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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/21832/2016

AARP/104/2021 du 01.04.2021 sur JTDP/749/2020 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : BLANCHIMENT D'ARGENT;PAPER TRAIL;ESCROQUERIE;PRÉTENTION FRAUDULEUSE ENVERS L'ASSUREUR;PARTIE CIVILE;CONFISCATION(DROIT PÉNAL);DOMMAGES-INTÉRÊTS
Normes : CP.305bis; CP.146; CPP.124; CPP.126; CP.70
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21832/2016 AARP/104/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 1er avril 2020

 

Entre

A______, domiciliée ______ [VD], comparant par Me B______, avocate,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/749/2020 rendu le 20 juillet 2020 par le Tribunal de police,

 

et

CENTRE REGIONAL DE DECISION PC FAMILLES C______ [VD], comparant en personne,

D______ SA, comparant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 20 juillet 2020, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable d'escroquerie (art. 146 al. 1 du code pénal [CP]), de blanchiment d'argent (art. 305bis CP) et l'a acquittée de ce même chef pour la période antérieure au 11 octobre 2014.

Le TP a condamné A______ à une peine pécuniaire de 150 jours-amende (art. 34 CP), ainsi qu'à verser à D______ SA CHF 35'000.- à titre de réparation du dommage matériel, et aux deux dixièmes des frais de procédure de première instance fixés à CHF 15'376.15, dont un émolument de jugement complémentaire de CHF 3'000.- entièrement à sa charge.

Diverses mesures de confiscation, destruction et restitution ont encore été ordonnées.

Le CENTRE REGIONAL DE DECISION PC FAMILLES C______ [VD] [ci-après: CENTRE REGIONAL PC] a été renvoyé à agir par la voie civile.

b. A______ entreprend partiellement le jugement, concluant à son acquittement pour la période postérieure au 11 octobre 2014, au rejet des conclusions civiles des parties plaignantes, subsidiairement à la réduction de la somme allouée à D______ SA à CHF 17'217.-.

c. Selon l'acte d'accusation du 4 mars 2020, il est encore reproché à A______ les faits suivants :

Entre le 11 octobre 2014 et juillet 2016, en échange d'une contrepartie financière, A______ a mis ses comptes bancaires à disposition de E______, afin que ce dernier puisse percevoir des remboursements de prétendues prestations médicales venant de D______ SA. C'est ainsi qu'un montant total de CHF 381'788.80 a été versé par l'assurance sur lesdits comptes, que A______ a tantôt reversé, tantôt remis en main propre, à E______. Une contrepartie financière de CHF 35'000.- a été perçue par A______, soit en mains propre, soit par des déductions opérées par elle-même, avant de restituer le reliquat à E______. Par la suite, elle a versé une part de ses gains sur un compte qu'elle avait spécifiquement ouvert à cet effet, auprès de [la banque] H______.

Suivant les agissements supra, elle a omis d'annoncer ses gains à l'agence d'assurance sociale CENTRE REGIONAL PC, dont elle percevait des prestations complémentaires pour familles, étant précisé qu'elle n'avait pas non plus annoncé à cette dernière l'ouverture du compte personnel à [la banque] H______. Agissant de la sorte, elle avait perçu des prestations à hauteur de CHF 20'658.15 en 2014, CHF 23'883.90 en 2015 et CHF 13'033.25 en 2016.


 

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. E______, alors employé de D______ SA, a conçu de fausses factures médicales dans le but d'obtenir de la société précitée des remboursements de prestations indus. Plusieurs de ces factures concernaient des traitements médicaux inexistants prétendument dispensés à F______, fils de A______, lui-même assuré auprès de ladite assurance.

Ainsi, entre les 16 octobre 2014 et 14 juillet 2016, selon les relevés bancaires produits, D______ SA a effectué 15 versements pour un montant total de CHF 381'788.80 sur les comptes 3______ et 4______ [auprès de I______], ouverts au nom de A______. La précitée en a conservé une part et a transféré le solde sur le compte 5______ de E______ [auprès de I______], par autant de versements bancaires qu'avait effectués D______ SA.

Il ressort de ses relevés bancaires qu'entre les 16 octobre 2014 et 14 juillet 2016, A______ a été créditée par D______ SA, à intervalles réguliers, des montants suivants : CHF 48'291.-, CHF 49'107.80, CHF 56'133.20, CHF 42'157.80, CHF 40'174.-, CHF 42'138.-, CHF 8'865.80, CHF 17'722.80, CHF 9'316.80, CHF 9'695.20, CHF 9'274.20, CHF 9'588.70, CHF 9'881.50, CHF 9'952.50 et CHF 19'490.30.

Lors des cinq premiers versements, A______ n'a pas restitué la totalité des montants reçus de D______ à E______, conservant un montant total de CHF 12'500.-.

b. Durant ce même intervalle, A______, qui était au bénéfice de prestations complémentaires pour familles versées par le CENTRE REGIONAL PC, assurance sociale [de C______ (VD)], a continué d'obtenir les prestations. Elle n'a jamais informé le CENTRE REGIONAL PC des montants perçus en lien avec les remboursements de D______ SA, alors même que les décisions d'octroi de l'assurance sociale mentionnaient une obligation de communiquer toute modification substantielle de ses revenus.

c. Le 30 septembre 2015, A______ a ouvert un compte n° 6______ auprès de [la banque] H______, sur lequel elle a versé le jour même, en argent comptant, un montant de CHF 14'000.- provenant uniquement de ses gains en lien avec E______. Durant l'année 2016, elle a prélevé sur compte, en espèces, un montant total CHF 8'000.-. Sans apport supplémentaire, ce compte a été séquestré par le MP le 10 mai 2017 avec un solde restant de CHF 3'023.40.

d. Le 4 novembre 2016, D______ SA a déposé plainte pénale contre E______ et A______. Quant au CENTRE REGIONAL PC, il s'est constitué partie plaignante le 15 février 2018.

e.a Durant l'instruction et devant le TP, E______ a reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Il connaissait A______ depuis environ dix ans et il s'était mis d'accord avec elle, avant l'arrivée du premier versement, pour qu'elle reçoive de l'argent sur son compte en provenance de D______ SA. Elle était hésitante, mais avait finalement accepté en demandant ce qu'elle gagnerait. Il avait commencé à créer de fausses factures au nom de F______ sans qu'elle ne se doute de rien. En été 2014, alors qu'elle était hospitalisée à la suite d'un accident, elle s'en était rendue compte car elle avait commencé à recevoir les décomptes de prestation au nom de son fils. Lorsqu'elle lui avait demandé des explications, il lui avait dit qu'il s'agissait d'une forme détournée pour recevoir de l'argent qui lui était dû par son employeuse, ajoutant qu'il ne voulait pas qu'une partie revienne à sa femme, étant en instance de divorce. A______ avait compris à ce moment l'arrière-plan douteux, ce qui était illustré par la fois où elle lui avait répondu en souriant, "tu es très fort de recevoir de l'argent (...) sur mon compte sous la forme de prestations dont aurait bénéficié F______". Il lui avait également remis des faux documents, l'un attestant de ce que D______ SA était prétendument sa débitrice et un autre intitulé "DECHARGE DE RESPONSABILITE" où il déclarait "(...) Dégager Mme [A______] (...) de toute responsabilité de quelque nature que ce soit ou de dommages sans aucune exception ni réserve". Tout ceci avait rassuré de manière générale A______, qui n'avait pas cherché à en savoir davantage. Elle s'était doutée de quelque chose, mais cela arrangeait tout le monde.

L'attitude de A______ avait ensuite commencé à changer au fil du temps. Elle devenait vulgaire et réclamait plus d'argent. Parfois, elle disait qu'elle ne lui reverserait les montants qu'après avoir reçu sa part. Il ignorait le montant total qu'il avait remis à A______ mais il a expliqué initialement que, pour des versements de CHF 9'000.-, il lui rétrocédait CHF 3'000.-, de sorte qu'elle avait perçu bien plus que CHF 20'000.-, puis qu'elle avait touché quasiment CHF 200'000.-. Devant le TP, il a expliqué que A______ percevait, sans régularité, entre 11 et 20 % des montants reçus sur son compte postal, précisant ensuite que le montant qui lui semblait correct au final était de l'ordre de 10 %.

e.b. Le 13 novembre 2016, A______ a adressé à E______, par SMS, les propos suivants : "Très déçue par toi [E______]. Car j'ai appris par (...) que tu as fait envoyer un versement sur son compte et que tu lui as donné une commission de 5500.-. Tu m'as vraiment pris pour une conne (...) Autre chose ou pas autre chose c'est égal. Le fait est que tu donnes plus du 10% de commission".

e.c. Durant l'instruction et devant le TP, A______ a déclaré connaître E______ depuis une dizaine d'années, mais ne l'avoir vu que rarement. Elle avait reçu les versements de D______ SA à la demande expresse de cet ami d'enfance de son ex-mari, en qui elle avait pleine confiance et à qui elle voulait venir en aide. E______ lui avait expliqué qu'il devait recevoir des commissions de son employeur, soit D______ SA. Lorsqu'elle avait découvert que les versements reçus avaient comme justificatifs des frais médicaux fictifs au nom de son fils, elle avait trouvé cela "bizarre" et avait demandé des explications. Elle avait cru aux explications de E______ et les faux documents l'avaient également rassurée, mais reconnaissait avoir été naïve. Elle a admis avoir senti qu'il y avait "quelque chose", répétant toutefois qu'elle ne s'était jamais doutée que l'argent n'était pas réellement dû à E______. Lorsque D______ SA lui avait demandé des renseignements sur les frais médicaux de son fils, elle avait de nouveau interpellé E______, qui lui avait dit encore une fois de ne pas s'inquiéter, car c'était la procédure habituelle. Elle n'avait en revanche pas jugé utile d'appeler l'assurance.

E______ la contactait chaque fois qu'elle allait recevoir un nouveau versement. Elle a d'abord affirmé devant la police avoir reçu ces montants et les avoir reversés, sans jamais percevoir une quelconque contrepartie, pour finalement reconnaître qu'elle recevait des commissions sur chaque versement. C'était la promesse d'une contrepartie financière qui l'avait définitivement convaincue de venir en aide à E______ et elle ne l'aurait pas fait sans obtenir quelque chose en échange. Elle avait d'abord commencé par déduire elle-même ses commissions avant rétrocession du solde. Par la suite, à partir du sixième versement, elle avait préféré recevoir ses commissions de "main à main", car elle était au bénéfice d'aides sociales et ne voulait pas que cet argent apparaisse sur ses comptes bancaires. Elle avait donc ouvert un compte exprès dans le canton de Fribourg, pour y placer uniquement l'argent obtenu de cet arrangement, afin de ne pas se "faire attraper". Après avoir déclaré avoir versé la totalité des commissions ainsi reçues sur le compte en banque fribourgeois, elle a reconnu, confrontée aux relevés bancaires, avoir conservé une partie de l'argent. En accord avec E______, elle savait d'avance quelle somme elle avait le droit de garder et quel montant elle devait transférer. Après avoir affirmé qu'ils n'étaient pas convenus d'un pourcentage, elle a reconnu, confrontée aux échanges SMS, qu'il était "possible" qu'un pourcentage de 10% ait été négocié.

Des montants perçus de D______ SA, qu'elle a conservés à titre de contrepartie, elle a effectué plusieurs dépenses. Parmi celles-ci figuraient des loisirs, deux voyages en Egypte de plusieurs semaines en 2016 et 2017 d'un montant indéterminé et l'achat de nouveaux meubles pour un montant approximatif de CHF 20'000.-. Ces dépenses avaient été faites "avec l'argent reçu de Monsieur E______".

Dans le courant de l'année 2015, elle avait réalisé que tout cela "aurait dû s'arrêter", mais cette situation était confortable car elle avait des problèmes de santé et était dans le besoin. Elle avait demandé plusieurs fois à E______ de mettre fin aux versements, mais ils continuaient tout de même d'arriver, de sorte qu'elle continuait de les lui reverser, toujours en obtenant sa contrepartie, ne voyant pas ce qu'elle pouvait faire de plus.

Elle a reconnu avoir perçu au total CHF 10'000.- environ, puis plutôt CHF 18'000.-, admettant ensuite qu'il était possible qu'elle ait reçu un peu plus et finalement qu'elle avait dû recevoir plus que CHF 18'000.-, soit environ CHF 28'000.-. Elle touchait en général entre CHF 500.- et CHF 2'000.- par versement. Devant le TP, elle a précisé qu'elle ne pouvait que difficilement estimer la somme totale reçue mais que c'était moins que CHF 50'000.-, soit de l'ordre de CHF 20'000.- à CHF 30'000.- environ, et qu'elle n'avait perçu que de rares fois 10% du montant reversé. Elle a également admis qu'il était possible que le montant total perçu était de CHF 35'000.-.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Tout comme D______ SA, elle avait été trompée par le comportement manipulateur de E______, ce dernier profitant de sa fragilité lorsqu'elle était hospitalisée et lui donnant de nombreux faux pour la rassurer. Son accident lui avait causé de lourds troubles cognitifs sur une longue période, comme l'attestait sa psychothérapeute. Il était facile de suivre le flux financier des remboursements entre l'assurance, elle-même et E______, de sorte qu'il n'y avait eu aucun acte d'entrave. De plus, elle ignorait que les fonds perçus provenaient d'un crime. Après l'avoir découvert, elle avait immédiatement mis l'assurance sur la piste de E______. L'indemnisation de D______ SA devait en toute hypothèse être réduite à un montant de CHF 17'217.-, soit le montant moyen des commissions obtenues selon ses relevés bancaires de l'année 2014, représentant un taux de commissions de 5.6%.

Il n'y avait ni tromperie astucieuse, ni dommage du CENTRE REGIONAL PC. Bien qu'il était "possible de [lui] reprocher son silence", elle s'était contentée d'adopter un comportement passif sans faire de manoeuvres frauduleuses. De plus, le CENTRE REGIONAL PC n'était non seulement pas parvenu à démontrer le dommage, mais avait perçu ultérieurement la rente AI accordée à A______, pour la période de juin 2015 à juin 2016, à titre de compensation pour le trop-perçu.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué.

A______ avait procédé aux transferts litigieux tout en sachant, dès lors qu'elle en était convenue avec E______, que ce dernier lui reverserait une partie des montants en tant que contrepartie financière. L'argent liquide reçu des mains de E______ avait ensuite été tantôt utilisé pour financer, en cash, des dépenses personnelles, tantôt versé sur un compte bancaire ouvert à son nom auprès de [la banque] H______, dont elle avait également prélevé par la suite la plupart pour des dépenses personnelles. Par ailleurs, l'appelante avait non seulement omis d'annoncer au CENTRE REGIONAL PC qu'elle percevait des sommes d'argent, mais également fait en sorte que cela ne puisse être découvert, en ouvrant un compte bancaire dans un autre canton. Quant aux avoirs bancaires séquestrés, ils étaient à la fois l'objet et le produit du blanchiment d'argent, de sorte qu'ils devaient être confisqués.

d. D______ SA conclut au rejet de l'appel. Il était "abscons" d'estimer qu'un assureur verse des montants dus à l'un de ses employés, en l'occurrence E______, sur le compte bancaire d'un assuré, soit A______, ce qu'elle savait. Elle ne pouvait que se douter de l'origine frauduleuse des montants versés, la condamnation pour blanchiment d'argent était justifiée.

e. Le CENTRE REGIONAL PC conclut au rejet de l'appel et au versement en sa faveur d'un montant de CHF 11'469.- à titre de restitution pour le trop perçu par l'appelante, subsidiairement à la confirmation du jugement la renvoyant à agir par la voie civile. Durant le même intervalle que celui des faits litigieux, l'appelante avait perçu des prestations complémentaires pour familles, alors même qu'elle avait l'obligation de renseigner et de tenir informée l'assurance de tout changement dans sa situation personnelle et financière, ce qu'elle n'avait pas fait. Elle avait de la sorte reçu des prestations indues du CENTRE REGIONAL PC, ce qui avait appauvri et causé un dommage à ce dernier.

D. G______ est née en Suisse le ______ 1970. Elle a deux enfants majeurs issus d'un précédent mariage, dont un à charge. Depuis 2016, elle travaille comme collaboratrice sociale au J______ et perçoit un revenu de CHF 3'500.- net par mois, auquel s'ajoutent CHF 1'117.- à titre d'aides sociales, de contribution d'entretien pour sa fille et de subsides d'assurance-maladie, dont CHF 217.- de prestations complémentaires familles. Son loyer s'élève à CHF 1'228.- mensuel et son assurance-maladie à CHF 570.55. Elle est endettée de CHF 4'847.-, qu'elle rembourse à hauteur de CHF 369.70 par mois, et possède un compte bancaire avec un solde de CHF 3'203.25.

E. Me B______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant sous des libellés divers, 10h55 d'activité de cheffe d'Étude, dont 1h30 pour la rédaction de la déclaration d'appel, 15mn pour l'annonce d'appel, ainsi que 11h35 d'activité de stagiaire pour l'étude du dossier et la rédaction d'un projet de mémoire d'appel.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ; RS 0.101) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes. Il ne doit pas s'agir de doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Ces principes sont violés lorsque l'appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à la culpabilité de l'accusé, autrement dit lorsque le juge du fond retient un état de fait défavorable à l'accusé alors qu'il existe un doute raisonnable quant au déroulement véritable des événements (ATF 138 V 74 consid. 7; ATF 127 I 38 consid. 2a; ATF 124 IV 86 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1015/2016 du 27 octobre 2017 consid. 4.1).

2.2. L'art. 305bis ch. 1 CP réprime notamment celui qui aura commis un acte propre à entraver la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime.

Le comportement délictueux consiste à entraver l'accès de l'autorité pénale au butin d'un crime, en rendant plus difficile l'établissement du lien de provenance entre la valeur patrimoniale et le crime, ce qui doit être examiné au cas par cas, en fonction de l'ensemble des circonstances (ATF 144 IV 172 consid. 7.2.2). L'acte d'entrave peut être constitué par n'importe quel comportement propre à faire obstacle à l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de la valeur patrimoniale provenant d'un crime (ATF 136 IV 188 consid. 6.1 et les références citées).

Le comportement délictueux consiste à entraver l'accès de l'autorité pénale au butin d'un crime, en rendant plus difficile l'établissement du lien de provenance entre la valeur patrimoniale et le crime, ce qui doit être examiné au cas par cas, en fonction de l'ensemble des circonstances (ATF 144 IV 172 consid. 7.2.2). L'acte d'entrave peut être constitué par n'importe quel comportement propre à faire obstacle à l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de la valeur patrimoniale provenant d'un crime (ATF 136 IV 188 consid. 6.1 et les références citées). Le simple fait d'accepter ou de recevoir des valeurs patrimoniales peut ne pas constituer un acte d'entrave à lui seul. La distinction entre les comportements punissables et non punissables, dépend de savoir si le comportement en cause est susceptible de faire échouer la confiscation des valeurs patrimoniales. Ce comportement ne nécessite pas obligatoirement des transactions financières compliquées, ni une intensité délictuelle considérable ("erhebliche kriminelle Energie"), même les actes les plus simples sont susceptibles de faire échouer la confiscation (ATF 128 IV 117 consid. 7a ; 127 IV 20 consid. 3a ; 122 IV 211 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_88/2009 du 29 octobre 2009 consid. 4.2). Le prélèvement de valeurs patrimoniales en espèces représente habituellement un acte d'entrave, puisque les mouvements des avoirs ne peuvent plus être suivis au moyen de documents bancaires (arrêts du Tribunal fédéral 6B_270/2020 du 10 juin 2020 consid. 5.1 et les références citées). Le simple dépôt d'espèces sur un compte bancaire personnel au nom de l'auteur et utilisé pour des opérations de paiement normales au lieu de résidence ne constitue pas du blanchiment d'argent. Il en va également ainsi dans le cadre de transactions nationales, à savoir des transferts du compte de l'auteur principal vers un autre compte (propre) ou celui d'un tiers en Suisse. Il n'y a pas d'acte d'entrave, puisque fondamentalement la trace écrite est simplement prolongée, une telle prolongation ne rendant pas la traçabilité et la confiscation impossible. Toutefois, dans la mesure où le placement de fonds d'origine criminelle se distingue du simple dépôt d'espèces sur un compte, il y a blanchiment d'argent. Ce qui est essentiel dans ce contexte, c'est de savoir si des actes supplémentaires de dissimulation, tels que l'interposition d'hommes de paille ("Strohmännern") ou de personnes morales de paille, sont entrepris. Concrètement, les actes de dissimulation peuvent alors résider dans des transferts de fonds, juridiquement infondés, déclenchés par l'auteur principal, vers le compte d'un tiers, qui les lui transfère à nouveau ou les lui met à disposition. (Arrêts du Tribunal fédéral 6B_1201/2019 du 1er mai 2020, consid. 3 ; 6B_88/2009 du 24 octobre 2009 consid. 4.3).

L'infraction de blanchiment est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant. L'auteur doit vouloir ou accepter que le comportement qu'il choisit d'adopter soit propre à provoquer l'entrave prohibée. Au moment d'agir, il doit s'accommoder d'une réalisation possible des éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit également savoir ou présumer que la valeur patrimoniale provenait d'un crime; à cet égard, il suffit qu'il ait connaissance de circonstances faisant naître le soupçon pressant de faits constituant légalement un crime et qu'il s'accommode de l'éventualité que ces faits se soient produits (ATF 122 IV 211 consid. 2e ; 119 IV 242 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_160/2020 du 26 mai 2020 consid. 4.2).

2.3. En l'espèce,seule une crédibilité limitée peut être accordée aux propos de l'appelante. Avant d'avoir été confrontée aux preuves des autorités, elle n'a cessé de dire des contre-vérités. C'est le cas lorsqu'elle a affirmé ne jamais recevoir de commissions pour ce "service" ou qu'aucun pourcentage n'avait été convenu. Il en est de même lorsqu'elle a déclaré avoir reversé la totalité de ses gains dans un compte bancaire H______ [soit dans un autre canton], alors qu'elle en avait déjà dépensé une grande partie. Quant à E______, il a reconnu immédiatement les faits et a livré un récit cohérent devant toutes les autorités, tant sur ces transactions, qu'au sujet des informations dont avait connaissance l'appelante. On ne voit d'ailleurs pas quel aurait été son bénéfice de charger l'appelante. Lorsqu'il déclarait que l'appelante lui avait dit qu'il était très fort de recevoir de l'argent sous forme de prestation au nom de son fils, cette dernière, si ce n'est répondre qu'elle "ne se souvenait pas", n'a jamais contesté à cette déclaration. La Cour considère dès lors comme établi que l'appelante a bel et bien tenu de tels propos. En outre, E______ a déclaré que l'appelante était au courant du premier versement, avant même qu'elle soit hospitalisée en été 2014, fait que, pour les motifs susmentionnés, la Cour considère comme établi.

L'appelante a accepté de recevoir des sommes considérables, à intervalles réguliers pendant deux ans, en provenance d'un homme en qui elle avait prétendument une confiance aveugle, alors même qu'elle a déclaré ne le côtoyer que sporadiquement. Les commissions qu'elle recevait pour chaque versement ne peuvent s'expliquer que par sa conscience d'un arrière-plan illicite. On ne peut admettre qu'elle aurait pu demander jusqu'à 20 % des montants reversés pour un simple service, si elle avait été convaincue que ceux-ci étaient de provenance licite ou qu'elle ait sérieusement considéré que l'employeur de E______ lui versait des prestations dues, en les maquillant sous forme de remboursements dus à son fils. Il en va également ainsi lorsqu'elle considère avoir été rassurée par un document qui s'intitulait "DECHARGE DE RESPONSABILITE". Son comportement ne peut s'expliquer que par sa connaissance d'une provenance douteuse des fonds, laquelle justifiait une rémunération, vu le risque qu'elle prenait. Ces constats mènent la Cour à tenir pour établi que l'appelante connaissait le caractère illicite de ses agissements et qu'elle savait prendre part à une grave escroquerie à l'assurance.

La défense de l'appelante, consistant à opposer une simple candeur ou des difficultés cognitives liées à sa santé, n'emporte pas conviction. Elle a admis s'être doutée de quelque chose et avoir demandé des explications. Le fait de prendre pour acquis que tout cela relevait d'un procédé licite, suivant les explications et les fausses attestations fournies, sans chercher plus à se renseigner, n'est tout simplement pas crédible, ce d'autant si l'on tient pour avéré sa remarque : "tu es très fort de recevoir de l'argent (...) sur mon compte sous la forme de prestations dont auraient bénéficié F______". On relèvera encore que, lorsque l'appelante tente d'invoquer, vainement à sa décharge, avoir réalisé courant 2015 que tout devait s'arrêter, elle perd de vu qu'en novembre 2016, lorsqu'elle était prétendument égarée et confortée par les supercheries de son comparse, elle avait la clairvoyance de réclamer des commissions plus élevées quand elle n'était pas satisfaite du montant. Cet élément ne fait que mettre à mal sa crédibilité et renforcer la conviction de sa connaissance d'un arrière-plan illicite.

Au même titre, l'appelante n'est pas crédible lorsqu'elle invoque ne pas avoir réalisé qu'elle prenait part à une activité criminelle en raison de sa santé fragilisée lors de son hospitalisation en été 2014. Elle était en effet au courant du premier versement avant même d'être hospitalisée. En tout état, elle n'a pas réagi durant les deux années qui ont suivi, en particulier dès le 11 octobre 2014, alors que ces supposées difficultés auraient disparu, ce qui confirme qu'elles n'existaient pas.

Il ne fait dès lors nul doute que l'appelante savait que les fonds perçus sur ses comptes provenaient d'un crime.

2.4. L'appelante soutient ne pas avoir commis des actes propres à entraver l'identification de valeurs patrimoniales.

En l'occurrence, l'appelante a reçu indûment sur ses comptes bancaires de l'argent provenant des comptes bancaires de D______ SA par le biais d'une escroquerie qualifiée envers la partie plaignante, sachant parfaitement l'origine illicite des fonds. L'appelante a ensuite reversé ces fonds à E______, toujours en accord avec ce dernier. On ne saurait considérer qu'il ne s'agissait que de simples transferts de compte à compte sans que des actes de dissimulation supplémentaires ne soient intervenus. En effet, d'une part, les versements sur le compte de l'appelante sont intervenus depuis les comptes de D______ SA et non de E______. D'autre part, l'appelante a manifestement agi en tant que "femme de paille", son intervention consistant à transférer le produit du crime à E______, alors même qu'aucun lien objectif ne la liait à ce dernier, en rapport aux différents versements intervenus depuis les comptes de l'assurance. Le but visé était bien de mettre de la distance entre l'auteur de l'infraction et le produit en rapport à des transferts de fonds juridiquement infondés. Ces actes sont sans équivoque des dissimulations supplémentaires au sens de la jurisprudence précitée. L'appelante a également conservé une commission sur chaque versement. Lors des cinq premiers, elle a déduit directement sa commission avant d'en transférer le solde. À partir du sixième versement, elle a reversé la totalité des montants à son comparse et recevait, en main propre, une commission en argent liquide, toujours provenant des montants soustraits à l'assurance. De ces commissions, elle en a conservé une partie et a déposé le reste, en espèces, dans un compte bancaire à Fribourg spécialement ouvert à cet effet, compte où elle a par la suite prélevé, toujours en espèces, CHF 8'000.-. Il n'est ainsi plus possible de suivre le mouvement de ces avoirs. La quasi-totalité de ses gains a d'ailleurs été utilisée pour des dépenses personnelles, notamment des loisirs, deux voyages en Egypte et l'achat de nouveau mobilier. Dès lors, il est indéniable que, par son comportement, l'appelante a entravé la confiscation de valeurs patrimoniales provenant d'un crime.

La condamnation de l'appelante pour blanchiment d'argent doit dès lors être confirmée.

3. 3.1 Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

L'escroquerie consiste à tromper la dupe. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas; il faut qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF
142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2). L'astuce n'est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2). 

La définition générale de l'astuce est également applicable à l'escroquerie en matière d'assurances et d'aide sociale. Compte tenu du nombre de demandes d'aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l'autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d'indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu'il est prévisible qu'elles n'en contiennent pas. En l'absence d'indice lui permettant de suspecter une modification du droit du bénéficiaire à des prestations servies, l'autorité d'assistance n'a pas à procéder à des vérifications particulières (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1369/2019 du 22 janvier 2020 consid. 1.1.2 ; 6B_1255/2018 du 22 janvier 2019 consid. 1.1 ; 6B_117/2015 du 11 février 2016 consid. 23.2 et les références citées). Lorsque l'acte litigieux consiste dans le versement par l'Etat de prestations prévues par la loi, il ne peut y avoir escroquerie consommée, que si le fait sur lequel portait la tromperie astucieuse et l'erreur, était propre à conduire l'Etat, s'il avait connu et conformément à la loi, au refus de telles prestations. Ce n'est en effet que dans ce cas, lorsque les prestations n'étaient en réalité pas dues, que l'acte consistant à les verser s'avère préjudiciable pour l'Etat et donc lui cause un dommage (arrêts du Tribunal fédéral 6B_115/2014 du 28 août 2015 consid. 2.1.3 ; 6B_791/2013 du 3 mars 2014 consid. 3.1.4 ; 6B_1054/2010 du 16 juin 2011 consid. 2.2.2).

3.2. En l'espèce, l'appelante ne conteste pas avoir tu ses nouveaux revenus pour percevoir indûment des prestations sociales. Elle a même, de son propre aveu, ouvert un compte à la H______ pour ne pas "se faire attraper". Rien dans le dossier ne vient établir que le CENTRE REGIONAL DE DECISION aurait pu suspecter de tels agissements, de sorte qu'aucune vérification particulière n'était de mise. L'assurance a ainsi versé des prestations indues, lui ayant causé un dommage. Le fait qu'une partie de ces prestations ait ensuite été remboursée, d'une manière ou d'une autre, est sans pertinence pour la réalisation des éléments constitutifs de l'infraction d'escroquerie.

Partant, l'appelante s'est également rendue coupable d'escroquerie, de sorte que le verdict de culpabilité sera également confirmé sur ce point.

4. 4.1. A teneur de l'art. 146 al. 1 CP, l'escroquerie est punie d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Le blanchiment d'argent est quant à lui passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 305bis ch. 1 CP).

Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.).

Conformément à l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

A teneur de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

4.2. En l'occurrence, l'appelante ne discute pas, à raison, la quotité de la peine fixée. Sa faute est lourde. Elle a participé sur une longue période pénale à des actes frauduleux ayant privé une institution d'assurance maladie de montants considérables, soit CHF 381'788.80. Elle a de plus, par appât du gain, tu sa situation financière, au mépris de la législation en matière d'accès aux prestations sociales, causant de la sorte un dommage de plusieurs milliers de francs à une institution d'assurance sociale. Sa situation personnelle ne justifie pas ses agissements.

Sa collaboration a été mauvaise. Elle n'a cessé de dire des contre-vérités tout au long de la procédure, avant d'être confrontée aux preuves à charge. Lorsqu'elle n'a pas rejeté entièrement la faute sur son comparse, elle a opposé sa faiblesse psychique et son ingénuité, l'empêchant prétendument de réaliser l'illicéité des actes criminels auxquels elle prenait part, alors que durant la même période, elle percevait sans plainte les montants indus et elle a été jusqu'à réclamer plus.

Il y a concours entre deux infractions. La plus grave est l'escroquerie pour laquelle une peine de base de 100 jours-amende sera fixée. À cela s'ajoute le blanchiment d'argent, ce qui justifie d'ajouter 50 jours-amendes (peine hypothétique : 100 jours).

La peine pécuniaire de 150 jours-amendes, à CHF 50.- le jour, respecte ainsi les critères légaux et peut être considérée comme relativement clémente vu le concours, la période pénale et l'absence de prise de conscience. Il convient donc de la confirmer.

Le sursis et le délai d'épreuve fixé à trois ans lui sont acquis.

5. 5.1. Le tribunal saisi de la cause pénale juge les conclusions civiles indépendamment de leur valeur litigieuse (art. 124 al. 1 CPP). Le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (art. 126 al. 1 let. a CPP).

La loi autorise le juge à prononcer la confiscation de valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (art. 70 al. 1 CP).

La partie plaignante peut réclamer la réparation de son dommage, dans la mesure où celui-ci découle directement de la commission des infractions reprochées au prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_11/2017 du 29 août 2017 consid. 1.2). Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontaire de la fortune nette ; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement dommageable ne s'était pas produit. (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2). Le dommage purement économique, soit lorsqu'une diminution du patrimoine a lieu sans qu'une personne ait été tuée ou blessée, ni qu'une chose ait été endommagée, détruite ou perdue, n'est en principe pas réparable. Selon la jurisprudence, il ne l'est que s'il résulte de la violation d'une norme de comportement destinée à protéger le patrimoine de la victime. Tel est notamment le cas de l'art. 305bis CP qui protège le patrimoine de la victime du crime préalable au blanchiment d'argent (ATF 129 IV 322 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.2.1).

5.2. En présence d'infractions dirigées contre des intérêts individuels, la confiscation n'entre en ligne de compte, conformément au texte clair de l'art. 70 al. 1 CP, que si les valeurs patrimoniales ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits. L'art. 70 al. 1 CP prévoit ainsi la restitution directe des valeurs patrimoniales, sans confiscation ni dévolution à l'Etat, ni sans avoir à recourir au mécanisme d'allocation prévu par l'art. 73 CP (ATF 145 IV 237 consid. 3.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_344/2007 du 1er juillet 2008 consid. 3.3; L. JACQUEMOUD ROSSARI, La créance compensatrice : état des lieux de la jurisprudence, in SJ 2019 II 281. La restitution directe en vertu de l'art. 70 al. 1 CP prime par conséquent une éventuelle confiscation, de même qu'une allocation ultérieure au lésé en réparation du dommage subi (ATF 145 IV 237 consid. 3.2.2 et les références citées). L'art. 70 al. 1 CP est une norme obligatoire, que le juge doit appliquer d'office (L. MOREILLON / N. QUELOZ /A. MACALUSO / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème édition, Bâle 2020, n. 4 ad art. 70).

5.3. L'appelante soutient que le taux moyen des commissions perçues, durant la période 2014, s'élève à 5.6%. Ce taux devrait ainsi être appliqué à l'intégralité des sommes qu'elle a reçues, d'où un enrichissement au détriment de D______ SA de CHF 17'217.-.

Quand bien même ce taux reposerait sur des éléments fondés, ce qui n'est pas le cas, il ne concerne que l'année 2014. Or, l'appelante a reconnu avoir continué à recevoir des commissions en argent comptant en 2015 et 2016, dont le montant total exact n'est pas déterminé. Elle a déclaré qu'il était possible que ses gains eussent été de CHF 35'000.-, somme que la Cour tient pour établie, si l'on se fonde sur le fait qu'en 2014, elle s'est déjà enrichie de CHF 12'500.- en déduisant directement ses commissions, et qu'elle a ensuite acquis pour près de CHF 20'000.- de mobilier et effectué deux voyages en Egypte de plusieurs semaines en 2016 et 2017 avec l'argent provenant de ses méfaits. Dans ces circonstances, le montant de CHF 35'000.-, arrêté par le premier juge à titre de dommage en faveur de D______ SA, échappe à la critique.

La Cour relève qu'il est établi et non contesté que le montant de CHF 3'023.40, figurant sur le compte bancaire fribourgeois de l'appelante, provient directement et uniquement des infractions commises contre D______ SA. Le dispositif du jugement entrepris n'ordonne aucune mesure à cet égard, mais il résulte de ce qui précède que ce montant devra prioritairement être restitué à la plaignante et viendra en déduction de sa prétention civile de CHF 35'000.-. Ainsi fait, le solde du dommage de la plaignante s'élève à CHF 31'976.60, somme que l'appelante sera condamnée à payer à D______ SA.

Pour ce motif, le jugement sera réformé dans le sens précité.

5.4. Le jugement entrepris a renvoyé le CENTRE REGIONAL DE DECISION à agir par la voie civile, sans que ce dernier ne forme appel ou appel joint. Sa conclusion, formulée pour la première fois dans ses déterminations sur le mémoire d'appel de l'appelante, tendant au versement de CHF 11'469.- est, partant, irrecevable (art. 399 et 400 al. 2 let. b CPP).

6. L'appelante, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'Etat, comprenant un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 428 CPP).

7. 7.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. REISER / B. CHAPPUIS (éds), Commentaire romand, Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, Bâle 2010, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

Le temps consacré à la consultation et à l'étude du dossier n'est en revanche pas compris dans la majoration forfaitaire et doit par conséquent être indemnisé en fonction du temps effectivement consacré (AARP/202/2013 du 2 mai 2013) pour autant que l'activité réponde à l'exigence de nécessité (ex. AARP/189/2016 du 28 avril 2016 consid. 6.3). D'autant plus de retenue s'imposera à cet égard que la constitution de l'avocat est ancienne de sorte qu'il est censé bien connaître la cause et/ou que le dossier n'a pas connu de développements particuliers (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 3.4 ; AARP/187/2016 du 11 mai 2016 ; AARP/54/2016 du 25 janvier 2016 consid. 5.3 ; AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.3.2.1).

Le travail consistant en des recherches juridiques, sauf questions particulièrement pointues, n'est pas indemnisé, l'État ne devant pas assumer la charge financière de la formation de l'avocat stagiaire, laquelle incombe à son maître de stage, ou la formation continue de l'avocat breveté (AARP/147/2016 du 17 mars 2016 consid. 7.3 ; AARP/302/2013 du 14 juin 2013 ; AARP/267/2013 du 7 juin 2013).

7.2. En l'espèce, prise globalement, l'activité de la défenseure d'office de A______ est excessive. Le temps consacré à l'annonce d'appel (15mn) et la déclaration d'appel (1h30), faisant déjà parties du forfait, sera supprimé. En outre, étant rappelé que l'assistance judiciaire n'a pas pour but de pourvoir à la formation de l'avocat-stagiaire et que le dossier est bien connu de la cheffe d'Etude depuis le début de l'instruction, l'activité de l'avocat-stagiaire sera supprimée. En effet, la rédaction d'un mémoire d'appel de 14 pages ne saurait être indemnisée à double, soit 8h10 pour la cheffe d'Etude et 9h15 pour le stagiaire. Par identité de motif, l'étude du dossier de 2h20 par le stagiaire doit également être supprimée.

L'indemnité sera arrêtée à CHF 2'172.-, correspondant à 9h1 d'activité de cheffe d'Etude au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 183.35), vu l'ampleur de l'activité déployée depuis le début de la procédure, et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 155.30).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 20 juillet 2020 par le Tribunal de police dans la procédure P/21832/2016.

Le rejette.

Annule néanmoins le jugement dont est appel en ce qui concerne A______.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de blanchiment d'argent (art. 305bis CP) et d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP).

Acquitte A______ de blanchiment d'argent s'agissant des versements antérieurs au 11 octobre 2014.

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 150 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que, si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à payer à D______ SA la somme de CHF 31'976.60, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Ordonne la restitution du montant de CHF 3'023.40, sur le compte n° 6______ auprès de [la banque] H______, à D______ SA.

Déclare irrecevable la conclusion du CENTRE REGIONAL DE DECISION PC FAMILLE C______ [VD] de condamner A______ à lui restituer CHF 11'469.-.

Renvoie la partie plaignante CENTRE REGIONAL DE DECISION PC FAMILLE C______ [VD] à agir par la voie civile (art. 126 al. 2 CPP).

Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 1______ et sous chiffre 1 de l'inventaire n° 2______.

Condamne A______ aux frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 12'376.15, à raison de 2/10èmes pour A______ (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 9'769.- l'indemnité de procédure de première instance due à Me B______, défenseure d'office de A______ (art. 135 CPP).

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 3'000.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'755.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Arrête à CHF 2'172.-, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

Le greffier :

ALEXANDRE DA COSTA

 

Le président :

PIERRE BUNGENER

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

15'376.15

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

180.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'755.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

17'131.15