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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/761/2024

JTAPI/1121/2024 du 13.11.2024 ( LCI ) , REJETE

REJETE par ATA/1335/2025

Descripteurs : DEVOIR DE COLLABORER;PERMIS DE CONSTRUIRE;AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS
Normes : RCI.9; LPA.24
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/761/2024 LCI

JTAPI/1121/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 novembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, B______ SA et C______ SA, représentés par Me Pascal PETROZ, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

Messieurs D______, E______ et F______ ainsi que Mesdames G______ et H______

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de I______ (ci-après: la commune), sise en zone 4B protégée.

B______ SA, dont M. A______ est l'administrateur unique, est propriétaire des parcelles nos 3______ et 4______ de la commune, également situées en zone 4B protégée.

Mesdames G______ et H______ ainsi que Messieurs D______, E______ et F______ sont copropriétaires de la parcelle n° 5______ de la commune, sise en zone agricole.

Toutes ces parcelles sont situées dans le périmètre du plan de site de J______ adopté par le Conseil d'État le 7 novembre 2018.

2.             Le 12 avril 2013, M. A______ a déposé une demande d'autorisation de construire préalable portant sur la construction de huit logements et d'un garage souterrain auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le département du territoire (ci-après : le département). Cette requête a été enregistrée sous la référence DP 7______.

3.             Par décision du ______ 2014, le département a délivré l'autorisation de construire préalable sollicitée, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle (ci-après: FAO) du ______ 2014. La validité de cette autorisation a été prolongée à deux reprises, jusqu'au 6 juin 2018.

4.             Par courrier du 15 septembre 2021, le bureau d'architectes K______ (ci-après : K______) a informé le département avoir été mandatée en 2020 par M. A______ pour la réalisation d'un habitat villageois de 24 logements avec parking souterrain. L'objectif était de déposer une demande d'autorisation de construire pour la fin du mois d'octobre 2021, le projet ayant pris du retard en raison du refus d'obtempérer des locataires.

5.             Le 29 juillet 2022, C______ SA, dont M. A______ est l'administrateur unique, agissant comme mandataire des propriétaires des parcelles nos 4______, 1______, 5______ et 3______, a déposé une demande d'autorisation de construire portant sur la construction de deux immeubles villageois HPE de 24 logements avec un garage souterrain, l'abattage d'arbres et la mise en place d'une pompe à chaleur. Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 8______.

6.             Le 29 juillet 2022, la société C______ SA a également déposé une demande d'autorisation de démolir un ensemble de constructions (habitation, dépôts et serres) sur les parcelles précitées. Cette demande a été enregistrée sous la référence M 9______.

Lors de son instruction, dans son préavis du 6 avril 2023, l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après: OCLPF) a conditionné l'entrée en force de cette autorisation à celle de l'autorisation de construire DD 8______ (condition n° 4).

7.             Dans le cadre de l'instruction du dossier de la DD 8______, plusieurs instances de préavis ont été sollicitées, notamment :

-  le 8 août 2022, la direction des autorisations de construire (ci-après: DAC) a demandé la production du formulaire B01 en vue de l'inscription d'une servitude de distances et vues droites sur les parcelles nos 4______ et 3______. Les calculs du gabarit et les distances avec les limites de propriétés (entre la parcelle n° 1______ et les parcelles nos 10_____ et 3______) n'étaient pas respectés. Un projet de réunification des parcelles était une alternative possible ;

-                 le 12 août 2022, l'office cantonal de l'énergie (ci-après: OCEN) a sollicité la production d'un concept énergétique ;

-                 le 5 septembre 2022, l'office de l'urbanisme (ci-après: OU) a demandé la modification du projet afin de prévoir un retrait du couvert à vélos de 2.5 m de la zone agricole ;

-                 le 7 septembre 2022, la commune a requis la production de documents supplémentaires, soit des plans aux couleurs conventionnelles, et a requis la modification du projet, notamment en ce qui concernait le calcul des surfaces à intégrer aux surfaces brutes de plancher (ci-après: SBP), les places de stationnement, l'emplacement des couverts et les accès pompiers ;

-                 le 9 septembre 2022, l'office cantonal des transports (ci-après: OCT) a demandé la modification du projet. Les aménagements de la route M______ devaient être revus en concertation avec la commune, car une traversée piétonne existait et devait être maintenue aux abords du débouché du futur accès pompiers. Sur le principe, les deux objets pouvaient être mutualisés, mais il fallait néanmoins s'assurer que les cônes de visibilité fussent bien respectés, cela était d'autant plus important que cette voirie était à ce jour relativement fréquentée et que des lignes de bus circulaient à cet endroit. Par ailleurs, les continuités piétonnes pour les villas situées à l'est n'étaient pas assurées. Il fallait trouver de nouvelles localisations pour le stationnement vélo qui était très excentré par rapport aux logements situés aux abords de la route M______. Le couvert de 18 places devait être relocalisé au niveau de la place de travail des pompiers pour économiser de la surface de pleine terre. Une partie du stationnement pouvait trouver place à l'arrière de la rampe du parking souterrain.

Le projet demandait une dérogation importante du nombre de places de stationnement voiture (treize places en moins) et nécessitait la suppression de places de stationnement sur le domaine public (minimum deux). L'absence de stationnement visiteur ainsi que la suppression de places sur le domaine public risquait de peser sur l'offre du secteur, ce qui nécessitait l'aval de la commune. Une attention particulière devait être apportée au stationnement vélo qui devait être abondant et bien localisé. Le projet devait également prévoir la mise à disposition d'espace permettant le stockage de vélos cargo. Le système de feu devait être mise en place pour gérer les flux de la rampe de parking unidirectionnel, la régulation devant se faire en faveur des mouvements entrant. Il était nécessaire de dégager les cônes de visibilités aux abords de la rampe de parking : supprimer les haies et abaisser les murets de la rampe en surface et prévoir un système permettant de sécuriser les mouvements au parking motos (feu de rappel) ;

-                 le 14 septembre 2022, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature
(ci-après: OCAN) a requis la modification du projet. L'accès du parcours piétonnier projeté sur la parcelle n° 4______, qui conduisait à la parcelle adjacente n° 5______ située en zone agricole, devait être supprimé. Sur certains plans, dont le plan de masse, une haie était projetée à la limite avec la parcelle n° 5______. Il convenait de décaler cette haie située en zone de bordure agricole de manière à garantir une distance minimale pour son entretien de 0.5 m entre les aménagements et la zone non constructible ;

-                 le 17 octobre 2022, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après: CMNS) a sollicité la modification du projet afin de respecter les objectifs du plan de site et son règlement. Celui-ci reprenait les lignes du projet déposé dans le cadre de la DP 7______ en 2014, pour ce qui concernait l'implantation des deux immeubles avec le même sens des faitages et la position de la rampe d'accès au sous-sol. Si elle n'émettait pas d'objection sur ces points, en revanche, le projet – constructions nouvelles – n'arrivait pas à satisfaire à la fois la densité proposée et l'intégration de ces deux immeubles dans la zone protégée : les volumes étaient trop complexes et les bâtiments nombreux, l'effet étant renforcé par la multiplication des pentes de toiture. L'astuce des coursives impliquait globalement une augmentation des volumes des bâtiments, et l'expression des pignons, répétés, hauts, épais, avec pente de toit faible, était éloignée de la ligne caractéristique observable dans la zone rurale 4BP ;

-                 le 17 octobre 2022, le service des monuments et des sites (ci-après: SMS) a requis la modification du projet, sur la base du préavis de la CMNS précité ;

-                 le 6 avril 2023, l'OCLPF a sollicité la production documents complémentaires en vue de déterminer sur les plans les appartements liés à la compensation selon la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) et d'établir un état locatif futur détaillé des appartements liés à cette compensation : position dans l'immeuble/allée, étage, loyer annuel net futur, nombre de pièces selon le règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires
(RGL I 4 05.01).

8.             Le 11 avril 2023, le département a imparti à la requérante un délai de 30 jours pour lui faire parvenir les pièces sollicitées dans les préavis précités et éventuellement modifier le projet. À défaut, le dossier serait instruit avec les éléments en sa possession.

9.             Par courrier du 9 mai 2023, sur demande de la requérante, le département a prolongé le délai pour répondre à la demande de compléments, lequel était reporté au 7 août 2023.

10.         Le 8 août 2023, le département a une nouvelle fois accepté de prolonger le délai pour répondre à la demande de compléments, celui-ci étant reporté au 6 novembre suivant. Il était précisé qu'il s'agissait d'un ultime délai.

11.         Le 9 novembre 2023, le département a accepté de prolonger le délai, reporté au 20 novembre 2023. Il était inscrit en gras que les documents demandés devaient lui être remis au plus tard à cette date.

12.         Par courriel du 13 novembre 2023, le mandataire en charge du projet a sollicité une rencontre avec le SMS pour discuter du projet selon son préavis du 17 octobre 2022.

13.         Le 22 novembre 2023, le département a encore une fois accepté de prolonger le délai initial pour transmettre les compléments demandés. La nouvelle échéance a été fixée au 15 décembre 2023.

14.         Par courriel du 28 novembre 2023, le mandataire en charge du projet a une nouvelle fois sollicité une rencontre avec le SMS pour discuter du projet selon son préavis du 17 octobre 2022.

15.         Par courriel du 29 novembre 2023, le directeur du SMS a répondu au mandataire que le dossier était à l'étude et qu'il lui reviendrait dans un délai d'une semaine.

16.         Par courrier du 13 décembre 2023, le mandataire du projet s'est excusé auprès du département pour le délai important consacré à ce dossier, mais précisait qu'il n'était pas abandonné et que ni lui ni le propriétaire ne tentait de faire trainer les choses. Les parcelles concernées, bien qu'elles appartenaient à des entités différentes, étaient en réalité propriété d'une seule personne, M. A______. Elles faisaient l'objet d'une procédure d'infraction gérée directement par lui et son conseil. Il avait eu de nombreux préavis à traiter, dont six demandes de modification du projet et trois demandes de compléments. Le plus difficile était celui du SMS, service qu'il avait pris soin de contacter à plusieurs reprises. Par la suite, il avait rencontré les plus grandes difficultés à avoir un répondant à la suite de la redistribution des secteurs, les dernières tentatives de contact étant restées sans réponse.

Un autre problème était la dérogation à l'art. 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Pour l'éviter, il fallait pouvoir transmettre un tableau de mutation regroupant l'ensemble des parcelles concernées par le projet, mais ce n'était pour l'heure pas possible pour le propriétaire. Ce dernier avait entrepris de mettre en vente ses parcelles et était à bout touchant.

Une nouvelle prolongation de délai était sollicitée.

17.         Par courrier du 18 décembre 2023, le département a refusé d'accorder une nouvelle prolongation de délai.

18.         Le même jour, le département a accusé réception du dépôt de pièces complémentaires à l'instruction de la DD 8______, soit les documents transmis à l'appui du courrier du mandataire du 13 décembre 2023.

19.         Le 11 janvier 2024, le mandataire a écrit au département. Il avait pris connaissance du refus de prolongation de délai, ce qui représentait un traitement particulier des justiciables au vu des demandes restées sans réponses par le SMS. L'État devait tenir compte des retard pris par ses services et accéder à sa demande. Si l'autorisation de construire devait être refusée, un recours serait immédiatement déposé.

20.         Par décision du ______ 2024, le département a refusé d'accorder l'autorisation de construire sollicitée.

Suite aux nombreux délais accordés pour transmettre les compléments demandés, il avait refusé d'accorder une sixième prolongation.

À ce jour, aucune suite n'avait été donnée aux diverses demandes et autres exigences des préavis précités. Il ressortait de ces documents que des pièces complémentaires essentielles à l'instruction de la requête n'avaient pas été fournies, notamment le concept énergétique, le formulaire permettant d'inscrire une servitude de distances et vues droites, le formulaire présentant sur les plans les appartements liés à la compensation LDTR et le formulaire établissant l'état locatif futur détaillé des appartements liés à cette compensation.

À cela s'ajoutait qu'un certain nombre d'instances de préavis avait demandé la modification du projet, sans que la requérante n'eut pris position à ce sujet ou s'y fut conformée.

Il apparaissait dès lors que l'art. 9 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) n'était pas respecté, le dossier adressé étant lacunaire.

21.         Par décision du ______ 2024 également, le département a refusé de délivrer l'autorisation de démolir sollicitée.

Suite au refus de délivrance de l'autorisation de construire DD 8______, conformément à la condition n° 4 du préavis de l'OCLPF du 6 avril 2023, l'autorisation de démolir ne pouvait être délivrée.

22.         Par acte du 1er mars 2024, M. A______, C______ SA et B______ SA
(ci-après: les recourants), sous la plume de leur conseil, ont formé recours contre les décisions précitées auprès du Tribunal administratif de première instance
(ci-après: le tribunal), concluant à leur annulation et, cela fait, au renvoi du dossier au département pour nouvelle décision au sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.

Le département avait expressément reconnu que l'autorisation de démolir pouvait être octroyée sur le principe. Ce n'était qu'en raison du refus de délivrance de l'autorisation de construire que celle-ci n'avait pas été accordée. Il n'y avait donc pas lieu de traiter de cette question plus en détail.

Le département avait refusé de délivrer l'autorisation de construire au motif que l'art. 9 RCI aurait été violé, faute d'avoir donné suite aux diverses demandes et exigences des préaviseurs. Il leur reprochait ainsi d'avoir failli à leur devoir de collaboration en ne produisant pas les pièces requises dans un délai raisonnable. Le département faisait totalement fi des circonstances, lesquelles lui étaient même, à certains égards, imputables et justifiaient dès lors un délai d'attente un peu plus long, sans que cela ne viola pour autant les art. 22 et 24 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Ils avaient sollicité plusieurs prolongations de délai en raison de la complexité de l'affaire, lesquelles leur avaient été accordées. Par la suite, alors que les choses commençaient à se débloquer, ils avaient peiné à entrer en contact avec le SMS en raison d'une restructuration interne du service. Ce n'était qu'en novembre 2023, après plusieurs relances, que ledit service avait indiqué qu'il leur reviendrait au plus tard dans un délai d'une semaine. Ils avaient alors été choqués d'apprendre que le département avait refusé de délivrer les autorisations sollicitées, alors qu'ils étaient dans l'attente d'un rendez-vous avec le SMS. Le département était responsable des manquements du SMS et des comportements contradictoires que cette situation avait engendré.

Il ressortait du courrier du 13 décembre 2023 de leur mandataire qu'ils avaient dû faire face à des circonstances particulièrement difficiles tout au long de l'instruction des demandes d'autorisations, ce d'autant qu'il s'agissait d'un projet d'envergure. Il avait été précisé que le projet n'était pas abandonné. Le refus était encore plus choquant du fait qu'ils disposaient d'un délai au 15 décembre 2023 pour faire le nécessaire et que le mandataire avait éprouvé des difficultés pour traiter avec le SMS en raison de sa restructuration interne. Rien ne permettait de comprendre pourquoi le département avait refusé la demande d'autorisation de construire et cette position était constitutive de formalisme excessif.

23.         Le 8 mai 2024, le département a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours, sous suite de frais.

Les recourants ne contestaient pas que l'autorisation de démolir était liée à l'autorisation de construire, comme le prévoyait le préavis de l'OCLPF du 6 avril 2023 (condition n° 4).

Concernant le refus de délivrance de l'autorisation de construire DD 8______, les recourants estimaient que l'autorité avait violé le principe de la bonne foi et avait fait preuve de formalisme excessif en statuant, de manière précipitée, sur le dossier sans attendre la production des pièces requises ou la modification du projet.

Dans le cadre de l'instruction du dossier, sur la base des documents complémentaires sollicités par les instances de préavis, il avait constaté que plusieurs documents étaient manquants. Cela rendait en l'état impossible l'instruction complète de la requête et partant, l'octroi de l'autorisation de construire. Par ailleurs, certaines instances de préavis avaient également requis des modifications du projet. Il n'était pas contesté que le projet présentait une certaine complexité, mais qui n'était toutefois pas inhabituelle, d'autres cas présentant un contexte similaire, soit la présence des parcelles en zone 4BP et en zone agricole ou encore un nombre de logements semblable. La position des recourants et cette complexité avaient justement été prises en compte, raison pour laquelle cinq prolongations de délai, sur près de huit mois, avaient été accordées.

Or, en dépit de celles-ci, les recourants n'avaient fourni aucune des pièces requises, ni modifié le projet entre le moment où la demande de complément avait été formulée en avril 2023 et le mois de janvier 2024, date de la décision querellée, après le refus d'octroi d'une sixième demande de prolongation. Même en tenant compte du fait qu'ils avaient rencontré des difficultés pour prendre contact avec les représentants du SMS, comme ils l'alléguaient, depuis le mois d'avril, ils auraient pu prendre des dispositions pour contacter cette instance. Au contraire, ils étaient restés passifs et n'avaient pris contact avec cette instance qu'en novembre 2023, comme le démontraient les courriels qu'ils produisaient à l'appui de leur recours. Ils n'avaient en outre pas relancé le directeur du SMS lorsqu'ils avaient constaté que ce dernier ne les avait pas recontactés. Par ailleurs, ils avaient eu la possibilité de traiter les autres demandes de documents et modification de projet précitées et, à tout le moins, de fournir ces éléments afin que l'autorité puisse instruire ces aspects du dossier. De plus, le manque d'information du SMS ne les exemptait pas de traiter les autres demandes de complément et de démontrer leur collaboration et diligence en attendant de pouvoir prendre contact avec cette instance.

Il ne pouvait qu'être déduit de leur comportement qu'aucune suite ne serait donnée aux demandes de compléments, les seules assurances en mains du département étant les explications des recourants sur la complexité du dossier et de multiples demandes de prolongations sans aucun élément concret pendant presque une année. Aucun comportement contradictoire ou violation du principe de la bonne foi ne pouvait ainsi être reproché à l'autorité. Au contraire, le département avait fait preuve d'une grande souplesse vu les nombreux délais accordés, ce d'autant plus que les autorisations litigieuses s'inscrivaient dans un contexte de régularisation d'infraction.

Rien au dossier ne permettait de retenir que les recourants ou leur mandataire auraient dû faire face à une complexité du dossier telle qu'ils étaient dans l'impossibilité de produire au moins une partie des éléments requis. Ils s'étaient contentés de fournir de vagues explications et avaient tenté de justifier le délai pour donner suite aux nombreuses demandes de compléments et modifications du projet par l'hypothétique inaction du SMS. Le manque d'éléments concrets étayant les propos des recourants illustrait leur absence de collaboration, mais en aucun cas un quelconque formalisme excessif.

24.         Le 4 juin 2024, les recourants ont répliqué, persistant dans leurs conclusions et leur argumentation.

Par ses décisions de prolongations successives du délai pour transmettre les compléments demandés, le département avait avalisé le retard pris dans ce dossier jusqu'en décembre 2023, compte tenu de la particularité du cas. Il était donc incompréhensible que cette autorité put soutenir aujourd'hui qu'ils n'avaient rien entrepris depuis avril 2023. Dans une telle hypothèse, il lui aurait été loisible de refuser les demandes de prolongation de délai.

Dès le mois de juin 2023, ils avaient relancé le SMS, en vain. Ce n'était qu'en septembre 2023 qu'ils avaient été informés du changement de poste de la personne alors en charge du dossier. Il sollicitait au besoin l'audition de deux collaboratrices du SMS.

Les autres demandes de compléments avaient été traitées. Dans la mesure où celles-ci étaient indéniablement liées au préavis du SMS, il n'y avait pas lieu d'aller de l'avant sans disposer au préalable d'un retour formel du SMS.

25.         Le 27 juin 2024, le département a dupliqué, maintenant ses conclusions et son argumentation.

Les prolongations accordées démontraient la flexibilité dont il avait fait preuve dans le traitement des requêtes des recourants. Cependant, face à l'absence de réaction de leur part ou de la production des pièces requises, il n'était pas possible de penser qu'un tel statu quo perdurerait indéfiniment. Cela ne revenait ainsi pas à avaliser le retard du dossier. À lire leurs explications, il leur aurait été préférable que le département ne fît pas preuve de compréhension et refusa leurs demandes de prolongation depuis le début. En réalité, les prolongations avaient été accordées à bien plaire, car les explications fournies semblaient cohérentes et il n'avait pas vocation à faire preuve de formalisme excessif. Toutefois, il ne pouvait raisonnablement pas être attendu que l'autorité demeura tolérante devant l'inaction des recourants depuis près de huit mois.

Les recourants ne démontraient pas que les autres demandes de compléments avaient été traitées. Si tel avait été le cas, il était surprenant qu'ils n'eussent pas produit ces éléments, dans l'attente d'un retour du SMS afin de démontrer leur collaboration et leur diligence. Ils tentaient encore une fois de se déresponsabiliser de leur inaction.

26.         Invités à se déterminer les 11 mars et 6 juin 2024, Messieurs D______, E______ et F______ ainsi que Mesdames H______ et G______ n'ont pas donné suite.

27.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/185/2020 du 18 février 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés.

6.             Les recourants prétendent qu'en refusant de délivrer l'autorisation de construire sollicitée au motif qu'ils n'auraient pas produit les compléments et les modifications demandées par les instances de préavis, alors qu'ils avaient requis des prolongations du délai pour ce faire, le département aurait violé le principe de la bonne foi et aurait fait preuve de formalisme excessif.

Ils ne critiquent en revanche pas les motifs ayant conduit le département a refusé l'autorisation de démolir. Ils se limitent à indiquer que conformément au préavis de l'OCLPF du 6 avril 2023 rendu dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de démolir, la validité de cette dernière est liée à la délivrance de l'autorisation de construire, raison pour laquelle ils ne formulent aucun grief particulier à son encontre. Dans cette mesure, le tribunal procédera uniquement au contrôle de la décision de refus d'autorisation de construire, conformément à la jurisprudence précitée.

7.             À titre préalable, les recourants sollicitent l'audition de deux collaboratrices du SMS s'étant chargée du traitement de leur dossier.

8.             Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération Suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101) comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Toutefois, ce droit ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

Par ailleurs, le droit d'être entendu ne comprend pas celui d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b) ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b).

9.             En l’espèce, il sera d'emblée relevé que les recourants ont pu développer leur argumentation dans leur recours et produire les pièces justificatives qu’ils estimaient utiles. Les auditions des collaboratrices du SMS ne saurait apporter des éléments supplémentaires déterminants, dès lors que la question litigieuse est celle du respect du devoir de collaboration des recourants dans l'ensemble du traitement de leur dossier et non uniquement en ce qui concerne les échanges ou tentatives d'échanges avec le SMS. Le tribunal considère ainsi disposer des éléments suffisants et nécessaires pour statuer immédiatement sur le litige. Cet acte d'instruction, en soi non obligatoire, ne se révélant pas nécessaire, il n’y sera pas donné suite.

10.         Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700).

11.         Selon l'art. 22 al. 2 LAT, l’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (let. a) et si le terrain est équipé (let. b). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

12.         En vertu de l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b).

13.         Selon le système prévu par la LCI, les préavis des communes, des départements et des organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif. L'autorité de décision, qui n'est pas liée par ces préavis, reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur (art. 3 al. 3 LCI). Néanmoins, lorsque la consultation d'une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/456/2022 du 3 mai 2022 consid. 4b; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 4b ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 consid. 8c).

14.         La délivrance d’autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département à qui il appartient de statuer en prenant en compte tous les intérêts en présence (ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).

15.         Aux termes de l'art. 2 LCI, les demandes d'autorisation sont adressées au département (al. 1). Le RCI détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (al. 2). Les plans et autres documents joints à toute demande d'autorisation publiée dans la FAO doivent être établis et signés par une personne inscrite au tableau des mandataires professionnellement qualifiés dans la catégorie correspondant à la nature de l'ouvrage, au sens de la loi sur l'exercice des professions d'architecte et d'ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40). Demeurent réservés les projets de construction ou d'installation d'importance secondaire qui font l'objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire (al. 3).

16.         Les pièces devant être jointes à la demande d'autorisation de construire ainsi que les visas nécessaires sont énumérés à l'art. 9 al. 2 à 7 RCI. L'art. 9 al. 2 RCI établit la liste des différents plans et coupes nécessaires. Doivent ainsi notamment être produits des plans clairs, précis, bien ordonnés et cotés de tous les étages (sous-sols, caves et combles compris) avec désignation de tous les locaux. Ils doivent notamment porter l’indication des canaux de fumée et de ventilation, des portes, des escaliers, des W.-C., des réservoirs, des dévaloirs et de la chaufferie (10 ex.); en cas de transformation, les plans doivent être teintés en deux couleurs conventionnelles, soit jaune pour ce qui est à démolir et rouge pour ce qui est à construire (10 ex.) (let. f) ; pour les constructions et installations faisant l'objet d'un concept énergétique au sens de la loi sur l'énergie, du 18 septembre 1986, le concept énergétique (let. y) ; ou encore le calcul détaillé des rapports de surface et schémas explicatifs, pour les constructions et installations en zone 5 (let. cc).

17.         Les exigences formelles imposées par l'art. 9 al. 2 RCI ne sont pas seulement destinées à permettre au département d'instruire les demandes et de contrôler leur conformité à la loi, ou encore de faciliter le travail du juge. Elles permettent également de garantir l'exercice du droit de chacun de consulter - et de comprendre - les projets de construction qui sont déposés, et celui des personnes disposant d'un intérêt digne de protection de recourir, cas échéant, en connaissance de cause
(art. 3 al. 2 et 145 LCI, 18 RCI et 60 LPA ; ATA/1829/2019 du 17 décembre 2019 ; ATA/213/2018 du 6 mars 2018 et les références citées).

La précision des plans a également pour fonction de déterminer avec exactitude les détails de l'ouvrage et d'en fixer les contours une fois pour toutes, rendant un contrôle possible au stade de l'exécution. Cette exigence protège, de ce point de vue, tant le bénéficiaire de l'autorisation qui, une fois celle-ci entrée en force, peut se prévaloir d'un droit clairement défini, que les éventuels opposants ou l'autorité compétente, qui peuvent s'assurer que les travaux, une fois exécutés, sont conformes à l'autorisation délivrée (ATA/1829/2019 précité).

18.         Les demandes ne sont valablement déposées et, partant, l’autorité saisie, que si les prescriptions concernant les documents et pièces à joindre ont été respectées et si l’émolument d’enregistrement a été acquitté. Les dossiers incomplets sont retournés pour complément. Ils ne sont pas enregistrés (art. 13 al. 1 RCI).

19.         Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 ; 142 I 10 consid. 2.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_515/2020 du 10 février 2021 consid. 2.1 ; 2C_607/2019 du 16 juillet 2019 consid. 3.2). Autrement dit, il y a formalisme excessif si une procédure est soumise à des conditions de forme rigoureuses sans que cette rigueur soit objectivement justifiée, ou lorsqu'une autorité applique des prescriptions formelles avec une rigueur exagérée ou pose des exigences excessives en ce qui concerne la forme d'actes juridiques et empêche ainsi de façon inadmissible un citoyen d'utiliser des voies de droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1509).

20.         La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu'elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi, conformément à l'art. 22 LPA. Le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits comprend en particulier l'obligation de celles-ci d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2. ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).

21.         L'art. 24 LPA énonce que l'autorité peut inviter les parties à la renseigner, notamment en produisant les pièces en leur possession ou à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet (al.1). L'autorité apprécie librement l'attitude d'une partie qui refuse de produire une pièce ou d'indiquer où celle-ci se trouve. Elle peut ainsi le cas échéant déclarer irrecevables les conclusions des parties qui refusent de produire les pièces et autres renseignements indispensables pour que l'autorité puisse prendre sa décision (al. 2).

22.         En cas d'absence de production des documents nécessaires, le risque de se voir reprocher son défaut de collaboration dans une procédure régie par la maxime inquisitoire existe (ATF 130 II 425 consid. 6.6 ; 125 V 193 consid. 2 et références citées).

23.         Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée et que l'intérêt à l'application correcte du droit n'apparaisse pas prépondérant (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_53/2022 du 15 mai 2023 consid. 4.1.3 ; 1C_418/2021 précité consid. 3.1). Ne peut se prévaloir du principe de la bonne foi que celui qui a lui-même agi conformément à ce principe (ATF 136 II 359 consid. 7 ; L______, op. cit., n. 36 ad Remarques préliminaires art. 24 à 24e et 37a LAT).

24.         En l'espèce, la décision de refus du département se base sur l'absence de transmission des compléments et modifications du projet requis par différentes instances de préavis, notamment la DAC, l'OCEN et la CMNS. De leur côté, les recourants soutiennent que le département aurait violé le principe de la bonne foi en refusant l'autorisation en raison de l'absence de documents complémentaires et aurait fait preuve de formalisme excessif.

Or, le 11 avril 2023, le département a transmis au mandataire des recourants la teneur des préavis recueillis, dont notamment celui de la DAC du 8 août 2022 constatant que les calculs du gabarit et les distances aux limites des parcelles ne respectaient pas les normes légales, celui de l'OCEN du 12 août 2022 demandant la transmission du concept énergétique du projet et celui de l'OCLPF du 6 avril 2023 demandant la production de documents complémentaires en lien avec la compensation LDTR et le formulaire nécessaire à l'établissement du futur état locatif détaillé.

D'autres instances ont également requis la modification du projet, notamment l'OCT, dans son préavis du 9 septembre 2022, relevant que le projet nécessitait l'octroi d'une dérogation importante au nombre de places de stationnement. De plus, l'OU, dans son préavis du 5 septembre 2022, et l'OCAN, dans son préavis du 14 septembre 2022, ont requis la modification du projet au motif qu'il empiétait sur la zone agricole et n'était ainsi en l'état pas autorisable. Enfin, la CMNS et le SMS, dans leurs préavis respectifs du 17 octobre 2022, ont sollicité la réduction de la densité du projet et des surfaces de stationnement, notamment afin qu'il respecte les objectifs du plan de site n° 6______.

À ce stade, le projet ne respectait ainsi pas les exigences légales pour être autorisé et le dossier d'instruction était manifestement incomplet.

En suite de quoi, le département a imparti un délai de 30 jours au mandataire des recourants pour faire parvenir les pièces complémentaires et procéder aux modifications requises selon les exigences de la première volée de préavis. Il était précisé que, passé ce délai et sans nouvelle de sa part, le dossier serait instruit avec les éléments en mains du département, la reprise du dossier n'intervenant qu'à réception de l'ensemble des pièces demandées.

Le département a ensuite accordé au mandataire des recourants, sur sollicitation de sa part, cinq prolongations de délai afin de répondre aux exigences des instances de préavis, le délai échouant ainsi en définitive au 15 décembre 2023, équivalent à près de huit mois supplémentaires. Or, malgré les divers délais accordés, accompagnés des mises en garde d'usage sur les conséquences de la non-observation de ceux-ci, les requérants, qui n'ont du reste jamais remis en question la pertinence des documents requis, n'ont pas donné suite aux demandes du département.

Ainsi, les recourants, par le biais de leur mandataire, ont été dûment informés que le dossier déposé n’était pas complet, et qu’à défaut d’obtenir les informations demandées, l’autorité intimée statuerait en l’état du dossier.

Les arguments avancés par les recourants pour tenter de justifier leur manque de collaboration ne sont pas convaincants. S'ils prétendent certes que leur mandataire aurait entamé des discussions avec le SMS depuis juin 2023 et subi les conséquences de la restructuration interne dudit service, il n'en demeure pas moins qu'à teneur des éléments du dossier, ce n'est qu'à l'occasion de son courrier du 13 novembre 2023 que leur mandataire a tenté de prendre contact avec le SMS en vue de fixer un rendez-vous pour discuter du préavis du 17 octobre 2022. En tout état, aucun élément du dossier ne permet d'exposer que les recourants auraient procédé à d'autres modifications du projet ou transmis des documents complémentaires au département. S'ils sont d'avis qu'ils n'avaient pas de raison d'entamer d'autres démarches dans l'attente des discussions avec le SMS, leur position n'est pas convaincante. En effet, il convient de rappeler que chaque instance de préavis traite d'éléments précis et distincts nécessaires à l'examen d'un projet. À cela s'ajoute que l'art. 9 RCI conjugué avec l'art. 24 LPA, octroi une importante marge de manœuvre au département quant à l'appréciation de l'attitude d'une partie et, partant, sur la faculté de l'autorité intimée d'accepter ou non une prolongation de délai pour transmettre des informations complémentaires à un projet. Enfin, les recourants ne parviennent pas à démontrer que le projet de construction litigieux serait d'une complexité telle que son instruction et la production des compléments demandés seraient à ce point difficiles. Il sied de relever que les éléments contextuels autour du projet, notamment l'évacuation des locataires, n'est pas déterminante dans l'instruction d'un projet de construction, mais plutôt durant sa phase de réalisation.

Au surplus, rien ne permet de constater une quelconque violation du principe de la bonne foi. Le fait que le département ait accordé aux recourants plusieurs prolongations de délai n'est en effet pas constitutif d'une assurance quant à la délivrance d'une autorisation de construire. Au contraire, cela ne représente en réalité que la concrétisation du principe de proportionnalité afin de permettre à un requérant de produire les éléments nécessaires à l'instruction du dossier, compte tenu du contexte lié à son projet, notamment de sa complexité.

Dans ces circonstances, le recourant ayant failli à son devoir de collaboration, c'est sans verser dans l'arbitraire que le département a statué en l'état du dossier et a refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée.

25.         Mal fondé, le recours est rejeté et les décisions confirmées.

26.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 1er mars 2024 par Monsieur A______, B______ SA et C______ SA contre les décisions du département du territoire du ______ 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge Monsieur A______, B______ SA et C______ SA, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier