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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1768/2024

JTAPI/1060/2024 du 29.10.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : ACCORD SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES;DROIT DE DEMEURER;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);FORMATION(EN GÉNÉRAL);REGROUPEMENT FAMILIAL INVERSÉ;CAS DE RIGUEUR;SOINS MÉDICAUX;DÉCISION DE RENVOI
Normes : ALCP-I.6.al1; ALCP-I.6.al6; ALCP-I.3.al1; ALCP-I.4.al1; OLCP.23.al1; ALCP-I.3.al6; OLCP.20
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1768/2024

JTAPI/1060/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 octobre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom et celui de ses enfants mineurs B______ et C______, tous représentés par SUISSE-IMMIGRES CCSI-CENTRE DE CONTACT, mandataire avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1978, est ressortissante d’Espagne.

2.             Mme A______ était précédemment mariée avec Monsieur D______, né le ______ 1967, ressortissant espagnol, et dont elle a divorcé au mois de ______ 2022.

Ils sont les parents d’B______, né le ______ 2007, et C______, né le ______ 2015, tous deux ressortissants d’Espagne.

3.             Mme A______ est arrivée à Genève le 1er septembre 2019 en provenance d’Espagne. Dès cette date, elle a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour en tant que travailleuse européenne. Ladite autorisation était valable jusqu’au 31 août 2024.

Elle a d’abord travaillé à plein temps, et jusqu’à une date non déterminée, en qualité d’aide de cuisine-serveuse pour l’association E______.

Au mois de novembre 2019, elle a été engagée par F______ SA en qualité de nettoyeuse d’entretien sans diplôme. Son salaire s’élevait en dernier lieu à environ CHF 1'800.- brut par mois.

4.             En date du 12 décembre 2019, elle a adressé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l’OCPM) un formulaire de demande d’autorisation de séjour pour regroupement familial dans lequel elle figurait comme bénéficiaire. Elle y indiquait être mariée avec M. D______, sans préciser si celui-ci venait à Genève. Elle mentionnait également avoir pour enfants B______ et C______, ces derniers ne venant pas habiter à Genève.

Etaient joints au formulaire l’acte de naissance des enfants ainsi qu’un tirage des pièces d'identité des enfants et du père.

5.             Le 8 janvier 2020, elle a adressé à l’OCPM des formulaires de demande d’autorisation de séjour non signés en faveur d’B______ et C______. Elle a également envoyé à cet office un formulaire d’annonce de changement d’adresse non signé, à teneur duquel elle résidait depuis le 15 décembre 2019 avec son époux et ses deux enfants dans un appartement de deux pièces sis ______[GE]).

6.             Selon une attestation de l’OCPM datée du 8 janvier 2020, M. D______ résidait alors à Genève et était dans l’attente d’une décision d’autorisation de séjour. Selon une attestation de ce même office datée du 28 janvier 2021, la demande d’autorisation de séjour le concernant est toutefois devenue caduque le 30 août 2020, à la suite de son départ pour G______ (Espagne).

7.             Par courriel du 7 décembre 2020, l’OCPM a déclaré faire suite à la demande de permis de séjour déposée par Mme A______ « au mois de décembre dernier » en faveur de ses enfants B______ et C______ et l’a priée de lui fournir, notamment, ses trois dernières fiches de salaire. Cette demande est restée sans réponse.

8.             Par courriel du 17 janvier 2022, l’OCPM a prié Mme A______ de donner suite à son e-mail du 7 décembre 2020.

9.             Le 30 mars 2022, Mme A______ a fait parvenir divers documents à l’OCPM.

10.         Par pli du 16 mai 2022, l’Hospice général a informé l’OCPM que Mme A______ était au bénéfice de l’aide sociale à titre d’avance de rente d’invalidité depuis le 1er avril 2020.

11.         Par jugement du 31 mai 2022, le Tribunal civil a dissout le mariage contracté par Mme A______ et M. D______ et attribué l’autorité parentale sur les enfants à la mère. Une copie de ce jugement munie d’une attestation de caractère exécutoire est parvenue à l’OCPM le 28 juillet 2022.

12.         A teneur d’un rapport de consultation du service de neurorééducation des Hôpitaux universitaires de Genève daté du 13 octobre 2022, Mme A______ souffrait d’un trouble neurologique fonctionnel avec hémisyndrome sensitivomoteur gauche et probable crise tonique non épileptique.

13.         Par courriers des 30 août et 5 décembre 2022, l’OCPM a demandé à Mme A______ de lui fournir une attestation de l’assurance-invalidité confirmant qu’elle avait déposé une demande de rente ainsi que les pièces attestant du fait qu’elle était employée au moment de la survenance de son incapacité de travail.

14.         Le 11 janvier 2023, la précitée a notamment fait parvenir à l’OCPM des décomptes d’indemnités journalières sur lesquels il était indiqué « début de la maladie : 07.03.2020 » ainsi qu’un courrier de son employeuse du 6 janvier 2021 indiquant qu’elle était en incapacité de travail totale depuis le 8 septembre 2020 et que son contrat de travail prendrait fin au 31 mars 2021.

15.         Le 10 juillet 2023, elle a notamment communiqué à l’OCPM un projet de décision de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OCAI) faisant état d’une incapacité de travail totale depuis le 7 mars 2020.

16.         Par décision de l’OCAI du 27 juin 2023, elle a obtenu une rente d’invalidité entière avec effet rétroactif au 1er octobre 2021 s’élevant à CHF 96.- par mois. Son statut était celui d’une personne se consacrant à plein temps à son activité professionnelle et elle se trouvait en incapacité de travail totale, dans toute activité professionnelle, depuis le 7 mars 2020. Elle n’avait toutefois déposé sa demande de prestations que le 27 avril 2021, de sorte que la rente ne pouvait lui être versée qu’à compter du 1er octobre 2021.

17.         Par courrier du 28 novembre 2023, l’OCPM lui a signifié son intention de révoquer son autorisation de séjour, de refuser la demande de regroupement familial en faveur de ses deux fils et de prononcer leur renvoi de Suisse. Un délai de 30 jours lui était octroyé pour faire valoir son droit d’être entendu.

18.         Le 12 janvier 2024, elle a répondu, sous la plume de sa mandataire, qu’elle avait déposé sa demande de regroupement familial le 9 janvier 2020, lorsqu’elle avait encore la qualité de travailleuse européenne, et que ses deux enfants avaient ainsi un droit audit regroupement. L’OCPM aurait dû se baser sur la situation de fait existant à ce moment et établir les autorisations de séjour au plus tard au mois de juillet 2022, lorsqu’elle avait obtenu l’autorité parentale exclusive sur ses deux enfants. L’art. 3 al. 6 Annexe I de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) devait également trouver application dans le cas d’espèce.

A l’appui de sa réponse, elle a notamment fourni un courrier d’H______ daté du 29 décembre 2023, dans lequel il était indiqué qu’elle était suivie dans cet institut depuis le mois de septembre 2020 en raison d’une symptomatologie anxiodépressive provoquée par la détresse éprouvée suite au diagnostic de neurofibromatoses de son fils B______ établi en Espagne, ainsi que de son autre fils C______, diagnostiqué en Suisse selon ses dires.

A teneur de ce courrier, il était fortement recommandé qu’elle puisse continuer ses suivis psychiatrique et psychothérapeutique. Cette recommandation s’appliquait également à ses enfants qui bénéficiaient en Suisse d’un accompagnement médico-social qui n’était pas possible dans leur pays d’origine. Une interruption abrupte de son traitement pouvait en revanche être extrêmement nuisible à son intégrité psychique avec un risque important de décompensation entraînant une aggravation des symptômes et un passage à l’acte auto-agressif.

19.         Par décision du 25 avril 2024, l’OCPM a révoqué l’autorisation de séjour de Mme A______, refusé l’octroi d'un titre de séjour aux enfants B______ et C______ et prononcé leur renvoi de Suisse, un délai au 25 juillet 2024 leur étant imparti pour ce faire.

La précitée ne remplissait pas les conditions lui permettant de demeurer en Suisse après la fin de son activité économique. A la date de l’incapacité de travail retenue par l’assurance-invalidité, soit le 7 mars 2020, elle n’avait en effet pas résidé deux ans en Suisse. Dans la mesure où elle avait cessé de travailler, elle devait être en mesure d’assumer sa prise en charge financière sans faire appel à l’aide sociale ou aux prestations complémentaires, ce qui n’était pas le cas. En outre, elle n’avait pas fourni les documents demandés en décembre 2020 pour statuer sur sa demande de regroupement familial et n’avait obtenu l’autorité parentale sur ses enfants qu’en juillet 2022. Il s’ensuivait que les conditions du regroupement familial n’étaient pas remplies au moment de la survenance de son incapacité de travail. L’arrêt Baumbast ne trouvait par ailleurs pas application dans la mesure où aucune rupture du lien avec le parent UE, soit la recourante, détentrice du droit originaire, n’était survenue. Enfin, les structures socio-médicales en Espagne étaient identiques à celles que l’on pouvait trouver en Suisse, de sorte que l’art. 20 de l’ordonnance sur l’introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d’une part, la Confédération suisse et, d’autre part, l’Union européenne et ses Etats membres, ainsi qu’entre les Etats membres de l’Association européenne de libre-échange (OLCP - RS 142.203) ne trouvait pas non plus application. Les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour au sens des art. 3 Annexe I ALCP, ainsi que des art. 20 et 22 OLCP, n’étaient dès lors pas satisfaites.

S’agissant de la prise en compte de l’intérêt supérieur des enfants conformément à l’art. 3. al. 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 2 novembre 1989 (CDE - RS 0.107), B______ et C______ étaient arrivés en Suisse le 22 décembre 2019 et étaient âgés de 17 et 9 ans. Il n’était pas démontré que la maladie dont ils souffraient ne pouvait pas être soignée dans leur pays d’origine. Compte tenu de ce qui précédait, leur réintégration dans ce pays ne devait pas leur poser des problèmes insurmontables.

20.         Par acte expédié le 24 mai 2024, Mme A______ (ci-après : la recourante), sous la plume de sa mandataire, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision. Elle a conclu, avec suite de frais, à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour UE/AELE pour regroupement familial à ses enfants B______ et C______.

Elle avait été victime d’un AVC le 7 mars 2020, dont les graves conséquences l’avaient rendue incapable de donner suite aux sollicitations de l’OCPM jusqu’au mois de mars 2022. A la suite de cet événement, elle avait perçu des prestations de l’Hospice général et déposé une demande de rente d’invalidité. Elle ne contestait pas ne pas pouvoir se prévaloir du droit de demeurer. Dès lors qu’elle avait cessé son activité lucrative à la suite d’une incapacité de travail, elle avait en revanche droit à une autorisation de séjour jusqu’à ce que l’OCAI statue. Elle n’avait dès lors perdu ni son droit de vivre en Suisse, ni son droit au regroupement familial durant la procédure tendant à l’octroi d’une rente d’invalidité. Or, l’OCPM avait attendu la fin de ladite procédure pour statuer et révoquer son autorisation de séjour, ce qui constituait un grave déni de justice.

La demande de regroupement familial qu’elle avait déposée au mois de décembre 2019 concernait non seulement les enfants B______ et C______, mais également leur père, avec lequel elle était alors mariée et faisait ménage commun. Ceci résultait de l’annonce de changement d’adresse du 8 janvier 2020 qui concernait l’ensemble de la famille ainsi que de l’attestation de l’OCPM datée du même jour, selon laquelle son époux résidait alors à Genève et était dans l’attente d’une décision d’autorisation de séjour. Il n’y avait donc aucune raison de réclamer l’accord de ce dernier pour solliciter le regroupement familial en faveur de ses enfants et celui-ci ne pouvait lui être refusé au motif qu’elle n’avait obtenu l’autorité parentale exclusive qu’au mois de juillet 2022, à la suite du jugement de divorce prononcé au mois de mai 2022. Contrairement à ce qu’indiquait l’OCPM, toutes les conditions du regroupement familial étaient réalisées au moment du dépôt de la demande, à laquelle étaient jointes une copie du bail à loyer d’un appartement de deux pièces ainsi de ses fiches de salaire de décembre 2019 et janvier 2020. Il s’ensuivait que ses enfants auraient dû être mis de longue date au bénéfice d’une autorisation de séjour UE/AELE.

Son fils aîné B______ était âgé de 16 ans et poursuivait sa scolarité à Genève. Il ressortait à cet égard de l’attestation établie le 15 août 2023 par le Département de l’instruction publique que celui-ci était inscrit dans l’école de pédagogie I______ (ci-après : I______) pour l’année 2023-2024. Il avait dès lors le droit, conformément à l’art. 3 al. 6 Annexe I ALCP et à la jurisprudence y relative – notamment l’arrêt Baumbast de la Cour de justice de l’Union européenne du 17 septembre 2002 (C-413/1999, Rec. 2002 I-7091) – de poursuivre son séjour en Suisse afin d’y terminer sa formation. Elle disposait par conséquent elle-même d’un droit dérivé à séjourner en Suisse pour rester auprès de lui, indépendamment de ses moyens d’existence, jusqu’à ce qu’il ait achevé son école obligatoire. L’argument brandi par l’OCPM pour refuser d’appliquer cette jurisprudence, selon lequel il n’y avait pas de rupture de lien avec le parent UE, tombait à faux car celle-ci ne prévoyait pas une telle condition.

Ses problèmes de santé ainsi que ceux de son fils B______ justifiaient en outre d’appliquer l’art. 20 OLCP à titre subsidiaire. Elle se fondait à cet égard sur un rapport d’évaluation du fonctionnement cognitif d’H______ daté du 1er mai 2023, lequel avait été établi à la demande, notamment, de I______, afin d’objectiver la présence d’un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Le rapport aboutissait à la conclusion que le quotient d’intelligence d’B______ se situait dans la fourchette « moyenne faible » comparativement aux adolescents de son âge. Sa symptomatologie était compatible avec les diagnostics « perturbation de l’activité et de l’attention sans hyperactivité » et « trouble anxieux généralisé ». Ce résultat suggérait, notamment, la mise en place d’un programme scolaire adapté, ainsi qu’une continuité de la prise en charge médicamenteuse et psychothérapeutique afin d’encadrer B______ et de l’aider à élaborer des stratégies pour surmonter son anxiété.

21.         Dans ses observations du 16 juillet 2024, auxquelles était joint son dossier, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Il constatait, à titre liminaire, que la recourante ne contestait plus l’absence de réalisation des conditions d’une autorisation de séjour fondée sur le droit de demeurer au sens de l’art. 4 ALCP.

Comme indiqué dans sa décision, la recourante ne réalisait pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour fondée sur l’arrêt Baumbast. Le Tribunal fédéral avait en effet confirmé que, pour pouvoir invoquer cette jurisprudence, l’enfant devait avoir initialement obtenu un droit de séjour dans le cadre du regroupement familial, c’est-à-dire en raison de la présence en Suisse de l’un de ses parents ressortissants de l'UE/AELE, au bénéficie d’une autorisation fondée sur l’ALCP. Dans le cas présent, les enfants B______ et C______ n’avaient toutefois pas obtenu une tel droit, faute de communication des éléments demandés par l’OCPM en 2020.

Le cas de rigueur prévu à l’art. 20 OLCP n’était en outre pas réalisé. Aucun élément au dossier n’indiquait en effet que la recourante et ses enfants se trouveraient dans une situation de détresse personnelle grave en cas de retour en Espagne, pays de l’Union européenne disposant d’un système de santé comparable à celui de la Suisse.

22.         La recourante a répliqué le 12 août 2024.

Elle ne contestait plus avoir tardé à transmettre les documents nécessaires pour statuer sur sa demande. L’OCPM avait cependant disposé au plus tard en janvier 2023 de tous les éléments nécessaires pour statuer sur sa demande. Comme elle était alors en attente de sa décision de rente d’invalidité, elle disposait toujours du droit de vivre en Suisse pendant la procédure et d’obtenir le regroupement familial. Ses enfants auraient donc dû obtenir une autorisation de séjour à ce moment-là, qu’il convenait de maintenir en application de l’arrêt Baumbast.

23.         Par courrier du 4 septembre 2024, l’OCPM a indiqué qu’il renonçait à dupliquer et persistait dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’OCPM relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

La recevabilité de la réplique déposée par la recourante trois jours après l’échéance du délai que le tribunal lui avait imparti pour ce faire peut quant à elle rester indécise. L’argumentation y figurant n’est en effet pas de nature à modifier l’issue du litige.

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La recourante conclut à l’annulation de la décision querellée révoquant son autorisation de séjour et refusant d’octroyer des autorisations de séjour pour regroupement familial aux enfants B______ et C______. Elle invoque principalement la violation de l’art. 3 al. 6 ALCP Annexe I ALCP et, subsidiairement, l’application de l’art. 20 OLCP.

6.             La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) règlent l’entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), dont l’ALCP.

L’ALCP, entré en vigueur le 1er juin 2002, et l’ordonnance sur l’introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d’une part, la Confédération suisse et, d’autre part, la Communauté européenne et ses États membres ainsi qu’entre les États membres de l’Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203) s’appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l’UE/AELE. La LEI ne s’applique aux ressortissants des États membres de l’Union européenne que lorsque l’ALCP n’en dispose pas autrement ou lorsqu’elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).

7.             En l’espèce, la recourante, ressortissante espagnole, sollicite l’octroi d’une autorisation de séjour UE/AELE en faveur de ses enfants ainsi que le maintien de sa propre autorisation de séjour. Sa situation doit dès lors être examinée sous l’angle de l’ALCP et de l’OLCP.

8.             Aux termes de l’art. 16 par. 2 ALCP, dans la mesure où l’application de l’accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes (actuellement: la Cour de justice de l’Union européenne; ci-après: la Cour de justice) antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature de l’accord est cependant prise en compte par le Tribunal fédéral pour assurer le parallélisme du système qui existait au moment de la signature de l’accord et tenir compte de l’évolution de la jurisprudence de l’Union européenne (ATF 136 II 5 consid. 3.4 et les références, 65 consid. 3.1).

9.             Les droits d’entrée, de séjour et d’accès à une activité économique conformément à l’ALCP, y compris le droit de demeurer sur le territoire d’une partie contractante après la fin d’une activité économique, sont réglés par l’Annexe I ALCP (art. 3, 4 et 7 let. c ALCP).

10.         L’art. 6 par. 1 Annexe I ALCP prévoit notamment que le travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante (ci-après: le travailleur salarié) qui occupe un emploi d’une durée égale ou supérieure à un an au service d’un employeur de l’Etat d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance.

Selon l’art. 6 par. 6 Annexe I ALCP, le titre de séjour en cours de validité ne peut être retiré au travailleur salarié du seul fait qu’il n’occupe plus d’emploi, soit que l’intéressé ait été frappé d’une incapacité temporaire de travail résultant d’une maladie ou d’un accident, soit qu’il se trouve en situation de chômage involontaire dûment constatée par le bureau de main-d’œuvre compétent.

Selon l’art. 3 par. 1 Annexe I ALCP – en lien avec l’art. 7 let. d ALCP, qui prévoit le droit au séjour des membres de la famille, quelle que soit leur nationalité – les membres de la famille d’une personne ressortissante d’une partie contractante ayant un droit de séjour ont le droit de s’installer avec elle  à condition que celle-ci dispose d’un logement convenable. Sont notamment considérés comme membres de la famille, quelle que soit leur nationalité, leurs descendants de moins de 21 ans ou à charge (art. 3 par. 2 let. a Annexe I ALCP)

Une fois que la relation de travail a pris fin, l’intéressé perd en principe la qualité de travailleur, étant entendu cependant que, d’une part, cette qualité peut produire certains effets après la cessation de la relation de travail et que, d’autre part, une personne à la recherche réelle d’un emploi doit être qualifiée de travailleur. La recherche réelle d’un emploi suppose que l’intéressé apporte la preuve qu’il continue à en chercher un et qu’il a des chances véritables d’être engagé ; sinon il n’est pas exclu qu’il soit contraint de quitter le pays d’accueil après six mois (arrêt du Tribunal fédéral 2C_390/2013 du 10 avril 2014 consid. 3.1 et les divers arrêts de la Cour de justice cités).

11.         En vertu de l’art. 23 al. 1 OLCP, les autorisations de séjour de courte durée, de séjour et frontalières UE/AELE peuvent être révoquées ou ne pas être prolongées, si les conditions requises pour leur délivrance ne sont plus remplies (cf. également art. 6 par. 6 Annexe I ALCP cité ci-avant).

Si l’intéressé perd sa qualité de travailleur pendant la durée de validité de l’autorisation de courte durée ou de l’autorisation de séjour, les autorités cantonales compétentes examinent s’il peut toujours être mis au bénéfice de l’ALCP. Dans la mesure où les conditions requises pour l’octroi d’une autorisation ne sont plus remplies, le service cantonal compétent révoque en revanche le permis de séjour ou en refuse la prolongation et prononce un renvoi de Suisse (Directives et commentaires concernant l’introduction progressive de la libre circulation des personnes, version janvier 2024, ch. 8.2.2 ; ci-après : directives OLCP).

12.         Selon l’art. 4 al. 1 Annexe I ALCP, les ressortissants d’une partie contractante ont le droit de demeurer sur le territoire d’une autre partie contractante après la fin de leur activité économique. L’art. 4 al. 2 Annexe I ALCP renvoie, conformément à l’art. 16 ALCP, au règlement (CEE) n° 1251/70 de la Commission européenne relatif au droit des travailleurs de demeurer sur le territoire d’un Etat membre après y avoir occupé un emploi (ci-après: règlement 1251/70) et à la directive 75/34/CEE, "tels qu’en vigueur à la date de la signature de l’accord".  

L’art. 2 al. 1 let. b du règlement 1251/70 dispose qu’a le droit de demeurer sur le territoire d’un Etat membre le travailleur qui, résidant d’une façon continue sur le territoire de cet Etat depuis plus de deux ans, cesse d’y occuper un emploi salarié à la suite d’une incapacité permanente de travail. Si cette incapacité résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ouvrant droit à une rente entièrement ou partiellement à charge d’une institution de cet Etat, aucune condition de durée de résidence n’est requise (art. 2 al. 1 let. b phr. 2 du règlement 1251/70). L’art. 4 al. 2 de ce même règlement précise que les périodes de chômage involontaire, dûment constatées par le bureau de main-d’œuvre compétent, et les absences pour cause de maladie ou accident sont considérées comme des périodes d’emploi au sens de l’art. 2 al. 1. L’art. 22 OLCP dispose enfin que les ressortissants de l’UE qui ont le droit de demeurer en Suisse selon l’accord sur la libre circulation des personnes reçoivent une autorisation de séjour UE/AELE. 

Celui qui peut se prévaloir d’un droit de demeurer conserve ses droits acquis en tant que travailleur et a notamment droit à l’aide sociale (ATF 141 II 1 consid. 4.1). Ce droit s’étend en outre aux membres de la famille indépendamment de leur nationalité (directives OLCP, ch. 8.3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2589/2017 du 23 avril 2019 consid. 5.1).

13.         Le Tribunal fédéral a précisé que lorsqu’une demande de rente d’invalidité a été déposée, il convient d’attendre la décision de l’office compétent avant de se prononcer sur un éventuel droit de demeurer en Suisse de l’intéressé (ATF 141 II 1 précité consid. 4.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1102/2013 du 8 juillet 2014 consid. 4.5 ; 2C_587/2013 du 30 octobre 2013 consid. 4.3). Il faut toutefois que les autres conditions du droit de demeurer en Suisse soient réalisées, à savoir que l’intéressé ait cessé d’occuper un emploi à la suite d’une incapacité de travail et qu’il ait exercé son droit de demeurer en Suisse dans le délai de deux ans prévu à l’art. 5 par. 1 du règlement 1251/70 ou de la directive CEE 75/34 (ATF 144 II 121 consid. 3.2 ; 141 II 1 précité consid. 4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_587/2013 précité, ibidem). Exceptionnellement, il est également possible de ne pas attendre l’issue de la procédure AI lorsqu’il n’existe aucun doute quant à la réalité de l’incapacité de travail et de son commencement (ATF 141 II 1 précité consid. 4.2.1).

14.         En l’espèce, la recourante ne conteste pas avoir perdu la qualité de travailleur à la suite de l’AVC dont elle a été victime subi le 7 mars 2020, lequel lui a occasionné une incapacité de travail permanente et totale depuis cette date, ainsi que cela ressort de la décision de l’OCAI du 27 juin 2023. Il s’ensuit qu’elle ne peut pas prétendre au maintien de son autorisation de séjour sur la base de l’art. 6 par. 1 Annexe I ALC, ce qu’elle admet d’ailleurs.

Comme le soulève à juste titre l’autorité intimée, la recourante ne fait pas non plus valoir qu’elle disposerait du droit de demeurer en Suisse au sens de l’art. 4 al. 1 Annexe I ALCP et de l’art. 2 du règlement 1251/70. Tel n’est de toute manière pas le cas dès lors qu’elle ne résidait pas en Suisse d’une façon continue depuis plus de deux ans lors de la survenance de son incapacité de travail, respectivement au moment où les rapports de travail ont pris fin pour cette raison, au mois de mars 2021.

La procédure de demande de rente d’invalidité initiée par la recourante ayant pris fin au mois de juin 2023 avec le prononcé de la décision de l’OCAI, l’intéressée ne saurait non plus prétendre au maintien de son autorisation de séjour au motif que cette procédure serait encore pendante. Elle ne l’affirme du reste pas.

En l’absence de moyens financiers suffisants, elle ne bénéficie pas non plus d’un droit de demeurer sans activité lucrative au sens de l’art. 24 ALCP.

Partant, elle ne bénéficie plus d’aucun droit originaire de séjour en Suisse fondé sur l’ALCP.

15.         Il y a lieu cependant d’examiner dans quelle mesure elle pourrait tirer parti d’un éventuel droit de séjour en Suisse de ses deux enfants, fondé sur l’art. 3 par. 6 Annexe I ALCP, selon lequel les enfants d’un ressortissant d’une partie contractante qui exerce ou non, ou qui a exercé une activité économique sur le territoire de l’autre partie contractante sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de l’État d’accueil, si ces enfants résident sur son territoire.

16.         Selon la jurisprudence, il découle de la disposition précitée que les enfants d’un ressortissant d’une partie contractante qui exerce ou non, ou qui a exercé une activité économique sur le territoire de l’autre partie contractante ont le droit à la poursuite de leur séjour dans l’Etat d’accueil, afin d’y terminer leur formation, lorsque l’on ne peut raisonnablement pas exiger d’eux qu’ils retournent dans leur pays d’origine pour achever celle-ci (ATF 142 II 35 consid. 4.1 s. ; 139 II 393 consid. 4.2 ; arrêt de la Cour de justice du 15 mars 1989 C-389/87 et C-390/87 Echternach et Moritz, Rec. 1989-723, point 23). Le terme de formation précité comprend également la formation scolaire (ATF 132 V 184 consid. 7.2 ; arrêt de la Cour de justice du 17 septembre 2002, Baumbast, C-413/99, Rec. p. I-7091, point 69). Cette jurisprudence implique que les enfants aient déjà commencé, dans le cadre de leur formation, à s’intégrer dans le pays d’accueil, ce qui a été nié pour des enfants en bas âge, même s’ils se trouvaient en garderie ou à l’école enfantine (ATF 139 II 393 consid. 4.2.2).

Le parent qui exerce la garde de l’enfant a également un droit de séjour, indépendamment de ses moyens d’existence (ATF 142 II 35 consid. 4.2 ; 139 II 393 consid. 3.3 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_673/2019 du 3 décembre 2019 consid. 5.1 et la jurisprudence de la Cour de justice citée).

Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que si l’art. 3 par. 6 Annexe I ALCP permettait d’octroyer un droit de séjour à titre dérivé aux parents qui exercent la garde de l’enfant, il était nécessaire que celui-ci ait initialement obtenu un droit de séjour au titre du regroupement familial, c’est-à-dire en raison de la présence en Suisse de l’un de ses parents, ressortissant de l’Union européenne au bénéfice d’une autorisation fondée sur l’ALCP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_19/2021 du 21 mai 2021 consid. 4.3.2 ; cf. également directives OLCP, ch. 7.5.2.1).

17.         Sur la base de cette jurisprudence de la Cour de justice, le Tribunal fédéral a notamment estimé qu’un enfant qui avait effectué ses premières années d’école primaire en Suisse et qui, en raison de son âge, ne devrait pas avoir de grandes difficultés à s’adapter à un autre système scolaire, ne pouvait prétendre à une autorisation de séjour en vertu de l’art. 3 al. 6 Annexe I ALCP (arrêt du Tribunal fédéral 2A.475/2004 du 25 mai 2005 consid. 4.7 ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 2C_669/2015 du 30 mars 2016 consid. 6.3, dans lequel le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si un enfant de neuf ans avait commencé une formation au sens de cette disposition, considérant que le retour de celui-ci au Portugal avec sa mère, de nationalité portugaise, qui en avait la garde et avec laquelle celui-ci habitait, n’apparaissait pas inexigible).

Il a en revanche admis qu’on ne pouvait exiger d’un enfant arrivé en Suisse à l’âge de neuf ans, qui y avait terminé sa scolarité obligatoire et avait commencé un apprentissage, qu’il poursuive sa formation dans son pays d’origine – si tant est que cela soit possible –, dans la mesure où il n’avait pas reçu un enseignement de base en Allemagne, pays avec lequel il n’avait du reste apparemment plus d’attaches (arrêt du Tribunal fédéral 2A.475/2004 du 25 mai 2005 consid. 4.7).

Il a également retenu que le renvoi en Lettonie ne pouvait être exigé vis-à-vis d’une enfant née en Suisse, ayant obtenu un titre de séjour dans ce pays, ayant toujours vécu à Genève et ne parlant que le français. Élève studieuse et volontaire entretenant de bons rapports avec ses camarades de classe, âgée de onze ans au moment de l’arrêt attaqué, elle terminait la sixième année primaire et se préparait à entrer au cycle d’orientation. Elle ne se trouvait donc pas dans les premières années de l’école primaire mais à l’aube de son adolescence, période essentielle du développement personnel et scolaire, où un soudain déplacement de son centre de vie pouvait constituer un véritable déracinement pour elle et s’accompagner de grandes difficultés d’intégration. Elle ne pouvait par conséquent être considérée comme une enfant en bas âge ou au début de sa scolarité au sens de la jurisprudence qui, en raison de son jeune âge, ne devrait pas avoir de grandes difficultés à s’adapter à un autre système scolaire et à un nouvel environnement. Il apparaissait en outre qu’elle ne parlait pas le letton, ne s’était jamais rendue en Lettonie et que tous les membres de la famille de sa mère se trouvaient en Russie, pays dont ni elle ni sa mère n’avaient la nationalité. Elle résidait enfin en foyer depuis 2010, sa mère s’étant vu retirer la garde en raison de problèmes d’alcoolisme et de dépression et n’étant dès lors pas en mesure de s’occuper d’elle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_997/2015 du 30 juin 2016 consid. 3.1).

Il a encore considéré qu’un enfant âgé de 13 ans au moment où l’autorité précédente avait statué, qui était né et avait grandi en Suisse, et qui devait en principe se trouver en neuvième année HarmoS (accord intercantonal du 14 juin 2007 sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire; RS/GE C 1 06), n’était plus un enfant en bas âge, en début de scolarité, fréquentant une garderie ou l’école enfantine. L’intéressé approchait au contraire de la fin de l’école obligatoire, laquelle compte onze années (cf. art. 6 HarmoS), et ne se trouvait pas à un âge dans lequel un enfant vit essentiellement dans le cadre familial, soit une situation permettant de retenir que, sous réserve de circonstances particulières, il pourra s’adapter sans difficultés à son nouvel environnement. Il se trouvait au contraire au début de l’adolescence, période essentielle du développement personnel et scolaire où un soudain déplacement du centre de vie peut constituer un véritable déracinement et s’accompagner de grandes difficultés d’intégration. Un médecin pédiatre avait en outre indiqué par écrit qu’un départ de Suisse serait une source de stress majeur et compromettrait son développement. Dans de telles circonstances, l’intéressé avait le droit de terminer son école obligatoire en Suisse conformément à l’art. 3 al. 6 Annexe I ALCP et on ne pouvait raisonnablement pas exiger de lui qu’il retourne dans son pays d’origine – dans lequel il n’avait jamais vécu – pour ce faire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_673/2019 précité consid. 5.2).

18.         La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est toutefois pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 et les références citées ; ATA/556/2024 du 2 mai 2024 consid. 4.6 ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 13 et les références citées).

L’étranger est tenu de collaborer à la constatation des faits et en particulier de fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (art. 90 al. 1 let. a LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_161/2013 du 3 septembre 2013 consid. 2.2.1). Il est tenu de fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s’efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (art. 90 al. 1 let. b LEI). Selon la jurisprudence, l’art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l’étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1).

En l’absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d’éléments probants au dossier, l’autorité qui met fin à l’instruction du dossier en considérant qu’un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l’arbitraire ni ne viole l’art. 8 CC (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

19.         En l’espèce, il convient d’emblée de relever que les enfants de la recourante n’ont jamais obtenu, depuis leur arrivée en Suisse, une autorisation de séjour au titre du regroupement familial fondée sur l’art. 3 par. 1 Annexe I ALCP. L’OCPM a précisément refusé de leur délivrer une telle autorisation au terme de la décision querellée. Le préalable nécessaire pour leur octroyer un droit de séjour au sens de l’art. 3 par. 6 Annexe I ALCP n’est ainsi pas réalisé.

20.         La recourante fait cependant valoir qu’au moment où elle a déposé sa demande regroupement familial en faveur de ses enfants, les conditions d’octroi d’une telle autorisation étaient remplies. Elle avait fourni les documents nécessaires, à savoir une copie de son bail à loyer et de ses dernières fiches de salaire. Elle faisait en outre ménage commun avec le père de ses enfants – avec lequel elle était mariée – et avait sollicité le regroupement familial également en faveur de ce dernier. L’argument de l’OCPM, selon lequel elle n’avait pas fourni l’accord du précité pour que ses enfants puissent rester auprès d’elle, relevait dès lors du formalisme excessif. Ses enfants auraient dès lors dû obtenir une autorisation de séjour au titre du regroupement familial à leur arrivée en Suisse, dont ils pouvaient aujourd’hui réclamer la reconduction en vertu de l’art. 3 par. 6 Annexe I ALCP.

En l’occurrence, la pertinence de ce raisonnement n’a pas besoin d’être examinée. Comme il sera exposé ci-après, la recourante ne démontre en effet pas qu’il ne pourrait être raisonnablement exigé de ses enfants qu’ils retournent en Espagne pour terminer leur formation et qu’ils disposeraient dès lors d’un droit à rester en Suisse au sens de la disposition susmentionnée.

Etant né au mois de décembre 2015 et actuellement âgé de huit ans et demi, C______ est encore scolarisé à un niveau élémentaire (vraisemblablement en cinquième année HarmoS). Arrivé en Suisse à l’âge de quatre ans, il n’a probablement jamais fréquenté le système scolaire espagnol. Au vu de son jeune âge et du fait qu’il a vécu les premières années de sa vie en Espagne, il ne devrait toutefois pas avoir de difficulté insurmontable à s’adapter à un autre système scolaire, ce que la recourante n’allègue d’ailleurs pas. Il ne saurait dès lors prétendre au maintien d’une éventuelle autorisation de séjour sur la base de l’art. 3 par. 6 Annexe I ALCP.

La situation est plus délicate en ce qui concerne B______. Etant actuellement âgé de dix-sept ans, celui-ci se trouve à la sortie de l’adolescence. Conformément à la jurisprudence, il vit donc encore une période essentielle du développement personnel et scolaire, où un soudain déplacement du centre de vie pourrait constituer un véritable déracinement et s’accompagner de grandes difficultés d’intégration. En l’espèce, ces difficultés pourraient être accentuées par ses symptômes de trouble de l’attention et de trouble anxieux généralisé qui nécessitent la mise en place d’un programme scolaire adapté, ainsi que cela ressort du rapport d’évaluation d’H______ produit par la recourante.

Cela étant, le rapport susmentionné n’indique à aucun moment qu’un retour d’B______ dans son pays d’origine – dans lequel il a vécu jusqu’à l’âge de 12 ans et ne semble pas avoir fait l’objet d’une prise en charge déficiente – s’accompagnerait de difficultés insurmontables, rendant une telle mesure inexigible. Le courrier d’H______ du 29 décembre 2023, qui recommandait qu’B______ et C______ puissent rester en Suisse pour continuer à bénéficier d’un accompagnement médico-social qui n’était pas possible dans leur pays d’origine, ne suffit pas non plus à fonder un tel constat.

Alors que le fardeau de la preuve lui incombait et qu’elle était assistée d’un mandataire professionnellement qualifié, la recourante n’a pas allégué d’autres circonstances concrètes en lien avec l’exigibilité d’un retour d’B______ en Espagne. Elle n’a renseigné le tribunal ni sur le degré d’intégration du précité, ni sur l’avancement de sa scolarité – se limitant à produire une attestation pour l’année 2023-2024 sans actualiser celle-ci dans le cadre de sa réplique du 12 août 2024 –, ni sur ses activités à l’intérieur et à l’extérieur du cadre familial et scolaire, ni non plus sur les attaches qu’il aurait nouées avec cet environnement. Ce faisant, elle semble perdre de vue que l’âge et les troubles cognitifs d’B______ ne permettent pas, à eux seuls, de conclure qu’il ne pourrait être exigé de lui qu’il poursuive sa scolarité en Espagne, étant une nouvelle fois relevé qu’il ne ressort pas du dossier que ce pays ne disposerait pas de structures adaptées pour le prendre en charge de manière adéquate.

Il sied en outre de relever que le cas d’espèce se distingue de ceux jugés par le Tribunal fédéral dans les arrêts du 30 juin 2016 et du 3 décembre 2019 mentionnés ci-avant. Dans ces affaires, les enfants concernés étaient nés en Suisse, n’avaient plus d’attaches avec leur pays d’origine et n’avaient jamais fréquenté son système scolaire, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence, étant relevé que le père d’B______ et C______ est retourné vivre en Espagne. Le cas d’espèce diffère également de celui jugé dans l’arrêt du 25 mai 2005, aux termes duquel le Tribunal fédéral a jugé un retour en Allemagne inexigible dès lors que l’enfant concerné n’avait pas reçu d’enseignement de base dans ce pays et n’y avait plus d’attaches.

Au vu de ce qui précède, les conditions permettant d’accorder à B______ et C______ un droit de séjour originaire fondé sur l’art. 3 par. 6 Annexe I ALCP ne sont pas réalisées. Partant, la recourante ne peut pas non plus prétendre à l’octroi d’un droit de séjour dérivé sur cette base.

21.         Reste à examiner la situation de la recourante et de ses fils sous l’angle de l’art. 20 OLCP.

22.         Selon l’art. 20 OLCP, qui ne confère aucun droit, si les conditions d’admission sans activité lucrative ne sont pas remplies au sens de l’ALCP, une autorisation de séjour UE/AELE peut être délivrée lorsque des motifs importants l’exigent (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3531/2016 du 21 août 2017 consid. 6.1.1).

23.         L’existence de « motifs importants », au sens de cette disposition, constitue une notion juridique indéterminée qu’il convient d’interpréter en s’inspirant des critères développés par la pratique et la jurisprudence en relation avec les cas personnels d’extrême gravité au sens de l’art. 31 OASA (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5385/2009 du 10 juin 2010 consid. 6.2).

24.         Dans la mesure où la question de savoir si de tels motifs existent en l’occurrence et celle de savoir si le recourant et ses enfants peuvent se prévaloir de l’art. 30 al. 1 let. b LEI pour demeurer en Suisse se recoupent, il convient de les examiner conjointement.

25.         Selon cette dernière disposition, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité. L’art. 31 OASA énumère, à titre non exhaustif, une liste de critères qui sont à prendre en considération dans l’examen de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, à savoir l’intégration, le respect de l’ordre juridique, la situation familiale, la situation financière et la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation, la durée de la présence en Suisse et l’état de santé, étant précisé qu’il convient d’opérer une appréciation globale de la situation personnelle de l’intéressé. Aussi, les critères précités peuvent jouer un rôle déterminant dans leur ensemble, même si, pris isolément, ils ne sauraient fonder en soi un cas de rigueur (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.2).

Selon la jurisprudence constante relative à la reconnaissance des cas de rigueur en application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, applicable par analogie à l’art. 20 OLCP, il s’agit de normes dérogatoires présentant un caractère exceptionnel et les conditions auxquelles la reconnaissance d’un cas de rigueur est soumise doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu’une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences (cf. not. ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 précité, consid. 8.4).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 précité, consid. 8.5 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).

Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse durant une assez longue période, qu’il s’y soit bien intégré et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer de tels motifs importants ; encore faut-il que la relation de l’intéressé avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger de lui qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-3337/2010 du 31 janvier 2012 consid. 4.3 et les références ; directives OLCP, ch. 8.2.7).

26.         Des motifs médicaux peuvent, suivant les circonstances, conduire à la reconnaissance d’une raison personnelle majeure, lorsque l’intéressé démontre souffrir d’une sérieuse atteinte à sa santé, qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d’urgence indisponibles dans le pays d’origine, de sorte qu’un départ de Suisse serait susceptible d’entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas pour pouvoir y demeurer (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; 123 II 125 consid. 5b/dd et les références; arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2019 du 4 novembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 6a).

Une grave maladie (à supposer qu’elle ne puisse pas être soignée dans le pays d’origine) ne saurait cependant justifier à elle seule la reconnaissance d’un cas de rigueur, l’aspect médical ne constituant que l’un des éléments, parmi d’autres (durée du séjour, intégration socioprofessionnelle et formations accomplies en Suisse, présence d’enfants scolarisés en Suisse et degré de scolarité atteint, attaches familiales en Suisse et à l’étranger, etc.), à prendre en considération (ATF 128 II 200 consid. 5.1 à 5.4 ; 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6545/2010 du 25 octobre 2011 consid. 6.4). Ainsi, en l’absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, le facteur médical ne saurait constituer un élément suffisant pour justifier la reconnaissance d’un cas personnel d’extrême gravité. Les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l’exécution du renvoi au sens de l’art. 83 al. 3 LEI et un individu ne pouvant se prévaloir que d’arguments d’ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d’origine et souffrant de la même maladie ou d’un état de santé d’une gravité similaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4436/2019 du 1er février 2021 consid. 6.3.2 et les références).

Le Tribunal administratif fédéral a notamment rejeté le recours interjeté par une ressortissante burkinabè contre le refus de l’autorité fédérale de donner son approbation à la continuation de son séjour en Suisse, en application de l’art. 30 al.1 let. b LEtr. Quand bien même elle souffrait d’une réactivation des symptômes d’un état de stress post-traumatique, d’un épisode dépressif moyen, de troubles anxieux phobiques et de probables autres troubles délirants persistants, ils n’atteignaient pas la gravité requise par la jurisprudence constante (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5316/2011 du 29 octobre 2013).

27.         Lorsqu’il y a lieu d’examiner la situation d’une famille sous l’angle de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, la situation de chacun de ses membres ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global. Le sort de la famille formera en général un tout. Il serait en effet difficile d’admettre le cas d’extrême gravité, par exemple, uniquement pour les parents ou pour les enfants. Ainsi le problème des enfants est un aspect, certes important, de l’examen de la situation de la famille, mais ce n’est pas le seul critère. Il y a donc lieu de porter une appréciation d’ensemble, tenant compte de tous les membres de la famille. Quand un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse ou lorsqu’il y a juste commencé sa scolarité, il reste encore, dans une large mesure, rattaché à son pays d’origine par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socio-culturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour au pays d’origine constitue un déracinement complet (arrêt du Tribunal administratif fédéral 2007/16 du 1er juin 2007 et les références). Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et, au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle commencées en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7 ; ATA/1818/2019 du 17 décembre 2019 consid. 5f).

28.         L’autorité cantonale compétente dispose d’un large pouvoir d’appréciation, l’étranger ne bénéficiant pas d’un droit de séjour en Suisse fondé sur l’art. 84 al. 5 LEI (arrêts du Tribunal fédéral 2C_276/2017 du 4 avril 2017 consid. 2.1 ; 2D_67/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.2). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (art. 96 al. 1 LEI).

29.         En l’espèce, la recourante et ses enfants séjournent en Suisse depuis environ cinq ans, ce qui ne constitue pas une durée particulièrement longue au sens de la jurisprudence. Concernant la recourante, celle-ci ne peut se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle remarquable. Depuis son arrivée en Suisse au mois de septembre 2019, elle n’a exercé une activité dans la restauration et le nettoyage que durant six mois, laquelle a pris fin en raison de l’AVC dont elle a été victime au mois de mars 2020. Depuis lors, elle émarge principalement à l’assistance publique. En outre, elle n’a pas allégué avoir noué avec la Suisse des liens allant au-delà de ce qui peut être attendu de tout étranger au terme d’un séjour d’une durée comparable. Aucun élément ne permet enfin de retenir qu’elle serait confrontée à des difficultés insurmontables pour se réintégrer en Espagne, pays dont elle possède la nationalité et où elle vivait précédemment.

Concernant ses enfants, en particulier B______, la recourante n’allègue pas que ceux-ci se seraient si profondément intégrés au milieu socio-culturel suisse qu’un retour au pays d’origine constituerait un déracinement complet. Elle ne prétend pas davantage qu’ils seraient dans l’impossibilité de poursuivre en Espagne la scolarité qu’ils ont suivie à Genève.

S’agissant des problèmes de santé de la recourante, il n’est pas démontré que le suivi et les soins médicaux dont elle aurait encore besoin ne seraient pas disponibles dans son pays d’origine. Au contraire, il est notoire que l’Espagne dispose d’un système de santé apte à assurer les soins médicaux nécessaires à l’ensemble des troubles de la santé (cf. ATA/1098/2021 du 19 octobre 2021 consid. 8 dans un cas qui concernait le Portugal). Il convient en outre de rappeler que le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas à justifier l’octroi d’une autorisation de séjour.

La seule évocation d’une possible péjoration de l’état de la recourante en cas de renvoi dans son pays ne saurait non plus justifier une dérogation. S’il est vrai que le traitement de pathologies psychiques nécessite une certaine confiance avec les thérapeutes, il n’est ni allégué ni démontré qu’il serait impossible de trouver en Espagne des médecins à même d’accompagner la recourante (cf. JTAPI/150/2023 du 7 février 2023 consid. 23). Par ailleurs, comme indiqué supra, les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l’exécution du renvoi et une personne qui ne peut se prévaloir que d’arguments d’ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d’origine et souffrant de la même maladie. Partant, la problématique médicale de la recourante ne saurait fonder, à elle seule, l’octroi d’un titre de séjour pour cas de rigueur.

Les considérations qui précèdent sont également applicables à la situation d’B______. Le seul fait qu’il bénéficie actuellement d’un accompagnement médico-social qui ne serait prétendument pas possible en Espagne ne permet pas de justifier, à lui seul, l’octroi d’une autorisation de séjour à ce titre.

L’autorité intimée n’a dès lors pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en estimant que la recourante et ses enfants ne satisfaisaient pas aux conditions restrictives prévues par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.

Partant, c’est à bon droit qu’elle a révoqué l’autorisation de séjour de la recourante et refusé d’octroyer un droit de séjour à ses enfants.

30.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d’une autorisation de séjour, l’autorité ne disposant à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

Aux termes de l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

31.         En l’espèce, la recourante et ses enfants ne disposant plus d’aucun titre de séjour, c’est à bon droit que l’autorité intimée a prononcé leur renvoi de Suisse.

S’agissant de l’exécution du renvoi, la recourante ne critique pas, en tant que tel, le délai au 25 juillet 2024 imparti par l’OCPM pour quitter la Suisse. Elle se limite à produire un courrier du centre de soins au sein duquel elle est suivie, selon lequel une interruption abrupte de son traitement pourrait entraîner un risque important de décompensation, impliquant une aggravation de ses symptômes et un passage à l’acte auto-agressif. Ce faisant, elle n’allègue ni ne démontre qu’elle serait dans l’impossibilité de prendre des mesures permettant de garantir le transfert de son dossier médical en Espagne et la poursuite de son traitement médical sur place sans interruption.

Partant, elle n’établit pas que l’exécution du renvoi l’exposerait à une situation mettant gravement en péril son intégrité physique ou sa vie et que cette mesure ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

32.         En conclusion, le recours s’avère mal fondé. Il sera dès lors rejeté et la décision attaquée confirmée.

33.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

La recourante étant au bénéfice de l’assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d’une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l’assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d’office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

34.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d’État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2024 par Madame A______ agissant en son nom et celui de ses enfants mineurs B______ et C______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 25 avril 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l’assistance juridique en application de l’art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière