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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3397/2023

JTAPI/1219/2024 du 12.12.2024 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : LAT.18a; LCI.3.al7
Relations : Le projet qui porte sur l’installation de 240 panneaux photovoltaïques, correspondant à une surface photovoltaïque de 422 m2, sur le mur-pignon d’environ 460 m2 du bâtiment sis en zone de développement 3, avec pour conséquence d’en couvrir intégralement la façade, ne répond manifestement à aucune des hypothèses de l’art. 3 al. 7 LCI. La demande d'autorisation relative au projet litigieux aurait donc dû suivre la procédure ordinaire (art. 3 LCI).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3397/2023 LCI

JTAPI/1219/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 décembre 2024

 

dans la cause

 

COMMUNE DE A______

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

B______ SA

C______ SA, représentée par Me Christian LUSCHER, avocat, avec élection de domicile


EN FAIT

1.             C______ SA (ci-après : la propriétaire) est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de A______ (ci-après : la commune), sur laquelle est érigé un immeuble (ci-après : l’immeuble ou le bâtiment). Celui-ci abrite plusieurs adresses, dont le ______ avenue D______ [GE].

Située en zone de développement 3, cette parcelle est comprise dans le périmètre du plan de site E______ adopté par le Conseil d'État le ______ 2013 (PS n° 2______) (ci-après : le plan de site).

2.             Le ______ 2023, la propriétaire, soit pour elle B______ SA (ci-après : la requérante), a déposé auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) une demande d’autorisation de construire en procédure accélérée portant sur la « rénovation énergétique pignon sud-ouest » du bâtiment sis sur la parcelle précitée.

Dans sa lettre d’accompagnement, elle a notamment expliqué que le projet consistait à appliquer une isolation thermique sur la composition actuelle, soit : « Laine de roche de 200 mm, panneau Fermacell anti-feu de 12,5 mm, pare-pluie, rails de structure recevant des panneaux photovoltaïques de 9 mm (lame d’air de 60 mm entre le pare-pluie et les panneaux photovoltaïques). Le coefficient thermique après travaux serait de 0,1173 W/m2K.

Cette demande a été enregistrée sous le n° APA 3______.

3.             Le projet a connu deux versions successives qui ont été enregistrées par le département, respectivement les ______ et ______ 2023.

4.             Durant la phase d’instruction, les instances suivantes ont notamment été consultées :

-          le 16 mai 2023, après avoir sollicité la production de pièces complémentaires, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a préavisé favorablement le projet, sans observation ;

-          le 8 mars 2023, l’office cantonal de l’énergie (ci-après : l’OCEN) a préavisé favorablement le projet, sous conditions ;

-          le 16 juin 2023, après avoir sollicité la production de pièces complémentaires le 8 mars 2023, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a demandé la modification du projet (MOD-1). Considérant que le bâtiment était situé dans le périmètre protégé par le plan de site, il avait analysé le projet en regard du règlement du plan de site ainsi que des recommandations développées dans le rapport « La Cité A______ à Genève (1960-1964) : étude d’amélioration thermique des façades » datant de septembre 2010 (ci-après : l’étude thermique). Il indiquait d’emblée « qu’il pourrait envisager une isolation de la façade pignon, dès lors que la mise en œuvre permette le maintien de l’aspect d’origine des façades conformément aux dispositions de l’article 4 al. 1 du règlement du plan de site (ci-après : le règlement). Le projet devra être revu et détaillé pour répondre à cette demande. En ce sens, le service est défavorable à l’installation de panneaux solaires sur cette façade pignon et invite les requérants à envisager une disposition en toiture, tenant compte des principes du « guide pour les installations solaires à Genève » ;

L’analyse de ce document a conduit l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) à retenir qu’il s’agissait d’un préavis demandant la poursuite de l’instruction. Il a ainsi édité, le 4 juillet 2023, une copie de ce préavis sur laquelle il a mentionné, en rouge, avoir écarté l’élément qui figurait sous « MOD-1 ». Il a également précisé que sa position indiquée en rouge « visent à clarifier les problèmes de formes dans les préavis ou à écarter les demandes qui ne sont pas justifiées par une base légale. Le contenu des préavis formulées par les instances consultées restent inchangés (en noir dans le texte) ».

-          le 16 mai 2023, la police du feu, après avoir sollicité la poursuite de l’instruction le 2 mars 2023, a préavisé favorablement le projet, sous conditions ;

La commune a émis deux préavis défavorables :

-          le 28 mars 2023, elle a considéré que le projet « dénature totalement l'esthétique du mur pignon existant, sans respecter les prescriptions du plan de site dans lequel s'inscrit le bâtiment (plan de site « E______ », intégrant en annexe des prescriptions qualitatives en matière d'amélioration thermique des enveloppes des bâtiments). Pour autant, la ville de A______ encourage le développement des panneaux solaires photovoltaïques. Dans le cas de cet immeuble, des panneaux solaires semblent réalisables en toiture ».

-          le 30 mai 2023, elle a indiqué que « Les précisions apportées au projet confirment que celui-ci dénature complètement l’esthétique du mur pignon existant, sans respecter les prescriptions du plan de site dans lequel s’inscrit le bâtiment (plan de site « E______ » intégrant en annexe des prescriptions qualitatives en matière d’amélioration thermique des enveloppes des bâtiments). Pour autant, la ville de A______ encourage le développement de panneaux solaires photovoltaïques. Dans le cas de cet immeuble, des panneaux solaires semblent réalisables en toiture ».

L’analyse de ce document a conduit l’OAC à retenir qu’il s’agissait d’un préavis défavorable. Il a ainsi édité, le 4 juillet 2023, une copie de ce préavis sur laquelle il a mentionné, en rouge, avoir écarté l’élément qui figurait sous « DEF-1 ».

5.             Dans l’intervalle, par courriers des 29 mars et 19 juin 2023, le département a imparti des délais à la requérante pour répondre aux demandes de compléments des diverses instances et se déterminer par rapport au préavis défavorable de la commune.

6.             Le 2 mai 2023, la requérante a fourni diverses informations et documents.

Il apparaissait, suite à l’entretien du 29 mars 2023, que le service d’urbanisme de la commune souhaitait que l’ensemble des immeubles compris dans le périmètre protégé de l’avenue D______ soient traités de manière identique afin de respecter une unité, ce qui n’était pas envisageable compte tenu du nombre de bâtiments et des différents propriétaires concernés. La requérante pouvait néanmoins garantir un traitement du pignon qualitatif et esthétique, respectant l’architecture du bâtiment, tel que le montrait l’illustration annexée. Si le SMS validait cette proposition, la commune était disposée à émettre un préavis favorable.

7.             Par décision du ______ 2023, publiée le jour même dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO), le département a accordé l’autorisation de construire APA 3______, les conditions prévues dans les préavis ou dans les analyses de l’OAC devant être strictement respectées et faisant partie intégrante de l’autorisation. Sous chiffre 9, il a précisé que « Les matériaux, ainsi que les teintes apparentes de l’extérieur doivent être soumis à l’office des autorisations de construire pour approbation avant commande ».

8.             Par courrier non daté adressé à la commune, le département a notamment rappelé que le canton de Genève avait choisi de s’engager dans la transition énergétique, volonté qui avait été renforcée par la décision du Conseil d'État de déclarer l'urgence climatique. La réalisation d'économies d'énergie était ainsi un objectif constitutionnel cantonal et poursuivait un intérêt public évident, au même titre que la préservation du patrimoine culturel.

À cet égard, le département était convaincu que la dernière version du projet qui consistait à couvrir intégralement la façade sud-ouest (ci-après : la façade ou le mur-pignon) du bâtiment par des panneaux photovoltaïques, répondait aux exigences requises, notamment d'inclinaison et d'orientation, prévues par la directive relative à l'installation de panneaux solaires de décembre 2015 (ci-après : la directive), ce que confirmait le préavis favorable de l’OCEN.

Il ressortait également de l’étude thermique, annexée au plan de site, que l'état de conservation de l'immeuble était péjoré par de lourdes transformations et notamment par l'isolation extérieure du mur-pignon et, qu’au niveau des enveloppes, des couleurs et des proportions, l'unité de l'immeuble n'était plus lisible. L'intégrité du bâtiment n'étant plus acquise, l'impact du projet sur l'aspect esthétique du mur-pignon était ainsi très limité.

En outre, une telle implantation en façade pouvait s'avérer favorable en terme de rentabilité, dès lors que la surface de façade était nettement supérieure à celle en toiture. Avec 422 m2 de surface photovoltaïque, soit un nombre de panneaux photovoltaïques s'élevant à 240 pièces, le potentiel de production d'électricité était ainsi doublé (production en façade : 55000 kWh/an, production en toiture : 25800 kWh/an), tel que cela ressortait du dossier, ce qui permettrait au bâtiment de s'autoalimenter en électricité grâce à « cette façade solaire esthétique ».

Selon les renseignements pris auprès de la requérante, l'installation sur la façade serait entièrement réversible et pourrait suivre l'évolution technologique des panneaux photovoltaïques, si une pose plus performante s’avérait nécessaire. Cette caractéristique réduisait d'autant plus l'impact du projet sur les qualités architecturales du bâtiment.

Au surplus, l'installation litigieuse, du fait de la « prise en sandwich RFI » de l'isolation existante, respecterait la sécurité incendie du mur-pignon. La police du feu avait d’ailleurs émis un préavis favorable, dont il ressortait que le projet était conforme aux exigences posées, notamment en matière de prescriptions de protection incendie de l’association des établissements cantonaux d’assurance incendie (ci-après : AEAI).

Pour le surplus, quasi toutes les instances s’étaient déclarées favorables au projet, certaines sous conditions, et les lois et règlement applicables en la matière étaient respectés.

Partant, le département délivrerait, ce jour, l’autorisation de construire requise.

9.             Par acte du 18 octobre 2023, la commune a formé un recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation.

En prémisse, elle a notamment rappelé que la première cité satellite de Suisse avait été édifiée à A______ au début des années 60 et que sa construction avait commencé par l’ensemble E______. Cet ensemble était protégé par un plan de site et son règlement auquel était annexée l’étude thermique effectuée sur mandat du SMS, du service cantonal de l’énergie et de la recourante.

Sur le plan formel, l’art. 3 LCI avait été violé dès lors que le département aurait dû suivre la procédure par voie ordinaire et non pas par voie accélérée. En effet, la pose de panneaux solaires en façade d’un bâtiment protégé au sens de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) ne correspondait pas à des constructions de peu d’importance [art. 1A du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01)] et l’art. 1 al. 3 LCI ne prévoyait pas de base légale permettant de traiter, par voie de procédure accélérée, la requête ayant abouti à l’autorisation de construire litigieuse. La procédure à suivre était définie par l’art. 38 al. 3 LPMNS qui préconisait une application par analogie de l’art. 93 al. 1, 2 et 4 LCI. Or, le préavis de la Commission des monuments, de la nature et des sites (ci‑après : CMNS) faisait défaut, en violation de l’art. 93 al. 1 LCI, étant précisé que l’installation des panneaux photovoltaïques conduirait à une modification importante de l’apparence de la façade de l’immeuble en cause.

Sur le fond, l’autorisation litigieuse violait le plan de site.

L’immeuble, de catégorie B selon l’art. 4 al 2 du règlement, était un bâtiment maintenu. À ce titre, les éléments dignes de protection, tel que notamment l’aspect de ses façades devait être sauvegardés. Le plan de site constituait une disposition spéciale et spécifique pour déterminer le rapport entre les économies d'énergie et la protection du patrimoine. Son caractère obligatoire (art. 35 al. 2 let. b et 38 LPMNS) était tout à fait « compatible » avec l'art. 18a al. 3 LAT qui prévoyait que les installations solaires ne devaient pas porter d’atteinte majeure aux biens culturels ou dans des sites protégés. L’autorité compétente devait ainsi procéder à une pesée des intérêts dans l’optique d’une amélioration sensible du rendement énergétique du bâtiment tout en ménageant sa valeur patrimoniale et en respectant sa préservation et celle de ses abords.

S’agissant de l’autorisation litigieuse, elle ne résultait pas de l’application de l’art. 18a al. 3 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) mais de l’al. 2 let. b de cette disposition et de l’art. 106 al. 5 LCI. La pesée entre l’intérêt patrimonial et l’intérêt énergétique était intervenue dans une loi spéciale, lors de l’adoption du plan de site. L'art. 3 de son règlement se référait expressément à l'étude thermique qui faisait ainsi partie intégrante du plan de site. Dans ces circonstances, les conditions stipulées dans le plan de site auraient dû être respectées. Or, compte tenu de l’intérêt patrimonial, l’étude thermique excluait toute intervention sur l’extérieur des façades, considérant qu’une éventuelle isolation complémentaire des murs pignons devait impérativement se faire par l’intérieur et que la pose de panneaux solaires était possible, mais uniquement en toiture.

En outre, le SMS et la commune avaient préavisé défavorablement le projet, à deux reprises, et leurs préavis étaient tout à fait concordants. Ils s’inscrivaient d’ailleurs dans la ligne de la « Fiche de bonnes pratiques - Isolation thermique dans les bâtiments protégés ou situés en zone protégée » de la CMNS (ci-après : la Fiche) qui avait défini, s’agissant de la question de l’isolation thermique des bâtiments protégés, cinq priorités d’intervention qui ne comprenait pas l’installation de panneaux solaires en façade.

L’autorisation litigieuse était également en contradiction flagrante avec le « Guide pour les installations solaires à Genève » édicté par le département en novembre 2022 (ci-après : le Guide), qui traitait de la problématique des installations solaires au regard de la préservation du patrimoine. À teneur de ce document, seule la pose à plat de capteurs solaires sur des toitures plates était autorisée, s’agissant, comme en l’espèce, d’immeubles maintenus dans un plan de site au sens des art. 38 à 41 LPMNS et le critère de visibilité depuis l'espace public était le premier paramètre à prendre en compte. Or, le projet litigieux prévoyait l'installation de 240 panneaux solaires sur la quasi-totalité du mur-pignon, dont l’esthétique serait complètement dénaturée, étant précisé que cette façade orientée sud-ouest du côté des différents parcs de l'ensemble protégé était visible de tous.

Force était ainsi de constater la grande cohérence entre les préavis défavorables du SMS et de la commune, l’étude thermique, le plan de site, la Fiche et le Guide. Il en découlait que seule l’installation de panneaux solaires en toiture serait conforme au plan de site. Cette solution, bien que moins rentable sous l’angle de la production énergétique que si les panneaux solaires étaient installés en façade, avait l’avantage d'améliorer sensiblement le rendement énergétique du bâtiment en produisant 25900 kWh/an, tout en préservant sa valeur patrimoniale.

Par ailleurs, à supposer que le département aurait disposé d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre de la délivrance de l’autorisation litigieuse, il conviendrait alors d’admettre qu’il en avait abusé. Il avait en effet écarté les préavis défavorables du SMS et de la commune, en se contentant d’indiquer en rouge que « telle est sa décision » et sans motivation particulière dans la décision litigieuse. Or, au vu de la cohérence précédemment relevée, ces préavis étaient objectivement fondés.

Au surplus, le département avait constaté les faits de manière incomplète. En effet, l’autorisation litigieuse ne comportait aucune « précision de détails contraignants ». Seul un document illustratif, sans aucune légende ni explication, figurait au dossier. Aucune indication n’avait été donnée s’agissant des matériaux, de la marque, du modèle, des couleurs ou du type des panneaux solaires, alors que ces éléments étaient essentiels pour apprécier l'impact du projet sous l’angle patrimonial et esthétique de l'immeuble. L’autorisation litigieuse avait ainsi été délivrée sur la base d'un dossier lacunaire.

10.         Le 21 décembre 2023, la propriétaire a présenté ses observations, sous la plume de son conseil, concluant au rejet du recours, sous suite de frais et dépens, y compris une indemnité de procédure en sa faveur.

La parcelle concernée par le projet litigieux se trouvait en zone à bâtir et en zone à protéger. Dans la mesure où l'installation solaire était prévue sur la façade du bâtiment, l'art. 18a al. 1 LAT ne s'appliquait pas. En outre, ce bâtiment, bien que compris dans le plan de site, ne se trouvait pas dans un site naturel d'importance nationale ou cantonale, de sorte qu'aucune autorisation de construire n'était requise sur la base de l'art. 18a al. 3 LAT et de l'art. 32b de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) (a contrario). Il ne faisait pas non plus l'objet d'une mesure de classement ni ne figurait à l'inventaire des bâtiments dignes d'être protégés. Une interprétation littérale de la loi conduisait ainsi à admettre que le projet litigieux n'était pas soumis à une autorisation de construire.

S’agissant du mur-pignon, il n’était plus d’origine. Il avait subi de nombreuses modifications. Bien que composé de béton brut de décoffrage, son isolation avait été effectuée par l’extérieur. Elle était constituée de polystyrène expansé en crépi de 8 cm et était visible depuis l’extérieur. L’installation de panneaux sur cette façade d’une surface d’environ 460 m2 permettrait de produire en moyenne 55'000 kWh d'électricité par année contre 20'000 à 25'800 kWh/an si les panneaux photovoltaïques étaient installés en toiture. La surface de la toiture était en effet réduite compte tenu des installations techniques des ascenseurs, des gaines techniques de la ventilation et des panneaux thermiques qui s’y trouvaient. La surface brute en toiture était de 214 m2 à laquelle il fallait soustraire les acrotères, les superstructures et l’accès, ce qui portait la surface nette à environ 170 m2. À cette surface il convenait encore de soustraire la réserve pour le réseau de gaines, la reprise de la ventilation « hygro », l’exutoire de fumée, les panneaux thermiques, la ligne de vie, ainsi que l’accès toiture et ombrage. La surface disponible, d’environ 110 m2, ne permettrait de poser que 55 panneaux photovoltaïques. L'installation des panneaux photovoltaïques en façade doublait ainsi le potentiel énergétique annuel par rapport à une éventuelle installation sur le toit. Cela permettrait également d’assurer la quasi-totalité de l’autonomie énergétique des parties communes de l’immeuble (57'858 kWh en 2022), de réduire drastiquement l’approvisionnement extérieur et de vendre le surplus aux Services industriels de Genève (ci-après : SIG), ce qui augmenterait l’approvisionnement du canton.

Le plan de site visait certes la préservation des qualités architecturales des bâtiments et notamment l'aspect des façades et il imposait, en matière de travaux, de réaliser des économies d'énergie et de se référer aux recommandations de l’étude thermique. Cela étant, l’état de conservation de l’immeuble avait été péjoré par des transformations, notamment de la façade. Elles avaient d’ailleurs été effectuées sans tenir compte des recommandations de l’étude thermique qui préconisait une isolation uniquement par l’intérieur. En effet, le mur-pignon, qui avait fait l'objet d'une isolation extérieure, était actuellement composée d'un crépi de 8 cm de polystyrène. Il convenait également de tenir compte du fait que l’étude thermique datait de treize années et qu’elle ne correspondait plus aux standards de construction actuels en matière d'efficience énergétique. En effet, l’isolation par l'intérieur entraînait inévitablement des pans de froid, à savoir des zones non couvertes par l'isolation, qui pouvaient être évités par le biais d'une isolation extérieure.

Il convenait également de relever que l’étude thermique ne comportait que des recommandations qui ne pouvaient prévaloir sur les bases légales fédérales et cantonales claires. Il en allait de même de la Fiche qui n’était nullement contraignante. En tout état, pour atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, tel que fixé par le Conseil d’État, tous les moyens à disposition devaient être mis en œuvre afin de favoriser l'utilisation de l’énergie solaire.

La recourante avait émis un préavis défavorable au motif que le projet dénaturerait l’esthétique du mur-pignon. Or, elle n’invoquait aucun caractère exceptionnel permettant de faire primer l'aspect esthétique sur la nécessité de recourir et de favoriser l’énergie solaire. Elle n’avait pas non plus expliqué en quoi une façade en béton brut de décoffrage composée d'un crépi de 8 cm de polystyrène correspondrait à un élément exceptionnel, susceptible de déroger au principe de l'art. 18a al. 4 LAT. En tout état, bien que requis, le préavis communal n'était que consultatif. C’était ainsi à bon droit qu’il avait été écarté et que l’autorisation litigieuse avait été délivrée.

Quant au SMS, il n’avait pas préavisé défavorablement le projet. Après avoir sollicité des informations complémentaires, il avait demandé que le projet soit modifié de façon à ce que l’isolation soit conforme à l’art. 4 al. 1 du règlement et à ce que l’installation des panneaux photovoltaïques en toiture, soit envisagée, conformément au Guide. Or, cette instance, à l’instar de la recourante, n’avait pas tenu compte du fait que la façade avait déjà subi des modifications et qu'elle ne correspondait plus à son état d'origine. S’agissant du Guide, il ne prévoyait nullement que la pose de panneaux photovoltaïques ne pouvait se faire qu'en toiture. Il évoquait, au contraire, leur pose en façade, notamment lorsque l'enveloppe d’un bâtiment avait été rénovée. Le projet était ainsi conforme au Guide.

Dans ces circonstances, à supposer que le projet requérait la délivrance d’une autorisation de construire, il y avait lieu de retenir, en application de l’art. 18a al. 4 LAT, que l’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire l’emportait en principe sur les aspects esthétiques. En tout état, même à admettre l’existence d’une mesure de protection, l’autorisation de construire avait été sollicitée et délivrée, ce qui signifiait que la pesée des intérêts avait conduit l’OAC à retenir que le bâtiment ne comportait aucun élément exceptionnel et que l’intérêt à la réalisation du projet l’emportait. Ce faisant, l’OAC avait pris en compte le fait que l’intégrité de l’immeuble n’était plus acquise, suite aux nombreuses transformations déjà effectués. Il avait également considéré la différence de potentiel énergétique entre l'installation des panneaux photovoltaïques en façade ou en toiture, et les bénéfices liés à l'installation en façade, notamment en matière d'auto-alimentation des parties communes, ainsi que du caractère entièrement réversible du projet.

Pour les motifs déjà exposés, l’art. 18a al. 4 LAT était applicable au projet et non pas ses alinéas 1, 2 let. b et 3. L'utilisation de l’énergie solaire l'emportait sur les aspects esthétiques, qui ne représentaient pas un caractère « exceptionnel ». L'art. 106 al. 5 LCI n’était pas non plus applicable aux motifs que le plan de site n'était pas une mesure de protection individuelle et que l'immeuble en cause n'était pas répertorié comme bien culturel d'importance nationale.

S’agissant de la procédure à suivre, selon la pratique genevoise, un projet d’installation solaire sur un bâtiment compris dans un plan de site suivait la voie de la procédure accélérée, la procédure ordinaire n’étant exigée que pour les bâtiments classés. À supposer qu’une autorisation ait été nécessaire, elle aurait été soumise à la procédure accélérée, si bien que seul le préavis de l'office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS) était requis (art. 93 al. 2 LCI). Or, l'OPS, soit pour lui le SMS, avait rendu deux préavis qui n’étaient « pas défavorables », tel qu’exposé précédemment. Contrairement aux allégations de la recourante, l'OPS n'avait pas constaté que l'installation solaire était prévue sur un « bien culturel ». Il avait simplement mentionné que le bâtiment était situé dans le périmètre protégé par le plan de site. Quoi qu’il en soit, le préavis du SMS était requis mais demeurait consultatif. Partant, ni l’art. 38 al. 3 LPMNS ni l’art. 93 LCI n’avait été violé.

Enfin, la question de la couleur et de l’intégration des panneaux photovoltaïques ne s’examinait pas dans le cadre de l’examen de la requête en autorisation de construire. Ces éléments s’examinaient après la délivrance de l’autorisation et elles étaient soumises à l’approbation de l’OAC, tel qu’indiqué au chiffre 9 de l’autorisation contestée.

Le projet répondait ainsi à l'intérêt public qui consistait à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, et la nécessité de maximiser les ressources énergétiques par le biais d'énergies neutres et respectueuses de l'environnement. Le projet était également conforme au plan directeur de l’énergie 2020-2030 du 2 décembre 2020 (ci-après : PDEN), dont l’axe prévoyait de « développer massivement le solaire thermique et photovoltaïque », ainsi qu’au plan climat cantonal 2030 (ci-après : PCC) du 14 avril 2021 qui prévoyait aussi le développement de l’énergie solaire.

11.         Dans ses observations du 22 décembre 2023, le département a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours, s’en rapportant à justice quant à sa recevabilité.

Il avait instruit la demande d’autorisation de construire déposée par la recourante par la voie de la procédure accélérée, conformément aux art. 3 al. 7 et 8 LCI, au Guide (p. 38) et à la jurisprudence qui avait confirmé dans diverses affaires des autorisations de construire portant sur l’installation de panneaux photovoltaïques instruites par cette voie. Même si ces affaires traitaient de la pose des panneaux en toiture, il était communément admis que le toit était la cinquième façade d'un bâtiment et rien ne justifiait de traiter les façades différemment.

En outre, conformément à l’art. 93 al. 1 et 2 LCI, c’était à bon droit que, dans le cadre de son instruction, la demande avait été soumise au SMS et non pas à la CMNS.

L’autorisation de construire attaquée respectait également le plan de site, son règlement et l’étude thermique. Il ressortait de cette dernière que l'état de conservation du bâtiment avait été péjoré par de lourdes transformations et, notamment, par l'isolation extérieure du mur-pignon. Au niveau des enveloppes, des couleurs et des proportions, l'unité de l'immeuble n'était plus lisible. Contrairement aux nombreuses autres façades des autres bâtiments de catégorie B compris dans le plan de site, dont l'état de conservation était intact, l'intégrité du mur-pignon n’était plus acquise. Elle ne constituait ainsi pas un élément digne de protection au sens de l’art. 4 ch. 2 du règlement et ne pouvait pas bénéficier de la protection patrimoniale prévue.

Par ailleurs, l’art. 18a LAT qui était entrée en vigueur le 1er mai 2014, soit après l’adoption du plan de site, prévoyait que l'intérêt à l'utilisation de l'énergie solaire sur les constructions existantes ou nouvelles l'emportait en principe sur les aspects esthétiques. Selon la jurisprudence fédérale, cette disposition était directement applicable et avait pour conséquence, qu’en cas de pesée des intérêts, celui à promouvoir l'énergie solaire l'emportait en principe sur les questions relevant de de l'intégration architecturale ou de l'application de clauses générales d'esthétique. La jurisprudence cantonale avait également confirmé que l'éventuelle application de l'art. 18a al. 3 LAT n'excluait pas celle de l’alinéa 4 de cette disposition qui trouvait ainsi application dans les cas d'installations solaires sur des biens protégés. Le refus de délivrer une autorisation de construire pour des considérations esthétiques n’était admissible que dans des cas très exceptionnels et devait être particulièrement bien justifié.

Le département avait procédé à une pesée des intérêts entre le développement des énergies renouvelables et la protection du patrimoine. Lors de l’adoption du PDEN, il avait été rappelé que la réalisation d'économies d'énergie était un objectif constitutionnel dans le canton et revêtait un intérêt public au même titre que la préservation du patrimoine culturel.

À cet égard et pour les motifs exposés par l’intimée, l’installation projetée en façade était plus rentable que l’installation en toiture, ce qu’admettait la recourante. le projet litigieux s'inscrivait ainsi dans le cadre de la transition écologique menée par le canton en contribuant, de manière significative, à un approvisionnement énergétique local et durable. Il était également conforme au Guide.

À l’inverse, et compte tenu des lourdes transformations que la façade avait déjà subies, l’impact esthétique paraissait très limité, étant rappelé que l’installation des panneaux solaires était réversible. Dans ces circonstances, le département ne pouvait pas suivre le préavis du SMS en ignorant l’intérêt public au développement des énergies renouvelables.

Sous l’angle du grief de l’abus du pouvoir d’appréciation, il convenait de rappeler que les autorités n’étaient pas liées par les préavis des instances consultées et que la délivrance des autorisations de construire demeurait de sa compétence exclusive, devant statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence. Or, l’art. 18a al. 4 LAT restreignait considérablement la marge de manœuvre du département. Selon la jurisprudence, en l’absence de circonstances particulières propres à l'esthétique justifiant de s'écarter de la solution préconisée par cette disposition, l’intérêt en faveur de la production d'énergie solaire prévalait.

Le département avait écarté les préavis de la recourante et du SMS, après une pesée minutieuse des intérêts en présence et un examen attentif des motifs invoqués, étant précisé que le SMS n’avait pas émis un préavis défavorable mais qu’il avait sollicité la modification du projet.

Par ailleurs, en soutenant que la motivation de l’OAC se limitait aux indications figurant en rouge sur le préavis du SMS, la recourante omettait le courrier que le département lui avait adressé le 19 septembre 2023, dans lequel il expliquait les raisons qui l’avaient amené à délivrer l’autorisation litigieuse. Quant aux indications figurant en rouge sur les préavis, il s’agissait de notes internes à l’OAC et non pas de la motivation de la décision. Les exigences en la matière avaient ainsi été respectées et il ne pouvait lui être reproché d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation.

En outre, le département avait statué sur la base d’un dossier complet, étant rappelé que la question de l’exhaustivité du dossier et des documents à communiquer relevait de l'appréciation de l'OAC. Le dossier avait été examiné à plusieurs reprises par l'ensemble des instances de préavis, dont certaines avaient demandé, des compléments en cours d’instruction, estimant qu’elles ne disposaient pas de l’ensemble des éléments nécessaires pour se prononcer. Elles ont ensuite émis leurs préavis, ce qui indiquait qu’elles disposaient de tous éléments utiles pour comprendre le projet. Au demeurant, la recourante avait rendu son préavis sans relever qu'il manquait des éléments essentiels au dossier pour qu’elle puisse se déterminer valablement.

Enfin, il appartenait au département de s’assurer que le projet qui lui était soumis respectait les dispositions légales applicables. S’agissant des plans d’exécution beaucoup plus précis, en lien notamment avec les détails de la mise en œuvre des travaux, ils ne lui étaient soumis qu’après la délivrance de l’autorisation de construire, pour des raisons évidentes liées aux coûts. L’OAC demandait ainsi que certains de ces détails d’exécution lui soient soumis, pour approbation, avant l’ouverture du chantier. Il ressortait d’ailleurs de la jurisprudence cantonale que l’absence de précision quant au choix des matériaux ne constituait pas une lacune d’instruction.

12.         Le 8 mars 2024, la recourante a répliqué, sous la plume de son conseil, persistant dans ses conclusions et son argumentation.

Les conclusions auxquelles le département parvenait, s’agissant de l’état de la façade, résultait d’une lecture erronée de l’étude thermique qui ne faisait que mention de l’existence d’une isolation extérieure. Les termes « lourdement transformé » ne se référaient ni à l’enveloppe ni à la façade mais à l’état de conservation et surtout aux travaux réalisés dans les rez-de-chaussée. La constatation inexacte des faits avait ainsi conduit le département à retenir une absence de lisibilité et d'intégrité du bâtiment au niveau des enveloppes, des couleurs et des proportions. Cette analyse erronée avait biaisé la pesée des intérêts à laquelle il avait procédé, la qualité patrimoniale n’ayant pas été appréhendée de manière exacte.

Par ailleurs, même si la façade avait été recrépie, il n’en demeurait pas moins que le bâtiment était compris dans le plan de site et qu’il faisait partie des bâtiments maintenus. Peu importait à cet égard que son état de conservation soit inférieur à celui des façades en pignon des autres bâtiments. Il ne fallait pas considérer cette façade isolément mais tenir compte du fait qu’elle faisait partie de E______ et que cet ensemble architectural était protégé par le plan de site. De plus, lors de travaux, l’OPS avait pour pratique de parfaire un élément protégé dégradé pour améliorer la qualité de l’ensemble, plutôt que d’aggraver sa détérioration. Ainsi, si des travaux devaient avoir lieu sur la façade, ils devraient viser à réduire sa différence qualitative au regard de l'intégralité des façades des autres bâtiments de catégorie B et non pas à aggraver cette différence qualitative par l'installation de panneaux solaires dénaturant l'ensemble. L’autorisation litigieuse créait également un précédent qui risquait de « contaminer » d’autres façades du site.

S’agissant des préavis de la recourante et du SMS qui étaient défavorables, ce dernier ayant clairement indiqué dans son second préavis qu’il était défavorable à l’installation de panneaux solaires sur la façade, l’intimée et le département s’étaient contentés de donner leurs avis en considérant que la recourante et le SMS n’avaient pas tenu compte du fait que la façade en cause ne correspondait plus à l’état d’origine. Ce faisant, ils avaient fait fi de l’étude thermique et des préavis concordants de la recourante et du SMS, soit l’instance spécialisée.

Concernant les dispositions légales applicables, l’art. 18a al. 4 LAT prévoyait certes la priorité de l’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire sur les aspects esthétiques. Il s’agissait toutefois d’un principe d’interprétation général qui ne s’appliquait pas dans le cadre de l’application d’une lex specialis, soit l’art. 18 a al. 2 let. b LAT, qui avait été concrétisé par l’art. 106 al. 5 LCI, en ce qui concernait les bâtiments protégés par la LPMNS. De plus, une pesée des intérêts « plus fine » avait déjà été effectuée dans le plan de site.

Quant à l’intimée, qui avait rappelé l’historique de la modification législative en lien avec la facilitation de la réalisation d’installations solaires, elle avait tenu un raisonnement juridique erronée, considérant à tort qu’il ressortait de l’art. 18a al. 2 let. b LAT a contrario que son projet n’était, en définitive, pas soumis à autorisation. Or, dans la mesure où le texte de loi était clair, il n’y avait pas matière à interprétation et, de toute façon, parmi les diverses méthodes, l’interprétation historique jouait un rôle secondaire.

Il convenait également de préciser que, même si l'ensemble E______ ne figurait pas dans l'inventaire ISOS des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse, les immeubles qui composaient cet ensemble figuraient tout de même dans l'inventaire des sites construits d'importance régionale.

Par ailleurs, la jurisprudence cantonale citée par le département et reprise par l’intimée n’était pas pertinente, dès lors que le canton de Genève n’avait alors pas encore fait usage de la compétence cantonale réservée à l'art. 18a al. 2 let. b LAT. Il ne l’avait fait qu’ultérieurement en adoptant la loi du 25 novembre 2022 modifiant l'art. 106 al. 4 et 5 LCI. L’examen de cette dernière et du rapport de la commission ad hoc ne permettait d’ailleurs pas de retenir, contrairement aux allégations de l’intimée et du département, que l'intérêt à l'utilisation de l'énergie solaire permettrait d'écarter les éléments patrimoniaux, s’agissant de biens faisant l'objet d'une protection au sens de la LPMNS.

Il ressortait également de la jurisprudence citée que la couleur des panneaux solaires devait être arrêtée dans la décision octroyant l'autorisation de construire et ne pouvait pas être reportée au stade de l'exécution du chantier, le type et la couleur des panneaux solaires n’étant pas des éléments insignifiants au regard de leur efficacité et de leur impact patrimonial.

En outre, s’agissant de la question de soumettre les biens faisant l'objet d'une mesure de protection LPMNS à une procédure d'autorisation, l'importance de l'utilisation de l'énergie solaire avait été concrétisée, dans le canton de Genève, par l'adoption du Guide. Ce document exposait la manière d’appréhender l'intérêt à l'utilisation de l'énergie solaire au regard des questions patrimoniales et édictait les modalités de la pesée des intérêts à effectuer en la matière. Or, le département n’en avait pas fait usage et avait écarté les préavis du SMS et de la recourante qui préconisaient l’installation des panneaux solaires uniquement en toiture.

Le département avait également fait abstraction du plan de site qui était un plan d’affectation et avait, à ce titre un caractère obligatoire. Il s’agissait d’une disposition spéciale et spécifique qui primait sur les principes généraux et qui s’appliquait pour déterminer le rapport entre les économies d'énergie et la protection du patrimoine.

13.         Le 11 avril 2023, l’intimée a dupliqué, sous la plume de son conseil, persistant dans ses conclusions et son argumentation.

S’agissant du manque de vision globale, l’harmonie architecturale d'ensemble avait déjà été détruite par le crépi appliqué sur le mur-pignon. Partant, l’installation, totalement réversible, de panneaux photovoltaïques sur une façade déjà dénaturée, ne modifiait en rien la cohérence architecturale.

Sous l’angle du risque de créer un précédent, il convenait de rappeler l’importance de l’énergie solaire dans le cadre de la transition énergétique et des objectifs climatiques que la Suisse avait fixés pour 2050. Les législateurs fédéraux et cantonaux avaient édicté des bases légales en faveur de la promotion de l'énergie solaire (l'art. 18 al. 4 LAT et l'art. 106 al. 4 LCI). Le fait que la recourante ait comparé la pose de panneaux photovoltaïques à « une contamination » interrogeait quant à sa conscience de la réalité environnementale actuelle. Cela étant, l'objet du litige se limitait à l'immeuble concerné par le projet et si la pose de panneaux photovoltaïques était envisagée sur d'autres bâtiments, il serait loisible à la recourante d’user des voies de droit à sa disposition.

Par ailleurs, le fait que l'art. 18a al. 2 let. b LAT soit applicable ne changeait rien au fait qu'une demande d'autorisation de construire n'était pas nécessaire. Le législateur, faisant usage du pouvoir conféré par cette disposition, avait prévu à l'art. 106 al. 5 LCI, que la pose d'installations solaires devait être autorisée sur des bâtiments au bénéfice d'une mesure de protection individuelle. Or, le plan de site étant une mesure de protection générale (art. 35ss LPMNS), c’était, l'art. 106 al. 4 LCI qui s’appliquait et non pas l’art. 106 al. 5. Partant, le principe selon lequel l'intérêt à l'utilisation de l'énergie solaire l'emportait sur l'esthétique s'appliquait (art. 18a al. 4 LAT).

Au demeurant, le texte de l’art. 18a al. 4 LAT était clair et la volonté politique de mettre en avant l'énergie solaire ressortait sans équivoque des travaux préparatoires des législateurs fédéral et cantonal. À cet égard, et contrairement aux allégations de la recourante, il ressortait de la jurisprudence qu'aucune méthode d'interprétation ne l’emportait sur une autre, de sorte que l’interprétation historique ne pouvait pas être considérée comme étant secondaire.

Enfin, le Guide n’avait aucune portée contraignante, ce d’autant que la législation fédérale et cantonale en la matière était claire. Quant au plan de site, il datait de treize années, ce qui constituait une longue durée, compte tenu de la vitesse à laquelle la législation dans le domaine de l'énergie évoluait et de l'urgence climatique. Cela étant, l’autorisation de construire litigieuse ne violait pas le plan de site. En effet, la pose des panneaux solaires s'inspirait des principes du développement durable, tel que stipulé à art. 3 al. 2 du règlement, étant rappelé que sous l’angle de la protection du patrimoine, une atteinte avait déjà été portée à la façade qui avait été crépie.

14.         Le 12 avril 2024, le département a dupliqué persistant dans ses conclusions et son argumentation.

Il ressortait clairement du tableau récapitulatif des interventions (ci-après : le tableau) qui figurait dans l’étude thermique que, tant pour les allées 9 à 11 que pour les allées 13 à 15, l'enveloppe de la façade en pignon avait fait l'objet d'une isolation extérieure et que l'état de conservation de l'immeuble avait été qualifié de « lourdement transformé ». Il était ainsi inexact de prétendre que l'état de conservation de l'immeuble était inaltéré.

En outre, il ressortait du tableau que les autres « bâtiments maintenus de catégorie B » étaient dans un état de conservation intact. Dans la mesure où le bâtiment concerné par le projet avait subi de lourdes transformations, il ne pouvait être considéré, à l'instar des bâtiments avoisinants qui étaient encore dans un état de conservation intact, comme bâtiment maintenu au sens du plan de site. On ne pouvait ainsi ignorer, au motif que l'ensemble des autres bâtiments maintenus se trouvait dans un état de conservation intact, que les lourdes transformations subies ne permettaient plus au bâtiment en cause de bénéficier de la protection patrimoniale prévue par le plan de site.

Par ailleurs, contrairement aux allégations de la recourante, le département pouvait valablement se référer à la jurisprudence citée dans le cadre de l’interprétation de l’art. 18a LAT, étant rappelé que l’art. 1 al. 3 LCI réservait, depuis le 13 mai 2015, la soumission à autorisation de construire lorsqu’une installation solaire était prévue en zone protégée. Il était ainsi erroné de prétendre que la compétence cantonale permettant d'imposer la nécessité du dépôt d'une autorisation de construire en zone protégée n’avait été instaurée que le 25 novembre 2022, de sorte que le département ne pouvait se fonder sur la jurisprudence en question.

S'agissant finalement de la problématique ayant trait au choix des matériaux et teintes qui seront utilisés, la lecture que la recourante faisait de la jurisprudence qu’elle citait, qui se limitait à indiquer que le SMS pouvait, dans le cadre de son préavis, restreindre le choix du type de panneaux solaires, était erronée. Elle ne pouvait en effet en déduire que le département se devait d'imposer, dans le cadre de sa décision, certains matériaux et teintes. Au surplus, de jurisprudence constante, un dossier qui ne comportait aucune précision sur le choix des matériaux ne traduisait pas une lacune d'instruction.

15.         Par courrier du 24 juin 2024 adressé au tribunal, la recourante a sollicité un transport sur place en présence de la CMNS, subsidiairement un préavis de cette dernière.

Elle a également rappelé qu’elle considérait que la procédure avait été suivie en violation de l’art. 38 LPMNS qui impliquait un préavis de cette commission. De plus, s’agissant de transformations ou rénovations importantes sur un bâtiment protégé par un plan de site, la compétence relevait du Conseil d’État et non pas à l’OAC.

16.         Dans sa détermination du 4 juillet 2024, le département a indiqué que les nouvelles conclusions prises par la recourante étaient irrecevables car tardives.

Elles étaient également sans fondement, dès lors que le dossier, les écritures et les pièces produites apportaient l’ensemble des éléments nécessaires au tribunal pour statuer sur le recours. Il était d’ailleurs difficile de déterminer quels éléments supplémentaires et pertinents qui ne ressortaient pas déjà du dossier, un transport sur place pourrait apporter.

Par ailleurs, dans la mesure où l’instruction avait été suivie par la voie de la procédure accélérée et, conformément à l’art. 93 al. 2 LCI, seul le préavis de l’OPS était requis.

En outre, tel que déjà indiqué, la façade ne bénéficiait pas de la protection patrimoniale prévue par le règlement, compte tenu de son état de conservation. Enfin, à défaut de porter sur une démolition, une transformation ou une réparation, le projet litigieux ne relevait pas de l’art. 38 al. 4 LPMNS.

17.         Le 10 juillet 2024, l’intimée s’est déterminée sous la plume de son conseil.

Appuyant intégralement la position du département, elle a indiqué que la recourante ne démontrait pas quels éléments factuels concrets requéraient l’organisation d’un transport sur place et la consultation d’instances supplémentaires, ce d’autant que le double échange d’écritures était terminé depuis plusieurs semaines.

18.         Invitée par le tribunal à se déterminer sur les diverses écritures de la recourante, la requérante ne s’est pas manifestée.

19.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente par la commune sur le territoire de laquelle est situé le projet autorisé, le recours est recevable au sens des art. 145 al. 2 LCI et 60, 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

5.             La recourante a sollicité un transport sur place dans son courrier du 24 juin 2024.

6.             L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA).

7.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 149 I 91 consid. 3.2 ; 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3).

Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 2.2.1).

Il ne confère pas non plus le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2022 du 26 octobre 2022 consid. 4.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA). Dans la règle, l’audition d’un membre d’une instance spécialisée ne se justifie pas lorsque cette instance a émis un préavis versé à la procédure (ATA/1279/2023 du 28 novembre 2023 consid. 2.1 ; ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 2, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1 et 3.2).

Enfin, ce droit ne confère pas le droit à la tenue d’une inspection locale, en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, ce qui n’est pas le cas à Genève (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 2b).

8.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments nécessaires lui permettant de statuer en connaissance de cause sur le recours. En effet, grâce au dossier, aux plans et plus particulièrement aux photographies, ainsi qu’aux indications découlant du SITG, le tribunal est parfaitement en mesure de visualiser le projet litigieux, son futur emplacement et ses dimensions. Dans cette mesure, la tenue d’un transport sur place ne paraît pas justifiée.

Cet acte d’instruction, en soit non obligatoire, ne sera donc pas ordonné, dans la mesure de sa recevabilité.

9.             La recourante reproche au département d’avoir écarté son préavis ainsi que celui du SMS « sans motivation particulière » dans la décision litigieuse.

10.         Le droit d'être entendu implique aussi, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision. Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver n'impose pas à l'autorité d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). Il suffit, au regard de ce droit, qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que les intéressés puissent se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1). La portée de l'obligation de motiver dépend des circonstances concrètes, telles que la nature de la procédure, la complexité des questions de fait ou de droit, ainsi que la gravité de l'atteinte portée à la situation juridique des parties. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. En outre, la motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 IV consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 et les arrêts cités ; 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). Il n'y a ainsi violation du droit d'être entendu que si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes objectivement pertinents (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 ; ATF 134 I 83 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_72/2020 du 1er mai 2020 consid. 3.3.1 ; 2C_56/2015 du 13 mai 2015 consid. 2.1).

Sa violation peut néanmoins être réparée devant l'instance de recours si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen des questions litigieuses que l'autorité intimée et si l'examen de ces questions ne relève pas de l'opportunité, car l'autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d'examen à celui de l'autorité de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_341/2016 du 3 octobre 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités; ATF 124 II 132 ; ATA/39/2019 du 15 janvier 2019 consid. 2b et les arrêts cités). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).

11.         En l’espèce, la décision litigieuse est certes succincte, mais elle demeure parfaitement claire, ce qui a d'ailleurs permis à la recourante de motiver son recours de manière complète. Il convient également de rappeler que l’autorité intimée avait adressé un courrier explicatif à la recourante, avant de prononcer la décision querellée. Par la suite, elle s'est à nouveau expliquée en détail dans ses observations, puis dans sa duplique, exposant notamment les raisons pour lesquelles elle avait écarté les préavis du SMS et de la recourante. Cette dernière a ensuite eu l’occasion de répliquer. En tout état, un éventuel défaut de motivation peut être réparé par la prise de position de l'autorité intimée, suite à un recours, si l'administré se voit offrir la possibilité de s'exprimer à son sujet et que l'autorité de recours peut examiner librement les questions de fait et de droit (cf. ATF 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.6.2 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1577 p. 522 et les arrêts cités), ce qui est le cas en l'espèce.

Ce grief sera par conséquent écarté.

12.         Le litige porte sur la conformité au droit de l’autorisation d’installer des panneaux photovoltaïques sur le mur-pignon de l’immeuble en cause, situé dans le périmètre du plan de site considéré.

13.         Conformément à l’art. 22 al. 1 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente. L’autorisation est délivrée si, notamment, la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT). À l’intérieur de la zone à bâtir, les exceptions à ces normes sont réglées par le droit cantonal (art. 23 LAT).

14.         Dans son ancienne teneur, l’art. 18a LAT stipulait que dans les zones à bâtir et les zones agricoles, les installations solaires soigneusement intégrées aux toits et aux façades sont autorisées dès lors qu’elles ne portent atteinte à aucun bien culturel ni à aucun site naturel d’importance cantonale ou nationale.

15.         À teneur de l’art. 18a LAT en vigueur depuis le 1er mai 2014, dans les zones à bâtir et les zones agricoles, les installations solaires suffisamment adaptées aux toits ne nécessitent pas d’autorisation selon l’art. 22 al. 1 LAT. De tels projets doivent être simplement annoncés à l’autorité compétente (al. 1). Le droit cantonal peut désigner des types déterminés de zones à bâtir où l’aspect esthétique est mineur, dans lesquels d’autres installations solaires peuvent aussi être dispensées d’autorisation (al. 2 let. a) et prévoir une obligation d’autorisation dans des types précisément définis de zones à protéger (al. 2 let. b). Les installations solaires sur des biens culturels ou dans des sites naturels d’importance cantonale ou nationale sont toujours soumises à une autorisation de construire. Elles ne doivent pas porter d’atteinte majeure à ces biens ou sites (al. 3). Pour le reste, l’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire sur des constructions existantes ou nouvelles l’emporte en principe sur les aspects esthétiques (al. 4).

16.         Le champ d’application de l’art. 18a LAT résulte de son alinéa 1 et reste largement identique à la version antérieure. Il y a toutefois une limitation en ceci que la dispense d’autorisation de construire du droit fédéral s’applique uniquement aux installations solaires adaptées aux toitures et non plus à celles en façades. Il découle en effet du libellé de la disposition, formulé de manière restrictive, qu’elle ne s’applique d’emblée qu’aux installations solaires posées sur des toitures. La raison n’en est pas tout à fait claire, mais le législateur fédéral était probablement d’avis que la dispense d’autorisation de construire ne se justifierait plus pour de telles installations et que de tels projets nécessiteraient un contrôle préventif (Commentaire pratique LAT : Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, n. 13-14 et 17 ad art. 18a LAT).

17.         L’art. 18a al. 2 LAT définit les compétences réglementaires qui restent aux mains des cantons dans le cadre de l’application de cette disposition. Le droit cantonal peut – sous certaines conditions – étendre ou restreindre la dispense d’autorisation de construire que le droit fédéral a prévue pour les installations solaires. Cette possibilité est liée à l’art. 18a al. 1 LAT et ne concerne donc que les installations solaires en toiture (Commentaire pratique LAT : Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, n. 36 ad art. 18a LAT).

18.         En l’espèce, dans la mesure où l’installation des panneaux photovoltaïques est prévue sur la façade du bâtiment et non pas sur sa toiture, le projet litigieux était soumis à autorisation, conformément aux principes susmentionnés, étant précisé que pour cette même raison, ce projet ne pouvait pas non plus bénéficier d’une dispense en application de l’art. 1 al. 3 LCI.

C’est ainsi, conformément au droit, que l’intimée a déposé une demande d’autorisation de construire auprès du département.

19.         La recourante reproche au département d’avoir instruit la demande précitée selon les règles applicables à la procédure accélérée et non pas celles applicables à la procédure ordinaire.

20.         Selon l'art. 1 al. 1 let. b LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation.

21.         Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI).

22.         À teneur de l’art. 3 al. 7 LCI, le département peut traiter par une procédure accélérée les demandes d’autorisation relatives à des travaux soumis à l’art. 1 LCI :

a)      s’ils sont projetés en cinquième zone aux conditions prévues par le titre II, chapitre VI, de la présente loi et lorsqu’aucune dérogation n’est sollicitée ;

b)      s’ils portent sur la modification intérieure d’un bâtiment existant ou ne modifient pas l’aspect général de celui-ci ;

c)      pour des constructions nouvelles de peu d’importance ou provisoires ; ou

d)      à titre exceptionnel, pour des travaux de reconstruction présentant un caractère d’urgence.

Dans ces cas, la demande n’est pas publiée dans la FAO et le département peut renoncer à solliciter le préavis communal. L’autorisation est, par contre, publiée dans la FAO et son bénéficiaire est tenu, avant l’ouverture du chantier, d’informer, par écrit, les locataires et, le cas échéant, les copropriétaires de l’immeuble concerné des travaux qu’il va entreprendre. Une copie de l’autorisation est envoyée à la commune intéressée.

Sont réputées construction de peu d’importance (ci-après : CDPI) au sens de l’art. 3 RCI, à la condition qu’elles ne servent ni à l’habitation, ni à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale (al. 1 let. a), celles qui servent à couvrir, par une toiture, une surface utilisable au sol, ouverte ou fermée (al. 1 let. b) ; celles dont la surface n’excède pas 50 m2 et qui s’inscrivent dans un gabarit limité par une ligne verticale dont la hauteur n’excède pas 2,5 m, une ligne oblique faisant avec l’horizontale partant du sommet de la ligne verticale un angle de 30°, une ligne horizontale de faîtage située à 4,5 m du sol au maximum (al. 1 let. c). La surface totale des CDPI ne doit pas dépasser 100 m2 (al. 2). Dans le cadre d’un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé, et afin d’améliorer l’insertion dans le site et pour autant qu’il n’en résulte pas de gêne pour le voisinage, le département peut autoriser, après consultation de la CA, des constructions de peu d’importance groupées d’une surface de plus de 50 m2 (al. 3 let. a) ; une surface totale des CDPI de plus de 100 m2 (al. 3 let. b). Dans tous les cas, la surface totale des constructions de peu d’importance ne doit pas excéder 8 % de la surface de la parcelle (art. 3 al. 4 RCI).

23.         En matière de procédure accélérée, sauf exception, les préavis des commissions officielles sont exprimés, sur délégation, par les services spécialisés concernés. Si nécessaire, les exceptions sont définies par lesdites commissions (art. 3 al. 8 LCI). Les communes et les organismes intéressés consultés doivent formuler leur préavis dans un délai de quinze jours ; toutefois, les départements consultés se déterminent, en règle générale, sans délai. A l'échéance du délai de quinze jours, le département peut statuer, considérant que le défaut de réponse équivaut à une approbation sans réserve (art. 3 al. 9 LCI). Les demandes de pièces complémentaires ou de projet modifié sont formulées dans les cinq jours dès réception du dossier par les entités consultées. Le requérant dispose d'un délai de dix jours pour y répondre. Passé ce délai et à défaut de justes motifs, le département renvoie la requête au requérant, le cas échéant, la refuse. Le refus doit être motivé (art. 3 al. 10 LCI).

24.         La lecture des travaux préparatoires démontre que le législateur entendait bien limiter l’APA à des objets de peu d’importance, soit essentiellement à des projets de modification intérieure d’un bâtiment ne touchant ni les façades ou l’esthétique du bâtiment ou encore sa situation (MGC du 10 décembre 1987, pp. 6971 ss, notamment 6972, 6979).

25.         Dans un arrêt rendu par l'ancien Tribunal administratif, celui-ci a admis que le choix de la procédure adoptée dépendait en définitive du résultat du litige : soit les travaux n'ont pas une grande incidence sur l'esthétique des façades, et dans ce cas le choix de la procédure accélérée est approprié, soit les travaux sont de nature à altérer profondément les façades, et dans cette dernière hypothèse le recours à la procédure ordinaire d'autorisation s'impose (ATA/263/2007 du 22 mai 2007, consid. 3 et 5b). Il en découle dès lors qu'en fonction de l'impact des travaux envisagés, le département a le choix d'opter ou non pour la voie de la procédure accélérée si les critères en sont remplis.

Dans l’arrêt ATA/462/2011 du 26 juillet 2011, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a examiné l’autorisation de construire délivrée suite au dépôt d’une requête complémentaire portant sur la pose de 3'545 panneaux solaires sur des superstructures situées à plusieurs mètres au-dessus du toit d’un bâtiment, sur une surface de 4'535 m2. Cette requête avait traité par le département comme une annonce de travaux, dont la publication dans la FAO avait valeur d’autorisation de construire. La même procédure par annonce de travaux avait été appliquée à l’autorisation de construire initiale, déposée et instruite selon la procédure accélérée (art. 3 al. 7 LCI) qui portait sur un nombre plus élevé de panneaux solaires. La chambre administrative a notamment retenu que l’installation litigieuse n’était en aucun cas une construction de peu d’importance, qu’elle n'était ni provisoire, ni intérieure au bâtiment, qu’il ne s’agissait pas d'une reconstruction et que la modification de l'aspect du bâtiment était considérable. Le choix de la procédure initiale qui avait été déposée et instruite en procédure accélérée (art. 3 al. 7 LCI) avait ainsi été fait en violation grave de la loi. La demande d'autorisation aurait dû suivre la procédure ordinaire prescrite par l'art. 3 LCI, étant précisé que chaque procédure d’autorisation (initiale ou complémentaire) devait respecter la loi. Les demandes d’autorisation complémentaires suivaient certes, quant à la procédure, le sort de la demande principale. Néanmoins, le choix d’une procédure initiale erronée ne pouvait valider une procédure ultérieure contraire au droit.

26.         En l’espèce, le projet qui porte sur l’installation de 240 panneaux photovoltaïques, correspondant à une surface photovoltaïque de 422 m2, sur le mur-pignon d’environ 460 m2 du bâtiment sis en zone de développement 3, avec pour conséquence d’en couvrir intégralement la façade, ne répond manifestement à aucune des hypothèses de l’art. 3 al. 7 LCI.

Cette installation n’est en effet pas prévue en cinquième zone, elle ne porte pas sur la modification intérieure du bâtiment et les travaux ne présentent aucun caractère d’urgence. De plus, ils modifient l’aspect général du bâtiment, dès lors qu’ils touchent à l’une de ses façades. Or, il convient de rappeler qu’il ressort des travaux préparatoires que le législateur a souhaité réserver la voie de la procédure accélérée à des projets ne touchant pas les façades d’un bâtiment.

En outre, même si le projet litigieux est nettement plus modeste, compte tenu du nombre de panneaux photovoltaïques prévu, que celui dont il est question dans l’ATA/462/2011, il n’en demeure pas moins qu’il ne répond pas non plus aux critères d’une CDPI (3 RCI), ce qui conduit le tribunal de céans à la même conclusion que la chambre administrative, à savoir que c’est à tort que département a choisi d’instruire la requête déposée par l’intimée le ______ 2023, par la voie de la procédure accélérée, choix qui a été fait en violation de la loi, tel que retenu par la jurisprudence.

Force est ainsi de constater que la demande d'autorisation relative au projet litigieux aurait dû suivre la procédure ordinaire (art. 3 LCI), ce qui ressort d’ailleurs également du Guide, s’agissant d’une installation réalisée en dehors de la toiture (p. 13).

Dans cette mesure, le préavis de la CMNS était également requis en application de l’art. 5 al. 2 let. g du règlement d’application de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 mars 2023 (RPMNS – L 4 05.01) qui charge cette commission de donner son préavis sur tout projet de travaux concernant un immeuble situé dans le périmètre d'un plan de site, sous réserve de son alinéa 5 qui prévoit que lorsqu’une demande d'autorisation de construire est soumise à la procédure accélérée au sens de l’art. 3 al. 7 LCI, l’OPS est compétent pour rendre le préavis, à l'exception des demandes d'autorisation portant sur un immeuble classé (art. 15 LPMNS).

27.         Reste à examiner les conséquences de l’irrégularité liée au choix de la procédure.

28.         De jurisprudence constante, la chambre administrative, considère comme nulle une autorisation délivrée à la suite d'une procédure accélérée en lieu et place de la procédure ordinaire. La publication des demandes d'autorisation (art. 3 al. 1 LCI) compte au nombre des dispositions impératives de droit public (ATA W. du 4 septembre 1974 in RDAF 1975 p. 33 ss). Le fait que d'autres publications sont prévues par la loi ne saurait modifier la gravité des vices sans enlever aux prescriptions de droit public contenues dans la LCI leur caractère impératif. La procédure d'APA est de nature à empêcher toute opposition émanant des voisins, des tiers intéressés et des associations de sauvegarde du patrimoine. Même dans les cas où les intéressés se sont manifestés par la suite, ils ont perdu un degré de juridiction. Il est d'intérêt public de priver l'acte vicié de tout effet juridique en raison de l'importance qu'il y a de ne porter aucune atteinte aux garanties de propriété ou de voisinage (ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3b ; ATA/205/2015 du 24 février 2015 consid. 5 ss ; ATA/725/2013 du 29 octobre 2013 et les références citées). L'application de la procédure accélérée au lieu de la procédure ordinaire constitue un vice particulièrement grave, de sorte qu'il s'agit d'un cas de nullité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_641/2012 du 30 avril 2013 consid. 3.4 ; ATA/1602/2019 du 29 octobre 2019 consid. 6b et les références citées).

29.         En l’espèce et tel qu’exposé précédemment, l'autorisation de construire litigieuse ne pouvait pas être délivrée au terme d'une procédure accélérée, de sorte que sa nullité doit être constatée, conformément à la jurisprudence.

30.         Le recours sera ainsi admis pour ce motif, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs soulevés par la recourante (arrêt du Tribunal fédéral 1C_641/2012 du 30 avril 2013 ; ATA/205/2015 consid. 6).

31.         Vu cette issue, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, qui obtient gain de cause, de sorte que son avance de frais lui sera restituée (art. 87 al. 1 LPA).

32.         Dans la mesure où la recourante n'a pas fait appel à un mandataire professionnel, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 18 octobre 2023 par la commune de A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             l'admet ;

3.             constate la nullité de la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

4.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution à la recourante l’avance de frais de CHF 900.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Diane SCHASCA et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

Le greffier