Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/3378/2023

JTAPI/935/2024 du 19.09.2024 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : AMENDE;REMISE EN L'ÉTAT;JONCTION DE CAUSES;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LCI.137.al1.letc; CP.49
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3378/2023 A/47/2024 A/49/2024 LCI

JTAPI/935/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 septembre 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Pascal PÉTROZ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après : A______), sise ______[GE], a pour but l’exploitation et la mise en valeur d’ateliers horlogers ainsi que tous immeubles commerciaux ou industriels ______.

Elle est propriétaire des parcelles nos parcelle 1______, 2______, 3______, 4______, 5______, 6______, feuilles ______ et ______, de la commune de B______, d’une surface totale de
123’849 m2, situées en 5ème zone.

2.             Dans le cadre de diverses procédures d'infraction en cours d'instruction par le département du territoire (ci-après : DT ou le département) sur les parcelles de A______, une visite sur place a eu lieu le 20 juin 2023, en présence d'un représentant de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) et de Monsieur C______, mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) de A______.

Parcelle n° 6______ / I-7______

3.             Par courriel du 20 juin 2023, adressé au MPQ de A______, le département a relevé l'existence de plusieurs constructions/installation au sens de l'art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) sur la parcelle n° 6______.

Dans le coin ouest de cette parcelle, un parking avec clôtures et portails. Ce parking apparaissait sur la DD 11_____, laquelle avait été refusée en 2013.

Au nord du bâtiment n° 12_____, situé sur la parcelle n° 3______, une enseigne publicitaire portant la mention « D______ » au milieu du champ. Le long de la parcelle n° 2______, une seconde place utilisée comme parking et dépôt de matériel divers. Des chemins longeant les parcelles nos 2______, 3______, 1______, 5______. Dans le coin sud de la parcelle, un coin de dépôts de matériaux divers, y compris des monticules de terre modifiant les niveaux du terrain naturel. Tous ces éléments n'apparaissaient pas sur la photo aérienne de 2005, prouvant qu'ils ne pouvaient bénéficier de la prescription trentenaire. Il apparaissait qu'aucun des objets précités n'avait fait l'objet d'une quelconque autorisation de construire. Il avait pris note que le grand parking visible sur les photos aériennes de 2021 et avant avait été supprimé, lequel avait fait l'objet du dossier DD 11_____ refusé. Un délai de dix jours était imparti au MPQ pour qu'il se positionne formellement sur les points précités. Parallèlement, un nouveau dossier d'infraction serait ouvert (I-7______).

4.             Par décision du ______ 2023, adressée à A______, concernant l'infraction I-7______ portant sur divers aménagements, installations et constructions sans autorisation sur la parcelle n° 6______, le département, se référant au constat réalisé le 20 juin 2023 et à son mail envoyé au MPQ le 20 juin 2023, demeuré sans réponse, a confirmé qu'après avoir procédé aux vérifications d'usage, la réalisation des éléments énumérés ci-après était soumise à autorisation de construire. Il s'agissait notamment :

1. d'un parking avec clôtures et portails dans le coin ouest de la parcelle ;

2. d'une enseigne publicitaire notée « D______ » au milieu du champ, au nord du bâtiment n° 12_____ sur la parcelle n° 3______ ;

3. d'une seconde place utilisée comme parking et dépôt de matériel divers, le long de la parcelle n° 2______ ;

4. de chemins longeant les parcelles nos 2______, 3______, 1______ et 5______ ;

5. d'un coin de dépôt de matériaux divers, y compris des monticules de terre modifiant les niveaux du terrain naturel, dans le coin sud de la parcelle.

En application des art. 129 et ss LCI, il lui ordonnait de requérir d'ici au 11 août 2023, une autorisation de construire définitive complète en bonne et due forme par le biais de MPQ. Il devrait être clairement stipulé sur le formulaire de requête qu'il s'agissait d'une demande de régularisation I-7______.

À défaut d'une requête en autorisation de construire dans le délai imparti, elle s'exposait à toutes autres mesures et/ou sanction justifiées par la situation. À cet égard, compte tenu de la latence démontrée de sa part dans la résolution des nombreuses infractions constatées sur les différentes parcelles dont elle était propriétaire, aucun délai ne lui serait octroyé pour répondre à la présente décision.

À l'issue de l'instruction de la requête ou sans dépôt dans le délai imparti, le département statuerait par décision séparée sur les mesures applicables visant au rétablissement d'une situation conforme au droit.

S'agissant de la sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit, celle-ci pourrait faire l'objet d'une décision à l'issue du traitement du dossier I-7______, laquelle restait en l'état réservée.

5.             Par courrier du 11 août 2023, A______, sous la plume de son conseil, a indiqué au département qu'en raison des vacances horlogères, lesquelles s'étendaient du 17 juillet au 11 août 2023 inclusivement, il ne lui était matériellement pas possible de procéder au dépôt de la requête en autorisation de construire ordonnée dans le délai imparti. Elle sollicitait ainsi une prolongation d'un mois du délai imparti, à savoir au 11 septembre 2023.

6.             Par courrier du 22 août 2023, le département a répondu à l'intéressée que compte tenu de l'historique de la situation litigieuse perdurant notamment sur la parcelle en question tel que relevé dans la décision du ______ 2023, il ne pouvait accéder à sa demande de report et lui a imparti un délai au 29 août 2023 pour donner suite à son ordre. À défaut et/ou sans nouvelles de sa part dans le délai susmentionné, elle s'exposait à toutes autres mesures et/ou sanctions justifiées par la situation.

7.             Par décision du ______ 2023 adressée à A______, se référant à sa décision du ______ 2023 concernant l'infraction I-7______, à laquelle elle n'avait donné aucune suite, malgré le délai imparti au 29 août 2023, le département lui a infligé une amende administrative de CHF 5'000.-. Le montant de cette amende tenait compte de son attitude répétée à ne pas se conformer à ses ordres, de l'historique de cette affaire et des récidives relevées notamment dans le cadre du traitement de la procédure I-8______.

Cela étant, il lui ordonnait dans un nouveau délai au 13 octobre 2023 de requérir une autorisation de construire visant la régularisation de l'infraction I-7______. En cas de non-respect de cet ordre et/ou sans nouvelles de sa part dans le délai imparti, elle s'exposait à toutes nouvelles mesures et/ou sanctions justifiées par la situation. Au surplus la sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit pourrait faire l'objet d'une décision séparée, laquelle demeurait réserver en l'état.

S'agissant d'une mesure d'exécution d'une décision en force, la présente ne pouvait faire l'objet d'un recours. L'amende quant à elle pouvait être contestée devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) dans un délai de 30 jours.

Cette décision n'a pas été contestée.

8.             Le 11 octobre 2023, le conseil de A______ a informé le département qu'il avait cessé d'occuper.

9.             Le 20 octobre 2023, A______, sous la plume de son nouveau conseil, a requis du département une nouvelle prolongation de délai pour requérir l'autorisation de construire et fournir les plans conformes des bâtiments situés sur la parcelle n° 5______ / I-10_____). Il sollicitait le même report de délai s'agissant des autres parcelles de B______, notamment les parcelles nos parcelle 1______, 4______, 2______, 3______ et 6______.

10.         Par courriel du 31 octobre 2023, se référant aux procédures I-7______ / 9______ / 10_____, le département a informé l'intéressée qu'il ne pouvait accepter sa demande de report et dès lors, il lui a imparti un délai au 10 novembre 2023 pour répondre à son ordre. À défaut, elle s'exposait à toutes autres mesures et/ou sanctions justifiées par la situation.

11.         En date du 10 novembre 2023, A______, se référant aux procédures I-7______ / 9______ / 10_____, a sollicité un délai supplémentaire de dix jours, soit jusqu'au 20 novembre 2023.

12.         Par décision du ______ 2023, le département lui a rappelé qu'il avait, le 31 octobre 2023, refusé d'accéder à ses demandes de prolongation de délai et lui avait imparti un délai au 10 novembre 2023 pour exécuter l'intégralité de son ordre. Il constatait en outre qu'elle persistait à faire fi de ses décisions et qu'aucune suite n'avait été donnée aux mesures qui lui avaient été signifiées. Cette manière d'agir ne pouvait être tolérée sous aucun prétexte et devait être sanctionnée, raison pour laquelle il lui infligeait une amende de CHF 9'000.-. Le montant de cette amende tenait compte de son attitude répétée à ne pas se conformer aux ordres du département, de l'historique de cette affaire, et des récidives relevées notamment dans le cadre du dossier I-8______.

Il lui a accordé un nouveau délai au 22 décembre 2023 pour requérir l'autorisation définitive concernée. À défaut de quoi, elle s'exposait à de nouvelles mesures et/ou sanctions.

13.         Par acte du 5 janvier 2024, A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours contre l'amende du ______ 2023 (I-7______) auprès du tribunal. Elle a conclu à l'annulation de la décision précitée, sous suite de frais et dépens. Cette procédure a été enregistrée sous A/49/2024.

Aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre. En effet, la parcelle était louée par E______ et partant, les aménagements constatés par le DT le 20 juin 2023 qui nécessiteraient – selon ce dernier – l'obtention d'une autorisation de construire n'étaient pas de son fait. Aucune faute ne pouvant lui être attribuée, la décision devait être annulée.

La décision contrevenait au principe de proportionnalité. Par décision du ______ 2023, le département lui avait imparti un délai au 11 août 2023 pour déposer une demande d'autorisation de construire définitive en raison d'aménagements extérieurs. Cette décision avait été rendue en plein milieu des vacances estivales et durant la période de fermeture du monde horloger, ce que le département savait pertinemment puisque son MPQ avait précisément attiré son attention sur ce point lors du rendez-vous du 20 juin 2023. Le délai imparti tombait également durant la période de fermeture de l'entreprise, ce que l'autorité intimée savait. Ce délai était manifestement trop court, et elle n'avait ainsi pas disposé de temps pour préparer un dossier de demande d'autorisation. Dans une telle situation, elle n'était naturellement et objectivement pas en mesure de déposer un quelconque dossier. Partant, aucune faute ne pouvait lui être reprochée, de sorte que l'amende ne se justifiait pas. À cela s'ajoutait que les parcelles litigieuses avaient été évacuées des aménagements visés par le département, de sorte que l'exigence du dépôt d'une demande d'autorisation de construire était injustifiée. Le montant de l'amende était également disproportionné au regard de la jurisprudence.

L'amende était prématurée. La décision du ______ 2023 étant une décision incidente, elle ne pouvait pas être contestée, sous réserve de l'amende infligée. Elle ne pourrait en attaquer le bien-fondé qu'une fois la demande d'autorisation de construire définitive éventuellement déposée et décidée par le département. À cela s'ajoutait le fait que le DT lui avait déjà infligé une première amende administrative de CHF 5'000.- ce qui justifiait d'autant moins la nouvelle amende. Elle rappelait enfin que le département avait systématiquement refusé ses demandes de délais supplémentaires, pourtant légitimes. Par son attitude, le département démontrait de l'acharnement à son égard, au vu de ses demandes incessantes et des délais impartis durant les vacances horlogères.

14.         En date du 11 mars 2024, le département a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Il a conclu au rejet du recours et à la condamnation de la recourante aux dépens de l'instance.

Le fait que E______ était locataire de la parcelle en question n'enlevait rien à la responsabilité de la recourante. En effet, cette dernière avait été sanctionnée en raison du fait qu'elle ne s'était pas conformée à ses ordres de déposer une requête en autorisation de construire. Étant la destinataire de ces deux ordres, elle était fautive de par son inaction.

En outre, il était légitimé à lui adresser l'ordre litigieux en sa qualité de propriétaire de la parcelle, ce d'autant plus que le dépôt d'une requête nécessitait la signature du propriétaire. Il ne faisait dès leur aucun doute que la faute de la recourante était donnée.

La décision du ______ 2023 était en force faute d'avoir été contestée à temps par la recourante, de sorte que son grief qui visait à remettre en cause le délai imparti au 11 août 2023 était tardif. Ce grief était en outre peu crédible compte tenu du fait qu'elle ne s'était pas exécutée dans le délai qu'elle s'était elle-même fixée au 11 septembre 2023 et qu'elle avait ensuite sollicité de nouvelles prolongations de délais bien au-delà des vacances horlogères. Ceci démontrait l'inconsistance de son argumentation.

Quant au fait qu'elle aurait prétendument évacué les parcelles litigieuses des aménagements visés par le département, outre le fait que ceci restait encore à démontrer, la recourante ne lui avait à aucun moment exposé et prouvé par l'apport d'un reportage photographique, avant son acte de recours, qu'un tel dépôt d'autorisation de construire serait inutile car l'ensemble des éléments constatés sur place aurait été supprimé. Au contraire, en date du 10 novembre 2023, la recourante avait demandé un délai pour déposer une requête en autorisation de construire ce qui prouvait, à l'évidence, que les éléments réalisés sans droit n'avaient pas été remis en état à ce moment. De plus, la recourante fournissait les mêmes photographies dans les procédures A/3378/2023 (I-10_____-parcelle n° 5______) et A/47/2024 (I-9______-parcelle n° 17_____), lesquelles ne portaient pourtant pas sur les mêmes parcelles et donc sur les mêmes objets. Soutenir le contraire relevait d'une mauvaise foi patente.

Contrairement à ce qu'elle soutenait, l'amende n'était pas prématurée. La recourante semblait confondre les décisions incidentes dont elle se prévalait, qu'elle ne pouvait contester, et la sanction qui était seule litigieuse en l'espèce, sanctionnant le fait qu'elle ne s'était pas conformée à l'ordre du ______ 2023.

En outre, il avait depuis lors déjà dû réitérer son ordre à deux reprises sans toutefois que la recourante ne daigne s'y conformer. Ceci dénotait une absence de considération pour les dispositions légales en vigueur et pour les décisions des autorités, soit un comportement qui devait être sanctionné sévèrement. Une précédente amende de CHF 5'000.- n'avait d'ailleurs eu aucun effet sur l'attitude de la recourante, ce qui justifiait d'autant plus qu'une amende d'un montant supérieur lui soit infligée afin qu'elle prenne conscience de la situation et que le résultat escompté, à savoir le respect des ordres prononcés, soit atteint.

L'amende querellée sanctionnait en outre la deuxième récidive de la recourante de ne pas s'être conformée à l'ordre prononcé dans le dossier d'infraction I-7______, ce qui constituait déjà une circonstance aggravante, sans compter les récidives constatées dans les autres dossiers d'infraction qu'elle ne contestait pas.

Enfin, le montant de CHF 9'000.- se situait dans la partie basse de la fourchette des sanctions prévues par la LCI (maximum CHF 150'000.-) et était apte à atteindre le but visé par la loi. La recourante n'avançait pas non plus que le paiement de l'amende la placerait dans une situation financière difficile.

15.         Le 29 avril 2024, après avoir sollicité deux prolongations de délai, la recourante a répliqué.

Le département avait totalement occulté les vacances horlogères rappelées lors de la visite du 20 juin 2023, la mettant ainsi en difficulté dans le traitement des nombreux dossiers ouverts à son encontre. Suite à cette visite, pas moins de huit procédures d'infraction avaient été ouvertes par le département à l'encontre du groupe D______. Il était par conséquent malvenu de prétendre qu'elle aurait fait preuve d'inaction, puisque, cumulé aux vacances, le traitement simultané de tous les dossiers ouverts était matériellement impossible.

Sa responsabilité n'était pas engagée concernant les aménagements ayant donné lieu à la décision attaquée dans la mesure où ils étaient le fait de E______. De surcroît, ceux-ci avaient été évacués avant même la décision attaquée ce que le département passait sous silence. Ce dernier avait en outre compliqué le travail du MPQ puisque les aménagements abordés dans ses décisions concernaient plusieurs parcelles différentes. Dans ces circonstances, aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre.

Concernant la proportionnalité de l'amende, l'ensemble des décisions rendues en cascade par le département à son encontre étaient toutes disproportionnées et notamment, la décision attaquée. Le DT n'avait à aucun moment pris en considération les circonstances du cas d'espèce, à savoir le décès de l'ancien MPQ qui avait sensiblement compliqué le traitement des dossiers, ni les vacances annuelles du secteur horloger. Le département ne pouvait, sans violer le droit, lui infliger une amende en raison du non-respect du contenu de la décision du ______ 2023, respectivement de la décision attaquée, lesquelles imposaient le dépôt d'une demande d'autorisation de construire dans un délai de 30 jours, ce qui était matériellement impossible. Troisièmement, elle devait alors répondre à quantité de demandes dans différents dossiers parallèles. Le département ne pouvait occulter la charge de travail importante qu'il imposait au MPQ dans les différents dossiers d'infraction sans violer le principe de proportionnalité. Il avait en outre déjà prononcé une amende de CHF 5'000.-, ce dont il n'avait pas tenu compte. Enfin, les photographies produites à l'appui du recours qui montraient l'ensemble des parcelles abordées par le département dans ses décisions, démontraient que la parcelle avait été en partie remise en son état initial avant même que la décision attaquée soit rendue.

Les amendes infligées et la multitude des décisions parallèles rendues à l'encontre du groupe démontrait une intention de nuire inacceptable. Dans la mesure où elle était dans l'impossibilité de démontrer à ce stade que le dépôt d'une autorisation de construire ne se justifiait pas, l'amende infligée était en tout état prématurée.

16.         Le 21 mai 2024, le DT a dupliqué.

La recourante ne démontrait pas avoir donné de suite satisfaisante aux ordres prononcés. Les éléments exposés, soit les vacances horlogères ou encore le nombre de procédures d'infraction ouvertes n'étaient pas à même de changer cela. L'amende querellée était celle infligée le ______ 2023 pour le non-respect d'un nouveau délai fixé au 10 novembre 2023, soit postérieurement aux vacances horlogères invoquées. Au demeurant, ces vacances relevaient d'une convention patronale et ne pouvaient donc être considérées comme notoires dans le canton et encore moins être opposables aux autorités administratives. De plus, elles n'étaient pas de nature à empêcher un MPQ de travailler sur un dossier d'autorisation de construire et la production de plans. En outre, le fait que le groupe D______ soit à l'origine de nombreuses infractions et ne parvienne pas ensuite à traiter les conséquences de celles-ci de manière appropriée ne pouvait être reproché au département.

Le fait que les éléments visés par les ordres auraient été évacués avant même que la décision litigieuse ne soit rendue restait à démontrer. La recourante ne lui avait à aucun moment exposé et prouvé (par l'apport d'un reportage photographique avant son recours), malgré plusieurs échanges de courriers au sujet de l'ordre du ______ 2023 qu'un tel dépôt d'autorisation de construire serait inutile (car l'ensemble des éléments constatés sur place aurait été supprimé). Au contraire, le 10 novembre 2023 (soit postérieurement à la prétendue démolition en octobre 2023 selon la recourante), celle-ci avait demandé un délai pour déposer une requête en autorisation de construire, ce qui prouvait à l'évidence que les éléments réalisés sans droit n'avaient pas été remis en état à ce moment-là.

Pour le surplus, il a persisté dans son argumentation.

Parcelle n° 1______ / I-9______

17.         La parcelle n° 1______ possède une surface de 3'090 m2.

18.         Par courriel du 21 juin 2023 adressé au MPQ de A______, le département a relevé que sur la parcelle n° 1______ existaient plusieurs constructions/installation au sens de l'art. 1 LCI.

Il s'agissait du bâtiment n° 23_____, en travaux sans autorisation ; les dossiers liés à cette parcelle étaient la DD 18_____ qui avait été abandonnée le 22 septembre 2020 et la M 19_____ « démolitions d'un garage et d'un abri pour animaux » dont l'ouverture et la fin de chantier dataient du 16 mars 1999. Les photographies aériennes historiques depuis 2001 révélaient que la transformation du sol de cette parcelle était en constante mutation jusqu'à ce jour. Un délai de dix jours lui était imparti pour se positionner formellement sur les points précités. Parallèlement, un nouveau dossier d'infraction était ouvert concernant ce constat et toute mesure et/ou sanction justifiée par la situation demeurait expressément réservée.

19.         Par courriel du 29 juin 2023, se référant à la visite sur place du 20 juin 2023, le département a réitéré le bilan de la parcelle n° 1______.

Dans la partie sud de cette parcelle, il y avait un bâtiment cadastré sous plusieurs numéros (31______- 32______- 33______- 34______), lequel avait fait l'objet d'un dossier de démolition sous le n° M 20_____, autorisée en 1999. L'avis d'ouverture de chantier avait été envoyé quelques jours après l'obtention de ladite autorisation. Le même bâtiment avait fait l'objet d'une autorisation de démolir plus récente sous le n° M 21_____. Un avis d'ouverture de chantier lié à cette démolition avait été enregistré auprès du département annonçant des travaux débutant le 3 mai 2021. À ce jour, le bâtiment en question n'avait pas été démoli, pas plus que les autres bâtiments situés sur la parcelle adjacente n° 5______, faisant également partie de la même autorisation. Il semblait s'agir d'une fausse annonce de chantier ayant pour seul but de ne pas rendre caduque cette autorisation de construire (sic).

A______ était invitée à fournir au département tout élément qui permettrait de ne pas considérer cette autorisation comme n'étant plus valable.

Sur l'ensemble du reste de la parcelle, divers aménagements extérieurs avaient été réalisés au cours du temps. L'évolution du terrain était clairement visible sur les photos historiques de la parcelle sur le site H______.

Le département requérait la production des plans conformes à la réalité de ces bâtiments dès lors que le MPQ avait stipulé lors de leur rencontre être en possession de telles informations.

Un délai de dix jours lui était imparti pour se positionner formellement sur les points précités. Parallèlement, un dossier d'infraction était ouvert et toute mesure et/ou sanction demeurait réservée.

20.         Par courriel du 7 juillet 2023 adressé au département, le MPQ de A______ s'est déterminé comme suit : concernant la M 19_____, l'ancien MPQ qui était décédé avait déposé une demande visant la démolition d'un garage et d'un abri pour animaux. Malheureusement, il n'était pas possible de récupérer les documents ou l'historique de cette demande auprès de la famille.

Concernant la démolition M 21_____, le permis de démolir avait été obtenu le ______ 2020 concernant les bâtiments nos 31______, 32______, 33______ et 34______.

Le chantier avait été initié après l'annonce comme le montraient les photos annexées. Le maître d'ouvrage avait changé d'avis en cours de chantier, voulant conserver les murs pour « obtenir un concept d'harmonie de site F______ » avec les toitures des bâtiments A, B, C et D en cours d'élaboration.

Contrairement à ce que soutenait le département, il n'y avait aucune modification des niveaux de terrain sur la parcelle. Au cours de la construction des bâtiments C-D entre 2016 et 2019, une partie de la parcelle au nord avait été utilisée pour déposer des matériaux de chantier. Depuis, la parcelle avait retrouvé sa configuration initiale comme le montraient les photos.

21.         Par décision du ______ 2023, adressée à A______, concernant l'infraction 9______ portant sur divers aménagements, installations et constructions sans autorisation sur la parcelle n° 1______, le département a notamment relevé que la M 19_____ n'avait jamais été mise en œuvre et que la M 21_____ n'avait pas été réalisée dans un délai raisonnable au sens de l'art. 33A du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01), de sorte qu'elles étaient toutes deux caduques.

En outre, après avoir procédé aux vérifications d'usage et suite au contrôle effectué sur place, il confirmait que la réalisation des divers aménagements extérieurs constatés était soumise à l'obtention d'une autorisation de construire. Par conséquent, il lui ordonnait de requérir d'ici au 18 août 2023, une autorisation de construire définitive complète, en bonne et due forme et stipulant clairement qu'il s'agissait d'une demande de régularisation I-9______.

À défaut, elle s'exposait à toutes autres mesures est/ou sanction justifiée par la situation.

À l'issue de l'instruction de cette requête, ou sans dépôt dans le délai imparti, le département statuerait par décision séparée sur les mesures applicables visant au rétablissement d'une situation conforme au droit. S'agissant de la sanction administrative portant sur la réalisation des travaux sans droit, elle restait en l'état réservée. Au surplus, en application des art. 129 et ss LCI, il lui ordonnait de fournir dans le même délai au 18 août 2023 et par le biais d'un MPQ, les plans conformes à l'existant de l'intégralité des bâtiments sis sur la parcelle considérée avec indication précise des affectations actuelles.

Enfin, compte tenu des problèmes sécuritaires engendrés par l'inachèvement des ouvrages engagés dans les bâtiments sis sur ladite parcelle, il lui ordonnait, avec effet immédiat, la remise en état des lieux, a minima, en procédant à la sécurisation de l'intérieur des locaux en vertu de l'art. 33A al. 2 RCI. Tout élément attestant de manière univoque de la réalisation de ce point devrait parvenir au département sans délai.

La décision précisait au surplus que compte tenu de la latence démontrée par l'intéressée dans la résolution des nombreuses infractions constatées sur les différentes parcelles dont elle était propriétaire, aucun délai ne lui serait octroyé pour donner suite à la présente.

Pour le surplus, la décision précisait les voies de recours. Concernant la remise en état des lieux, elle était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Cette décision n'a pas été contestée, de sorte qu'elle est entrée en force.

22.         Par courrier du 17 août 2023 adressé au DT, A______, sous la plume de son conseil, invoquant les vacances horlogères du 17 juillet au 11 août 2023 inclusivement, a sollicité une prolongation au 18 septembre 2023 du délai imparti dans la décision précitée.

23.         En date du 22 août 2023, le département lui a répondu que comme mentionné dans sa décision du ______ 2023, il ne pouvait accéder à sa demande. Il lui a néanmoins accordé un nouveau délai au 29 août 2023 pour répondre à l'intégralité de ses ordres. À défaut et/ou sans nouvelles dans le délai précité, elle s'exposait à toutes autres mesures et/ou sanctions justifiées par la situation.

24.         Par décision du ______ 2023, visant l'infraction 9______ sur la parcelle n° 1______, la décision du ______ 2023 étant restée sans suite, le département a infligé une amende de CHF 5'000.- à A______. Le montant de l'amende tenait compte de son attitude répétée à ne pas se conformer aux ordres prononcés, de l'historique de cette affaire et des récidives relevées, notamment dans le cadre du traitement de la procédure I-8______.

Il lui a octroyé un nouveau délai au 13 octobre 2023 pour réaliser l'intégralité des ordres contenus dans sa décision du ______ 2023.

Compte tenu de l'absence de suites données à son ordre de remise état, à tout le moins en procédant à la sécurisation de l'intérieur des locaux, il prononçait l'interdiction d'utiliser tous les bâtiments avec effet immédiat jusqu'à l'exécution des travaux de sécurisation qui devrait être annoncée au département préalablement à leur réalisation.

Enfin, en cas de non-respect de son ordre et/ou sans nouvelles dans le délai imparti, elle s'exposait à de nouvelles mesures et/ou sanctions justifiées par la situation.

Il était également précisé que s'agissant d'une mesure d'exécution d'une décision en force, la présente ne pouvait faire l'objet d'un recours, contrairement à l'amende, laquelle pouvait être contestée dans un délai de 30 jours. L'interdiction d'utiliser les bâtiments pouvait également faire l'objet d'un recours dans un délai de dix jours. Elle était toutefois déclarée exécutoire nonobstant recours.

Cette décision n'a pas été contestée et est entrée en force.

25.         Le 20 octobre 2023, A______ a requis du département une nouvelle prolongation de délai pour requérir l'autorisation de construire et fournir les plans conformes des bâtiments situés sur la parcelle n° 5______. Il sollicitait le même report de délai s'agissant des autres parcelles de B______, notamment la parcelle n° 1______.

26.         Le 31 octobre 2023, le département a refusé la demande de prolongation d'un mois et lui a donné un délai au 10 novembre 2023 pour répondre à ses ordres du ______ 2023.

27.         Le 10 novembre 2023, A______ a sollicité une nouvelle prolongation du délai au 20 novembre 2023.

28.         Par décision du ______ 2023, le département lui a rappelé qu'il avait, le 31 octobre 2023, refusé d'accéder à ses demandes de prolongation de délai. Il constatait en outre qu'elle persistait à faire fi de ses décisions et qu'aucune suite n'avait été donnée aux mesures qui lui avaient été signifiées. Cette manière d'agir ne pouvait être tolérée sous aucun prétexte et devait être sanctionnée, raison pour laquelle il lui infligeait une amende de CHF 9'000.-.

Le montant de cette amende tenait compte de son attitude répétée à ne pas se conformer aux ordres du département, de l'historique de cette affaire, et des récidives relevées notamment dans le cadre du dossier I-8______.

Il lui a accordé un nouveau délai au 22 décembre 2023 pour réaliser l'intégralité des ordres contenus dans sa décision du ______ 2023, à défaut de quoi, elle s'exposait à de nouvelles mesures et/ou sanctions.

29.         Par acte du 5 janvier 2024, A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours contre l'amende du ______ 2023 (I-9______) auprès du tribunal. Elle a conclu à l'annulation de la décision précitée, sous suite de frais et dépens.

Cette procédure a été enregistrée sous A/47/2024.

Aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre. En effet, la parcelle était louée par E______ et partant, les aménagements constatés le 20 juin 2023 qui selon le département nécessiteraient l'obtention d'une autorisation de construire n'étaient pas de son fait. Partant, la décision devait être annulée.

Celle-ci contrevenait au principe de proportionnalité. Par décision du ______ 2023, le département lui avait imparti un délai au 18 août 2023 pour déposer une demande d'autorisation de construire en raison d'aménagements extérieurs, ainsi que pour fournir les plans conformes à l'existant des bâtiments avec indication des affectations. Cette décision avait été rendue en plein milieu des vacances estivales et durant la période de fermeture du monde horloger, ce que le département savait pertinemment puisque son MPQ avait précisément attiré son attention sur ce point lors du rendez-vous du 20 juin 2023. Le délai imparti tombait également durant la période de fermeture de l'entreprise, ce que le département savait. Ce délai était manifestement disproportionné car trop court, et elle n'avait ainsi pas disposé de temps pour préparer un dossier de demande d'autorisation de construire définitive. Dans une telle situation, elle n'était naturellement et objectivement pas en mesure de déposer un quelconque dossier. Partant, aucune faute ne pouvait lui être reprochée, de sorte que l'amende ne se justifiait pas. À cela s'ajoutait que les parcelles litigieuses avaient été évacuées des aménagements visés par le département, de sorte que l'exigence du dépôt d'une autorisation de construire était injustifiée. Le montant de l'amende était également disproportionné au regard de la jurisprudence.

L'amende était prématurée. La décision du ______ 2023 étant une décision incidente, elle ne pouvait pas être contestée sous réserve de l'amende infligée. Elle ne pourrait en attaquer le bien-fondé qu'une fois la demande d'autorisation de construire définitive éventuellement déposée et décidée par le département. À cela s'ajoutait le fait que le DT lui avait déjà infligé une première amende administrative de CHF 5'000.- ce qui justifiait d'autant moins la nouvelle amende. Elle rappelait enfin que le département avait systématiquement refusé ses demandes de délais supplémentaires, pourtant légitimes. Par son attitude, le département démontrait de l'acharnement à son égard.

30.         En date du 11 mars 2024, le département a transmis son dossier au tribunal. Il a conclu au rejet du recours et à la condamnation de la recourante aux dépens de l'instance.

Le fait que E______ était locataire de la parcelle en question n'enlevait rien à la responsabilité de la recourante. En effet, cette dernière avait été sanctionnée en raison du fait qu'elle ne s'était pas conformée aux ordres de déposer une requête en autorisation de construire et de produire les plans relatant l'affectation des bâtiments sur la parcelle. Étant la destinataire de ces deux ordres, elle était fautive de par son inaction.

En outre, il était légitimé à lui adresser l'ordre litigieux en sa qualité de propriétaire de la parcelle, ce d'autant plus que le dépôt d'une requête nécessitait la signature du propriétaire. Il ne faisait dès leur aucun doute que la faute de la recourante était donnée.

La décision du ______ 2023 était en force faute d'avoir été contestée à temps par la recourante, de sorte que son grief qui visait à remettre en cause le délai imparti au 18 août 2023 était tardif. Ce grief était en outre peu crédible compte tenu du fait qu'elle ne s'était pas exécutée dans le délai qu'elle s'était elle-même fixée au 18 septembre 2023 et qu'elle avait ensuite sollicité de nouvelles prolongations de délais bien au-delà des vacances horlogères. Ceci démontrait l'inconsistance de son allégation.

Quant aux faits qu'elle aurait prétendument évacué les parcelles litigieuses des aménagements visés par le département, outre le fait que ceci restait à démontrer, il peinait à saisir en quoi cela la dispenserait de se conformer à son ordre qui, pour rappel, était en force et portait non seulement sur le dépôt d'une requête, mais également sur la fourniture de plans conformes à l'existant ainsi que sur la transmission sans délai d'éléments attestant de manière univoque de la réalisation de la remise en état des lieux.

Contrairement à ce qu'elle soutenait, l'amende n'était pas prématurée. La recourante semblait confondre les décisions incidentes dont elle se prévalait, qu'elle ne pouvait contester, et la sanction qui était seule litigieuse en l'espèce, sanctionnant le fait qu'elle ne s'était pas conformée à l'ordre du ______ 2023.

En outre, il avait depuis lors réitéré son ordre à deux reprises sans toutefois que la recourante ne daigne s'y conformer. Ce qui dénotait d'une absence de considération pour les dispositions légales en vigueur et pour les décisions des autorités, soit un comportement qui devait être sanctionné sévèrement. Une précédente amende de CHF 5'000.- n'avait d'ailleurs eu aucun effet sur l'attitude de la recourante, ce qui justifiait d'autant plus qu'une amende d'un montant supérieur lui soit infligée afin qu'elle prenne conscience de la situation et que le résultat escompté, à savoir le respect des ordres prononcés, soit atteint.

L'amende querellée sanctionnait en outre la deuxième récidive de la recourante de ne pas s'être conformée à l'ordre prononcé dans le dossier d'infraction 9______, ce qui constituait déjà une circonstance aggravante, sans compter les récidives constatées dans les autres dossiers d'infraction qu'elle ne contestait pas.

Enfin, le montant de CHF 9'000.- se situait dans la partie basse de la fourchette des sanctions prévues par la LCI (maximum CHF 150'000.-) et était apte à atteindre le but visé par la loi. La recourante n'avançait pas non plus que le paiement de l'amende la placerait dans une situation financière difficile.

31.         Le 29 avril 2024, après avoir sollicité deux prolongations de délai, la recourante a répliqué.

Le département retenait à tort qu'elle n'avait procédé à aucune action suite aux demandes de celui-là. Photographies à l'appui, son MPQ avait démontré le 7 juillet 2023 que le chantier avait bel et bien débuté, que les bâtiments concernés n'étaient plus utilisés, qu'ils avaient été intégralement vidés et qu'ils étaient sur le point d'être détruits. Il avait démontré par ailleurs que les aménagements présents sur le reste de la parcelle avaient été évacués.

S'agissant des bâtiments présents sur la parcelle, le fait que le chantier en cours ait été momentanément suspendu afin d'étudier une éventuelle conservation des murs ne donnait aucun droit au DT de prononcer la caducité de l'autorisation de démolir délivrée alors que la démolition avait débuté.

Concernant la proportionnalité de l'amende, le département n'avait à aucun moment pris en considération les circonstances, à savoir le décès de l'ancien MPQ qui avait sensiblement compliqué le traitement des dossiers, les vacances annuelles du secteur horloger qui avaient rendu impossible de respecter la décision dans le délai imparti ainsi que le fait que des travaux avaient été initiés dès le début conformément à l'autorisation de démolition, le fait qu'une première amende de CHF 5'000.- avait déjà été prononcée et enfin que conformément aux photographies produites, la parcelle avait intégralement été remise dans son état initial avant le prononcé de la décision attaquée.

32.         Le 21 mai 2024, le DT a dupliqué.

La recourante ne démontrait pas avoir donné de suite satisfaisante aux ordres prononcés les ______ 2023 et ______ 2023. Les documents qu'elle présentait dans sa réplique, soit en particulier les photographies prises le 7 juillet 2023 qui démontreraient que le chantier aurait commencé et que les bâtiments concernés ne seraient plus utilisés, ainsi que celles qui illustreraient l'évacuation des aménagements présents sur le reste de la parcelle ne correspondaient pas aux documents demandés. La recourante visait en réalité à remettre en cause la légalité des mesures administratives prononcées. Or ces griefs étaient tardifs puisque les décisions rendues à ce titre étaient en force.

Les griefs de la recourante selon lesquels il n'aurait pas pris en compte le décès de l'ancien MPQ, les vacances annuelles d'été du secteur horloger ainsi que le fait que les travaux auraient prétendument déjà été initiés en accord avec l'autorisation de démolir ne pouvaient être retenus. L'amende avait été infligée faute pour la recourante de s'être conformée dans les délais impartis aux ordres qui lui avaient été notifiés. Les griefs avancés n'étaient pas de nature à remettre en cause l'aptitude de la sanction à atteindre le but fixé, soit le respect des ordres prononcés, la nécessité d'une telle mesure au vu de l'inaction de la recourante et le principe de proportionnalité au sens étroit au vu de l'intérêt public poursuivi au respect des ordres prononcés par le département.

Parcelle n° 5______ / I-10_____

33.         Sur la parcelle n° 5______, d'une surface de 9'142 m2, à l'adresse chemin des ______, se trouvent quatre bâtiments à savoir les nos 13_____-14_____-15_____-16_____.

34.         E______ SA (ci-après : E______) est locataire de la parcelle litigieuse et de ses bâtiments.

35.         Par courriel du 28 juin 2023 adressé à la A______, le département a énoncé les divers constats effectués sur la parcelle n° 5______ lors de la visite sur place précitée.

Dans la partie ouest de la parcelle précitée, se situait un bâtiment, cadastré sous le n° 16_____, dont la démolition avait été autorisée dans le cadre du dossier M 21_____, le ______ 2020. Un avis d'ouverture de chantier avait été envoyé au département en lien avec cette démolition, annonçant le début des travaux le 3 mai 2021. Or, lors de la visite, le 20 juin précédent, le bâtiment n° 16_____ n'avait toujours pas été démoli, de même que les autres bâtiments concernés par l'autorisation M 21_____, situés sur la parcelle adjacente n° 1______. Cela remettait en question la véracité de l'annonce d'ouverture de chantier et poussait à croire que celle-ci avait pour unique but de ne pas rendre caduque l'autorisation précitée.

À l'est et au nord de ce bâtiment, se trouvait une grande surface de dépôts de matériaux divers, y compris des monticules de terre modifiant les niveaux du terrain naturel. Cela pouvait être assimilé à une installation de chantier. Si tel était le cas, la propriétaire était invitée à indiquer au département à quel dossier d'autorisation de construire ce chantier était lié et de lui en fournir le plan d'installation. En l'absence de ces informations, il ne pouvait s'agir que d'installations potentiellement illicites.

La propriétaire était également invitée à fournir les plans conformes à la réalité des bâtiments sur la parcelle dès lors qu'elle avait déclaré en avoir possession. Un délai de dix jours lui était imparti pour se positionner formellement sur ces éléments. Un dossier d'infraction 10_____ avait été ouvert à la suite de ce constat.

36.         Par décision du ______ 2023, rendue dans le cadre de l'instruction concernant l'infraction 10_____ portant sur divers aménagements, installations et constructions sans autorisation sur la parcelle n° 5______, le département, après avoir rappelé à A______ que la M 21_____ était caduque, lui a confirmé que la réalisation des divers aménagements extérieurs constatés était soumise à autorisation de construire. Par conséquent, il lui ordonnait de requérir d'ici au 25 août 2023, une autorisation de construire définitive visant divers aménagements extérieurs constatés sur place et de produire, dans le même délai, les plans conformes à l'existant des bâtiments sis sur la parcelle considérée avec indication précise des affectations. À défaut du dépôt d'une requête en autorisation de construire dans le délai imparti, elle s'exposait à toute autre mesure et/ou sanction justifiée par la situation.

Une sanction visant la réalisation des travaux sans droit, restait en l'état réservée.

Enfin, il était à nouveau précisé qu'aucun délai ne lui serait octroyé pour donner suite à cette décision compte tenu de « la latence démontrée ».

Cette décision n'a pas été contestée.

37.         Par courriel du 18 août 2023, relatif à un courriel du 25 juillet 2023 du département, concernant une autre parcelle (n° 4______), le MPQ de A______ a indiqué au département qu'il n'avait pu prendre connaissance de ce mail qu'à son retour de vacances le 15 août 2023, dès lors que le groupe D______ avait été fermé entre le 15 juillet 2023 et le 13 août 2023 et il a demandé une prolongation du délai imparti de 20 jours, soit jusqu'au 17 septembre 2023 pour se déterminer sur le mail en question.

38.         Le 21 août 2023, en réponse au courriel du 18 août précédent, l'OAC, déplorant n'être informé qu'à ce stade des vacances horlogères, a prolongé le délai initialement prévu (dans son courrier du 20 juillet 2023) au 25 août 2023.

39.         Par décision du ______ 2023, le DT a infligé une amende de CHF 5'000.- à A______ en raison du fait qu'elle n'avait pas donné suite à la décision du ______ 2023. Le montant de l'amende tenait compte de son attitude répétée à ne pas se conformer à ses ordres, de l'historique de cette affaire et des récidives relevées dans le cadre du traitement de la procédure I-8______. Il l'enjoignait par ailleurs de déposer la demande d'autorisation de construire ainsi que les plans conformes requis dans sa décision du ______ 2023 d'ici au 20 octobre 2023.

40.         Par acte du 16 octobre 2023, A______ a contesté l'amende administrative devant le tribunal, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

Cette procédure a été enregistrée sous A/3378/2023.

La parcelle étant louée par E______, les aménagements constatés par le département n'étaient pas de son fait. N'étant ainsi pas responsable de ces aménagements, aucune faute ne pouvait lui être imputée.

La décision du ______ 2023 lui impartissait un délai au 25 août 2023 pour déposer une demande d'autorisation de construire en raison d'aménagements extérieurs avait été rendue en plein milieu des vacances estivales et durant la période notoire de fermeture du monde horloger, ce que le département savait pertinemment puisque son MPQ avait précisément attiré son attention sur ce point lors du rendez-vous du 20 juin 2023.

Le délai imparti était manifestement trop court, puisqu'elle n'avait finalement disposé que de quelques jours pour préparer tout un dossier d'autorisation de construire, respectivement la production de plans. Il ne pouvait ainsi être retenu la moindre faute de sa part, de sorte que l'amende infligée ne se justifiait pas.

L'amende était en outre manifestement prématurée. En effet, compte tenu de la nature incidente des injonctions prononcées par le département le ______ 2023 et dans le cadre de la décision querellée, elle ne pourrait les contester qu'une fois la demande d'autorisation de construire déposée.

41.         Par courrier du 20 octobre 2023, A______ a requis du département un délai d'un mois pour déposer la demande d'autorisation de construire.

42.         Le 31 octobre 2023, le département a refusé d'accéder à cette demande et lui a imparti un délai au 10 novembre 2023 pour donner suite à son ordre du ______ 2023.

43.         En date du 18 décembre 2023, le département a transmis son dossier au tribunal, accompagné de ses observations. Il a conclu au rejet du recours.

Au fil des ans, il avait ouvert plusieurs dossiers d'infraction et émis diverses mesures et sanctions en lien avec les parcelles de la recourante sur la commune de B______.

Sur les parcelles nos 4______, 2______, 3______, 1______, 5______ et 6______, des dossiers d'infraction (I-30______ et I-8______) avaient été ouverts en lien avec la construction sans autorisation de trois radiers de fondation. La propriétaire avait réalisé les travaux alors que l'instruction de la requête en autorisation de construire déposée en vue de régulariser la situation (DD 11_____) n'était pas terminée. À la suite du refus de cette autorisation de construire, une amende de CHF 5'000.- lui avait été infligée. Une autre requête d'autorisation de construire avait été déposée pour régulariser la situation (DD 22_____). Celle-ci avait également été refusée et une amende de CHF 20'000.- lui avait été infligée en lien avec cette infraction. Cette décision avait fait l'objet d'une procédure de recours (A/1811/2014). L'ordre du département portant sur l'infraction constatée avait été confirmé. Seule l'amende avait été annulée en raison de l'application des anciennes en disposition sur la prescription.

Un dossier I-24_____ avait été ouvert à la suite de l'échec de la tentative de régularisation de la véranda sur la parcelle n° 4______. Il avait ordonné à l'intéressée de requérir une autorisation de construire pour les aménagements constatés sur la parcelle et interdit, avec effet immédiat, l'utilisation de cette véranda. Un recours était actuellement pendant devant le tribunal de céans (A/25_____/2023).

Un dossier I-28_____ avait été ouvert à la suite du refus d'une autorisation de construire (29_____) sur les parcelles nos 2______ et 3______. Une amende de CHF 3'000.- avait été infligée au motif que la propriétaire avait réalisé les travaux prévus dans l'autorisation de construire avant la fin de l'instruction du dossier. Une amende de CHF 500.- lui avait également été infligée pour ne pas s'être conformée à l'ordre du département, suivie d'une deuxième amende de CHF 1'000.- pour les mêmes raisons.

Un dossier I-26_____ avait été ouvert à la suite du constat que les bâtiments construits sur ces parcelles étaient utilisés alors qu'aucun permis d'occuper n'avait été délivré. Une interdiction d'utiliser le bâtiment n° 3______ avait été prononcée jusqu'à l'obtention du permis d'occuper, la propriétaire n'ayant pas donné suite aux relances du département. Cette décision faisait l'objet d'un recours actuellement pendant (27_____).

Un dossier I-9______ concernant la parcelle n° 1______ avait été ouvert suite au constat de la réalisation de divers aménagements, installations et constructions, sans autorisation. Une amende de CHF 9'000.- avait été infligée à la propriétaire en raison du fait que celle-ci ne s'était pas conformée, par deux fois, aux ordres de requérir une autorisation de construire pour régulariser la situation.

La recourante était sanctionnée en raison du fait qu'elle ne s'était pas conformée aux ordres de déposer une autorisation de construire et produire les plans relatant l'affectation des bâtiments sur la parcelle. Étant la destinataire de ces deux ordres, elle était fautive en raison de son inaction. Le fait que la parcelle était louée par E______ n'enlevait rien à sa responsabilité en lien avec le fait qu'elle n'avait pas exécuté un ordre qui lui était clairement adressé.

Même à considérer qu'elle ne serait pas à l'origine des aménagements illicites constatés, comme elle le prétendait, l'autorité pouvait adresser l'ordre de rétablir un état conforme au droit au perturbateur par comportement et par situation, jouissant d'une certaine marge d'appréciation dans le choix de la personne à laquelle incomberait l'obligation d'éliminer la perturbation.

En l'espèce, l'ordre adressé à la recourante en sa qualité de propriétaire de la parcelle était justifié, étant donné que le dépôt d'une requête nécessitait la signature du propriétaire. La faute de la recourante était donnée.

Le grief selon lequel la décision du ______ 2023 était disproportionnée car rendue durant les vacances horlogères était mal fondé. En premier lieu, cette décision était non seulement entrée en force, faute d'avoir été contestée à temps par l'intéressée. Mais de plus comme elle le relevait, s'agissant d'une décision incidente elle ne pouvait être contestée en l'absence d'un préjudice irréparable. Or, l'intéressée ne se prévalait pas d'un tel préjudice. L'argument des vacances horlogères n'était dans tous les cas, pas pertinent.

Au vu du fait que le MPQ était présent lors du constat du département, elle aurait pu commencer les démarches nécessaires à l'exécution de l'ordre dès le mois de juillet 2023. Or, elle n'avait donné aucune suite ni au courriel du 28 juin 2023 l'invitant à se déterminer sur la situation, ni à la décision du ______ 2023. Si elle s'était trouvée réellement dans une impossibilité objective d'exécuter les ordres, elle aurait dû demander un délai déjà au mois de juillet et non attendre de le faire au mois d'octobre alors que trois mois étaient passés et que le département avait déjà rendu la décision et infligé une amende.

L'argument des vacances horlogères relevait d'une tentative de se déresponsabiliser de son propre manque de diligence et du mépris constant envers les ordres de l'autorité intimée comme le démontrait l'historique des interactions de la recourante avec le département.

Concernant l'amende, le raisonnement de la recourante selon lequel elle serait prématurée au vu du fait qu'elle ne pourrait attaquer les décisions des ______ 2023 et ______ 2023 que lorsqu'une demande d'autorisation définitive serait déposée ne pouvait être suivi. La recourante semblait confondre les décisions incidentes qu'elle ne pouvait pas contester et la sanction qui était seule litigieuse en l'espèce.

L'amende était fondée dans son principe au vu du fait que la recourante ne s'était pas conformée aux ordres du ______ 2023 ce qu'elle ne contestait d'ailleurs pas.

Elle était également justifiée dans sa quotité. Au vu de ses antécédents et de son obstination ne pas se conformer aux ordres prononcés, le montant de CHF 5'000.- s'avérait proportionné et tenait compte de sa situation. En outre, ce montant se situait dans la partie basse de la fourchette des sanctions prévues par la LCI et était apte à atteindre le but visé par la loi. Enfin, la recourante n'avançait pas que le paiement de cette amende la confronterait à une situation financière particulièrement difficile.

44.         Après avoir sollicité plusieurs délais, la recourante a répliqué le 12 février 2024.

Les prétendues récidives invoquées par le département pour justifier l'amende faisaient référence à des faits remontant à dix ans, respectivement à l'été 2023, ce qui ne constituait finalement pas de réelles récidives.

Par courriel du 18 août 2023, son MPQ avait attiré l'attention du département sur le fait que, d'une part il n'avait pu prendre connaissance de son injonction du ______ 2023 que le 15 août 2023 – soit après les vacances horlogères – et que, d'autre part, en raison du décès de l'ancien MPQ, il n'était pas parvenu à ce stade à récupérer l'ensemble des dossiers en cours, ce qui avait eu pour conséquence de compliquer le suivi.

Il était relevé qu'au cours du mois d'octobre 2023, l'essentiel des aménagements présents sur la parcelle n° 5______ et sur les parcelles limitrophes avaient en réalité été évacués comme le démontraient des photographies prises sur les lieux le 16 octobre 2023.

Le département n'avait jamais pris en considération le fait que E______ était locataire de la parcelle litigieuse. De plus, les prétendues récidives remontaient à dix ans entre 2013 et 2014, respectivement à l'été 2023, période durant laquelle le département n'avait cessé de s'acharner contre elle, comme démontré par les pièces produites à l'appui du recours. Le département faisait ainsi preuve d'un acharnement disproportionné à son égard, lequel devait être sanctionné par l'annulation de la décision.

L'amende était injustifiée. En effet, compte tenu du fait que les aménagements litigieux devaient être détruits, une demande d'autorisation de construire était totalement hors de propos. Aussi, le département ne pouvait la sanctionner d'une amende pour ne pas avoir déposé une telle demande pour des aménagements existants alors même qu'ils devaient être évacués. C'était dans ce sens que l'amende était prématurée.

45.         Le 4 mars 2024, le département a dupliqué.

Le fait d'avoir fait l'objet d'au moins quatre amendes en lien avec les parcelles dont elle était propriétaire pour ne pas s'être conformée aux ordres prononcés et avoir violé les dispositions de police des constructions depuis 2013 correspondait à la définition même de la récidive. En effet, le fait que certaines infractions reprochées remontaient à dix ans ne les rendaient pas moins pertinentes pour l'analyse de son comportement.

La recourante n'avait exécuté aucun des ordres prononcés le ______ 2023 et le fait qu'elle s'opposait à l'ordre de déposer une requête ne changeait rien à cette situation. La recourante restait par ailleurs muette s'agissant de l'ordre de déposer des plans conformes à l'existant sur la parcelle. L'amende était ainsi parfaitement justifiée.

Par ailleurs, au vu des photos produites à l'appui de sa réplique, il apparaissait que la recourante avait démoli le bâtiment n° 16_____ alors que l'autorisation M 21_____ était devenue caduque procédant ainsi à une violation de la LCI.

46.         Sur demande du 3 mai 2024 du tribunal, le département lui a transmis le 13 mai 2024 :

- la copie d'une décision du ______ 2013, infligeant une amende de CHF 5'000.- à la recourante pour la construction de quatre radiers de fondations pour des halles d'exposition démontables (I-8______) ;

- la copie d'une décision du 23 mai 2014, infligeant une amende de CHF 20'000.- à l'encontre de E______ pour la construction d'une dalle en béton et un parking provisoire (I-30______) ;

- la copie d'une décision du 5 mai 2020, infligeant une amende de CHF 3'000.- à l'encontre de Monsieur G______ (ancien MPQ de la recourante) pour des travaux effectués avant autorisation DD 29_____ (I-28_____) ;

- la copie d'une décision du 9 octobre 2020, infligeant une amende de CHF 500.- à l'encontre de M. G______ pour des travaux effectués avant autorisations DD 29_____ (I-28_____) ;

- la copie d'une décision du 5 février 2021, infligeant une amende administrative de CHF 1'000.- à l'encontre de M. G______ pour des travaux effectués avant autorisation DD 29_____ (I-28_____) ;

- la copie d'une décision du ______ 2023, infligeant une amende de CHF 9'000.- à l'encontre de la recourante concernant l'aménagement, l'installation et construction sans autorisation sur la parcelle n° 1______ (I-9______).

47.         Le 30 mai 2024, la recourante a indiqué au tribunal qu'elle persistait dans ses précédentes écritures.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Les trois décisions litigieuses infligeant des sanctions à la même destinataire et les infractions qui lui sont reprochées relevant de comportements similaires, la jonction des causes A/3378/2023, A/47/2024 et A/49/2024 sera ordonnée sous A/3378/2023, conformément à l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10).

3.             Interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les trois recours sont recevables au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.

4.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 179 n. 515).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions de la recourante ou du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a).

7.             En l'occurrence, l’objet du litige est circonscrit :

a. à la contestation de la décision du département du ______ 2023 adressée à la recourante, lui infligeant une amende de CHF 9'000.- (I-7______) pour ne pas s’être conformée à la décision du ______ 2023 lui ordonnant de requérir une autorisation de construire visant les aménagements réalisés sur la parceller n° 6______ ni à celle du ______ 2023 réitérant le même ordre.

À cet égard, il sera précisé que les décisions des ______ 2023 et _____ 2023 n'ont pas fait l'objet de recours et sont donc entrées en force. Elles ne sauraient dès lors être contrôlées à l'occasion de la présente procédure, de sorte que les arguments en lien avec ces deux décisions ne seront pas examinés.

b. à la contestation de la décision du département du ______ 2023 adressée à la recourante, lui infligeant une amende de CHF 9'000.- (I-9______) pour ne pas s’être conformée à la décision du ______ 2023 lui ordonnant de requérir une autorisation de construire visant les divers aménagements, installations et constructions sur la parcelle n° 1______ ainsi que de fournir les plans conformes à l'existant de l'intégralité des bâtiments sis sur cette parcelle avec indication précises des affectations actuelles. De même qu'à la remise en état des lieux a minima, en procédant à la sécurisation intérieure des locaux ni à celle du ______ 2023.

À nouveau, les décisions des ______ 2023 et ______ 2023 n'ont pas fait l'objet de recours et sont donc entrées en force. Elles ne sauraient dès lors être contrôlées à l'occasion de la présente procédure, de sorte que les arguments en lien avec ces deux décisions ne seront pas examinés.

c. à la contestation de la décision du département du ______ 2023 (I-10_____) adressée à la recourante, lui infligeant une amende de CHF 5'000.- pour ne pas s’être conformée à la décision du ______ 2023 lui ordonnant de déposer une demande d'autorisation de construire d'ici au 25 août 2023 et de produire les plans conformes à l'existant des bâtiments situé sur la parcelle n° 5______ avec indication précise de leur affectation.

L'examen du tribunal se limitera dès lors au contrôle du bien-fondé de l'amende administrative prononcée à son encontre et les arguments en lien avec la décision du ______ 2023 ne seront donc pas examinés.

8.             Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

9.             Selon l'art. 137 al. 1 let. c LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci.

10.         L’art. 137 al. 1 LCI érige la contravention aux ordres donnés par le département (let. c) en infraction distincte de la contravention à la LCI et à ses règlements d'application (let. a et b). De par sa nature, cette infraction est très proche de celle visée par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0) (insoumission à une décision de l'autorité). À l'instar de cette disposition pénale, la condamnation de l'auteur pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. a LCI n'a pas pour effet de le libérer du devoir de se soumettre à la décision de l'autorité. S'il persiste dans son action ou son omission coupable, il peut être condamné plusieurs fois pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. c LCI, sans pouvoir invoquer le principe ne bis in idem, dès lors que l'on réprime à chaque fois une autre période d'action ou d'omission coupables. De plus, la sanction de l'insoumission peut être augmentée chaque fois qu'une menace de l'appliquer est restée sans effet (ATA/147/2014 du 11 mars 2014 consid. 11 et les références citées).

11.         En l'espèce, sur la base des pièces du dossier, le tribunal ne peut que constater que :

I-7______

a. la recourante n’a pas exécuté la décision du ______ 2023, à savoir déposer une demande d'autorisation de construire d'ici au 11 août 2023. Elle n'a pas davantage exécuté cet ordre réitéré par le DT dans sa décision du ______ 2023, dans le délai fixé au 13 octobre 2023.

Comme relevé plus haut, ses arguments en lien avec la réalisation des travaux non autorisés qui selon elle serait le fait de E______, locataire de la parcelle, sont exorbitants au présent litige.

La recourante soutient qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors que la décision du ______ 2023 lui a été notifiée durant les vacances d'été et pendant la fermeture de l'entreprise, de sorte qu'elle n'aurait pas été en mesure de déposer dans le délai imparti la demande d'autorisation de construire. Elle reproche également au département de ne pas avoir pris en considération le décès de son ancien MPQ qui aurait sensiblement compliqué le traitement des dossiers, la charge de travail importante qu'il avait imposé à son MPQ par le prononcé d'une avalanche de décisions dans les différents dossiers d'infraction et le fait que les parcelles litigieuses avaient été évacuées des aménagements visés par le département.

Ces arguments ne lui sont à ce stade d'aucun secours, dès lors que premièrement, comme rappelé plus haut, l'amende querellée sanctionne certes la non-exécution de la décision du ______ 2023 lui fixant un délai au 11 août 2023, et, n'ayant pas été contestée, est en force, mais également la non-exécution du même ordre dans le nouveau délai fixé au 13 octobre 2023, par décision du ______ 2023, soit bien après la fin des vacances horlogères. Quoi qu'il en soit, l'argument tiré de la fermeture de l'entreprise durant les vacances horlogères peine particulièrement à convaincre dès lors que l'architecte, mandaté par la recourante pour le suivi des dossiers concernant ses bâtiments et autres bien-fonds, n'était à l'évidence pas impacté par la fermeture annuelle de l'entreprise pour exécuter l'ordre en question, à savoir déposer une demande d'autorisation de construire visant les objets mentionné dans la décision du ______ 2023 précédent. Quant aux difficultés résultant du décès de l'ancien mandataire, il n'est pas davantage convainquant à ce stade puisque le nouvel architecte a repris les dossiers en cours dès le mois de mars 2021 (voir JTAPI/______/2024 du ______ 2024 ch. 9-10 en fait). Enfin, le fait que le MPQ aurait dû faire face à une importante charge de travail en raison des diverses décisions émises durant l'été 2023 ne permet à l'évidence pas de retenir que la recourante n'aurait pas commis l'infraction reprochée étant à cet égard relevé que rien au dossier ne permet de retenir qu'un début d'exécution de l'ordre du département aurait été ne serait-ce qu'initié.

Enfin, l'argument selon lequel, elle aurait procédé à l'évacuation des parcelles litigieuses ne permet pas de considérer qu'elle aurait exécuté l'ordre tel que formulé par le département.

Dans ces circonstances, contrairement à ce qu'elle tente de soutenir, tant la réalisation de l'infraction que la faute peuvent être retenues à son encontre ce qui justifie le principe d'une amende.

I-9______

b. la recourante n'a pas exécuté les décisions des ______ 2023 et ______ 2023 lui ordonnant de requérir une autorisation de construire visant les divers aménagements, installations et constructions sur la parcelle n° 1______ ainsi que de fournir les plans conformes à l'existant de l'intégralité des bâtiments sis sur cette parcelle avec indication précises des affectations actuelles. De même qu'à la remise en état des lieux a minima, en procédant à la sécurisation intérieure des locaux.

À nouveau, les arguments de la recourante en lien avec la réalisation des travaux non autorisés qui selon elle seraient le fait de E______, sont exorbitants au présent litige.

Le fait qu'elle aurait évacué des aménagements extérieurs et initié la démolition du bâtiment visé par l'autorisation M 21_____, considérée comme caduque par le département, ne permet pas de considérer qu'elle aurait exécuté les ordres du département tels que stipulés.

La recourante soutient qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée et que le département aurait dû lui accorder un délai supplémentaire comme elle l'avait requis à de multiples reprises pour s'exécuter, invoquant en particulier le décès de son ancien mandataire ce qui aurait retardé les démarches de son nouvel architecte ainsi que la fermeture annuelle de l'entreprise durant les vacances horlogères, une partie de l'été.

Ces arguments ne sont à ce stade d'aucun secours à la recourante, dès lors que comme rappelé plus haut, l'amende querellée sanctionne certes la non-exécution de la décision du ______ 2023 qui fixait un délai au 18 août 2023, laquelle, n'ayant pas été contestée, est en force mais également la non-exécution du même ordre, répété le ______ 2023, impartissant un nouveau délai au 13 octobre 2023, soit bien après la fin des vacances horlogères. Quoi qu'il en soit, l'argument tiré de la fermeture de l'entreprise durant les vacances horlogères peine particulièrement à convaincre étant observé que l'architecte, mandaté par la recourante pour le suivi des dossiers concernant ses bâtiments et autres bien-fonds, n'était à l'évidence pas impacté par la fermeture annuelle de l'entreprise pour donner suite à l'ordre en question. Quant aux difficultés résultant du décès de l'ancien mandataire, il n'est pas davantage convainquant à ce stade puisque selon les propres indications de la recourante, le nouvel architecte a repris les dossiers en cours dès le mois de mars 2021 (voir JTAPI/______/2024 du ______ 2024 ch. 9-10 en fait), soit deux ans plus tôt, ce qui a dû lui permettre une bonne vision de la situation.

Dans ces circonstances, contrairement à ce qu'elle tente de soutenir, tant la réalisation de l'infraction que la faute peuvent être retenues à son encontre ce qui justifie le principe d'une amende.

I-10_____

b. la recourante n’a pas exécuté l'ordre du ______ 2023, à savoir déposer une demande d'autorisation de construire d'ici au 25 août 2023 et produire les plans conformes à l'existant des bâtiments situé sur la parcelle n° 5______ avec indication précise de leur affectation dans le délai imparti.

La recourante soutient une fois encore qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée puisque les aménagements litigieux n'étaient pas de son fait. Le département aurait dû lui accorder un délai supplémentaire tel qu'elle l'avait requis pour s'exécuter, en raison, en particulier, de la fermeture annuelle des entreprises horlogères.

Comme vu précédemment, les arguments de la recourante en lien avec la réalisation des travaux non autorisés qui selon elle serait le fait de E______ sont exorbitants au présent litige.

Par ailleurs, s'il ressort du dossier qu'une prolongation d'un délai accordé à la recourante pour se déterminer sur un mail du département du 20 juillet 2023 a été sollicitée par cette dernière le 18 août 2023, cette requête ne concernait ni le délai fixé dans le courriel du 28 juin 2023 concernant la parcelle n° 5______ ni celui imparti dans la décision litigieuse.

En outre, la recourante n'allègue ni n'établit qu'elle n'aurait pas reçu l'ordre du ______ 2023, lequel lui est opposable.

Quant au fait qu'elle aurait évacué des aménagements extérieurs et démoli le bâtiment n° 16_____ en octobre 2023, il ne permet pas une autre conclusion. En effet, l'ordre en question n'ordonnait en l'occurrence pas la démolition du bâtiment n° 16_____, dont l'autorisation délivrée à cet effet est d'ailleurs devenue caduque, et en tout état elle n'a à aucun moment remis les plans conformes de ce bâtiment.

Dans ces circonstances, contrairement à ce qu'elle tente de soutenir, tant la réalisation de l'infraction que la faute peuvent être retenues à son encontre ce qui justifie le principe d'une amende.

12.         Selon l'art. 137 al. 3 LCI, il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. La violation des prescriptions par cupidité, ainsi que les cas de récidive constituent notamment des circonstances aggravantes (art. 137 al. 3 LCI).

13.         Si l’infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale, d’une société en commandite, d’une société en nom collectif ou d’une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom, la personne morale, la société ou le propriétaire de l’entreprise individuelle répondant solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu’il n’apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (art. 137 al. 4 LCI).

14.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 4 ; ATA/206/2020 du 25 février 2020, consid. 4b ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020, consid. 7b). En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y a en effet lieu de faire application des dispositions générales (art. 1 à 110) du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

15.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/611/2016 du 12 juillet 2016 consid. 10c et les références citées). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (cf. not. ATA/625/2021 du 15 juin 2021 consid. 4b; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7c ; ATA/1828/2019 du 17 décembre 2019 consid. 13c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd., 2020, p. 343 n. 1493).

16.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1024/2020 du 25 janvier 2021 consid. 1.1 ; 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7e) et ses capacités financières (cf. ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 consid. 20 et les références citées).

Néanmoins, toujours selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et, selon l'art. 47 CP, jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014), le juge ne la censurant qu'en cas d'excès (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014). L'autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

17.         L’amende doit faire l’objet d’une évaluation globale, dans laquelle l’autorité administrative qui sanctionne - partant le juge qui contrôle sa décision - doit prendre en compte, dans un calcul d’ensemble, la nature, la gravité et la fréquence des infractions (ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/558/2013 du 27 août 2013 ; Günter STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht - Allgemeiner Teil II : Strafen und Massnahmen, 2ème éd., 2006, p. 75 § 75 ; Sandro CHIMICHELLA, Die Geldstrafe in Schweizer Strafrecht, 2006, p. 39).

18.         Dans sa jurisprudence (JTAPI/302/2023 du 16 mars 2023 consid. 14), le tribunal a eu l'occasion de rappeler l'applicabilité aux sanctions pénales administratives de l'art. 49 CP, qui prévoit que si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (ch. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (ch. 2).

19.         Le tribunal a ainsi fait référence à un arrêt du 16 septembre 2005 (1P.427/2005), dans lequel le Tribunal fédéral a constaté que le Tribunal cantonal du canton du Valais, en présence de deux infractions successives, avait à bon escient examiné la quotité de l'amende en faisant application de la disposition du CP régissant la peine d'ensemble (à l'époque l'art. 68 ch. 1 et 2). Plus récemment, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a confirmé, sous forme d'une peine d'ensemble de CHF 10'000.-, deux amendes d'un montant de CHF 5'000.- chacune, dont l'une concernait le fait de n'avoir pas donné suite à un ordre d'arrêt de chantier, et l'autre le fait d'avoir mis l'autorité devant le fait accompli en procédant à une rénovation complète d'un appartement de 4,5 pièces (ATA/260/2014 du 15 avril 2014 consid. 17).

20.         Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; cf. ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

21.         La recourante remet en cause la manière dont la quotité de l'amende a été déterminée. Selon elle, le montant de l'amende serait disproportionné et la circonstance aggravante de la récidive ne serait pas remplie.

22.         Dans le cas d'espèce, le département aurait dû faire application de l'art. 49 CP. En effet, lorsqu'il a prononcé les deux amendes en date du ______ 2023 suite aux non-respect de ses deux ordres des ______ et ______ 2023, dans le cadre des infractions I-7______ et 9______, il avait également connaissance de la troisième infraction 10_____ (non-respect de l'ordre du ______ 2023) qu'il a d'ailleurs sanctionnée par l'amende prononcée le ______ 2023. Ces trois infractions entraient ainsi en concours au sens de la disposition précitée.

Par conséquent, le département, aurait dû rendre une seule décision valant pour les trois infractions après avoir achevé l'instruction concernant chacune d'elles.

Cette violation de l'art. 49 CP ne saurait cependant avoir pour conséquence l'annulation des décisions litigieuses, qui ne sont pas illégales dans leur principe, mais dans la manière dont la quotité de l'amende a été déterminée.

23.         Il convient donc d'examiner à présent cette question, notamment en tenant compte des griefs de la recourante, qui prétend notamment qu'il ne peut pas lui être reproché une situation de récidive.

24.         Pour fonder la quotité de l'amende infligée, le DT a retenu comme circonstance aggravante l'attitude répétée de la recourante à ne pas se conformer à ses ordres.

À cet égard, si les amendes prononcées antérieurement à l'encontre de M. G______ voire de E______ ne sauraient être retenues au titre d'antécédents de la recourante, il n'en demeure pas moins qu'elle a déjà été sanctionnée le ______ 2013, par une amende de CHF 5'000.- pour la construction de quatre radiers de fondations pour des halles d'exposition démontables (I-8______), ce qui constitue indéniablement un antécédent dont l'autorité était légitimée à tenir compte.

Par ailleurs, compte tenu de l'ensemble des circonstances, la faute de la recourante, doit assurément être sanctionnée avec sévérité. En effet, l'attitude de la recourante, - malgré ses tentatives de remettre partiellement en état ses parcelles - consistant à perpétuer les demandes de prolongation de délais pour en définitive n'entreprendre aucune des démarches utiles à l'exécution des ordres prononcés et pourtant clairement stipulés, tout en procédant à la démolition d'un bâtiment sans autorisation, révèle un mépris affiché à l'égard des décisions de l'autorité intimée et du respect de la LCI. Elle ne fait enfin aucunement état de difficultés financières qui l'empêcheraient de s'acquitter du montant des amendes infligées.

Toutefois, malgré ces éléments et compte tenu du fait que le département aurait dû procéder à un examen de l'ensemble des infractions, le tribunal considère que l'écart entre les amendes prononcées les ______ et ______ 2023 (3 x CHF 5'000.-) et celles du 11 novembre 2023 (2 x CHF 9'000.-) est disproportionné. En effet, malgré le mépris manifeste de la recourante vis-à-vis du département, le principe de proportionnalité suppose une augmentation plus progressive de la quotité de l'amende en raison de la réitération d'une contravention à un ordre prononcé, tendant en l'occurrence essentiellement au dépôt d'une requête en autorisation de construire et à la production de plans.

Dans ces circonstances, les recours seront partiellement admis et les décisions querellées annulées en tant qu'elles fixent les montants de l'amende à CHF 9'000.-, CHF 9'000.- et CHF 5'000.-, soit un total de CHF 23'000.- ; ce montant sera réduit à CHF 18'000.-. C'est le lieu de préciser que la recourante s'expose à de nouvelles sanctions, potentiellement de plus en plus lourdes, aussi longtemps qu'elle n'aura pas donné la suite qui convient aux ordres du département.

25.         Vu l'issue du litige, un émolument réduit de CHF 1'800.- sera mis à la charge de la recourante, qui n'obtient que partiellement gain de cause (art. art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03). Le solde de l'avance de frais, soit CHF 900.-, lui sera restitué. Vu l'issue du litige, aucune indemnité ne sera versée.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevables les recours interjetés le 16 octobre 2023 et le 5 janvier 2024 par A______ SA contre les décisions du département du territoire du ______ 2023 et du ______ 2023 ;

2.             joint les procédures A/3378/2023 et A/47/2024 et A/49/2024 sous le n° de cause A/3378/2023 ;

3.             admet partiellement les recours ;

4.             annule les trois décisions des ______ et ______ 2023 ;

5.             inflige à la recourante une amende d'un montant total de CHF 18'000.- ;

6.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'800.-, lequel est couvert par l'avance de frais et ordonne la restitution du solde de l'avance de frais de CHF 900.- ;

7.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS et Julien PACOT, juges assesseurs.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST


Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière