Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1122/2024 du 13.11.2024 ( LCI ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 13 septembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Laurent STRAWSON, avocat, avec élection de domicile
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
1. Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______ (ci-après: la commune), sise en zone 4B protégée. Deux bâtiments sont érigés sur cette parcelle.
2. Le 12 avril 2013, M. A______ a déposé une demande d'autorisation de construire préalable portant sur la construction de huit logements et d'un garage souterrain auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le département du territoire (ci-après : le département). Cette requête a été enregistrée sous la référence DP 13______.
3. Par décision du ______ 2014, le département a délivré l'autorisation de construire préalable sollicitée, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle (ci-après: FAO) du ______ 2014. La validité de cette autorisation a été prolongée à deux reprises, jusqu'au 6 juin 2018.
4. Par pli du 25 novembre 2016, M. A______ a dénoncé au département la surélévation d'un dépôt et la pose d'un lift, la réparation et la peinture de voitures ainsi que le stockage de bidons d'huile et de peinture à l'air libre sur la parcelle n° 1______.
Les dépôts étaient loués temporairement en attente d'un permis de construire. Une demande définitive en autorisation de construire des logements était en préparation.
5. Par courrier du 21 août 2017, le département a informé M. A______ qu’à la suite de deux contrôles effectués sur place les 8 mars et 29 mai 2017, un inspecteur de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) avait constaté que plusieurs constructions et installations avaient été érigées sans autorisation, à savoir des portails et diverses clôtures, deux hangars non cadastrés, une terrasse en gravier, des parkings occupés par plusieurs véhicules non immatriculés, destinés à la vente ou à la réparation, et une baraque destinée à la vente de véhicules automobiles.
Le bâtiment n° 2______, cadastré en tant que dépôt et autorisé à être démoli par autorisation M 4______ du ______ 2012, servait de logement à plusieurs locataires. Ce bâtiment étant fermé lors du contrôle, le nombre de locataires n'avait pas pu être déterminé avec précision.
Cette situation était susceptible de constituer une infraction à l'art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).
Cette situation a menée à l'ouverture de la procédure d'infraction I 3______
6. Par courriel du 17 septembre 2019, M. A______ a indiqué au département s'être rendu sur place et avoir constaté le vol de matériaux et d'outils lui appartenant dans le dépôt loué à la société C______ SA (ci-après : C______), ainsi que l'installation d'un lift. Il avait appris que le dépôt avait été sous-loué par un tiers.
Dans un second courriel du même jour, il a expliqué la situation des locataires. Il avait déposé une plainte pénale portant sur des faux baux.
Il transmettait un constat d’huissiers de justice du 4 septembre 2019.
7. Par décision du 3 octobre 2019, le département a ordonné à M. A______, dans un délai de 90 jours, de :
- démolir un bâtiment/garage situé à l'ouest de la parcelle n° 1______ ;
- évacuer tous les véhicules sans plaques d'immatriculation ;
- évacuer tous les déchets présents sur la parcelle ;
- évacuer et remettre en état le local sous-loué et utilisé comme garage ;
- faire parvenir un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état.
La sanction administrative ferait l'objet d'une décision séparée à l'issue du traitement du dossier d'infraction I 5______. Il pouvait tenter de régulariser la présence de l'une ou l'autre de ces installations/constructions par le dépôt d'une requête en autorisation de construire dans un délai de 30 jours.
8. Par décision du 24 janvier 2020, le département a relancé M. A______ au sujet de la remise en état ordonnée le 3 octobre 2019 et lui a imparti un nouveau délai de quinze jours pour lui fournir un reportage photographique.
Une amende administrative de CHF 500.- lui était infligée au motif de l'absence d'exécution de la décision du 3 octobre 2019.
9. Par courrier recommandé du 5 mars 2020, constatant que M. A______ n'avait donné aucune suite à sa décision du 3 octobre 2019, le département lui a infligé une nouvelle amende de CHF 1'000.- et lui a ordonné de fournir un reportage photographique ou tout élément attestant de la bonne exécution de son ordre dans un délai de 30 jours.
10. Le 25 mai 2020, toujours sans nouvelles de M. A______, le département l'a relancé et lui a infligé une troisième amende administrative de CHF 1'500.-, en lui impartissant parallèlement un délai de quinze jours pour se conformer à l'ordre de remise en conformité de la parcelle et lui transmettre la preuve de sa réalisation.
11. Le 16 décembre 2020, le département, accompagné d'un représentant de la commune et de la police cantonale, a procédé à un nouveau constat sur place, reportage photographique à l’appui, relevant que rien n'avait été entrepris pour mettre en œuvre la décision du 3 octobre 2019.
Le bâtiment n° 2______ comptait treize chambres louées, dont certaines sans jour, avec cuisine, salle de bains et buanderie communes, ce qui n'était pas conforme à son affectation de dépôt.
12. Par décision du 22 décembre 2020, le département a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 20'000.- et a ordonné à nouveau la remise en état de la parcelle, de manière identique à la décision du 3 octobre 2019, dans un délai de 30 jours. Le montant de cette amende prenait en compte son absence de collaboration active, l'ancienneté de l'infraction, le fait accompli devant lequel le département avait été placé, son attitude répétée à ne pas vouloir se conformer aux ordres du département ainsi que la gravité tant objective que subjective de l'infraction commise.
En outre, il lui était fait interdiction d'utiliser les locaux du bâtiment n° 2______ à des fins de logements. Cette situation était susceptible de constituer des infractions à l'art. 1 LCI et au Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).
13. Faisant usage de son droit d’être entendu le 31 décembre 2020, M. A______ a indiqué avoir résilié depuis plusieurs années les baux conclus par son ancien gérant, Monsieur D______, à l'encontre duquel il avait déposé une plainte pénale en 2016, sans succès. Il n'avait pas entrepris de construction depuis l'acquisition de la parcelle n° 1______ et les parcelles nos 6______ et 7______ ne comptaient aucun bâtiment.
14. Par décision du 12 février 2021, le département a fait interdiction à M. A______ d'utiliser les logements construits sans autorisation dans le bâtiment n° 2______, pour des raisons de sécurité et de salubrité. Cette décision, déclarée exécutoire nonobstant recours, n’a pas été contestée.
15. Par décision du 12 mars 2021, après avoir constaté l'absence de remise en conformité de la parcelle, malgré les nombreux rappels et délais accordés, le département a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 30'000.-.
Un nouveau délai de 30 jours lui était imparti pour procéder à la remise en état.
Il lui était intimé l'ordre de procéder à la démolition des logements aménagés dans le bâtiment n° 2______.
16. Le 24 mars 2021, M. A______ a sollicité la reconsidération de la décision du 12 mars 2021, au motif qu'il avait tout entrepris pour régulariser la situation.
17. Par décision du 9 avril 2021, le département a refusé de reconsidérer sa décision du 12 mars 2021, celle-ci n'étant pas encore entrée en force.
18. Par décision du 14 mai 2021, constatant que M. A______ n'avait donné aucune suite aux précédentes sanctions, le département lui a infligé une nouvelle amende administrative de CHF 50'000.-. Ce montant prenait en compte l’absence de conformation aux ordres du département des 3 octobre 2019, 24 janvier, 27 février, 22 mai et 22 décembre 2020 ainsi que du 12 mars 2021. Les preuves d'exécution demandées ne lui étaient toujours pas parvenues. Un nouveau délai de trente jours pour se conformer à l'ordre de remise en état et en apporter la preuve lui était imparti.
19. Par pli du 16 juin 2021, M. A______ a indiqué au département avoir pris toutes les mesures utiles pour requérir l'évacuation des locataires installés illégalement. Une requête en autorisation de construire serait prochainement déposée. Il sollicitait du département l'autorisation de trouver un accord judiciaire avec ses locataires pour qu'ils puissent demeurer dans les locaux jusqu'à l'entrée en force de l'autorisation de construire.
20. Par décision du 10 septembre 2021, le département a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 75'000.-. Malgré les nombreuses relances et sanctions déjà prononcées, il ne s'était jamais conformé à ses ordres. Face à son refus manifeste de le faire, il lui était ordonné de se soumettre aux décisions des 31 mai 2019 et 5 juin 2020, sous la menace de l'art. 292 CP.
21. Par courrier du 15 septembre 2021, le bureau d'architectes H______ a informé le département avoir été mandaté en 2020 par M. A______ pour la réalisation d'un habitat villageois de vingt-quatre logements avec parking souterrain. L'objectif était de déposer une demande d'autorisation de construire pour la fin du mois d'octobre 2021, le projet ayant pris du retard en raison du refus d'obtempérer des occupants.
22. Par jugement du 12 octobre 2022 (JTAPI/1062/2022), le tribunal a partiellement admis le recours contre la décision du 10 septembre 2021 et ramené l’amende à CHF 60'000.-.
23. Par décision du 9 décembre 2022, le département a ordonné à M. A______ de lui fournir la copie de tous les baux des locataires du bâtiment cadastré sous le n° 2______ en cours et advenus durant les dernières années ainsi qu'un plan explicatif avec indication de quel locataire occupait quel bâtiment sur la parcelle, d'ici au 23 décembre 2022.
24. Le 23 décembre 2022, le conseil de M. A______ a transmis au département les baux des locataires du bâtiment n° 2______. Il a également indiqué que seules deux chambres étaient actuellement occupées par Messieurs F______ et E______.
25. Par décision du 17 janvier 2023, constatant que le plan explicatif de l'occupation actuelle des bâtiments ne lui avait toujours pas été remis, le département a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 1'000.-. Le montant tenait compte de son attitude à ne pas se conformer à l'intégralité des ordres du département, notamment celui du 9 décembre 2022.
Un nouveau délai au 1er février 2023 lui a été imparti pour fournir le plan sollicité. Par ailleurs, il lui était demandé de fournir, dans le même délai, toutes les preuves attestant des démarches entreprises visant à mettre en œuvre l'ordre du 12 février 2021, en force, lui interdisant d'utiliser les logements dans le bâtiment n° 2______.
26. Le 1er février 2023, le conseil de M. A______ a soumis au département les plans du bâtiment existant et le tableau de l'état locatif actuel du bâtiment à démolir établis par H______ dans le cadre de la demande d'autorisation de construire DD 9______. Les plans avaient été envoyés au département le 18 janvier 2023 par le bureau d'architectes, de sorte qu'il sollicitait l'annulation de l'amende du 17 janvier 2023, compte tenu qu'il avait agi rapidement malgré les vacances de fin d'année.
Les deux dépôts érigés sur la parcelle seraient démolis dans les meilleurs délais, une fois les occupants illicites évacués. À cet égard, un jugement d'évacuation avait été rendu à l'encontre de G______ le 26 janvier 2023.
Le tableau de l'état locatif du bâtiment n° 2______ démontrait qu'un seul locataire était encore présent. Son bail arriverait à échéance lorsque l'autorisation de construire serait entrée en force. En outre, M. F______ occupant les locaux de manière illicite depuis le 20 septembre 2020, M. A______ tolérait sa présence, compte tenu de son engagement à quitter rapidement les locaux.
27. Par décision du 14 février 2023, le département a informé M. A______ qu'il maintenait sa décision du 17 janvier 2023 dans son intégralité.
Au vu de la non-réalisation de l'ordre du 9 décembre 2022, le département ne pouvait que constater le manque de collaboration et devait sanctionner cette manière d'agir intolérable. Une amende de CHF 5'000.- était infligée.
28. Par arrêt du 14 mars 2023 (ATA/260/2023), définitif et exécutoire, la chambre administrative de la cour de justice a confirmé le jugement du tribunal du 12 octobre 2022 précité.
29. Le 14 mars 2023, M. A______ a fait parvenir les documents requis dans l'ordre du 9 décembre 2022 au département et indiqué qu'un des deux locataires du bâtiment n° 2______ quitterait les locaux lorsque l'autorisation de construire DD 8______ serait entrée en force et que le deuxième les quitterait rapidement. Il a notamment transmis une photo aérienne de la parcelle indiquant que les bâtiments correspondant aux deux dépôts sur la parcelle n° 1______ et étaient occupés par la société G______ et qu'un jugement d'évacuation avait été rendu le 26 janvier 2023 à l'encontre de cette société par le Tribunal des baux et loyers (ci-après: TBL). Il lui paraissait plus opportun de trouver un accord avec ce dernier que de passer par la voie judiciaire.
30. Par décision du 5 mai 2023, constatant le non-respect de l'ordre du 12 février 2021 s'agissant de l'interdiction d'habiter le bâtiment n° 2______, le département a infligé une amende administrative de CHF 20'000.- à M. A______.
31. Par jugement du 20 décembre 2023 (JTAPI/1428/2023), le tribunal a confirmé la décision du 5 mai 2023.
32. Par décision du 9 février 2024, le département a ordonné à M. A______ de procéder à la démolition des bâtiments nos 1 et 2, correspondant aux dépôts érigés sur la parcelle n° 1______, d'ici au 15 mars 2024 et de lui fournir un reportage photographique ou tout autre élément prouvant de manière univoque cette remise en état.
Il était précisé que la démolition du bâtiment n° 1 (soit le bâtiment cadastré n° 2______) constituait une mesure d'exécution d'une décision en force, mais que s'agissant du bâtiment n° 2, un recours ordinaire au tribunal dans un délai de 30 jours était possible.
33. Par courriels du 20 février 2024, M. A______ a informé le département que le bâtiment n° 1 avait été démonté et que différentes actions avaient été entreprises pour faire libérer le bâtiment n° 2 de la société qui occupait les locaux.
34. Le 29 février 2024, M. A______ a informé le département que le jugement du 26 janvier 2023 du TBL ne concernait que le bâtiment n° 1, mais qu'une procédure d'évacuation de la société G______ Sàrl du bâtiment n° 2 était pendante devant cette juridiction. Simultanément, une plainte pénale avait été déposée à l'encontre de cette société et son associé-gérant. En l'état, il était dans l'impossibilité d'évacuer le locataire, et de procéder à la démolition du bâtiment n° 2 et à la remise en état de la parcelle. Il sollicitait la suspension de l'exécution de la décision du 9 février 2024 concernant le bâtiment n° 2.
35. Le 7 mars 2024, M. A______ a transmis au département le dispositif du jugement du TBL du 4 mars 2024, lequel considérait que le contrat de bail conclu avec G______ pour le bâtiment n° 2 avait été résilié pour le 31 décembre 2025. Il était dès lors dans l'impossibilité d'évacuer le locataire et de procéder à la démolition et à la remise en état. Il sollicitait une nouvelle suspension de l'exécution de la décision du 9 février 2024.
36. Le département n'a pas donné suite à cette demande.
37. Par acte du 13 mars 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ (ci-après: le recourant) a formé recours contre la décision du 9 février 2024 auprès du tribunal, concluant à ce que l'effet suspensif soit accordé et à son annulation, cela fait, à ce que l'exécution de la décision soit suspendue jusqu'à l'évacuation effective du locataire du bâtiment n° 2, le tout sous suite de frais et dépens.
En l'état, il ne pouvait pas démolir et remettre en état le bâtiment n° 2 conformément à la décision du 9 février 2024. Cette impossibilité ne pouvait lui être reprochée compte tenu de toutes les circonstances, notamment que le TBL avait considéré à tort que le bail du 18 décembre 2015 avec la société G______ était valable et avait été résilié pour le 31 décembre 2025. Il prendrait toutes les mesures utiles à la démolition du bâtiment n° 2 et à la remise en état de la parcelle une fois le locataire évacué.
38. Le 17 mai 2024, le département a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il concluait au rejet du recours.
Le recours ne portait que sur la remise en état du bâtiment n° 2, la décision litigieuse ne consistant qu'en une mesure d'exécution au sujet du bâtiment n° 1, lequel avait au demeurant déjà été démoli.
Il ne contestait pas le bien-fondé de l'ordre de remise en état, dont l'ensemble des conditions était respecté. Il se limitait à prétendre que son exécution était impossible en l'état à cause de son occupation par la société G______ et du jugement du TBL du 4 mars 2024. Il s'agissait cependant d'une question relevant du droit du bail, soit du droit privé. Elle ne devait ainsi pas être prise en compte par les juridictions administratives et n'avait pas la priorité sur le respect du droit des constructions, ce d'autant plus que le jugement du TBL précité était postérieur à la décision querellée. Ainsi, les considérations liées à l'impossibilité de libérer les locaux pour procéder à la remise en état exigée ne justifiaient pas la non-exécution ou le report de l'ordre de remise en état du bâtiment n° 2.
39. Le 3 juillet 2024, le recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.
Il a formé appel contre le jugement du 4 mars 2024 du TBL. L'enquête relative à la plainte pénale était encore pendante. Il était donc dans l'impossibilité de se conformer à la décision litigieuse, s'agissant du bâtiment n° 2.
40. Le 25 juillet 2024, le département a dupliqué, renvoyant en substance à ses observations du 17 mai 2024.
41. Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
5. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/185/2020 du 18 février 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés.
6. En l'espèce, le litige se limite à examiner la décision querellée en tant qu'elle concerne uniquement le bâtiment n° 2. En effet, s'agissant du bâtiment n° 1, il s'agit d'une mesure d'exécution, non sujet à recours (art. 59 let. b LPA), ce que le recourant ne conteste au demeurant pas.
Au fond, le recourant ne prétend pas que l'ordre de remise en état au sujet du bâtiment n° 2 serait infondé. Il fait cependant valoir qu'en l'état, en raison de la présence de la société G______, l'exécution de l'ordre de remise en état serait impossible. Il indique aussi qu'il entreprendra les démarches nécessaires une fois les locaux évacués.
En définitive, le litige ne porte ainsi pas sur le bien-fondé de l'ordre de remise en état s'agissant du bâtiment n° 2, mais uniquement sur le délai d'exécution, de sorte que le tribunal se contentera d'examiner uniquement cet élément.
7. Un délai de remise en état ne saurait par nature être fixé de manière abstraite, puisqu'il s'agit, tout en soumettant la personne concernée à une certaine contrainte de temps, de déterminer de manière adéquate (par application du principe de proportionnalité) le temps dont elle a besoin a minima pour se mettre en règle en faisant preuve de toute la diligence que l'on peut attendre d'elle. Il en découle que l'ampleur et la nature de la remise en état doit conduire l'autorité intimée à une appréciation au cas par cas, en prenant en considération, de manière tout à fait concrète, les difficultés auxquelles la personne concernée risque d'être confrontée, notamment sur le plan conjoncturel (JTAPI/178/2022 du 24 février 2022 consid. 16).
S'il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d'un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1 ; 1C_469/2019 consid. 5.5 et 5.6).
8. Le principe de proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées).
9. Selon les principes généraux du droit, il n'appartient pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s'élever entre un requérant et un opposant. La législation genevoise en matière de police des constructions a pour seul but d'assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d'aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations (art. 3 al. 6 LCI ; cf. not. ATA/169/2020 du 11 février 2020 consid. 7b ; ATA/1724/2019 du 26 novembre 2019 consid. 8e ; ATA/97/2019 du 29 janvier 2019 consid. 5 ; ATA/517/2018 du 29 mai 2018 consid. 5g ; ATA/166/2018 du 20 février 2018 consid. 5 et les arrêts cités ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 1C_413/2019 du 24 mars 2020 consid. 7.1 et les références citées). Elle réserve expressément le droit des tiers (art. 3 al. 6 LCI ; ATA/638/2015 du 16 juin 2015; ATA/752/2014 du 23 septembre 2014; ATA/719/2013 du 29 octobre 2013).
10. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).
11. En l'espèce, il sera d'emblée relevé qu'il ne s'agit pas pour le tribunal de céans d'examiner des questions directement liées au droit du bail, notamment la validité du contrat, ses effets ou encore de déterminer son terme. Il s'agit uniquement d'examiner l'impact éventuel de telles procédures parallèles sur les possibilités concrètes du recourant de se conformer à l'ordre de remise en état litigieux, en prenant notamment en considération la diligence qui peut et doit être attendue de ce dernier. Il ne faut en effet pas perdre de vue que l'ordre juridique suisse ne saurait être envisagé de manière totalement indépendante en fonction des domaines du droit touché ou des compétences des instances judiciaires, sauf à risquer de prononcer des décisions contradictoires ou dont l'exécution s'avérerait impossible pour un administré en raison de conflits entre obligations juridiques distinctes.
À cet égard, le recourant a exposé, preuves à l'appui que le TBL, dans son jugement du 4 mars 2024, a jugé que le contrat qui le liait avec son locataire présent dans le bâtiment n° 2, était résilié à compter du 31 décembre 2025. Si ledit jugement est certes postérieur à la décision querellée, il n'empêche que les démarches en ce sens ont manifestement débuté avant le prononcé de la décision. Nonobstant la question de l'issue de la procédure de recours intentée par le recourant contre ce jugement, force est de constater que ce dernier ne peut pas, à ce stade, procéder à l'expulsion du locataire et, partant, à la démolition du bâtiment.
En tous les cas, le recourant s'est déclaré prêt à procéder à la remise en état, une fois que la situation le lui permettrait. Il n'y a à ce stade pas de raison de douter de l'intention du recourant, dès lors qu'il s'est conformé à l'ordre de remise en état concernant le bâtiment n° 1, une fois le locataire évacué. Dans cette mesure, on peut raisonnablement admettre qu'une fois le bâtiment n° 2 libéré, le recourant se conformera à la décision querellée s'agissant du bâtiment n° 2, au plus tard à l'échéance du bail.
Par conséquent, vu les circonstances du cas d'espèce, il appert qu'obliger le recourant à se conformer immédiatement à la décision querellée, alors qu'il ne peut pas le faire en raison d'obligations s'imposant à lui en vertu du droit privé, est disproportionné.
Il convient dès lors d'annuler la décision litigieuse en ce sens qu'elle exige la remise en état immédiate de la parcelle concernant le bâtiment n° 2 et de renvoyer le dossier au département pour qu'il détermine un nouveau délai d'exécution raisonnable pour que le recourant s'exécute, étant rappelé que la validité matérielle de la décision s'agissant des aspects liés au bâtiment n° 2 n'est pas remise en cause.
12. Le recours sera ainsi admis et le dossier renvoyé au département.
13. Vu cette issue, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant, qui obtient gain de cause, de sorte que son avance de frais lui sera restituée (art. 87 al. 1 LPA).
14. Une indemnité de procédure de CHF 1'000-, à la charge de l'autorité intimée, sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA et 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), valant participation aux honoraires d'avocat qu'il a dû supporter aux fins de la procédure (cf. ATA/1089/2016 du 20 décembre 2016 consid. 12h).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 13 mars 2024 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 9 février 2024 ;
2. l'admet dans le sens des considérants ;
3. annule la décision du département du territoire du 9 février 2024 en tant qu'elle prononce l'exécution de l'ordre de remise en état concernant le bâtiment 2 à l'encontre du recourant, et la confirme pour le surplus ;
4. renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution au recourant de l’avance de frais de CHF 900.- ;
5. condamne l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, à verser à A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- ;
6. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs
Au nom du Tribunal :
La présidente
Gwénaëlle GATTONI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| Le greffier |