Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/6405/2019

AARP/62/2020 du 17.02.2020 sur JTDP/1095/2019 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : VIOLATION DE DOMICILE;ACQUITTEMENT;EXPULSION(DROIT PÉNAL);IN DUBIO PRO REO;FIXATION DE LA PEINE;ERREUR SUR LES FAITS(DROIT PÉNAL);RESPONSABILITÉ RESTREINTE(DROIT PÉNAL)
Normes : CP.139.al1; CP.186; CP.291; LEI.115.al1.letb; LStup.19.leta; CP.13; CP.66a.al1.letc; CP.66aBis; CP.47; CP.19.al2; LStup.19a.al2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6405/2019AARP/62/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 17 février 2020

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1095/2019 rendu le 15 août 2019 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par courrier expédié le 19 août 2019, A______ a annoncé appeler du jugement du Tribunal de police (ci-après : TP) du 15 août 2019, dont les motifs lui ont été notifiés le 24 septembre 2019, par lequel le tribunal de première instance l'a reconnu coupable de vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]), de violation de domicile (art. 186 CP), de rupture de ban (art. 291 CP), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 [LEI - RS 142.20]) et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 [LStup - RS 812.121]) et condamné à une peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de 147 jours de détention avant jugement, à une amende de CHF 300.- ainsi qu'aux frais de la procédure en
CHF 1'893.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- et un émolument de jugement complémentaire de CHF 600.-.

Aux termes du même jugement, le TP a ordonnée l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de dix ans (art. 66a al. 1 let. d CP) et, par ordonnance séparée, son maintien en détention pour des motifs de suretés (art. 231 al. 1 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 [CPP - RS 312.0]).

b. Par acte du 15 octobre 2019, A______ conclut à son acquittement du chef de violation de domicile, à sa condamnation à une peine privative de liberté compatible avec sa libération immédiate et à l'annulation de l'amende. Il conteste également le prononcé de l'expulsion obligatoire.

c.a. Par acte d'accusation du 15 juillet 2019, il est reproché à A______ d'avoir, dans le courant de la matinée du 20 mars 2019, pénétré dans le magasin D______, sis à la place 1 [no.] ______ à Genève, malgré une interdiction d'entrée dans tous les commerces D______, valable du 12 septembre 2017 au 12 septembre 2020, qui lui avait été notifiée préalablement.

c.b. Par le même acte d'accusation, il lui était également reproché :

- d'avoir, dans les circonstances décrites ci-dessus, pénétré dans le magasin D______ pour y dérober douze parfums d'une valeur totale de CHF 973.50, qu'il a dissimulés dans un sac en toile dans le but de se les approprier et de s'enrichir sans droit ;

- d'être demeuré en Suisse, alors que son expulsion judiciaire de Suisse avait été prononcée le 9 novembre 2017 par le TP et qu'il s'était vu remettre une carte de sortie lors de sa mise en liberté le 15 mars 2019 avec une obligation de quitter la Suisse sous 48 heures et ce jusqu'au 22 mars 2019 ;

- d'avoir séjourné en Suisse entre le 15 mars et le 22 mars 2019, sans titre de séjour ni pièce d'identité ;

- d'avoir consommé quotidiennement, entre le 15 et le 22 mars 2019, des quantités indéterminées de haschich et détenu, lors de son arrestation, 7,32 grammes de cette drogue, destinés à sa consommation personnelle,

faits pour lesquels il a été condamné et qui ne sont plus contestés en appel.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 22 mars 2019, une plainte pénale a été déposée par D______ SA à l'encontre d'un homme, vraisemblablement A______, pour le vol de plusieurs parfums pour un montant total de CHF 973.50, ainsi que pour violation de domicile, commis le
20 mars 2019.

b. D______ SA a annexé à sa plainte une interdiction notifiée et signée le 12 septembre 2017 par le précité, valable pour "une durée de 3 ans", à la suite d'un vol à l'étalage qu'il avait commis à cette même date, étant précisé qu'il avait déjà agi de la sorte le 19 novembre 2015.

c. A______, identifié grâce aux images de vidéosurveillance du magasin sur lesquelles il n'apparait pas aviné, a été interpellé le 22 mars 2019 à [la place] 1______.

Lors de sa fouille, 7,3 grammes de haschisch ont été trouvés dans ses poches.

d. Il ressort du fichier SYMIC que A______ est entré en Suisse le 3 août 2005 et que sa demande d'asile a été radiée le 23 août suivant.

Il fait par ailleurs l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse valable du 10 décembre 2012 au 9 décembre 2022, laquelle lui a été notifiée le 14 décembre 2012.

e. Devant la police et le MP, A______, qui s'est exprimé en français sans l'aide d'un interprète, hormis lors de la dernière audience, a reconnu avoir volé six parfums, le 20 mars 2019 chez D______, qu'il avait revendus par la suite contre la somme de CHF 250.- à CHF 300.-. Il avait signé un document lui interdisant l'accès aux magasins D______, mais s'y était néanmoins rendu le jour des faits car il était "vraiment très bourré", ayant commencé à boire du whisky dès 11h00. Conscient de la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet, il souhaitait quitter la Suisse, où il était resté depuis son arrivée, pour se rendre en France auprès de son frère qui avait accepté de l'héberger et de l'employer. Il devait auparavant se faire opérer du poignet. Questionné sur son choix d'annuler l'opération prévue le 14 février 2019, il a répondu avoir agi de la sorte en raison d'avis contradictoires du médecin et de l'assistante sociale. Il consommait du haschisch depuis 15 ans à raison de 15 joints par jour.

f. Selon le rapport de consultation établi le 23 mars 2019 par le Service de médecine pénitentiaire des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG), A______ souffrait d'un trauma du poignet droit. Initialement, il ne souhaitait pas se faire opérer mais avait changé d'avis.

Il ressort du dossier médical de A______ adressé par les HUG, en particulier d'une note du 12 février 2019, que ce dernier a annulé son intervention prévue pour le
14 février suivant.

g.a. Lors de l'audience de jugement du 15 août 2019, A______, assisté d'un interprète en langue arabe, a dit avoir ignoré faire l'objet d'une interdiction d'entrée dans le magasin D______. Le jour des faits il était "complètement bourré". Par ailleurs, il avait de l'argent à sa sortie de [l'établissement pénitentiaire] E______, de sorte qu'il n'avait pas besoin de voler des parfums. Il contestait les avoir revendus. Il consommait du haschich depuis plus de 20 ans à raison d'environ six ou huit joints par jour. Il souhaitait changer de vie et était prêt à quitter la Suisse pour la France. Il était d'accord avec l'expulsion requise.

g.b. A l'issue de l'audience, A______ a versé une convocation pour le même jour au Service de médecine pénitentiaire des HUG, sans précision de l'heure.

h. Le dossier contient de nombreux courriers manuscrits rédigés par A______ à l'intention des autorités dans un français approximatif.

C. a. Par mémoire d'appel du 10 décembre 2019, A______ persiste dans ses conclusions.

Dans la mesure où l'interdiction d'entrée dans le magasin D______ lui avait été notifiée le 12 septembre 2017 en français, il n'avait pas pu en comprendre la teneur ni la portée. Il y avait donc lieu de considérer que ladite interdiction ne lui avait pas été valablement signifiée et qu'il devait être mis au bénéfice de l'erreur sur les faits. La peine privative de liberté de 12 mois prononcée était excessive au regard du montant de l'enrichissement illégitime et de sa bonne collaboration durant l'instruction. Par ailleurs, le juge n'avait pas tenu compte du fait qu'au moment où A______ était entrée chez D______ il avait consommé de l'alcool toute la journée, ce qui ressortait notamment des images de vidéosurveillance, et se trouvait donc en état de responsabilité restreinte. Il avait été interpellé avec seulement 7,32 grammes de haschich, si bien qu'il s'agissait d'un cas bénin pour lequel il convenait de renoncer à infliger une peine (art. 19a al. 2 LStup). Enfin, en prenant compte de l'acquittement du chef de violation de domicile, le cas d'expulsion obligatoire n'était plus réalisé.

b. Me C______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, comptabilisant, sous des libellés divers, 10h40 d'activité, soit 2h00 pour le chef d'étude et 8h40 pour le stagiaire.

En première instance, Me C______ a été indemnisé pour une activité de 18h55.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel.

Les déclarations de A______ selon lesquelles il n'avait pas compris l'interdiction d'entrée dont il avait fait l'objet étaient dépourvues de toute crédibilité, dès lors qu'il avait initialement reconnu en avoir eu connaissance. Quand bien même il n'aurait pas compris le document remis, celui-ci lui avait été notifié à l'issue d'un épisode de vol similaire. Il avait en outre déjà fait l'objet d'une telle mesure le 19 novembre 2015 ainsi qu'été condamné le 9 février 2018 pour le vol de dix parfum et violation de domicile dans le magasin D______. Dans tous les cas, le seul fait de pénétrer dans un magasin dans le but d'y commettre un vol était constitutif de violation de domicile. Tant la peine que l'amende prononcées par le premier juge étaient adéquates et conformes aux éléments de la procédure. En particulier, il ne ressortait pas des images de vidéosurveillance qu'au moment des faits A______ était sous l'influence de l'alcool, son modus operandi étant parfaitement rodé. Outre les 7,32 grammes de haschich retrouvés sur lui, A______, avait admis consommer régulièrement des stupéfiants depuis une vingtaine d'années, à raison de six à huit joints par jour.
Or, la consommation en tant que telle constituait déjà une infraction, si bien qu'il convenait de confirmer le verdict de culpabilité pour l'infraction à l'art. 19a LStup. Conformément à la jurisprudence (arrêt 6B_1221/2018 du 27 septembre 2019), une violation de domicile qui contrevenait à une interdiction d'entrée sous seing privé, ne constituait pas une infraction de "vol avec effraction" et ne devait donc pas faire l'objet d'une expulsion obligatoire. Néanmoins, compte tenu des antécédents de l'appelant, il était à craindre qu'il ne menace à nouveau l'ordre et la sécurité publics. Même s'il résidait en Suisse depuis près de 15 ans, il n'avait jamais été titulaire d'un titre de séjour valable. Il ne s'était jamais intégré dans ce pays, où aucun membre de sa famille ne résidait, n'y avait jamais eu d'activité professionnelle et était sans domicile fixe, si bien que l'expulsion facultative pour une durée de dix ans était justifiée et proportionnée, étant précisé que ses prétendus problèmes de santé ne légitimaient pas sa présence sur le territoire helvétique.

d. Le TP se réfère intégralement au jugement rendu.

e. Par courriers du 3 février 2020, auxquels elles n'ont pas réagi, les parties ont été informées de ce que la cause serait jugée sous dizaine.

D. A______ est né le ______ 1977 en Algérie, pays d'où il est originaire. Ses trois soeurs vivent dans ce pays alors que son frère vit en France. Il est célibataire et sans enfant. Il déclare avoir obtenu un diplôme dans le domaine de la boulangerie et avoir travaillé plusieurs années dans ce domaine. Depuis 2009, il n'exerce plus d'activité lucrative en Suisse et allègue subvenir grâce à l'aide financière de son frère. Il dort dans des abris PC.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______, connu des services de police sous cinq alias différents, a été condamné :

- le 3 juin 2009, par le Juge d'instruction à une peine privative de liberté de huit mois pour un délit au sens de la LStup (art. 19 al. 1 aLStup) ;

- le 10 novembre 2010, par le Juge d'instruction à une peine privative de liberté de 60 jours et une amende de CHF 200.- pour entrée et séjour illégaux et contravention à la LStup (art. 19a aLStup) ;

- le 15 mai 2011, par le MP à une peine privative de liberté de quatre mois pour un délit au sens de la LStup (art. 19 al. 1 aLStup) et séjour illégal ;

- le 19 mars 2012, par le MP à une peine privative de liberté de 90 jours pour un délit au sens de la LStup (art. 19 al. 1 aLStup) et séjour illégal ;

- le 19 octobre 2012, par le TP à une peine privative de liberté de 120 jours pour un délit au sens de la LStup (art. 19 al. 1 aLStup) et séjour illégal ;

- le 30 octobre 2013, par le MP à une peine privative de liberté de 90 jours pour séjour illégal ;

- le 25 avril 2014, par le MP à une peine privative de liberté de 120 jours et à une amende de CHF 100.- pour séjour illégal et contravention à la LStup (art. 19a). La libération conditionnelle a été prononcée le 29 septembre 2014, avant d'être révoquée le 29 janvier 2015 par le MP ;

- le 5 septembre 2014, par le MP à une peine privative de liberté de 45 jours et à une amende de CHF 200.- pour séjour illégal et contravention à la LStup (art. 19a) ;

- le 3 janvier 2015, par le MP à une peine privative de liberté de 60 jours pour dommage à la propriété et séjour illégal ;

- le 29 janvier 2015, par le MP à une amende de CHF 200.- pour séjour illégal et contravention à la LStup (art. 19a) ;

- le 11 juin 2015, par le MP à une peine privative de liberté complémentaire de 7 jours pour séjour illégal ;

- le 1er juillet 2015, par le MP à une peine privative de liberté de 90 jours et une amende de CHF 200.- pour interdiction de pénétrer dans une région déterminée et contravention à la LStup (art. 19a) ;

- le 17 septembre 2015, par le MP à une peine privative de liberté de 60 pour interdiction de pénétrer dans une région déterminée ;

- le 30 septembre 2015, par le MP à une peine privative de liberté de 90 jours et une amende de CHF 100.- pour des délits au sens de l'art. 19 al. 1 et 19bis LStup, séjour illégal et contravention à la LStup (art. 19a) ;

- le 5 avril 2016, par le MP à une peine privative de liberté de 10 jours et une amende de CHF 100.- pour séjour illégal, interdiction de pénétrer dans une région déterminée et contravention à la LStup (art. 19a) ;

- le 21 avril 2017, par le MP à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 10.- l'unité et une amende de CHF 100.- pour séjour illégal et contravention à la LStup (art. 19a) ;

- le 14 août 2017, par le MP à une amende de CHF 100.- pour séjour illégal et contravention à la LStup (art. 19a) ;

- le 28 août 2017, par le MP à une peine privative de liberté de 30 jours pour séjour illégal et vol ;

- le 11 septembre 2017, par le MP à une peine privative de liberté de 60 jours pour vol et dommages à la propriété ;

- le 9 février 2018, par la Chambre pénale d'appel et de révision à une peine privative de liberté de huit mois pour vol, violation de domicile, séjour illégal (période : 10.12.2012 au 12.09.2017) et interdiction de pénétrer dans une région déterminée. Une expulsion obligatoire (art. 66a CP) pour une durée de cinq ans a également été prononcée.

L'AARP/44/2018 a été rendu dans la P/2______/2017 à la suite de l'appel déposé par A______, lequel concluait à son acquittement du chef de violation de domicile, dès lors qu'il avait compris que l'interdiction d'entrée dans le magasin D______ qui lui avait été notifiée le 12 septembre 2017, n'était valable qu'une année. Il contestait également la mesure d'expulsion obligatoire prononcée à son encontre. Il a précisé vouloir changer de vie et partir s'installer en France auprès de son frère pour y travailler dans son restaurant.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ;
127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2.1. Aux termes de l'art. 186 CP, se rend coupable de violation de domicile notamment celui qui, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, aura pénétré dans une habitation ou un local fermé.

La notion de domicile doit être comprise de manière large et vise non seulement les habitations au sens commun, mais également les fabriques, les centres commerciaux et les bâtiments administratifs (ATF 108 IV 33 consid. 5a p. 39).

L'auteur doit encore agir de manière illicite. L'illicéité de l'acte implique que l'auteur s'oppose à la volonté de l'ayant droit. Elle fait défaut lorsque ce dernier donne son accord ou si l'auteur est au bénéfice d'un motif justificatif (ATF 83 IV 154 consid. 1 p. 157 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1130/2017 du 20 février 2018 consid. 2.1).

Lorsqu'un lieu est ouvert au public dans un but précis et que ce but est clairement reconnaissable pour chacun, celui qui y pénètre en visant d'autres objectifs agit à l'encontre de la volonté de l'ayant droit. Ainsi, il ressort clairement de la destination des locaux que le détenteur d'un garage n'autorise à y pénétrer que ceux qui souhaitent y déposer, contre argent, leur voiture et la rechercher, ainsi que leurs accompagnants. De même que, celui qui pénètre dans un garage souterrain, endommageant des voitures, la porte d'une sortie de secours et des vitres, le fait contre la volonté de l'ayant droit (ATF 108 IV 33 consid. 5b p. 39 = JdT 1983 IV 76 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2013 du 20 août 2014 consid. 2.1 ; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 38 et 39 ad art. 186 CP).

Sur le plan subjectif, la violation de domicile est intentionnelle, le dol éventuel étant toutefois suffisant. Non seulement l'auteur doit pénétrer ou rester volontairement, mais il faut encore qu'il veuille ou accepte que ce soit sans droit et contre la volonté de l'ayant droit ou l'injonction de sortir donnée par celui-ci (B. CORBOZ, op. cit.,
n. 45 ss ad art. 186 CP).

2.2.2. Selon l'art. 13 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable (al. 1).

Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention délictuelle fait défaut (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 240).

L'erreur peut cependant aussi porter sur un fait justificatif, tel le cas de l'état de nécessité ou de la légitime défense putatifs ou encore sur un autre élément qui peut avoir pour effet d'atténuer ou d'exclure la peine (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1
p. 259 ; 129 IV 6).

2.3. En l'espèce, après avoir initialement admis avoir pénétré le 20 mars 2019 dans le magasin D______ malgré l'interdiction d'entrée de trois ans dont il avait pris connaissance le 12 septembre 2017, l'appelant a indiqué à l'audience de jugement qu'il ignorait faire l'objet d'une telle mesure. Il allègue désormais ne pas avoir compris la teneur ni la portée de ladite interdiction, dès lors qu'elle lui avait été notifiée en français.

Les revirements de l'appelant sont de pure circonstance et n'emportent pas la conviction, étant observé qu'il est présumé avoir eu connaissance du document d'interdiction qu'il a accepté de signer.

Sa prétendue mauvaise maîtrise de la langue française est tout aussi invraisemblable, d'autant qu'il la parle et l'écrit, de manière certes parfois erronée, mais compréhensible. Par ailleurs, dans la procédure P/2______/2017, il a seulement soutenu, sans jamais évoquer de carence en français, qu'il considérait qu'au moment des faits la précédente interdiction d'entrée, qui lui avait été notifiée le 19 novembre 2015 pour des actes similaires, était échue. Comme le relève par ailleurs le MP, son mépris face à son expulsion, soit à une décision judiciaire, témoigne d'une certaine désinvolture face aux décisions de manière générale.

Dans tous les cas, l'appelant a admis être entré dans ledit commerce pour y commettre un vol, pour lequel il a d'ailleurs été condamné et qu'il ne remet pas en cause.

Il s'ensuit que l'appelant a pénétré dans le magasin D______ dans un autre but que celui usuel et accepté par le maître des lieux d'achat de marchandise et, par conséquent, contre la volonté de l'ayant droit, ce que l'intéressé ne pouvait ignorer.

Le verdict de culpabilité pour le chef d'infraction à l'art. 186 CP sera ainsi confirmé et l'appel rejeté sur ce point.

3. 3.1. L'infraction de vol (art. 139 ch. 1 CP) prévoit une peine privative de liberté de cinq au plus ou une peine pécuniaire, alors que celles de violation de domicile
(art. 186 CP) et de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.

3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la
lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.1.2. Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016
consid. 3.5 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-136 StGB, Jugendstrafgesetz, 4e éd., Bâle 2019, n. 130 s. ad art. 47 CP). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue (R. ROTH / L. MOREILLON [éds], Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 55 ad art. 47 CP).

3.1.3. Conformément à l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

Lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement - d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner - la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives. Une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation suppose, à la différence de l'absorption et du cumul des peines, que le tribunal ait fixé (au moins de manière théorique) les peines (hypothétiques) de tous les délits. Le prononcé d'une peine unique dans le sens d'un examen global de tous les délits à juger n'est pas possible (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 ; 144 IV 217 consid. 3.5 ; 127 IV 101 consid. 2b p. 104 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1216/2017 du 11 juin 2018 consid. 1.1.1 ; 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 2.1 in medio). Cette disposition ne prévoit aucune exception. Le prononcé d'une peine unique dans le sens d'un examen global de tous les délits à juger n'est pas possible (ATF
144 IV 217 consid. 3.5.4 ; 144 IV 313 consid. 1.1.2).

3.1.4. Selon l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.

Cette disposition ne lui est cependant pas applicable s'il pouvait éviter la responsabilité restreinte et prévoir l'acte commis en cet état (art. 19 al. 4 CP). Il n'est pas nécessaire que le délinquant ait voulu l'infraction (dol simple), mais il suffit qu'il ait accepté la possibilité de commettre une infraction (dol éventuel) ou qu'il ait pu ou dû se rendre compte ou tenir compte du fait qu'en diminuant ses facultés, il s'exposait au danger de commettre une infraction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 3.1).

3.1.5. À teneur de l'art. 115 al. 1 let. b LEI, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé.

Le séjour illégal au sens de l'art. 115 al. 1 let. b LEI est un délit de durée, un délit continu. L'infraction est achevée au moment où le séjour prend fin (ATF 135 IV 6 consid. 3.2).

L'infraction peut être à nouveau commise si, après avoir été jugé pour de tels faits, le condamné poursuit ou renouvelle son séjour illégal en Suisse. La condamnation en raison de ce délit opère une césure, de sorte que le fait pour le prévenu de perpétuer sa situation irrégulière après le prononcé d'un premier jugement constitue un acte indépendant permettant une nouvelle condamnation pour la période non couverte par la première décision (principe ne bis in idem ; ATF 135 IV 6 consid. 3.2 p. 9 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1226/2013 du 31 mars 2014 consid. 1.1).

En vertu du principe de la culpabilité sur lequel repose le droit pénal, les peines prononcées dans plusieurs procédures pénales en raison de l'effet de césure ne peuvent dépasser la peine maximale prévue par la loi pour l'infraction en question (ATF 135 IV 6 consid. 4.2 p. 11 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1226/2013 précité). La somme des peines prononcées à raison du délit continu doit ainsi être adaptée à la faute considérée dans son ensemble et ne pas excéder un an. Le prévenu sera exempté de toute peine si les condamnations prononcées antérieurement atteignent ou dépassent la peine maximale prévue par la loi. La durée de la détention subie devra par ailleurs être examinée si l'autorité envisage de révoquer une éventuelle libération conditionnelle. Si celle-ci atteint ou dépasse un an, il devra être renoncé à la révocation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_715/2015 du 21 mars 2016 consid. 2.6).

Pour prononcer une nouvelle condamnation en raison d'un délit continu et pour fixer la peine sans égard à la durée de l'infraction déjà prise en compte dans un jugement antérieur, il faut que l'auteur, après la première condamnation, prenne une nouvelle décision d'agir, indépendante de la première. En l'absence d'une telle décision, et lorsque la situation irrégulière qui doit faire l'objet d'un nouveau jugement procède de la même intention que celle qui a présidé aux faits déjà jugés, la somme des peines prononcées à raison du délit continu doit être adaptée à la culpabilité considérée dans son ensemble et ne pas excéder la peine maximale prévue par la loi (ibidem).

3.1.6. Selon l'art. 19a ch. 1 LStup, celui qui, sans droit, aura consommé intentionnellement des stupéfiants ou celui qui aura commis une infraction à l'art. 19 pour assurer sa propre consommation est passible de l'amende.

Dans les cas bénins, l'autorité compétente pourra suspendre la procédure ou renoncer à infliger une peine et une réprimande peut être prononcée (art. 19a ch. 2 LStup).

Pour dire s'il y a cas bénin, il faut prendre en compte l'ensemble des circonstances concrètes, objectives et subjectives (ATF 124 IV 45 consid. 2a ; 124 IV 186
consid. 3a ; 106 IV 78). Des consommations antérieures n'excluent pas par principe le cas bénin (ATF 124 IV 45 consid. 2a et 106 IV 78 consid. d et e). La notion de quantité minime n'est pas contenue dans cette disposition (ATF 124 IV 45
consid. 2a). La persistance à consommer exclut le cas bénin, même pour le haschich (ATF 124 IV 45 consid. 2a ; 124 IV 186 consid. 3). Il ne saurait ainsi être question d'un cas bénin quand quelqu'un consomme régulièrement du haschich et n'a pas l'intention de modifier son comportement (ATF 124 IV 55 consid. 2).

3.2. En l'espèce, la faute de l'appelant n'est pas négligeable. Le montant de son butin, certes des parfums exclusivement, est important. Il a non seulement persisté à pénétrer dans un magasin qui lui était interdit, mais aussi à demeurer en Suisse sans pièce d'identité et malgré la mesure d'expulsion prononcée contre lui.

Il a agi par appât d'un gain facile et par convenance personnelle au mépris des lois en vigueur.

Même si la précarité de la situation personnelle de l'appelant explique, en partie, ses agissements, elle ne saurait les justifier, étant relevé que son absence totale de liens avec la Suisse et ses possibilités alléguées de travail à l'étranger rendent encore moins compréhensible son insistance à rester en toute illégalité dans ce pays.

Sa collaboration est moyenne, le fait d'admettre le vol attesté par vidéosurveillance mais nier la violation de domicile, ne relevant pas d'une bonne collaboration.

Ses antécédents sont particulièrement nombreux et spécifiques. Sa prise de conscience est nulle et sa volonté de "changer de vie", comme déjà prétendu dans la P/2______/2017, de pure circonstance. A peine sorti du centre de détention administrative E______, il a récidivé.

Il y a concours d'infractions, ce qui commande une augmentation de la peine dans une juste proportion et exclut l'application de la Directive sur le retour (arrêt du Tribunal fédéral 6B_320/2013 du 29 août 2013 consid. 3.2).

L'examen du casier judiciaire de l'appelant conduit cependant à constater que celui-ci a globalement déjà purgé plus d'un an de détention pour séjour illégal depuis sa dernière entrée en Suisse, soit depuis le 10 novembre 2010. Par conséquent, le plafond fixé par la jurisprudence est désormais atteint et l'appelant ne peut être sanctionné que d'une peine nulle pour l'infraction de séjour illégal.

Aucune des circonstances atténuantes de l'art. 48 CP n'est réalisée ni d'ailleurs plaidée.

Il ne ressort pas du dossier, en particulier des images de vidéosurveillance que le prévenu présentait des signes d'ébriété. Dans tous les cas, une diminution de sa responsabilité paraît douteuse. A le suivre, il se serait en effet volontairement alcoolisé et ne pouvait que se douter que boire de cette manière lui ferait perdre le contrôle de ses actes, étant rappelé ses antécédents de vols et violations de domicile.

Au vu de ce qui précède, c'est une peine privative de liberté de six mois qui devrait sanctionner le vol, le genre de peine n'étant, à juste titre, pas contesté par l'appelant. Elle doit être aggravée, en tenant compte des règles sur le concours, de trois mois pour la rupture de ban (peine hypothétique de six mois) et de deux mois pour la violation de domicile (peine hypothétique de trois mois). La détention avant jugement sera imputée (art. 51 CP).

L'appel sera donc partiellement admis et le jugement entrepris réformé sur ce point.

Le pronostic à émettre sur le comportement futur de l'appelant étant particulièrement défavorable, la question du sursis n'entre pas en ligne de compte, ce qu'il ne conteste pas.

S'agissant de l'amende, la consommation régulière de marijuana a toujours été admise par l'appelant, comme en témoignent également ses multiples antécédents. Il n'a par ailleurs jamais indiqué qu'il entendait y mettre fin, ce qui suffit à exclure le cas bénin.

En tout état, l'amende de CHF 300.- prononcée par le premier juge paraît conforme au droit et à la situation personnelle de l'appelant de sorte qu'elle sera confirmée.

4. 4.1.1. Dans un arrêt 6B_1221/2018 du 27 septembre 2019 destiné à la publication, le Tribunal fédéral retient qu'il faut procéder à une interprétation de l'art 66a let. d CP conforme à la Cst. L'art. 121 Cst prévoit l'expulsion obligatoire en cas de "vol avec effraction", ce que le législateur a traduit à l'art. 66a let. d CP par vol avec violation de domicile, le CP ne connaissant pas la figure du "vol avec effraction". Il faut ainsi retenir que celui qui commet un vol dans un commerce en commettant une violation de domicile parce qu'il fait l'objet d'une interdiction d'entrée dans ce commerce, ne commet pas une infraction du catalogue de l'art. 66a CP. En effet, une telle violation de domicile, qui contrevient à une interdiction d'entrée sous seing privé, ne constitue pas une infraction de "vol avec effraction" et ne doit donc pas entraîner une expulsion obligatoire.

4.1.2. Conformément à l'art. 66abis CP, le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de trois à quinze ans si, pour un crime ou un délit non visé à l'art. 66a CP, celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l'objet d'une mesure au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP.

Cette mesure prévue par la loi qui, par essence, s'ajoute à la peine proprement dite, fait partie intégrante de la sanction à prononcer (ATF 143 IV 168 consid. 3.2.
= SJ 2017 I 433). L'expulsion judiciaire pénale de l'art. 66abis CP - qui ne diffère pas fondamentalement de l'expulsion prescrite en son temps par l'art. 55 al. 1 aCP (ATF 123 IV 107 consid. 1) - ne contredit pas l'interdiction de la double peine qui découle notamment de l'art. 6 CEDH (AARP/202/2017 du 16 juin 2017 consid. 2.5).

Il s'agit d'une Kannvorschrift (G. MÜNCH / F. DE WECK, Die neue Landesverweisung, in Art. 66a ff. StGB, Revue de l'avocat 2016, p. 163 ; G. FIOLKA / L. VETTERLI, Landesverweisung nach Art. 66a StGB als strafrechtliche Sanktion, cahier spécial, Plädoyer 5/16, p. 86 ; AARP/185/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.2 ; AARP/179/2017 du 30 mai 2017 consid. 3.1.2). Le juge est donc libre, sans autre justification, de renoncer à l'expulsion facultative (M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, Härtefallklausel und migrationsrechtliche Auswirkungen der Landesverweisung, cahier spécial, Plaidoyer 5/2016, p. 98).

L'application de l'art. 66abis CP impose le respect du principe de proportionnalité. En d'autres termes, le juge doit faire une pesée des intérêts entre celui public à l'éloignement et la situation personnelle du condamné (G. FIOLKA / L. VETTERLI, op. cit., p. 87 ; K. KÜMIN, Darf eine Aufenthaltsbewilligung widerrufen werden, nachdem von einer Landesverweisung abgesehen wurde ?, Jusletter 28 novembre 2016, p. 14).

Concernant le premier volet, le juge doit se demander, si l'expulsion facultative est de nature à empêcher la commission de nouvelles infractions en Suisse (G. FIOLKA / L. VETTERLI, op. cit., p. 84 ; AARP/179/2017 du 30 mai 2017 consid. 3.1.2). A cette fin, il considérera pour commencer la quotité de la peine : plus lourde sera celle-ci et plus grand sera l'intérêt public à expulser l'étranger. Ce résultat sera renforcé par le type d'infraction commise : si celle-ci atteint la vie, l'intégrité corporelle ou sexuelle, voire la santé d'un grand nombre de personne en application d'une aggravante à la LStup, l'intérêt public sera plus élevé. Quoiqu'il en soit, l'intérêt privé de l'intéressé à rester en Suisse devra s'analyser sans perdre de vue que les dispositions de la CEDH restent contraignantes, en particulier les art. 3 et 8 CEDH (ATF 139 I 16 consid. 4.2. et 5 ss ; G. MÜNCH / F. DE WECK, op. cit., p. 166 ; M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, op. cit., p. 97 et 103 ; K. KÜMIN, op. cit., p. 14 ; AARP/185/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.2).

4.2. En l'espèce, compte tenu de la récente jurisprudence claire à ce propos, seule se pose la question d'une expulsion facultative (art. 66abis CP).

L'appelant, bien qu'arrivé en Suisse en 2005, y compte plus de 20 condamnations depuis 2009 seulement. L'intérêt public à son éloignement est ainsi patent.

Il ne démontre aucune source de revenu légal en Suisse, pays duquel il fait déjà l'objet d'une mesure d'expulsion obligatoire. Il ne peut faire état d'aucune intégration, se trouve sans domicile fixe et n'a pas de famille ou amis proches qui résideraient sur le territoire helvétique. Il ne présente ainsi aucun intérêt personnel prépondérant à opposer à son expulsion.

En particulier, ladite expulsion ne rend pas impossible la mise en place d'un traitement pour ses problèmes au poignet, du moins il ne le prétend ni a fortiori ne le démontre pas. Par ailleurs, sa présence en Suisse n'a pas paru particulièrement l'inciter à se faire opérer puisqu'il y avait, dans un premier temps, renoncé avant de changer d'avis puis d'annuler au dernier moment l'opération prévue le 14 février 2019, sans motif valable.

Ainsi, son expulsion de Suisse pour une durée de dix ans, qui s'avère proportionnée dans le cas d'espèce, compte tenu dans l'ancrage de l'appelant dans la délinquance, sera confirmée par substitution de motifs.

5. Les motifs ayant conduit le premier juge à prononcer, par ordonnance séparée du 15 août 2018, le maintien de l'appelant, en détention pour des motifs de sûreté sont toujours d'actualité, ce que celui-ci ne conteste au demeurant pas, de sorte que la mesure sera reconduite mutatis mutandis (ATF 139 IV 277 consid. 2.2 à 2.3). Le prévenu aura purgé sa peine le 22 mars 2020. Dès lors, sa détention pour des motifs de sûreté sera ordonnée jusqu'au 28 février 2020 afin de permettre l'exécution de l'expulsion (ATF 143 IV 168).

6. 6.1. L'appelant, qui obtient gain de cause partiellement, supportera deux tiers des frais de la procédure d'appel (art. 428 CPP), compte tenu de la diminution de peine prononcée à son encontre. Les frais en appel comprennent un émolument de décision de CHF 1'500.-.

6.2. La répartition des frais de la procédure de première demeurera inchangée compte tenu de la confirmation du verdict de culpabilité à son égard.

7. 7.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats du canton du for du procès. L'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique du 28 juillet 2010 (RAJ ; E 2 05.04) dispose que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 110.- (let. a) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c). En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance, et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

Il est admis que l'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure soit forfaitairement majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail décomptées depuis l'ouverture de la procédure, 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3).

7.2 En l'occurrence, considéré globalement l'état de frais produit par le conseil de l'appelant paraît adéquat et conforme aux dispositions et principes qui précèdent, de sorte qu'il sera admis sans qu'il soit nécessaire d'en reprendre le détail.

En conclusion, l'indemnité sera arrêtée à CHF 1'749.-, correspondant à 2h00 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure et 8h40 à celui de CHF 110.-/heure, plus la majoration forfaitaire de 20% [CHF 270.70] et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% [CHF 125.-].

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1095/2019 rendu le 15 août 2019 par le Tribunal de police dans la procédure P/6405/2019.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP), de violation de domicile (art. 186 CP), de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a LStup).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de onze mois, sous déduction de
333 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté d'une quotité nulle pour l'infraction de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

Condamne A______ à une amende de CHF 300.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de trois jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de dix ans (art. 66abis CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 3______ (art. 69 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à
CHF 1'893.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- et un émolument de jugement complémentaire de CHF 600.- (art. 426 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______, pour la procédure préliminaire et de première instance a été fixée à
CHF 3'246.10 (art. 135 CPP).

Ordonne le maintien de A______ en détention pour motifs de sûreté jusqu'au 28 février 2020.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'815.-, comprenant un émolument de jugement de CHF 1'500.-.

Met deux tiers de ces frais, soit CHF 1'210.-, à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'Etat.

Arrête à CHF 1'749.-, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à la prison B______, au Service d'application des peines et mesures, l'Office cantonal de la population et des migrations, au Secrétariat d'Etat aux migrations et au Service des contraventions.

Siégeant :

Monsieur Gregory ORCI, président ; Mesdames Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE et Catherine GAVIN, juges.

 

La greffière :

Florence PEIRY

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).

 

P/6405/2019

ÉTAT DE FRAIS

AARP/62/2020

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'893.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

240.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel : (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'815.00

Total général (première instance + appel) : (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9. Attention, calculer d'abord le « Total des frais de la procédure d'appel » avant le « Total général (première instance + appel »)

CHF

3'708.00