Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2888/2023

JTAPI/574/2024 du 13.06.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ANTENNE;RADIOCOMMUNICATION;TÉLÉPHONE MOBILE;LIMITATION DES ÉMISSIONS
Normes : LCI.1.al1; RPRNI.11; ORNI.4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2888/2023 LCI

JTAPI/574/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

C______ SA

D______


EN FAIT

1.             La D______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de E______, à l'adresse 2______ F______, en zone 4B protégée, et sur laquelle est érigée une église.

2.             Le ______ 2023, C______ SA a formulé une demande d'autorisation de construire auprès du département du territoire (ci-après: le département) portant sur un changement des antennes ainsi que la modification d'une station de base de téléphonie mobile, laquelle a été enregistrée sous la référence DD 3______.

3.             Cette requête a fait l'objet d'une publication dans la Feuille d'avis officielle (ci-après: FAO) du ______ 2023 ainsi que d'une mise à l'enquête publique du ______ 2023 au ______ 2023.

4.             Lors de son instruction, plusieurs instances de préavis ont été sollicitées:

-                 le 31 mai 2023 le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après: SABRA) a rendu un préavis favorable sous conditions. L'installation était composée d'un groupe de neuf antennes, fixées dans la superstructure du clocher de l'église de E______, sise 2______ F______. L'installation était susceptible de produire des immissions dépassant la valeur limite d'installation (ci-après: VLInst) dans une surface d'un rayon de 96 m. La fiche de données spécifique au site du 20 septembre 2022 ne mentionnait pas la présence d'antennes adaptatives. L'installation était conforme à l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI - RS 814.710) et au règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires du 29 septembre 1999 (RPRNI – K 1 70.07). Des mesurages de contrôle devaient être effectués aux lieux à utilisation sensible (ci-après: LUS) nos 4______, 5______, 6______, 7______ et 8______ les antennes de cette installation devaient être intégrées dans le système d'assurance qualité de l'opérateur afin de surveiller les données d'exploitation et les parties accessibles pour l'entretien, où la valeur limite d'immission (ci-après: VLI) était épuisée, devaient être dûment protégées ;

-                 le 23 juin 2023 la commune a émis un préavis favorable sans observation ;

-                 le 4 juillet 2023 la direction des autorisations de construire (ci-après: DAC) a rendu un préavis favorable, sous conditions. La fixation des installations devait correspondre à une intervention totalement réversible, les passages de câble ou tout autre dispositif ne devaient engendrer aucun scellement ou aucune saignée dans les maçonneries anciennes et/ou dans la charpente du clocher ; seules des fixations ponctuelles par tampons chimiques ou des brides pourraient être acceptées. Toute intervention, même mineure, sur les façades du bâtiment ou la toiture du clocher devaient faire l'objet d'un complément d'autorisation de construire.

5.             Le ______ 2023, sur la base des préavis recueillis, le département a délivré l'autorisation de construire sollicitée, laquelle a été publiée dans la FAO du même jour.

6.             Par acte du 11 septembre 2023 Madame A______ et Monsieur B______ ont formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal), concluant préalablement à ce qu’une expertise judiciaire visant à contrôler le respect de l’installation litigieuse aux normes applicables découlant de l’ORNI, en particulier l'exactitude des calculs effectués par C______ SA soit ordonnée, à ce qu’il lui soit ordonné de démontrer que la puissance émettrice de l’installation litigieuse ne pourrait pas être augmentée à l’avenir et qu'elle respecterait les exigences en matière de contrôle à long terme du respect des valeurs limites.

Etant domiciliés dans le périmètre déterminé par la distance pour former opposition, ils possédaient la qualité pour recourir. Leur droit d’être entendu avait été violé car les riverains n’avaient jamais été informés de façon appropriée du projet de modification litigieux. Un petit nombre de riverains avaient eu l’information car l’association « 5G moratoire pour la Suisse » avait mis à disposition quelques flyers dans le voisinage. Une invitation à une séance d’information aurait permis à l’ensemble des riverains d’être mieux informés. La mise à l’enquête ne suffisait pas à remplir l’obligation qui incombait à C______ SA, en application de l’art. 15 RPRNI. Le Conseil d’État n’aurait pas spécifiquement prévu une information du public si elle n’allait pas au-delà de ce qui était prévu par la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) en matière de mise à l’enquête pour toutes les constructions. En violant l'art. 15 RPRNI, les intimés avaient grandement porté atteinte aux riverains dont la majorité n'avait pas su, dans le délai d'opposition, qu'une installation nuisible allait les affecter et n'avait ainsi pas pu faire valoir ses droits.

La décision querellée violait les art. 2 et 8 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) puisqu’elle ne reposait sur aucune planification, apparaissait hors de contrôle et qu’un instrument de planification était exigé pour les installations d'importance supra locale. Ce manque de planification engendrait un manque de coordination et une prolifération d’antennes superflues excédant de loin la couverture réseau requise pour la population genevoise. Pire, ce défaut de planification empêchait une pesée des intérêts en présence, faisant fi du droit à la vie, à la santé et à l’intégrité physique et psychique des riverains, ainsi que de la sauvegarde du patrimoine bâti et de la protection de l'environnement. Cela démontrait bien que la mise en place d'installations de téléphonie mobile se faisait de manière totalement désorganisée et sans tenir compte du réel besoin de la population, contrevenant à l'art. 92 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Il s'agissait d'une véritable guerre commerciale entre opérateurs mobiles sans être justifiée par un intérêt public. Le périmètre couvert par l'installation litigeuse était déjà largement couvert par le réseau C______ SA, y compris 5G et 5G+.

Le principe de précaution était violé et l'installation litigieuse causerait des inconvénients graves aux habitants du quartier. En effet, dans la fiche de données spécifique au site, C______ SA obtenait des valeurs qui se trouvaient pratiquement à la limite admissible pour les LUS nos 4______, 5______, 6______, 7______ et 8______. En outre, il était déjà arrivé que l'autorité procédant au relevé, respectivement au contrôle des valeurs obtenues par l'opérateur, obtienne des valeurs différentes. Or, de telles incertitudes n'étaient pas admissibles. Compte tenu du manque de données fiables et de recul, l'installation litigieuse mettrait en danger le voisinage.

La décision litigieuse était lacunaire, dès lors qu'elle ne décrivait pas comment le respect de la puissance émettrice serait garanti sur le long terme, ce d'autant plus que C______ SA n'indiquait pas que l'installation litigieuse serait intégrée à un système d'assurance qualité ni encore moins à partir de quand ce système serait opérationnel. Par ailleurs, une étude réalisée par un ingénieur alémanique mettait en doute la véracité des valeurs arrêtées dans les fiches de données spécifique établies par les opérateurs et donc le respect des valeurs limites de l'ORNI. Lors de l'enquête, leur puissance apparente rayonnée (puissance ERP) effective était trop faible pour être fonctionnelle.

7.             Le 7 novembre 2023 C______ SA a transmis ses observations, concluant au rejet du recours. Ses arguments seront examinés ci-après dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

8.             Le 13 novembre 2023 le département a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours. Ses arguments seront examinés ci-après dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

9.             Le 10 janvier 2024 les recourants ont répliqué, persistant dans leurs conclusions et leur argumentation.

L'ingénieur qui les assistait était parvenu à un chiffre plus élevé s'agissant du mesurage au niveau du LUS n° 4______ atteignant une valeur de 5.06 V/m. Dans la mesure où quatre LUS avaient des valeurs proches, il était dès lors permis de douter de la fiabilité des données avancées par la requérante. Ils sollicitaient l'accès aux modes d'emploi originaux de toutes les antennes des concepteurs afin de pouvoir vérifier les calculs.

Le périmètre environnant disposait déjà d'autres antennes et si les chevauchements des périmètres d'installation étaient dans les normes légales, l'évaluation des accumulations ne semblait pas avoir été réalisée.

De plus, le site de l'office fédéral de la communication (ci-après: OFCOM) indiquait que le mât d'antenne de l'église avait déjà été modifié en 5G.

Le département n'avait pas fait appel à un expert neutre pour établir les faits et évaluer les nuisances et leur admissibilité par rapport aux normes légales. Le département semblait aussi être une personne morale inscrite sur le répertoire d'entreprises privées Dun & Bradstreet aux États-Unis d'Amérique (sic), sans que son autorité de droit ni le lieu de son siège n'aient pu être établis. En outre, cette personne morale n'était pas inscrite au registre du commerce en Suisse. Il existait dès lors un doute sur la possible existence de liens d'intérêt pouvant lier la requérante et le département.

10.         Le 5 février 2024 le département a dupliqué.

Renseignement pris auprès du SABRA, l'ingénieur mandaté par les recourants n'avait pas utilisé les mêmes distances pour son calcul au niveau du LUS n° 4______ lequel semblait être déplacé vers l'ouest. En tout état, vu que la valeur mesurée était supérieure au 80% des VLInst, un ingénieur devrait effectuer un mesurage sur place à l'endroit le plus exposé, conformément aux conditions posées dans le préavis du SABRA. S'agissant de l'accumulation, un calcul commun était effectué si le périmètre de l'installation de deux installations s'imbriquait l'un dans l'autre. Autrement, il n'était pas nécessaire de faire des calculs communs. Quoiqu'il en fût, les champs électriques diminuaient avec le carré de la distance : l'accumulation était donc négligeable.

La société américaine citée par les recourants fournissait des données commerciales et financières sur des entreprises et des entités publiques. Le département y était inscrit sous la rubrique administration publique.

11.         Le 2 février 2024 C______ SA a dupliqué.

Le calcul effectué avant la construction n'était qu'une prévision, raison pour laquelle le préavis du SABRA imposait des mesurages de contrôle.

12.         Le 12 mars 2024 les recourants ont transmis des observations spontanées.

L'ingénieur qui les avait assistés avait modifié l'axe du rayonnement et par conséquent démontrait ainsi que cet opérateur n'avait pas choisi le point de rayonnement le plus élevé pour le LUS n°4______.

13.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Pour qu’un recours soit recevable, encore faut-il que son auteur ait la qualité pour recourir.

4.             En matière d'installation de téléphonie mobile, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui habitent dans un rayon en dehors duquel est produit un rayonnement assurément inférieur à 10 % de la valeur limite. Elles ne sont pas uniquement habilitées à se plaindre d'un dépassement des émissions ou des valeurs limites de l'installation sur leur propriété mais peuvent en général également remettre en question la légalité du projet de construction (ATF 133 II 409 consid. 1.3 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.112/2007 du 29 août 2007 consid. 2 ; ATA/694/2012 du 16 octobre 2012 ; ATA/235/2008 du 20 mai 2008 ; Monika KOLZ, La loi fédérale sur la protection de l'environnement, jurisprudence de 2000 à 2005, DEP 2007, p. 247 ss, 321-322).

5.             En l'espèce, les recourants sont domiciliés à l'intérieur du périmètre d'opposition mentionné tant dans la fiche de données spécifique au site du 20 septembre 2022. Ils disposent dès lors manifestement de la qualité pour recourir. Le recours est ainsi également recevable de ce point de vue.

6.             À titre préalable, les recourants sollicitent le prononcé d'une expertise judiciaire tendant à vérifier le respect des normes applicables et en particulier l'exactitude des calculs effectués par la constructrice. Ils demandent également que la constructrice soit interpellée afin qu'elle démontre que la puissance émettrice de l'installation litigieuse ne pourra pas être augmentée à l'avenir et qu'elle respectera ainsi les exigences en matière de contrôle à long terme du respect des valeurs limite.

7.             Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références).

Il comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

8.             Les résultats issus d’une expertise privée réalisée sont soumis au principe de la libre appréciation des preuves et sont considérés comme des simples allégués de parties (ATF 142 II 355 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2022 du 13 juin 2022 consid. 3.2).

9.             En l'espèce, pour que le tribunal ordonne une expertise judiciaire visant en particulier à vérifier l'exactitude des calculs effectués par l'intimée, il conviendrait que des indices permettent de douter de cette exactitude. À défaut de tels doutes, il n'est en effet pas possible de remettre en question par la voie d'expertise judiciaire, par principe, l'ensemble des décisions de nature technique soumises au contrôle des tribunaux. Or, les recourants ne présentent aucun élément permettant en l'occurrence de douter de l'exactitude de ces calculs. Il n'y a donc pas lieu de prononcer l'expertise requise. Quant au fait que l'intimée devrait démontrer qu'elle respectera à l'avenir les valeurs limite, on voit mal comment elle pourrait apporter une telle preuve et les recourants ne s'en expliquent pas non plus. Il sera au surplus rappelé que l'examen de la légalité d'une autorisation de construire se fonde sur l'objet tel qu'il est autorisé, en partant de l'idée qu'il sera construit conformément à l'autorisation et exploité pareillement.

Par conséquent, il n'y a pas lieu de procéder aux mesures d'instruction requises.

10.         Sur le fond, les recourants font tout d'abord valoir un grief de nature formelle lié à la violation de leur droit d'être entendu, dont le contenu a été rappelé ci-dessus.

11.         Selon l'art. 3 LCI, toutes les demandes d’autorisation sont rendues publiques par une insertion dans la FAO. Il est fait mention, le cas échéant, des dérogations nécessaires (al. 1). Pendant un délai de 30 jours à compter de la publication, chacun peut consulter les demandes d’autorisation et les plans au département et lui transmettre ses observations par une déclaration écrite (al. 2).

12.         En l'occurrence, la requête relative au projet querellé a été publiée dans la FAO du ______ 2023. Par conséquent, les recourants ont été dûment informés, selon les modalités prévues par la loi, du dépôt de la requête, de la possibilité de consulter le dossier de cette dernière et enfin et de la possibilité d'adresser des observations au département dans un délai de 30 jours. Il ne découle ni du droit d'être entendu au sens de l'art. 29 al. 2 Cst., ni des dispositions précitées de la LCI, qu'en sus, il eût appartenu au département d'organiser des séances d'information.

Certes, l'art. 15 al. 1 RPRNI prévoit que les habitants concernés vivant au voisinage sont informées, de manière appropriée, par l'exploitant ou le propriétaire de la mise en place d'installations stationnaires de téléphonie mobile et des modifications apportées à des installations existantes, sur l'immeuble. Cet article vise cependant l'information que l'exploitant ou le propriétaire doit fournir concernant la mise en place d'installation de téléphonie mobile et ne constitue pas une obligation de l'autorité, que ce soit en amont ou en aval de la délivrance de l'autorisation de construire. En outre, l'autorité intimée a dûment tenu compte de cette obligation d'information de l'exploitant ou propriétaire, puisque l'autorisation litigieuse elle‑même la rappelle et exige que les occupants des LUS du voisinage de l'installation soient informés de la mise en place de celle-ci (ATA/434/2024 du 26 mars 2024 consid. 4.4).

Au surplus, les recourants ne sauraient, dans le cadre du présent recours, se plaindre de la lésion d’intérêts d’autres personnes, dès lors que le recours d’un particulier formé dans l’intérêt général ou dans l’intérêt de tiers est irrecevable (ATF 133 II 468 consid. 1 ; 131 II 649 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_463/2007 du 29 février 2008 consid. 1.2 ; ATA/50/2012 du 24 janvier 2012 consid. 8 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, ch. 1358 p. 456).

Par conséquent, en tant qu'il est dirigé contre cette décision, le grief de violation du droit d'être entendu s'avère infondé et sera rejeté.

13.         Les recourants se plaignent ensuite d'une violation de l'obligation de planifier. Se contentant d'exposer les raisons pour lesquelles une telle planification serait à leur avis nécessaire (c'est-à-dire en raison d'une prolifération désordonnée des installations de téléphonie mobile), ils n'exposent pas quelles seraient les bases légales dont elles prétendent tirer une telle obligation.

Il découle en revanche de la jurisprudence du Tribunal fédéral, citée par les parties intimées, que les installations de communication mobile n'ont en principe pas besoin de faire l'objet d'une planification spéciale, en particulier lorsqu'elles sont érigées en zone constructible (ATF 142 I 26 consid. 4.2; ATF 138 II 173 consid. 5).

Il en découle que ce grief est lui aussi infondé et qu'il devra être écarté.

14.         Les recourants se plaignent ensuite d'une violation du principe de précaution.

15.         La Confédération veille à prévenir les atteintes nuisibles ou incommodantes pour l'être humain et son environnement naturel (art. 74 al. 2 Cst.). Comme déjà mentionné, les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes seront réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2 LPE). Les valeurs limites sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al. 2 LPE que sont l'état de la technique, les conditions d'exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2 in DEP 2004 p. 228). Les valeurs limites spécifiées dans l'ORNI pour la protection contre les rayonnements non ionisants sont fondées sur des résultats scientifiquement étayés concernant les risques pour la santé liés aux antennes de radiotéléphonie mobile. Le Conseil fédéral et son autorité spécialisée, l'OFEV, suivent en permanence l'évolution de la science avec un groupe consultatif d'experts (ci-après : BERENIS) et doivent, si nécessaire, adapter les valeurs limites à l'état de la science ou de l'expérience (arrêts du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4 ; 1C_118/2010 du 20 octobre 2010 consid. 4.2.3).

16.         De jurisprudence constante, le principe de prévention est réputé respecté en cas de conformité de la VLInst dans les LUS où cette valeur s'applique (ATF 126 II 399 consid. 3c ; ATF 133 II 64 consid. 5.2 ; arrêt 1A.68/2005 du 26 janvier 2006 consid. 3.2 in SJ 2006 I 314). Cela étant, vu la marge de manœuvre dont dispose le Conseil fédéral quant à l'établissement des valeurs limites, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement justifient de remettre en cause ces valeurs (arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). À cet égard, le Tribunal fédéral a encore récemment confirmé qu'en l'état des connaissances, il n'existait pas d'indices en vertu desquels ces valeurs limites devraient être modifiées (arrêts du Tribunal fédéral 1C_375/2020 du 5 mai 2021 consid. 3.2.5 ; 1C_518/2018 du 14 avril 2020 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3 ; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'étendue de la limitation préventive des émissions selon l'art. 4 al. 1 ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l'édiction des VLInst, raison pour laquelle les autorités appliquant la loi ne peuvent pas exiger une limitation supplémentaire dans des cas individuels sur la base de l'art. 12 al. 2 LPE (ATF 133 II 64 consid. 5.2; Arrêts du Tribunal fédéral 1A_251/2002 du 24 octobre 2003 consid. 4 ; 1A.10/2001 du 8 avril 2002 consid. 2.2 ; Joel DRITTENBASS, op. cit., p. 141-142).

Une nouvelle installation de radiocommunications mobiles et son exploitation ne peuvent être approuvées que si, sur la base d'une prévision mathématique, il est assuré que les valeurs limites fixées par l'ORNI peuvent probablement être respectées (art. 4 ss ORNI). La base de ce calcul est la fiche de données spécifique au site que doit remettre le propriétaire de l'installation projetée (art. 11 al. 1 ORNI). Celle-ci doit contenir les données techniques et opérationnelles actuelles et prévues de l'installation, dans la mesure où celles-ci sont déterminantes pour l'émission de rayonnements (art. 11 al. 2 let. a ORNI). Cela inclut notamment la puissance ERP (art. 3 al. 9 ORNI), y compris la direction du faisceau principal des antennes, et si l'antenne fonctionne en mode adaptatif ou non. Les données correspondantes servent de base pour le permis de construire et sont contraignantes pour l'opérateur ; toute augmentation de l'ERP au-delà de la valeur maximale autorisée et toute direction de transmission au-delà du domaine angulaire autorisé est considérée comme un changement de l'installation, ayant pour conséquence qu'une nouvelle fiche de données spécifique au site doit être présentée (annexe 1 ch. 62 al. 5 let. d et e ORNI ; ATF 128 II 378 [arrêt du Tribunal fédéral 1A.264/2000 du 24 septembre 2002] consid. 8.1, non publié). La fiche de données du site doit également contenir des informations sur le lieu accessible où ce rayonnement est le plus fort, sur les trois LUS où ce rayonnement est le plus fort, et sur tous les LUS où la valeur limite de l’installation au sens de l’annexe 1 est dépassée (art. 11 al. 2 let. c ORNI).

Il est vrai que la prévision calculée qui doit être faite sur la base de ces informations est sujette à certaines incertitudes, car elle prend en compte les principaux facteurs d'influence mais ne tient pas compte de toutes les subtilités de la propagation du rayonnement. Cependant, le Tribunal fédéral a précisé que, dans ce calcul, l'incertitude de mesure ne doit être ni ajoutée ni déduite. Seules les valeurs mesurées doivent être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 1C_653/2013 du 12 août 2014 consid. 3.4; 1C_132/2007 du 30 janvier 2008 consid. 4.4-4.6 in RDAF 2009 I 536). En effet, c'est pour prendre en compte cette incertitude que des mesures de réception doivent être effectuées après la mise en service de l'installation si, selon la prévision calculée, 80 % de la valeur limite de l'installation est atteinte à un LUS (complément recommandation OFEV, ch. 2.1.8 ; Benjamin WITTWER, Bewilligung von Mobilfunkanlagen, 2e éd., Zurich 2008, p. 61 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.148/2002 du 12 août 2003 consid. 4.3.1 s.). Si, sur la base de ces mesures, il s'avère que la VLInst est dépassée lors du fonctionnement, la puissance d'émission maximale admissible doit être redéfinie et le respect des valeurs prescrites doit être démontré par des mesures supplémentaires (cf. arrêt du tribunal fédéral 1C_681/2017 du 1 décembre 2019 consid. 4.5). De surcroît, le risque d'un pronostic erroné est supporté par le maître d'ouvrage dans la mesure où il peut encore être amené à prendre des mesures pour assurer le respect des valeurs limites ultérieurement, c'est-à-dire après la mise en service de l'installation (cf. ATF 130 II 32 consid. 2.4).

17.         Selon le rapport de novembre 2019 du groupe de travail « Téléphonie et rayonnement » mandaté par le DETEC, qui prend en considération les rapports d'évaluation publiés depuis 2014 aucun effet sanitaire n'a été prouvé de manière cohérente en dessous des valeurs limites fixées dans l'ORNI pour les fréquences de téléphonie mobile utilisées actuellement. Le groupe de travail a constaté que les éléments de preuves demeuraient insuffisants (DETEC, Rapport « Téléphonie mobile et rayonnement » du 18 novembre 2019, p. 8-9).

De surcroît, le 24 mai 2022 l'OFEV a publié un rapport fédéral relatif aux mesures d'exposition aux rayonnements non ionisants occasionnés par les antennes 5G (Mesures d'exposition aux rayonnements non ionisants, Rapport annuel 2021, Consortium de projet SwissNIS, https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/71991.pdf ; ci-après : le rapport annuel 2021 sur la 5G). Le rapport annuel 2021 décrit d'une part le concept de base et le mode de collecte des données, et présente d'autre part les premiers résultats des mesures effectuées. Il ressort de ce rapport que les valeurs mesurées sont inférieures aux valeurs limites déterminantes en ce qui concerne les effets sur la santé (rapport 2021 sur la 5G, p. 58).

18.         Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a en particulier confirmé, sous l'angle de l'art. 8 la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), que tant que la nocivité des antennes pour la population n'était pas prouvée scientifiquement, elle restait dans une large mesure spéculative, de sorte qu'on ne pouvait imposer à la Confédération l'obligation d'adopter des mesures plus amples (ACEDH, Luginbühl c. Suisse du 17 janvier 2006 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 précité consid. 5.1.1).

19.         Il en découle qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'est pas possible d'invoquer le principe de prévention pour s'opposer à la technologie 5G, dès lors que les valeurs-limites prévues par l'ORNI sont concrètement respectées (ATA/415/2022 du 26 avril 2022 consid. 6).

20.         Selon une jurisprudence bien établie, les autorités de recours observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des instances de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles‑ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/332/2022 du 29 mars 2022 consid. 4b ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).

21.         En l'espèce, d'après la fiche de données spécifique au site du 20 septembre 2022 la VLInst à respecter est celle prévue à l'art. 3 al. 3 let. c ORNI, soit 5.0 V/m, étant relevé qu'aucune antenne adaptative n'est prévue. S'agissant du rayonnement dans les LUS les plus chargés - soit les nos 4______, 5______, 6______ 7______ et 8______ toutes les mesures présentent une intensité de champ électrique ,inférieure à 5.0 V/m. Ces mesures ont été vérifiées par le SABRA, autorité spécialisée compétente, sans que celle-ci n'ait mis en doute leur véracité. En l'absence d'éléments indiquant le contraire, il n'y a pas lieu pour le tribunal de céans de les remettre en cause. À cet égard, s'agissant de la mesure différente présentée par les recourants pour le LUS n° 4______ il convient de rappeler que ce LUS fera quoiqu'il en soit l'objet d'un mesurage de contrôle par l'opérateur afin de vérifier qu'il respecte les normes de l'ORNI, conformément aux conditions imposées par le SABRA et reprises dans l'autorisation de construire litigieuse. La prétendue différence de mesure n'est donc pas déterminante en l'espèce. Concernant l'éventuelle prise en compte d'une accumulation, il ressort des explications du département qu'un tel calcul n'était pas nécessaire aux yeux du SABRA. En outre, les recourants ne parviennent pas à démontrer à satisfaction de droit en quoi la position de l'instance spécialisée serait infondée, de sorte que rien ne permet au tribunal de remettre cette position en cause.

À la lumière des données de la fiche de données spécifique au site du 20 septembre 2022, le permis de construire garantit toujours le respect des valeurs limites pertinentes, notamment par le biais des conditions associées comprises dans le préavis du SABRA, en particulier une mesure de contrôle aux LUS nos 4______, 5______, 6______, 7______ et 8______ et une intégration de cette installation dans le système AQ de l'opérateur.

À toutes fins utiles, il sied de rappeler que la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire : la limitation préventive des émissions prévues par l'ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l'édiction des VLInst, sans que le département ne puisse exiger une limitation supplémentaire dans un cas individuel.

Ainsi, en octroyant l'autorisation de construire sur la base de la prévision que l'installation respecterait les VLInst, moyennant les réserves émises dans le préavis du SABRA, et vu l'examen opéré par cette instance de la fiche de données spécifique, la décision du département est conforme au droit fédéral.

Partant, les VLInst sont respectées dans la présente espèce et dès lors le principe de précaution n'a pas été violé. Le grief est donc écarté.

22.         Les recourants se plaignent pour finir de l'absence d'un système d'assurance qualité et de contrôle des valeurs limite sur le long terme.

En réalité, pour fonder ce grief, les recourants font un procès d'intention à la bénéficiaire de l'autorisation de construire, partant apparemment de l'idée qu'elle ne respectera pas les conditions posées par la décision litigieuse, lesquels reprennent celles du SABRA et imposent précisément à l'intimée, à la fois d'intégrer l'installation litigieuse dans son système d'assurance qualité et de contrôler les valeurs limite sur le long terme.

Le tribunal ne peut examiner un grief qui se fonde uniquement sur l'hypothèse que l'autorisation en cause ne sera pas respectée (ATA/62/2020 du 21 janvier 2020 consid. 3). Par conséquent, ce grief sera lui aussi rejeté.

23.         S'agissant de la remarque des recourants sur le fait que le département semblerait être une personne morale, dès lors qu'il apparait sur le site de l'entreprise américaine Dun & Bradstreet, et qu'il existerait, selon eux, des doutes sur l'existence d'éventuels liens d'intérêts entre la requérante et cette autorité, outre le fait que ces allégations ne sont pas démontrées, les recourants perdent de vue que le département est une subdivision de l'administration cantonale (administration centralisée) et est légalement constitué selon les formes prévues par le droit cantonal (art. 1 al. 1 et 6 du règlement sur l’organisation de l’administration cantonale du 1er juin 2018 – [ROAC - B 4 05.10]). Rien ne permet de démontrer ni même d'affirmer qu'il existerait d'éventuels liens d'intérêt entre le département et la requérante.

24.         Enfin, concernant la remarque des recourants sur le fait que l'installation en cause émettrait déjà des ondes 5G, force est de constater que cette question s'écarte manifestement de l'objet du litige.

25.         Intégralement non fondé, le recours sera rejeté.

26.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 septembre 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Patrick BLASER et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

 

Genève, le

 

La greffière