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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3502/2021

ATA/260/2023 du 14.03.2023 sur JTAPI/1062/2022 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3502/2021-LCI ATA/260/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mars 2023

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Laurent Strawson, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2022 (JTAPI/1062/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 6'745 de la commune de B______ (ci-après: la commune), sise en zone 4B protégée.

C______, dont M. A______ est l'administrateur unique, est propriétaire des parcelles nos 5'057 et 5'059 de la commune, également situées en zone 4B protégée.

Différentes constructions, dont un ancien corps de ferme (bâtiment n° 1______) et quelques dépôts, sont érigées sur ces parcelles.

2) Le 12 avril 2013, M. A______ a déposé une demande d'autorisation de construire préalable portant sur la construction de huit logements et d'un garage souterrain auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le département du territoire (ci-après : le département). Cette requête a été enregistrée sous la référence DP 2______.

3) Par décision du 30 mai 2014, le département a délivré cette autorisation de construire préalable, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après: FAO) du 6 juin 2014. La validité de cette autorisation a été prolongée à deux reprises, jusqu'au 6 juin 2018.

4) Par pli du 25 novembre 2016, M. A______ a dénoncé au département la surélévation d'un dépôt et la pose d'un lift, la réparation et la peinture de voitures ainsi que le stockage de bidons d'huile et de peinture à l'air libre sur la parcelle n° 6'745.

Les dépôts étaient loués temporairement en attente d'un permis de construire. Une demande définitive en autorisation de construire des logements était en préparation.

5) Par courrier du 21 août 2017, le département a informé M. A______ qu’à la suite de deux contrôles effectués sur place les 8 mars et 29 mai 2017, un inspecteur de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) avait constaté que plusieurs constructions et installations avaient été érigées sans autorisation, à savoir des portails et diverses clôtures, deux hangars non cadastrés, une terrasse en gravier, des parkings occupés par plusieurs véhicules non immatriculés, destinés à la vente ou à la réparation, et une baraque destinée à la vente de véhicules automobiles.

Le bâtiment n° 1______, cadastré en tant que dépôt et autorisé à être démoli par autorisation M 3______ du 3 juillet 2012, servait de logement à plusieurs locataires.

Cette situation était susceptible de constituer une infraction à l'art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). M. A______ était invité à faire part de ses observations. Il ne s’est pas manifesté.

6) Par courriel du 17 septembre 2019, M. A______ a indiqué au département s'être rendu sur place et avoir constaté le vol de matériaux et d'outils lui appartenant dans le dépôt loué à la société D______ (ci-après : D______), ainsi que l'installation d'un lift. Il avait appris que le dépôt avait été sous-loué par un tiers, Monsieur E______, à Monsieur F______.

Dans un second courriel du même jour, il a expliqué la situation des locataires. Il avait déposé une plainte pénale portant sur des faux baux.

Il transmettait un constat d’huissiers de justice du 4 septembre 2019.

7) Par décision du 3 octobre 2019, le département a ordonné à M. A______, dans un délai de 90 jours, de :

- démolir un bâtiment/garage situé à l'ouest de la parcelle n° 6'745 ;

- évacuer tous les véhicules sans plaques d'immatriculation ;

- évacuer tous les déchets présents sur la parcelle ;

- évacuer et remettre en état le local sous-loué et utilisé comme garage ;

- faire parvenir un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état.

La sanction administrative ferait l'objet d'une décision séparée à l'issue du traitement du dossier d'infraction I-4______. Il pouvait tenter de régulariser la présence de l'une ou l'autre de ces installations/constructions par le dépôt d'une requête en autorisation de construire dans un délai de 30 jours.

8) Par courriel du 24 octobre 2019, M. A______ a exposé au département avoir contacté D______ pour l'avertir de la décision du département et de ce qu'elle devait quitter les lieux.

Le département lui a répondu le même jour qu'il ne relevait pas de sa compétence de lui prêter assistance pour cette évacuation.

9) Par décision du 24 janvier 2020, le département a relancé M. A______ au sujet de la remise en état ordonnée le 3 octobre 2019 et lui a imparti un nouveau délai de 15 jours pour lui fournir un reportage photographique.

Une amende administrative de CHF 500.- lui était infligée au motif de l'absence d'exécution de la décision du 3 octobre 2019.

10) Par courrier recommandé du 5 mars 2020, constatant que M. A______ n'avait donné aucune suite à sa décision du 3 octobre 2019, le département lui a infligé une nouvelle amende de CHF 1'000.- et lui a ordonné de fournir un reportage photographique ou tout élément attestant de la bonne exécution de son ordre dans un délai de 30 jours.

11) Le 25 mai 2020, toujours sans nouvelles de M. A______, le département l'a relancé et lui a infligé une troisième amende administrative de CHF 1'500.-, en lui impartissant parallèlement un délai de 15 jours pour se conformer à l'ordre de remise en conformité de la parcelle et lui transmettre la preuve de sa réalisation.

12) Par pli du 10 juin 2020, M. A______ a informé le département qu'il entendait recourir contre la décision du 25 mai 2020.

Le dépôt, déjà présent sur la parcelle quand il l'avait acquise, était occupé par D______, de sorte qu’il ne pouvait pas se conformer aux injonctions du département. Il comptait entreprendre une procédure judiciaire d'expulsion en s'appuyant sur les injonctions du département pour justifier la résiliation du bail. Cette situation le pénalisait, puisqu’il entendait construire huit immeubles de logements sur cette parcelle. Une nouvelle demande d'autorisation de construire serait déposée prochainement.

13) Le 16 décembre 2020, en l'absence de nouvelles de M. A______, le département – accompagné d'un représentant de la commune et de la police cantonale – a procédé à un nouveau constat sur place, reportage photographique à l’appui, relevant que rien n'avait été entrepris pour mettre en œuvre la décision du 3 octobre 2019.

Le bâtiment n° 1______ comptait treize chambres louées, dont certaines sans jour, avec une cuisine, une salle de bains et une buanderie communes, ce qui n'était pas conforme à son affectation de dépôt.

14) Par décision du 22 décembre 2020, le département a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 20'000.- et a ordonnée à nouveau la remise en état de la parcelle, de manière identique à la décision du 3 octobre 2019, dans un délai de 30 jours. Le montant de cette amende prenait en compte son absence de collaboration active, l'ancienneté de l'infraction, le fait accompli devant lequel le département avait été mis, son attitude répétée à ne pas vouloir se conformer aux ordres du département ainsi que la gravité tant objective que subjective de l'infraction commise.

En outre, il lui était fait interdiction d'utiliser les locaux du bâtiment n° 1______ à des fins de logements. Cette situation était susceptible de constituer des infractions à l'art. 1 LCI et au Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

15) Faisant usage de son droit d’être entendu le 31 décembre 2020, M. A______ a indiqué avoir résilié depuis plusieurs années les baux conclus par son ancien gérant, Monsieur G______, à l'encontre duquel il avait déposé une plainte pénale en 2016, sans succès. Il n'avait pas entrepris de construction depuis l'acquisition de la parcelle n° 6'745 et les parcelles nos 5'057 et 5'059 ne comptaient aucun bâtiment.

16) Par décision du 12 février 2021, le département a fait interdiction à M. A______ d'utiliser les logements construits sans autorisation dans le bâtiment n° 1______, pour des raisons de sécurité et de salubrité. Cette décision, déclarée exécutoire nonobstant recours, n’a pas été contestée.

17) Par décision du 12 mars 2021, après avoir constaté l'absence de remise en conformité au droit de la parcelle, malgré les nombreux rappels et délais accordés, le département a infligé à M. A______ une amende de CHF 30'000.-.

Un nouveau délai de 30 jours lui était imparti pour procéder à la remise en état.

Il lui était intimé l'ordre de procéder à la démolition des logements aménagés dans le bâtiment n° 1______.

18) Le 24 mars 2021, M. A______ a sollicité la reconsidération de la décision du 12 mars 2021, au motif qu'il avait tout entrepris pour régulariser la situation.

D______, selon le procès-verbal de conciliation de la commission de conciliation en matière de baux et loyers du 5 octobre 2020, s'était engagée à restituer les locaux le 6 septembre 2021, le loyer mensuel fixé à CHF 200.- restant dû.

Les deux contrats conclus avec H______ (ci-après : H______) avaient été résiliés en 2017, sans que celle-ci n'ait quitté les locaux. Deux requêtes en évacuation avaient été déposées le 25 février 2021. Ces requêtes précisaient qu'en date du 1er juin 2016, deux contrats de bail pour la location d'un garage et un jardin pour usage personnel pour un loyer mensuel de CHF 900.- avaient été conclus. Lesdits contrats mentionnaient par erreur M. G______ comme bailleur, alors que celui-ci était le représentant de M. A______ dans le cadre de la gestion de baux identiques à ceux signés avec cette société. Ces contrats, venus à échéance le 1er juillet 2019, étaient reconductibles tacitement. Ils avaient été dénoncés par avis de résiliation de bail du 29 juin 2020 en raison du projet de construction en cours. H______ n’avait pas évacué les locaux dans le délai imparti au 30 septembre 2020.

Un contrat de bail avait été signé avec Messieurs I______ et J______ le 1er juin 2016 et une requête en évacuation déposée le 25 février 2021. Cette requête précisait que MM. I______ et J______ avaient signé un contrat de bail à loyer pour la location d'un dépôt-garage et jardin pour un loyer mensuel de CHF 900.- et comportait la même erreur de désignation du bailleur. Ce bail, arrivé à échéance le 31 juillet 2019, était reconductible tacitement. Il avait été dénoncé le 29 juin 2020 en raison du projet de construction, avec délai au 30 septembre 2020 pour évacuer les locaux. Le 7 septembre 2019, les locataires s'étaient opposés à l'avis de résiliation du bail.

K______ (ci-après : K______) avait intenté une action en réduction de loyer, ce qui empêchait M. A______ d'agir à son encontre.

Le bureau d'architectes L______ (ci-après : L______) était chargé du dépôt d’une demande définitive d'autorisation de construire. Dès que cette autorisation serait délivrée, les locataires des logements dans le bâtiment n° 1______ seraient sommés de les quitter. Deux procédures avaient été intentées depuis 2016 contre deux locataires pour non-paiement du loyer.

19) Par décision du 9 avril 2021, le département a refusé de reconsidérer sa décision du 12 mars 2021, celle-ci n'étant pas encore entrée en force.

20) Par jugement du 15 avril 2021, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : TBL) a ordonné l’évacuation de Madame M______ et Monsieur N______, logeant au 1er étage du bâtiment de M. A______ comprenant les locaux commerciaux. Par arrêt du 6 septembre 2021, la Cour de justice a confirmé ce jugement. Par arrêt du 14 octobre 2021, Tribunal fédéral a rejeté le recours de ces occupants contre la décision de la Cour de justice.

21) Par décision du 14 mai 2021, constatant que M. A______ n'avait donné aucune suite aux précédentes sanctions, le département lui a infligé une nouvelle amende de CHF 50'000.-. Ce montant prenait en compte l’absence de conformation aux ordres du département des 3 octobre 2019, 24 janvier, 27 février, 22 mai et 22 décembre 2020 ainsi que du 12 mars 2021. Les preuves d'exécution demandées ne lui étaient toujours pas parvenues. Un nouveau délai de 30 jours pour se conformer à l'ordre de remise en état et en apporter la preuve était imparti.

22) Par pli du 16 juin 2021, M. A______ a indiqué au département avoir pris toutes les mesures utiles pour requérir l'évacuation des locataires installés illégalement. Une requête en autorisation de construire serait prochainement déposée. Il sollicitait du département l'autorisation de trouver un accord judiciaire avec ses locataires pour qu'ils puissent demeurer dans les locaux jusqu'à l'entrée en force de l'autorisation de construire.

23) Par courriel du 17 août 2021, M. A______ a transmis au département des citations à comparaître aux audiences de débats concernant l'évacuation de H______, en liquidation, et de MM. I______ et J______, divers documents bancaires, ainsi qu'un courrier du Ministère public du 19 septembre 2017, indiquant que M. G______, qui était introuvable, faisait l'objet d'un avis de recherche et d'arrestation depuis le 9 juin 2017.

24) Par décision du 10 septembre 2021, le département a infligé à M. A______ une amende de CHF 75'000.-. Malgré les nombreuses relances et sanctions déjà prononcées, il ne s'était jamais conformé à ses ordres. Face à son refus manifeste de le faire, il lui était ordonné de se soumettre aux décisions des 31 mai 2019 et 5 juin 2020, sous la menace de l'art. 292 CP.

25) Par courrier du 15 septembre 2021, L______ a informé le département avoir été mandatée en 2020 par M. A______ pour la réalisation d'un habitat villageois de 24 logements avec parking souterrain. L'objectif était de déposer une demande d'autorisation de construire pour la fin du mois d'octobre 2021, le projet ayant pris du retard en raison du refus d'obtempérer des occupants.

26) Selon les procès-verbaux des audiences débats par devant le TBL du 16 septembre 2021, MM. I______ et J______ ainsi que la société H______ se sont engagés à évacuer les locaux dans un délai au 31 octobre 2021, M. A______ étant autorisé à recourir à la force publique à compter du 1er novembre 2021.

27) En date du 8 octobre 2021, M. A______ n'ayant ni effectué la remise en état de la parcelle ni payé ses amendes, le département a obtenu l'inscription de deux hypothèques légales en application de l'art. 142 LCI, aux montants de CHF 20'000.- et CHF 30'000.-.

28) Par acte du 12 octobre 2021, M. A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du 10 septembre 2021. À titre préalable, il sollicitait l'octroi de l'effet suspensif. À titre principal, il a conclu à l'annulation de cette décision.

Il contestait l'amende. Aucune circonstance aggravante ne pouvait lui être reprochée et il devait faire face à une situation compliquée, compte tenu des agissements déloyaux de son ancien homme de confiance et de la difficulté notoire d'évacuer des locataires récalcitrants. Il comptait déposer une demande de reconsidération afin de démontrer que les circonstances s'étaient modifiées par rapport à chacune des décisions prises à son encontre.

Dans tous les cas, le montant de l'amende de CHF 75'000.- était disproportionné, compte tenu de la situation et du fait qu'il avait déjà reçu plusieurs amendes pour les mêmes faits, pour un montant total d'approximativement CHF 90'000.-.

29) Le 14 décembre 2021, le département a conclu au rejet du recours.

Les ordres de remise en état et les précédentes amendes administratives, entrés en force, ne pouvaient plus être remis en cause.

M. A______ n'avait pas donné suite aux ordres de remise en état, malgré les nombreuses mesures d'exécution prononcées et la gradation des amendes. L’occupation de la parcelle en cause par des tiers ne le dispensait pas, en tant que propriétaire, d'entreprendre toutes les démarches en temps utiles pour s'y conformer et d'informer le département de l'évolution de la situation, preuves à l'appui.

Depuis le début de la procédure d'infraction, outre le fait qu'il n'avait informé le département que de ses intentions, sans preuves à l'appui, il avait donné presque systématiquement des réponse tardives et lacunaires, notamment sur les procédures civiles initiées et leur avancement. Il n'avait donc pas usé de toute la diligence et de la célérité requises, alors qu'il se savait en infraction depuis plusieurs années et qu'un ordre de remise en état avait été prononcé plus de deux ans auparavant. Un comportement diligent lui aurait permis d’être déjà en possession de jugements permettant d'ordonner l'évacuation des locataires.

La demande d'autorisation de construire des logements annoncée n'était toujours pas déposée et de plus ne portait pas sur la régularisation de l'infraction à l'origine des ordres de remise en état. Le département avait estimé au début du mois de septembre 2021 que la procédure de remise en état devait suivre son cours. Les propos de M. A______ étaient une nouvelle manœuvre dilatoire. Le département n'avait eu d'autre choix que de l'amender à nouveau, le statu quo devenant intolérable.

Le montant de l'amende tenait compte d’une septième récidive, d’une obstination à ne pas respecter les ordres prononcés depuis plus de deux ans.

30) Le 28 janvier 2022, M. A______ a sollicité du TAPI l'autorisation de produire à l'audience de comparution des parties un état actualisé des procédures judiciaires en cours contre ses locataires et occupants illicite des locaux ainsi qu'un état actualisé de la demande d'autorisation de construire. Il sollicitait également l'audition de Monsieur O______, chef de service de l'inspection de la construction et a produit un bordereau de pièces.

Il avait entrepris avec diligence toutes les mesures judiciaires utiles pour que les locataires des locaux commerciaux litigieux soient finalement évacués et avait régulièrement tenu M. O______ au courant de l'état des procédures en cours et du projet immobilier envisagé, dont le dépôt de demande d'autorisation de construire était prévu pour mi-février 2022.

Il était notoire que les procédures d'évacuation étaient difficiles pour les propriétaires/bailleurs. Trois locataires avaient accepté d'évacuer les locaux pour la fin octobre 2021. Deux autres locataires s'étaient abusivement opposés à leur évacuation, les deux affaires étant pendantes devant la Cour de justice. Une autre locataire, dont l'évacuation avait été confirmée par le Tribunal fédéral, avait autorisé un inconnu à occuper la chambre précédemment louée. Un locataire avait produit un faux bail pour induire le TBL en erreur, ce qui l'avait obligé à intenter une nouvelle procédure. Trois occupants des chambres devaient évacuer les lieux à la fin du mois de février 2022. Trois autres occupants au bénéfice de l'aide sociale devaient quitter les locaux très rapidement.

31) Le 21 février 2022, le département s’est opposé aux actes d’enquête sollicités. L’absence de contestation des précédentes amendes démontrait une reconnaissance des fautes commises. La nouvelle amende portait sur la période entre le 14 mai 2021 et les 30 jours suivant sa réception. Or, dans son courrier du 16 juin 2021, M. A______ s'était limité à informer le département du prochain dépôt d'une requête en autorisation de construire, information sans pertinence et au demeurant non concrétisée dans l'intervalle. Les procédures civiles y mentionnées n'étaient aucunement documentées. Une nouvelle sanction était donc justifiée. Ces éléments pris dans leur ensemble démontraient clairement l'utilisation de manœuvres dilatoires, ce que le département ne pouvait tolérer.

M. A______ établissait enfin un avancement effectif desdites procédures, raison pour laquelle le département n'avait pas prononcé de nouvelle sanction depuis le dépôt du recours.

32) Le 29 juillet 2022, M. A______ a déposé une requête en autorisation de construire portant sur la construction de deux immeubles villageois HPE de 24 logements PPE, enregistrée sous la référence DD 4______.

33) Lors d’une audience devant le TAPI le 28 septembre 2022 :

a. M. A______ ne s’est pas présenté, se prévalant d’un problème personnel majeur. Son conseil a déposé un chargé de pièces complémentaires relatif à l'état des procédures civiles en cours. Il ignorait les raisons pour lesquelles les amendes précédentes n’avaient pas été contestées. Il supposait que son client espérait trouver une solution en dialoguant avec le département. Lors d'une réunion avec le département courant 2022, l'état des procédures civiles en cours avait été exposé très précisément, de même que l'évolution du projet de construction.

Tous les occupants avaient été évacués, à l’exception de K______, contre laquelle une procédure d'évacuation était en cours, et d'un occupant d'une chambre. L’homme de confiance de M. A______ avait outrepassé ses pouvoirs, ce qui avait conduit à sa condamnation pénale.

Il ignorait jusqu'à quand les loyers avaient été perçus par son client, au demeurant dérisoires pour les logements illicites.

b. Les représentants du département, dont M. O______, ont expliqué que l'amende litigieuse avait été prononcée au vu du manque de communication quant à l'évolution de la situation illicite de la parcelle. Ils apprenaient que les procédures civiles avaient évolué, soit précisément le type d'informations attendu de M. A______. Le 17 août 2021, ce dernier avait transmis des éléments relatifs aux procédures d'évacuation dirigées contre les entreprises commerciales, mais rien concernant l'évacuation des particuliers. Il n'avait commencé à réagir qu'à partir de l'amende de CHF 50'000.- du 14 mai 2021. Aucune des amendes n'avait été payée.

c. Le conseil de M. A______ a rappelé les discussions avec M. O______, précisant que lui-même s'occupait de la partie de la parcelle constituée d'un corps de ferme occupée par des entreprises et par certaines personnes à titre d'habitation, mais pas du volet relatif aux treize chambres louées à des particuliers sur une autre partie de la parcelle. À sa connaissance, aucune procédure judiciaire n'avait été initiée à leur encontre et tous étaient partis de leur plein gré, à l'exception d'un locataire qui rencontrait des difficultés à se reloger. À son souvenir, le recourant avait évoqué avec M. O______ l'avancement de la situation de ces chambres.

M. O______ a indiqué qu'il n'avait aucun souvenir que la problématique de l'occupation des chambres aurait fait l'objet d'une telle discussion.

34) Le TAPI a, par jugement du 12 octobre 2022, partiellement admis le recours et ramené l’amende à CHF 60'000.-. Il a mis un émolument de CHF 1'200.- à la charge de M. A______, dès lors qu'il n'obtenait que partiellement gain de cause et lui a alloué une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'autorité intimée.

Les décisions des 3 octobre 2019 et 22 décembre 2020 imposant la remise en état de la parcelle ainsi que les amendes administratives des 24 janvier 2020 (CHF 500.-), 5 mars 2020 (CHF 1'000.-), 25 mai 2020 (CHF 1'500.-), 22 décembre 2020 (CHF 20'000.-), 12 mars 2021 (CHF 30'000.-) et 14 mai 2021 (CHF 50'000.-), étant en force, l’examen était limité à l’amende de CHF 75'000.- infligée le 10 septembre 2021, en raison du non-respect des nombreuses injonctions du département dans les délais impartis.

À la suite de la décision du 14 mai 2021 précitée, impartissant aussi à M. A______ un nouveau délai de 30 jours pour se conformer à l'ordre de remise en état et apporter la preuve de sa réalisation, celui-ci avait transmis au département, le 17 août 2021, la copie de plusieurs citations à comparaître aux audiences devant le TBL concernant l'évacuation des sociétés commerciales et de certains particuliers louant des locaux d'habitation sur sa parcelle. En revanche, il n'avait remis aucune information relative à l'avancement de la situation des treize chambres louées illégalement dans le bâtiment n° 1______ avant sa réplique. S’y ajoutait que selon les attestations produites avec la réplique, les locataires concernés n'étaient prêts à quitter les chambres qu'à la condition que l'Hospice général leur trouve un logement d'urgence. De telles attestations n’étaient dès lors pas propres à démontrer leur départ effectif à une date précise.

Dans ces circonstances, sur la base des éléments en possession du département au moment du prononcé de la décision querellée, celui-ci pouvait raisonnablement partir du principe que la situation des locataires des treize chambres n'avait pas évolué, contrairement à celle des autres locataires. Le simple fait que le dernier ordre de remise en état n'ait été que partiellement suivi d'effet depuis le prononcé de la précédente amende suffisait déjà à réaliser l'infraction prévue à l'art. 137 al. 1 let. c LCI. Il ne s'agissait dès lors pas de sanctionner à nouveau les mêmes faits mais au contraire de sanctionner une septième récidive. L'amende litigieuse était donc fondée dans son principe, étant relevé que bien qu'assisté d'un avocat depuis le début, M. A______ n'avait jamais requis de délais supplémentaires pour pouvoir exécuter l'ordre de remise en état.

En sa qualité de propriétaire de la parcelle en question, représenté par un mandataire, M. A______ ne pouvait ignorer qu'il enfreignait la loi en ne donnant pas suite aux ordres de remise en état. Malgré les huit ordres de remise en état et les six amendes, il ne s'était pas entièrement conformé à ces ordres au moment du prononcé de l'amende entreprise. Partant, c'était à juste titre que le département avait retenu une récidive.

Les infractions étaient objectivement graves, les intérêts publics protégés relevant en l'espèce à la fois de la police des constructions et de la protection de la santé publique.

M. A______ n'avait commencé à transmettre au département des informations relatives aux différentes procédures d'évacuation – qui ne concernaient que les locataires des locaux commerciaux et de quelques chambres situées au-dessus – que suite à la décision du 12 mars 2021. Dans son courrier du 24 mars 2021, il avait expressément indiqué que dès que l'autorisation de construire serait délivrée, il sommerait les locataires des chambres de quitter les lieux, ce qui permettait de penser qu’il ne projetait ainsi pas d'entamer de procédure dans ce sens avant la délivrance de l'autorisation de construire portant sur son projet immobilier. Dans son courrier du 16 juin 2021, soit après l'entrée en force de la décision du 14 mai 2021, il avait proposé au département de tolérer la présence des locataires en attendant l'entrée en force de l'autorisation de construire qu'il avait finalement sollicitée le 29 juillet 2022, et ce, malgré les nombreux courriers reçus et amendes administratives précédemment infligées, ce qui contribuait à démontrer son absence de considération pour les injonctions du département et la législation applicable.

Quand bien même son ancien homme de confiance aurait été condamné pénalement, M. A______ était pleinement conscient de l'établissement des baux, ce qu'attestait notamment son courrier de dénonciation du 25 novembre 2016, dans lequel il indiquait que les locaux étaient loués temporairement dans l'attente de l'entrée en force de l'autorisation de construire définitive concernant son projet immobilier. Par ailleurs, selon les explications de son représentant lors de l'audience du 28 septembre 2022, il avait de toute évidence perçu des loyers pour toutes ces locations illicites. Il ressortait notamment des requêtes en évacuation des 25 février 2021 qu’il avait attendu le 29 juin 2020 pour entamer les premières résiliations des baux illicites, soit près de quatre ans après sa dénonciation au département et près de neuf mois après l'ordre de remise en état du 3 octobre 2019. Son manque de diligence et de célérité était ainsi indéniable.

Sa faute apparaissait donc particulièrement lourde compte tenu de sa persistance à ignorer les injonctions du département (art. 137 al. 3 LCI) et de son manque de collaboration, ce d'autant plus qu'il était actif professionnellement dans l'immobilier.

Cela étant, il devait être tenu compte de la remise au département le 17 août 2021 d’un état actualisé des procédures d'évacuation en cours, dont il ressortait que la situation avait évolué dans le sens souhaité par le département. Il avait ainsi établi que les procédures judiciaires déjà engagées – et annoncées dans son courrier du 24 mars 2021 – avaient suivi leur cours depuis le prononcé de la décision du 14 mai 2021. Il ne pouvait donc être retenu qu’il ne s’était pas du tout conformé aux ordres du département, comme l'indiquait à tort la décision litigieuse. S’il pouvait lui être fait grief de ne pas avoir démontré les démarches entreprises en lien avec l'évacuation des treize chambres louées, l'écoulement du temps associé au déroulement ordinaire de la procédure contentieuse en matière de baux et loyers ne pouvait en revanche pas lui être reproché.

Le département avait donc abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant le montant de l'amende à CHF 75'000.-. Le montant de CHF 60'000.- tenait mieux compte de l'ensemble des circonstances utiles tout en sanctionnant de manière proportionnée la faute du recourant.

35) M. A______ a formé recours contre ce jugement par acte déposé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 17 novembre 2022. Il a conclu à l’annulation dudit jugement et, cela fait, à celle de la décision du département du 10 septembre 2021, subsidiairement à la réduction de l’amende au montant de CHF 10'000.-, plus subsidiairement à une réduction de l’amende plus substantielle que celle décidée par le TAPI.

L’amende était totalement infondée dans son principe et dans sa quotité.

Le fait d’entamer des procédures judiciaires contre les locataires en juin 2020 ne pouvait lui être reproché, compte tenu de la procédure pénale en cours. Il s’était rendu compte dans le courant de l’année 2016 que son homme de confiance avait signé des baux commerciaux de longue durée avec des loyers anormalement bas. Celui-ci avait été condamné par jugement du Tribunal correctionnel du 18 décembre 2020 pour abus de confiance. Il avait suspendu les procédures contre les locataires aussi longtemps que la procédure pénale était pendante. Il convenait en effet de faire toute la lumière sur les circonstances dans lesquelles les baux en question avaient été signés et sur une éventuelle complicité des locataires concernés. Il n’y avait pas lieu de résilier des baux qui pouvaient constituer des faux dans les titres. Toutes les mesures judiciaires avaient été prises pour résilier les baux et pour faire évacuer les locataires une fois la procédure pénale achevée. Sur les treize chambres, une seule n’était pas évacuée, son occupant n’ayant toujours pas trouvé de solution de relogement. Seul le local commercial occupé par K______ n’était pas libéré. Il devrait disposer des lieux dans le courant de l’année 2023 et mettre ainsi à exécution les mesures requises par le département.

Il ne pouvait lui être reproché une récidive, dans la mesure où il lui était impossible de se conformer à l’ordre de remise en état aussi longtemps que les locataires n’avaient pas tous quitté les locaux.

Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, il avait régulièrement informé le département que les locaux étaient loués dans des circonstances indépendantes de sa volonté. Il avait fait preuve d’une totale transparence et avait fourni au département toutes les informations demandées.

On ne voyait pas quelles circonstances aggravantes pouvaient être retenues à son encontre. Dans tous les cas le montant de l’amende de CHF 60'000.- était totalement disproportionné, compte tenu de la situation et des autres amendes infligées pour le même motif, totalisant CHF 90'000.- « sauf erreur ou omission ».

36) Le département a conclu, le 19 décembre 2022, au rejet du recours.

C’était à juste titre que le TAPI avait retenu que M. A______ avait attendu le 29 juin 2020 pour commencer à agir, soit près de quatre ans après sa dénonciation au département et près de neuf mois après le prononcé de l’ordre de remise en état, et partant avaient considéré que son manque de diligence et de célérité était indéniable.

S’agissant du montant de l’amende, le département faisait siennes les considérations du jugement entrepris contre lequel il n’avait, par gain de paix, pas recouru. Il ne faudrait toutefois pas le réduire davantage, sauf à craindre que son effet préventif ne disparaisse. Au vu de l’obstination de M. A______ à ne pas respecter les ordres du département durant plusieurs années et de son absence de considération pour l’autorité intimée et la législation applicable, seule une amende élevée était apte à faire progresser la situation et l’avait enfin poussé à se conformer petit à petit aux ordres. La dernière amende en force étant de CHF 50'000.-, au vu de la récidive, seul un montant plus élevé était fondé, de sorte que le montant de CHF 60'000.- apparaissait être un minimum, également au regard des loyers perçus, de la situation illicite ainsi que de la capacité financière de M. A______ qui au surplus n’indiquait pas qu’il n’était pas en mesure de la payer.

37) Au terme de sa réplique du 2 février 2023, M. A______ est revenu sur la procédure pénale initiée contre son homme de confiance, insistant aussi sur le fait que l’ordre de remise en état ne pouvait être suivi d’effets aussi longtemps que les locataires n’avaient pas été évacués. Il insistait aussi sur le fait qu’il avait toujours fait preuve de transparence à l’égard du département, notamment à l’occasion de deux visioconférences tenues à son initiative afin d’exposer l’évolution des procédures judiciaires. Sa volonté de transparence était attestée par ses courriers des 10 juin et 31 décembre 2020. Il n’avait nullement agi par cupidité et s’était au contraire retrouvé dans une véritable impasse, dans la mesure où l’instruction de sa plainte avait duré quatre ans et où il lui était impossible de remettre la parcelle en état aussi longtemps que les locataires étaient sur place.

Il fustigeait l’acharnement dont il avait été victime de la part du département alors même qu’il se trouvait confronté à une situation qui lui causait un préjudice considérable. À titre d’exemple, la P______ (ci-après : P______) avait dénoncé, le 9 juillet 2020, le prêt hypothécaire – de CHF 4'231'810.- à teneur du document produit –, dans la mesure où il n’était plus en capacité de s’acquitter des amortissements convenus. C’était de manière erronée que le département n’avait eu de cesse de l’accuser de vouloir s’enrichir par l’encaissement des loyers, alors même que la plupart des locataires ne s’en acquittaient plus depuis fort longtemps.

38) Les parties ont été informées, le 3 février 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI du 12 octobre 2022 qui a ramené à CHF 60'000.- l’amende infligée au recourant.

Ce dernier conteste tant le principe que le montant de l’amende.

a. Selon l'art. 131 LCI, les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI. Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

b. Aux termes de l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de ladite loi, ainsi qu'aux ordres donnés par le département dans les limites de ladite loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (al. 1). Le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (al. 3). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par 7 ans (al. 5).

c. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 7b).

d. En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 consid. 5c et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

e. Selon la jurisprudence, le principe ne bis in idem est un corollaire de l'autorité de chose jugée, appartenant avant tout au droit pénal fédéral matériel. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_539/2020 du 28 décembre 2020 consid. 4.1 ; 2C_226/2018 du 9 juillet 2018 consid. 5.1). La référence à ce principe n'est d'aucune pertinence lorsque le recourant n'a pas subi deux sanctions disciplinaires à raison des mêmes faits (arrêt du Tribunal fédéral 2P.56/2004 du 4 novembre 2004 consid. 3.6), mais l'est dans le cas contraire (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., n. 1206).

f. S'agissant de la quotité de l'amende, la jurisprudence de la chambre de céans précise que le département jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour en fixer le montant. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 8a et les arrêts cités).

3) En l’espèce, le raisonnement fouillé du TAPI ne prête pas le flanc à la critique.

C’est ainsi à juste titre que cette instance a circonscrit le litige à la seule question de l’amende infligée le 10 septembre 2021, en raison du non-respect des nombreuses injonctions prononcées par le département, dans les délais impartis, et de l’absence de démonstration par le recourant d’avoir entrepris les démarches utiles afin de remettre la parcelle en état.

Le recourant n’a en particulier nullement donné la suite attendue à la décision du 14 mai 2021 laquelle, outre lui infliger une amende de CHF 50'000.-, lui impartissait un nouveau délai de 30 jours pour se conformer à l'ordre de remise en état et apporter la preuve de sa réalisation. C’est en effet près de deux mois après ce délai de 30 jours que le recourant a, par pli du 17 août 2021, transmis au département la copie de plusieurs citations à comparaître aux audiences de débats concernant l'évacuation des sociétés commerciales et de certains particuliers louant des locaux d'habitation sur la parcelle litigieuse. Il ne remet pas en cause devant la chambre de céans le constat du TAPI selon lequel il n'a remis aucune information relative à l'avancement de la situation des treize chambres louées illégalement dans le bâtiment n° 1______ entre la décision du 14 mai 2021, lui infligeant une amende de CHF 50'000.- et lui fixant un nouveau délai de 30 jours pour remettre cette parcelle en état, et celle du 10 septembre 2021. Ce n'est ainsi qu'au stade de sa réplique devant le TAPI qu’il a permis au département de prendre connaissance des informations utiles relatives à l'avancement de l'évacuation de ces chambres, dont certaines n’étaient toujours pas vides de leurs occupants. Ainsi, le département, au moment du prononcé de l’amende litigieuse, pouvait raisonnablement partir du principe que la situation des locataires des treize chambres n'avait pas évolué, contrairement à celle des occupants d’autres locaux de type commercial, pour lesquels le recourant lui a petit à petit transmis des informations.

C’est donc à raison que le TAPI a retenu que le simple fait que le dernier ordre de remise en état n'ait été que partiellement suivi d'effet depuis le prononcé de la précédente amende, du 14 mai 2021, suffisait déjà à réaliser l'infraction prévue à l'art. 137 al. 1 let. c LCI. Il sera rappelé que cette amende fait suite au constat du département du 21 août 2017 de la présence sur la parcelle du recourant de plusieurs constructions et installations érigées sans autorisation, à savoir des portails, clôtures, deux hangars non cadastrés, une terrasse en gravier, des parkings et une « baraque », occupés par plusieurs véhicules non-immatriculés en vue de vente ou de réparation et du fait que l’ancien corps de ferme, cadastré en tant que dépôt, dont la démolition avait été autorisée le 3 juillet 2012, servait de logement à plusieurs locataires. Le 3 octobre 2019, le département a imparti au recourant un délai de 90 jours pour démolir le « bâtiment/garage », évacuer tous les véhicules sans plaques d’immatriculation, tous les déchets, de même que le local utilisé comme garage. La sanction administrative était réservée. Le recourant pouvait tenter de régulariser l’une ou l’autre des installations par le dépôt d’une requête en autorisation dans un délai de 30 jours. Pour seule réponse à cet ordre de remise en état, le recourant a exposé le 24 octobre 2019 avoir contacté une société en lui demandant de quitter les lieux. Cette inertie a conduit le département à rendre, le 24 janvier 2020, une décision au terme de laquelle il a imparti un nouveau délai de 15 jours au recourant pour lui fournir un reportage photographique attestant de la remise en état ordonnée et lui infligeant une première amende de CHF 500.-. Le recourant n’ayant, le 5 mars 2020, toujours donné aucune suite à la décision du 3 octobre 2019, s’est vu infliger une seconde amende de CHF 1'000.-, couplée à la même exigence d’attester de l’exécution de l’ordre de remise en état dans un délai de 30 jours. Une troisième amende, de CHF 1'500.-, lui a été infligée le 25 mai 2020, faute de toute réaction, un nouveau délai de 15 jours lui étant imparti pour se conformer à l’ordre de remise en état. S’en sont suivies les amendes infligées les 22 décembre 2020 (CHF 20'000.-), 12 mars 2021 (CHF 30'000.-) et 14 mai 2021 (CHF 50'000.-).

L’amende querellée sanctionne ainsi la septième récidive du recourant de ne pas s'être conformé pleinement aux injonctions du département.

Le recourant, en sa qualité de propriétaire de la parcelle en question, représenté par un mandataire, ne pouvait ignorer qu'il enfreignait la loi en ne donnant pas suite à l’ordre, respectivement aux rappels d’ordres successifs, de remise en état, respectivement à l’ordre de démolition des logements du 12 mars 2021, prononcés à son encontre. Il faut à nouveau suivre le TAPI lorsqu’il a retenu que malgré huit ordres de remise en état et six amendes, le recourant ne s'était toujours pas entièrement conformé aux injonctions du département lors du prononcé de l'amende entreprise.

Devant la chambre céans, le recourant cherche encore à justifier son comportement par le temps nécessaire à l’évacuation des locaux commerciaux et d’habitation de leurs occupants, procédures qui n’auraient pu commencer qu’en juin 2020, à l’issue de la procédure pénale initiée en 2016 contre son ancien homme de confiance. Il ne saurait être suivi.

Là encore, le TAPI a pris en considération les éléments pertinents du dossier établissant que le recourant n'a commencé à transmettre au département des informations relatives aux différentes procédures d'évacuation, s’agissant uniquement des locaux commerciaux et de quelques chambres situées à l'étage au-dessus de ceux-ci, que suite au prononcé de la décision du 12 mars 2021. Dans son courrier du 24 mars 2021, il a indiqué au département qu’il ne sommerait les locataires de quitter leurs chambres que dès que l'autorisation de construire serait délivrée, ce qui démontre qu’il n’entendait pas entamer de procédure particulière à leur encontre avant la délivrance d’une telle autorisation de construire. Autrement dit, il s’accommodait alors fort bien d’une situation jugée illicite par le département qui, pour rappel, le 12 mars 2021, a ordonné la démolition de ces logements et auparavant, le 12 février 2021, l’interdiction de les utiliser pour des raisons de sécurité et de salubrité. Dans son courrier du 16 juin 2021, soit après l'entrée en force de la décision du 14 mai 2021 précitée, il n’a pas hésité à proposer au département de tolérer la présence des locataires en attendant l'entrée en force de l'autorisation de construire qu'il n’a en définitive sollicitée que le 29 juillet 2022. En définitive, ces éléments ne sont nullement des justifications à un comportement fautif, mais au contraire la démonstration que le recourant ne fait aucun cas ni des injonctions du département ni de la législation applicable.

Le temps nécessaire à l’évacuation des divers occupants de la parcelle, au terme de procédures dont il est notoire qu’elles peuvent s’avérer longues et complexes, ne remet pas en cause l’absence de diligence du recourant. En effet, ce dernier a attendu le 29 juin 2020 pour entamer les premières résiliations des baux portant sur un dépôt aménagé en treize chambres en violation de la loi, soit près de quatre ans après son auto-dénonciation au département et près de neuf mois après le prononcé de l'ordre de remise en état du 3 octobre 2019.

Le principe d’une sanction est donc fondé.

Quant au montant de l’amende, de CHF 60'000.-, tel que réduit par le TAPI, il tient compte de la gravité des infractions commises par le recourant et des intérêts publics protégés relevant en l'espèce à la fois de la police des constructions et de la protection de la santé publique, s’agissant en particulier des treize chambres aménagées dans un ancien hangar, dont certaines sans jours. Il tient en outre compte de sa persistance à ignorer les injonctions du département (art. 137 al. 3 LCI) et de son manque de collaboration. À cet égard, il est pour le moins malvenu de soutenir qu’il aurait fait preuve d’une totale transparence à l’égard du département. Il apparait davantage à la lecture du dossier qu’il a cherché à temporiser, en restant muet face aux demandes du département, puis en ne livrant des informations qu’au compte-gouttes et sous la pression des décisions rendues à son encontre, ou encore en annonçant dès 2016 le dépôt d’une autorisation de construire des logements qui n’est finalement intervenu qu’en juillet 2022. Un tel comportement est d’autant plus problématique qu’il est actif professionnellement dans l'immobilier. À cet égard, il n’établit pas la tenue, à des dates au demeurant non précisées, de deux visioconférences avec le chef de service de l'inspection de la construction au cours desquels il aurait donné des précisions sur les procédure d’évacuation en cours. Ce dernier a indiqué devant le TAPI n’avoir aucun souvenir de telles discussions.

Pour le surplus, le TAPI a réduit l’amende initiale de CHF 75'000.- aux motifs que le recourant a – finalement – remis au département, le 17 août 2021 des documents en lien avec l’avancement des procédures judiciaires déjà engagées – et annoncées dans son courrier du 24 mars 2021 – lesquelles avaient suivi leur cours depuis le prononcé de la décision du 14 mai 2021. Il ne pouvait donc être dit qu’il ne se serait pas du tout conformé aux ordres du département, comme retenu dans la décision litigieuse. « À cet égard, s'il peut effectivement lui être fait grief de ne pas avoir démontré les démarches utiles entreprises liées à l'évacuation des treize chambres louées, l'écoulement du temps associé au déroulement ordinaire de la procédure contentieuse en matière de baux et loyers ne peut en revanche pas lui être reproché ».

Le montant de l’amende, ramené à CHF 60'000.- par le TAPI, se situe en-deçà de la moitié de la fourchette autorisée par la loi, à savoir dans le cas présent un plafond de CHF 150'000.-. Ce montant se justifie toutefois par la faute du recourant, importante, qui ne pouvait ignorer les dispositions applicables du fait de son domaine d'activités. Cette amende fait suite à six précédentes, dont la dernière au montant de CHF 50'000.-, qui n’ont nullement amené le recourant à déférer aux injonctions du département, ni à tout le moins à transmettre à ce dernier des explications, pièces à l’appui, sur les difficultés qu’il aurait pu rencontrer pour la remise en état de la parcelle telle qu’ordonnée.

Ainsi, le montant de l'amende est apte à atteindre le but d'intérêt public poursuivi quant au respect des règles établies en matière d'aménagement du territoire et des constructions. Il est également nécessaire, car il n'y a pas de mesure moins incisive qui permettrait d'atteindre le même but, le recourant persistant par ailleurs à chercher, en vain, à justifier ses carences.

Le montant de CHF 60’000.- tient compte des circonstances du cas d'espèce, de la gravité de l'infraction et des précédentes amendes demeurées sans suite. Il n'apparaît pas disproportionné eu égard au montant maximum qui aurait pu être prononcé. Dans la mesure où il sanctionne un nouveau comportement, il doit effectivement s’ajouter aux amendes prononcées précédemment et entrées en force. Pour le surplus, le recourant se prévaut pour la première fois devant la chambre de céans d’un « préjudice considérable », produisant à cet effet un seul document de la P______ du 9 juillet 2020, soit datant de plus de deux ans et demi, dénonçant un prêt hypothécaire de plus de CHF 4'000'000.- en lien avec les parcelles de C______ à B______, dont la parcelle litigieuse. Ce document ne suffit toutefois pas à retenir que le recourant se trouverait actuellement face à des difficultés financières s’il devait s’acquitter de l’amende.

Dans la mesure où le département n’a pas fait recours contre le jugement du TAPI, il doit être retenu que le montant de l’amende, réduit à CHF 60'000.-, ne consacre ni une violation du droit, ni un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 novembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Laurent Strawson, avocat du recourant, au département du territoire-oac, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :