux mois ». A______ a répondu par courrier du 30 janvier 2019, notifié le 7 février 2019 à B______, que puisque celle-ci insistait sur le respect du délai de préavis, elle résiliait le bail au 31 mars 2019.

d. A______ ne s'est pas présentée à l’état des lieux du 31 janvier 2019. Aux alentours du 13 février 2019, B______ a pénétré dans l'appartement concerné, sans l'accord de A______, et a fait procéder au changement des serrures. Ce même 13 février 2019, la régie de l’immeuble indiquait à B______ souhaiter organiser une visite de l’appartement le 19 février suivant.

Selon ses explications, B______ avait constaté que la cave de l’appartement avait été vidée et les stores baissés et s’était demandée si la locataire occupait encore les lieux.

e. Par courrier du 20 février 2019, B______ a fait part à A______ d'une liste de dégâts constatés dans l'appartement et a par ailleurs signalé que l'appartement n'était pas nettoyé.

g. A______ a déposé plainte contre inconnu pour vol et violation de domicile en mars 2019. Elle avait déménagé à la fin du mois de janvier 2019 en France, où elle travaillait à 100% depuis le 1er février 2019. Elle aurait été d'accord de quitter l'appartement au 31 janvier s'il n'y avait pas eu de litige. Mais puisqu'elle avait payé l'appartement jusqu'à fin mars compte tenu de la garantie de loyer que B______ avait conservée, elle souhaitait y rester jusqu'à cette date. Après s'être rendue compte que celle-ci était venue dans l'appartement et qu'elle avait changé les serrures, elle ne les avait pas fait rechanger pour pouvoir à nouveau entrer car il ne restait presque rien à l'intérieur, à l'exception d'un ordinateur et de quelques affaires pour faire le ménage. Elle avait un nouvel appartement à D_____[France] et avait déménagé le 21 janvier 2019 ; toutefois elle conservait quelques effets à Genève.

h. Suite au dépôt de plainte, la police a contacté B______ par téléphone. Après avoir confirmé le changement des serrures, celle-ci a refusé de répondre à d’autres questions et a raccroché. Convoquée par mandat de comparution pour une audition formelle, elle ne s’est pas présentée au poste et n’a plus pu être atteinte par la police, qui en a avisé le Ministère public (MP) par rapport du 15 janvier 2020. Le MP a alors délivré, le 27 mai 2020, un mandat d’amener et une ordonnance de perquisition à l’encontre de B______, lesquels ont été notifiés et exécutés le 20 juin 2020, à partir de 7h20, au domicile de la prévenue à C______ (VD). Celle-ci a été libérée le même jour à 13h45 à Genève, à l’issue de son audition. La perquisition n’a pas permis la découverte d’élément utile à l’enquête.

Le 14 décembre 2020, le MP a classé l’infraction de vol au vu des déclarations contradictoires des parties et du résultat de la perquisition.

i. Suite à une audience de confrontation au MP, B______ a sollicité la récusation de la procureure alors en charge de la procédure. L’arrêt de la chambre pénale de recours du 23 mars 2021 (ACPR/192/2021) rejetant cette requête a mis à sa charge des frais de CHF 1'000.-.

j. Dans son jugement susmentionné, frappé d’appel, le TBL a retenu que, faute d’utilisation de la formule officielle lors du contrat de sous-location, celui-ci était nul quant au loyer prévu. Il a fixé le montant du loyer de la sous-location à CHF 850.- par mois, charges non comprises, et a condamné B______ à rembourser à A______ le trop-perçu pour la période échéant au 31 janvier 2019, date fixée conformément aux conclusions prises par A______, ainsi que le montant de la garantie de loyer que B______ n’avait pas, contrairement à ses obligations légales, constituée sous forme de dépôt bloqué. Il a enfin réduit le montant du loyer de 10% pour les mois d’octobre 2018 à janvier 2019 en raison des défauts du chauffage et condamné B______ à rembourser le trop-perçu. Finalement, il a refusé d’ordonner la compensation avec frais de remise en état, en retenant qu’en privant soudainement la sous-locataire d'accès à l'appartement, avant l'échéance du bail, B______ avait empêché A______ de pouvoir effectuer les menues réparations ou nettoyage qui lui incombaient de sorte qu'elle ne saurait par la suite les mettre à sa charge. Il ressort de l’état de fait de ce jugement que, devant le TBL, B______ s’est prévalue du fait que les loyers des mois de février et mars 2019 demeuraient impayés.

C. a. A réception du jugement du TBL, A______ a indiqué à la Cour qu’ayant obtenu gain de cause sur l’essentiel, elle ne souhaitait pas « solliciter plus de temps à la justice ». Invitée à indiquer si elle retirait son appel, elle l’a maintenu en précisant avoir appris, entre-temps, l’existence d’une procédure dirigée à son encontre à la suite d’une plainte formée par B______.

b. Le MP a communiqué à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) une copie de cette procédure (P/2______/2022). Il en ressort qu’à l’issue du jugement du TP, B______ a déposé plainte à l’encontre de A______ pour menaces, tentative de contrainte, calomnie, diffamation et dommages à la propriété (commis en 2019). Elle l’accuse également d’avoir, en juillet 2019, dévissé les pneus de son véhicule à son domicile dans le canton de Vaud et d’avoir ainsi tenté de la tuer. Le MP a suspendu cette procédure en attente de la décision de la Cour de céans.

c. Aux débats d’appel, A______ a exposé n’avoir pas dénoncé d’usure, cette infraction ayant été retenue d’office par le MP. Elle a ainsi, comme indiqué, limité la portée de son appel à la violation de domicile. Bien qu’elle avait pris un appartement à D______[France], elle comptait revenir à Genève les weekends pour régler diverses affaires et nettoyer les lieux. Elle avait déduit du courrier de B______ du 25 janvier 2019 que celle-ci refusait la résiliation au 31 janvier 2019. Celle-ci ne pouvait pas se prévaloir d’une erreur puisque la plaignante lui avait écrit qu’au vu de sa position, elle souhaitait bénéficier des deux mois du délai de congé. Quand elle avait pénétré dans l’appartement le 18 février 2019, B______ savait donc qu’il n’était pas libéré.

A______ conclut à l’octroi d’une indemnité de CHF 6'042.- correspondant à ses frais d’avocat (pour la procédure TBL), au remboursement de la caution de CHF 2'800.- et de frais postaux en lien avec la redirection de son courrier.

d. B______ persiste dans ses conclusions. Son avocat avait distingué les frais de la procédure pénale et ceux de la procédure civile, qui étaient liés à la procédure pénale, tout comme ceux de la procédure de récusation. Interpellée sur une éventuelle violation des règles en matière de droit du bail au vu du jugement du TBL, qui pourrait justifier le rejet de ses conclusions en indemnisation, elle a indiqué que cette décision était fausse : elle ne tenait pas compte de la moyenne des loyers de la localité sur Genève. En 2019, elle était en recherche d’emploi et on lui avait refusé deux postes ; elle soupçonnait que c’était dû à la procédure pénale. A______ s’acharnait contre elle, c’était disproportionné. B______ a pour le surplus fait usage de son droit de se taire.

D. B______, née le ______ 1978 en Afrique du Sud, citoyenne suisse, est célibataire, sans enfant à charge, et dit travailler dans une organisation internationale. Elle a refusé de fournir plus d’informations sur sa situation personnelle et financière.

EN DROIT :

1. L’appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

Il en va de même de l'appel joint (art. 400 al. 3 let. b et 401 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP, passible d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire quelque chose (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1 ; 134 IV 216 consid. 4.4). D'un point de vue subjectif, l'art. 181 CP exige que l'auteur agisse avec intention, c'est-à-dire que, conscient de l'illicéité de son comportement, il veuille contraindre sa victime à adopter un certain comportement ; le dol éventuel suffit (ATF 120 IV 17 consid. 2c ; 96 IV 58 consid. 5 ; arrêt 6B_461/2020 du 19 avril 2021 consid. 2.3).

Le bailleur qui change les clés de l’appartement remis à bail, pour empêcher son locataire d’y accéder et en reprendre ainsi possession sans passer par la procédure d’expulsion, entrave son locataire dans sa liberté d’action et se rend ainsi coupable de contrainte (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_510/2022 du 31 août 2022 et 6B_1008/2021 du 9 novembre 2021).

2.2. L’art. 186 CP punit d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, d’une manière illicite et contre la volonté de l’ayant droit, aura pénétré dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d’une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison.

Le droit au domicile appartient à la personne qui a le pouvoir de disposer des lieux, en vertu d'un droit contractuel, d'un droit réel ou d'un rapport de droit public (ATF 128 IV 81 consid. 3 p. 84 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2013 du 20 août 2014 consid. 1.1). En concluant un contrat de bail, le bailleur renonce à son droit au domicile, de sorte que, pendant la durée du contrat, seul le locataire, respectivement le sous-locataire, dispose de la qualité d'ayant droit au sens de l'art. 186 CP (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, volume I, 3e édition, Berne 2010, n. 27 ad art. 186 CP). Au terme du contrat, le locataire demeure, aussi longtemps qu'il conserve la maîtrise effective des lieux qu'il occupe, seul titulaire du droit au domicile ; ce droit cesse avec le départ de l'occupant. La violation du contrat de bail à loyer par le locataire touche aux prétentions de droit civil du bailleur et du propriétaire, mais n'empiète pas sur la sphère privée qui est l'objet de la liberté de domicile protégé par le droit pénal. Dans de tels cas, le bailleur ne pourra avoir recours qu'aux moyens offerts par la procédure civile et le droit de la poursuite pour dettes et faillite (ATF 112 IV 31 consid. 3 p. 33 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2013 du 20 août 2014 consid. 1.1 ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, op. cit., n. 21 ad art. 186).

2.3. Selon l'art. 13 al. 1 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable.

Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention délictuelle fait défaut (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 240). L'erreur peut cependant aussi porter sur un fait justificatif, tel le cas de l'état de nécessité ou de la légitime défense putatifs ou encore sur un autre élément qui peut avoir pour effet d'atténuer ou d'exclure la peine (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259 ; 129 IV 6).

La délimitation entre erreur sur les faits et erreur de droit ne dépend pas du fait que l'appréciation erronée concerne une question de droit ou des faits illicites. Il s'agit de qualifier d'erreur sur les faits, et non d'erreur de droit, non seulement l'erreur sur les éléments descriptifs, mais également l'appréciation erronée des éléments normatifs, tels que l'appartenance à autrui d'un objet ou l'étendue d'une servitude (ATF
129 IV 238 consid. 3.2 p. 241 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_220/2015 du 10 février 2016 consid. 3.4.1 et 6B_455/2008 du 26 décembre 2008 consid. 4.4). En d'autres termes, les erreurs sur tous les éléments constitutifs d'une infraction qui impliquent des conceptions juridiques entrent dans le champ de l'art. 13 CP et non de l'art. 21 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_806/2009 du 18 mars 2010 consid. 4.1).

L'art. 14 CP dispose que celui qui agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du code pénal ou d'une autre loi. La licéité de l'acte est, en tous les cas, subordonnée à la condition qu'il soit proportionné à son but (ATF 107 IV 84 consid. 4 p. 86 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_960/2017 du 2 mai 2018 consid. 3.2 ; 6B_507/2017 du 8 septembre 2017 consid. 3.4).

2.4. En l’espèce, il ressort de la procédure que l’appelante principale était au bénéfice d’un contrat de bail, plus précisément de sous-location, portant sur un appartement dont la prévenue, bailleresse, était locataire principale. A la suite de leur litige, celle-ci a adopté une attitude contradictoire, puisqu’elle a refusé la résiliation anticipée du bail, en rappelant que le délai de congé était de deux mois, tout en invitant sa locataire à se présenter pour un état des lieux de sortie le 31 janvier 2019, soit deux mois avant l’échéance du bail. Si la locataire avait accepté cette situation en participant à l’état des lieux de sortie, l’intimée aurait logiquement recouvré la possession des lieux. Tel n’a toutefois pas été le cas. Manifestement en raison de leur litige, les parties n’ont pas réussi à s’entendre pour convenir d’une résiliation anticipée de bail. L’appelante a certes intégré un autre appartement en France, ne conservant en quelque sorte celui de Genève qu’à titre de résidence secondaire. Elle n’a toutefois pas définitivement quitté les lieux. La prévenue l’admet d’ailleurs à demi-mot, en lui reprochant de ne pas avoir acquitté le loyer pour les mois de février et mars 2019 ainsi que de ne pas avoir procédé au nettoyage final avant qu’elle ne reprenne possession des lieux.

La demande de la régie, qui visait à pouvoir organiser une visite de l’appartement quelques jours plus tard, demande que la prévenue n’allègue même pas avoir transmise à sa locataire, ne l’autorisait pas à pénétrer dans l’appartement à l’insu et contre le gré de sa locataire. Il lui incombait en effet de lui transmettre cette information afin que celle-ci prenne les dispositions nécessaires, ce qu’elle aurait d’autant plus aisément pu faire que les parties correspondaient par courriel et par messagerie téléphonique.

Le fait que l’appartement semblait inoccupé (stores baissés) ne justifie pas non plus, en l’absence d’urgence, d’y entrer sans autorisation et d’en changer les serrures. Le fait qu’un locataire soit absent (il peut être en vacances), voire qu’il n’utilise que ponctuellement l’objet du bail (comme par exemple une résidence secondaire, ou en raison d’études ou d’occupation temporaire à l’étranger) ne signifie pas encore qu’il l’a abandonné et que le propriétaire peut en reprendre possession. Il n’y a en particulier pas d’erreur sur ce point, laquelle n’est pas plaidée et n’apparaît au surplus pas compatible avec le comportement de la prévenue au moment des faits, qui procède bien plutôt d’une volonté d’évacuer rapidement sa locataire.

La prévenue ne peut enfin rien tirer du fait que la partie plaignante a limité ses conclusions civiles devant le TBL aux loyers courant jusqu’en janvier 2019, puisque ces conclusions ont été déposées plusieurs mois plus tard et tenaient manifestement compte du fait que la locataire avait perdu l’accès à son appartement en février.

Ainsi, et comme l’a aussi retenu le TBL, dans la mesure où le contrat de bail n’avait pas pris fin, la prévenue n’était pas autorisée à pénétrer dans l’appartement objet du bail avant que la locataire ne l’eut définitivement quitté.

Il en découle que la prévenue s’est bien rendue coupable de violation de domicile, au sens de l’art. 186 CP, en pénétrant dans l’appartement sis no. ______ bd 1______ sans l’accord de la sous-locataire, aux alentours du 13 février 2019.

Par ailleurs, en changeant les serrures de cet appartement pour empêcher sa sous-locataire d’y pénétrer et en mettant de la sorte, de facto, une fin prématurée au contrat de bail, la prévenue a entravé l’appelante principale dans la jouissance de son bien et s’est ainsi également rendue coupable de contrainte (art. 181 CP).

Le jugement entrepris sera donc modifié sur ce point.

3. 3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.2. Pour apprécier la situation personnelle, le juge peut prendre en considération le comportement postérieurement à l'acte et au cours de la procédure pénale et notamment l'existence ou l'absence de repentir après l'acte et la volonté de s'amender. Des dénégations obstinées peuvent être significatives de la personnalité et conduire à admettre, dans le cadre de l'appréciation des preuves, que l'intéressé n'éprouve aucun repentir et n'est pas disposé à remettre ses actes en question (ATF 113 IV 56 consid. 4c p. 57 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_675/2019 du 17 juillet 2010 consid. 4.1).

Le droit de se taire et de ne pas s'auto-incriminer, qui fait partie des normes internationales généralement reconnues, selon l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 121 II 257 consid. 4a p. 264), n'exclut en effet pas la possibilité de considérer comme un facteur aggravant de la peine le comportement du prévenu qui rend plus difficile l'enquête pénale par des dénégations opiniâtres en présence de moyens de preuve accablants et des mensonges répétés, dont on peut déduire une absence de remords et de prise de conscience de sa faute (arrêts du Tribunal fédéral 6B_693/2020 du 18 janvier 2021 consid. 6.3 ; 6B_222/2020 du 10 juin 2020 consid. 4.2 ; 6B_675/2019 du 17 juillet 2019 consid. 4.2).

3.3. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion.

Lorsque les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement - d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner - la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2).

3.4. En l’espèce, la faute de la prévenue est légère. Ses mobiles relèvent essentiellement de la volonté de se faire justice propre, dans un contexte de litige civil. Elle a agi par facilité, sans respecter la sphère privée de sa locataire, et vraisemblablement aussi dans un mouvement de colère en raison du litige les opposant.

En raison du refus de la prévenue de s’exprimer sur sa situation personnelle, il est difficile d’apprécier plus finement sa faute. Rien ne justifiait toutefois, dans de telles circonstances, et alors qu’elle avait retiré de juteux bénéfices de la sous-location litigieuse, qu’elle agisse de la sorte et se substitue à l’autorité légitime. Elle aurait en effet pu contacter sa locataire (notamment par téléphone, courriel ou WhatsApp, moyens que les parties avaient utilisés précédemment), attendre l’échéance du bail voire agir devant le TBL.

La prévenue n’a pas d’antécédent et remplit les conditions du prononcé d’une peine pécuniaire, adéquate pour sanctionner son comportement illicite.

La contrainte et la violation de domicile sont objectivement d’égale gravité ; la première étant poursuivie d’office, elle constitue néanmoins l’infraction la plus grave pour laquelle une peine de base de dix jours-amende apparaît adéquate au vu de la faute commise et des circonstances de l’espèce. Cette peine sera portée à 15 jours-amende pour tenir compte de la violation de domicile (peine théorique de dix jours-amende).

En l’absence d’informations sur la situation financière de la prévenue, le jour-amende sera fixé en fonction du revenu qu’elle a allégué à l’appui de sa demande d’indemnisation, soit un salaire mensuel de l’ordre de CHF 10'000.- ; le montant du jour-amende sera arrêté à CHF 250.-. Cette peine sera assortie du sursis, dont la prévenue remplit les conditions, et d’un délai d’épreuve de deux ans. La privation de liberté consécutive au mandat d’amener (lequel était justifié par le refus de la prévenue de répondre aux convocations de la police, cf. art. 206 al. 2 CPP) sera déduite à raison d’un jour (art. 51 CP).

L’appel principal est ainsi admis.

4. 4.1. L'appel principal ayant été admis, l’intimée, qui succombe, supportera les frais de la procédure d’appel envers l'État (art. 428 CPP).

4.2. Conformément à l’art. 428 al. 3 CPP, si l’autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l’autorité inférieure.

4.3. Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. L'art. 426 al. 2 CPP précise que, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

4.4. En l’espèce, la prévenue a été définitivement acquittée par le premier juge de l’infraction d’usure qui lui était reprochée par le MP. Elle ne devrait ainsi pas supporter les frais de la procédure en lien avec cette infraction.

Cela étant, il découle de la procédure que la prévenue a violé plusieurs règles impératives du droit du bail, en omettant initialement d’adresser à sa locataire la formule officielle relative à la fixation du loyer initial (art. 19 al. 3 de l'ordonnance sur le bail à loyer [OBLF]) et d’avertir le bailleur principal de la sous-location (cf. art. 262 du code des obligations [CO]), étant relevé que le respect de cette seconde obligation aurait permis de rectifier le loyer fixé, lequel était manifestement abusif par rapport à celui du bail principal, au sens de l’art. 262 al. 2 let. b CO. La prévenue a également contrevenu à l’art. 257e CO, qui impose au bailleur, lorsque le locataire fournit des sûretés en espèces, de les déposer auprès d’une banque, sur un compte d’épargne ou de dépôt au nom du locataire.

Il en découle que, nonobstant l’acquittement en lien avec l’infraction d’usure, la prévenue a, par ces violations multiples des règles applicables en matière de droit du bail et par la fixation d’un loyer abusif au sens de l’art. 262 CO, provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure pénale.

En conséquence, elle supportera l’intégralité des frais de la procédure préliminaire et de première instance.

5. 5.1. L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette disposition s'applique aux voies de recours (y inclus l'appel) en vertu de l'art. 436 al. 1 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_74/2017 du 21 avril 2017 consid. 2.1).

À teneur de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, l'indemnité est limitée aux dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de procédure du prévenu. 

5.2. En vertu de l'art. 430 al. 1 let. a CPP, l'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure ou la réparation du tort moral (art. 429 al. 1 CPP) lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

Cette disposition est le pendant de l'art. 426 al. 2 CPP en matière de frais. Une mise à charge des frais selon l'art. 426 al. 1 et 2 CPP exclut en principe le droit à une indemnisation. La question de l'indemnisation doit être tranchée après la question des frais (arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.1).

Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation. Il en résulte qu'en cas de condamnation aux frais, il n'y a pas lieu d'octroyer de dépens ou de réparer le tort moral (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.1).

5.3. En l’espèce, la prévenue est condamnée en application des art. 426 al. 1 et 2 CPP à supporter l’intégralité des frais de la procédure. Il n’y a dès lors pas place pour une application de l’art. 429 CPP et elle sera déboutée de ses conclusions en indemnisation. Les mesures de contrainte ordonnées par le MP (mandats) étaient justifiées par les besoins de l’enquête ; aucune indemnisation n’est non plus due de ce fait (art. 431 CPP).

6. 6.1. L'art. 433 al. 1 CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b).

La partie plaignante obtient gain de cause au sens de l'art. 433 al. 1 CPP lorsque le prévenu est condamné et/ou si les prétentions civiles sont admises. Dans ce dernier cas, la partie plaignante peut être indemnisée pour les frais de défense privée en relation avec la plainte pénale (ATF 139 IV 102 consid. 4.1 et 4.3 p. 107 s.). La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat de la partie plaignante (arrêts du Tribunal fédéral 6B_549/2015 du 16 mars 2016 consid. 2.3 = SJ 2017 I 37 ; 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 consid. 2.1 ; 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.1.1 ; A. KUHN / Y. JEANNERET [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 8 ad art. 433 ; N. SCHMID, op. cit., n. 3 ad art. 433). En particulier, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_864/2015 du 1er novembre 2016 consid. 3.2 ; 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 consid. 2.1 ; 6B_159/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.3).

6.2. En l’espèce, la partie plaignante obtient gain de cause. Cela étant, les prétentions qu’elle fait valoir ne sont pas du ressort de la Cour de céans. En effet, seuls peuvent être pris en compte pour l’application de l’art. 433 CPP les frais d’avocat en lien avec la procédure pénale ; or, l’appelante n’a pas été assistée d’un conseil, les frais d’avocat qu’elle fait valoir étant liés à la procédure devant le TBL.

Par ailleurs, la demande en paiement liée au remboursement de la caution et à des frais postaux est doublement irrecevable. Il s’agit en effet de conclusions civiles en réparation du dommage matériel, qui n’ont pas été formulées dans la déclaration d’appel et qui, de surcroît, font l’objet de la procédure TBL. Cette litispendance fait ainsi obstacle, en tout état de cause, à leur examen par la CPAR.

L’appelante sera dès lors déboutée de ses conclusions en indemnisation.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel et l'appel joint formés par A______ et par B______ contre le jugement JTDP/525/2022 rendu le 11 mai 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/1200/2020.

Admet l’appel principal et rejette l’appel joint.

Annule ce jugement.

Acquitte B______ d'usure (art. 157 ch.1 CP).

Déclare B______ coupable de contrainte (art. 181 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP).

Condamne B______ à une peine pécuniaire de 15 jours-amende.

Fixe le montant du jour-amende à CHF 250.-.

Met B______ au bénéfice du sursis pour cette peine et fixe la durée du délai d'épreuve à deux ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit B______ de ce que, si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne B______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1’098.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP), ainsi qu’aux frais de la procédure d’appel, en CHF 1'825.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-

Rejette les conclusions en indemnisation de B______ (art. 429 CPP) et de A______ (art. 433 CPP).


 

 

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'098.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

180.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

70.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'825.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'923.00