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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2258/2023

JTAPI/390/2024 du 25.04.2024 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : ANTENNE;INSTALLATION DE TÉLÉCOMMUNICATION;ESTHÉTIQUE;PERMIS DE CONSTRUIRE
Normes : LPMNS.9; LCI.15
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2258/2023 LCI

JTAPI/390/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 avril 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Stephan KRONBICHLER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après : A______) a pour but d'offrir en Suisse et à l'étranger des services de télécommunication et de radiodiffusion.

2.             En date du ______ 2022, A______ a déposé auprès du département du territoire (ci-après : département ou DT) une demande d'autorisation de construire portant sur la transformation d'une installation de communication mobile existante, sur le toit de l'immeuble sis B______, 1______ à C______, parcelle n° 2______ de la commune de C______, laquelle est propriété de l'État de Genève.

Cette procédure a été enregistrée sous DD 3______.

Le projet consistait en la modification d'une installation mobile existante. Selon les plans joints à la requête, l'ensemble serait constitué de deux mâts, le premier, supportant deux antennes, installé au centre de la toiture et le second, comportant la troisième antenne, serait placé à l'extrémité de la toiture de l'immeuble, à la limite avec le mur de l'immeuble voisin.

3.             L'immeuble en question appelé « D______ », a été construit par l'architecte E______ (______ -______), figure au recensement E______ et fait l'objet de la fiche F______ n° 4______ dont les auteurs ont notamment précisé la valeur patrimoniale et émis des recommandations. Il est ainsi relevé : « actuellement, seul le volume des chambres conserve encore le mur-rideau construit par l'entreprise G______ qui donne tout son caractère à l'édifice. En effet, hormis le mobilier fixe le long de la façade qui est encore en place dans les chambres des étages supérieurs, ainsi que les portes palières et la totalité des abat-jour peints de l'artiste H______, la transformation désastreuse de la façade renfermant les restaurants (1975) et les multiples interventions décrites dans l'étude de 2004 ont totalement dénaturé le volume inférieur du bâtiment et les espaces intérieurs des restaurants et du hall d'accueil. Par ailleurs, le niveau du restaurant a dernièrement fait l'objet d'une nouvelle intervention (décembre 2012 – janvier 2013), où le réaménagement intérieur a été complètement revu dans un style contemporain. À la vue des menaces qui pèsent de manière récurrente sur le bâtiment, la façade d'origine devra faire l'objet de toutes les attentions, de sorte à garantir sa pérennité et sa substance d'origine. Ce bâtiment, conçu comme une œuvre d'art total, présente des qualités plastique exceptionnelles indéniables qu'il faudra veiller à conserver, comme relevé et détaillé dans l'étude de 2004. En conséquence, les recommandations énoncées dans ce travail en cas de nouvelles interventions devront être scrupuleusement suivies. Valeur attribuée : – valeur état d'origine : exceptionnelle – valeur actuelle : exceptionnelle (façade-rideau d'origine et typologie) ».

4.             Lors de l'instruction de la requête, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci‑après : CMNS) a émis un préavis défavorable, le 11 avril 2022.

Elle relevait qu'en 1996, l'installation pour la « réalisation du réseau » Natel City avait été acceptée par le département, sans dépose d'une demande d'autorisation de construire et sans qu'elle soit consultée puisque à l'époque, le bâtiment n'était pas au bénéfice d'une mesure de protection patrimoniale. Posée en 1996, cette installation restait compacte et ne comportait qu'un seul élément. Depuis cette date, le bâtiment avait été intégré dans le recensement des œuvres de E______ dont la production architecturale était emblématique du patrimoine moderne genevois. Appelé « D______ », l'immeuble était considéré comme « exceptionnel » dans le cadre de ce corpus. Une procédure d'inscription à l'inventaire, actuellement en cours, confirmait son indéniable valeur. La commission notait encore que ledit bâtiment faisait actuellement l'objet de travaux conséquents, autorisés en 2018 (DD 5______). Elle soulignait à ce propos que les interventions participaient pleinement d'une revalorisation à la fois intérieure et extérieure, respectueuse de la substance patrimoniale encore en place.

Au sens de ce qui précédait, en regard des bases légales en vigueur et considérant l'important travail de requalification de l'œuvre de E______, elle estimait que la présence de cette nouvelle installation de téléphonie mobile - totalement étrangère au fonctionnement de la D______ - n'était pas acceptable. Elle se déclarait donc défavorable au projet.

5.             Le 30 mai 2022, le service des monuments et des sites (ciaprès : SMS) s'est déclaré défavorable au projet, se référant au préavis de la CMNS du 10 avril 2022.

6.             Par décision du ______ 2023, le département a refusé l'autorisation de construire sollicitée, se fondant sur les préavis défavorables de la CMNS du 11 avril 2022 et du SMS du 30 mai 2022.

7.             Par acte du 4 juillet 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision précitée en concluant principalement, d'une part, à son annulation et, d'autre part, à la délivrance de l'autorisation sollicitée, subsidiairement à l'annulation de la décision et au renvoi du dossier au département afin qu'il délivre cette autorisation, le tout sous suite de frais et dépens.

La décision querellée était contraire au droit. Premièrement, alors que la décision se fondait sur la clause d'esthétique de l'art. 15 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), ni les instances spécialisées ayant préavisé le projet ni le département n'avaient effectué la moindre analyse de l'impact visuel de l'antenne.

En réalité, l'un des deux mâts, placé en milieu de toiture, serait invisible depuis le domaine public et le deuxième n'aurait qu'un impact visuel négligeable vu qu'il serait placé à proximité de la nouvelle cheminée de même hauteur, mais beaucoup plus imposante (diamètre d'environ 1,5 m) et contre le fond du mur plus élevé de l'immeuble voisin. En tout état de cause, il serait nettement moins visible que l'antenne existante dont la CMNS avait relevé l'aspect compact.

La décision était erronée lorsqu'elle retenait que la modification de l'installation nuirait à l'intérêt du bâtiment et compromettrait les objectifs de protection poursuivis par sa mise à l'inventaire. En effet, il ressortait de la fiche n° 4______ que les qualités exceptionnelles de l'immeuble étaient à chercher dans sa façade-rideau, dans la conception du socle – tant s'agissant de son entrée et de sa façade en verre désormais libérées des interventions néfastes des années 1970 que de sa disposition intérieure – et dans l'ameublement intérieur (mobilier fixe dans les chambres, abat-jours dans les couloirs). Tous ces éléments ne seraient aucunement touchés par la modification de l'installation en question.

C'était ainsi à juste titre que la construction d'un attique moderne ainsi que des installations techniques massives, ajouts qui tranchaient nettement avec le reste du bâtiment et qui étaient visibles depuis la rue n'avaient pas été considérées comme posant un quelconque problème en lien avec les objectifs de protection. Bien au contraire, la CMNS avait même souligné leur caractère respectueux de la substance patrimoniale encore en place.

Elle rappelait dans ce contexte que l'installation projetée sur la nouvelle toiture rehaussée serait réversible et ne toucherait donc pas à la substance du bâtiment.

La décision litigieuse consacrait une inégalité de traitement. Dans le cadre de la DD 5______, des installations techniques particulièrement imposantes avaient été autorisées à l'endroit prévu pour l'antenne sans que cela ne pose de problème en lien avec la protection du patrimoine ou leur impact esthétique. L'on ne saurait autoriser la construction d'une cheminée en inox d'un diamètre d'1,50 m puis refuser celle d'une antenne de même hauteur, mais bien plus fine et donc ayant un impact visuel moindre, immédiatement à côté. Dans les deux cas, il s'agissait d'installations techniques dont la forme et les dimensions étaient dictées par leur fonction. La volonté d'appliquer des critères esthétiques plus sévères à une antenne semblait avant tout être motivée par des réserves générales des instances concernées vis-à-vis de ce type d'installations qui n'avait pas lieu d'être.

Dans ce contexte, la CMNS invoquait le fait que le projet était totalement étranger au fonctionnement de la D______. Or ce critère était dépourvu de pertinence et son application constitutive d'un abus du pouvoir d'appréciation. En effet, une antenne de téléphonie mobile ne pouvait jamais être liée au fonctionnement du bâtiment sur lequel elle était construite, car son but était toujours de desservir un certain secteur autour de celui-ci, et non pas uniquement l'immeuble lui-même. Ce constat ne saurait donc dispenser l'autorité compétente d'évaluer concrètement l'impact de l'installation projetée eu égard aux objectifs de protection de patrimoine et d'esthétique poursuivis puis de procéder à une pesée des intérêts.

Or, dans le cas d'espèce, le département avait non seulement omis d'évaluer l'impact effectif de l'installation mais il n'avait non plus pas procédé à une quelconque pesée des intérêts en jeu.

À cet égard, elle relevait que l'installation se situait dans un secteur très densément peuplé de C______, avec beaucoup de magasins et de bureaux, sur un axe fréquenté par de très nombreux piétons, automobilistes et passagers des transports publics. Son implémentation était nécessaire pour assurer une desserte suffisante de ce secteur, notamment en ce qui concernait la bande 3'600 MHz dédiée à la 5G.

Enfin, la décision était arbitraire lorsqu'elle retenait qu'elle aurait présenté la nouvelle installation comme restant dans le gabarit existant. En réalité, elle avait expliqué que la future installation se situait dans les gabarits des nouvelles installations techniques autorisées et réalisées dont elle était entourée, de sorte qu'elle ne constituait aucune nuisance visuelle.

8.             Par courrier du 25 juillet 2023, la Ville de C______ (ci-après : la ville), tout en informant le tribunal qu'elle ne souhaitait pas intervenir dans la procédure, a précisé qu'elle soutenait la décision du DT en tant qu'il considérait que la réalisation du projet était manifestement de nature à nuire à l'intérêt du bâtiment et à compromettre les objectifs de la procédure de mise à l'inventaire.

9.             En date du 11 septembre 2023, le département a transmis son dossier au tribunal, accompagné de ses observations. Il a conclu au rejet du recours, sous suite de frais.

Il s'en rapportait à justice en ce qui concernait la recevabilité du recours.

Tel qu'il ressortait des plans produits, le bâtiment en cause s'élevait à plus de 27 m. Il était prévu que les deux supports techniques à ériger soient fixés, l'un au centre de la superstructure, et l'autre en bordure de toit, d'une hauteur totale de plus de 2 m chacun.

L'immeuble situé en angle de rue jouissait d'une situation accessible et parfaitement visible depuis la voie publique. La pose des différentes antennes sur la toiture aurait un impact direct quant à la qualité architecturale de ce bâtiment, produisant par leurs gabarits respectifs, un aspect visuel péjorant le lieu, et ce même en tenant compte du placement de celles-ci sur la superstructure.

Le SMS, instance spécialisée en la matière, avait estimé que la station projetée et l'équipement nécessaire à son fonctionnement – qui seraient parfaitement visibles – auraient pour conséquence de péjorer fortement l'allure générale du bâtiment, qui pour rappel, par sa position parfaitement dégagée sur l'espace public, viendrait trancher avec les qualités plastiques exceptionnelles du bâtiment, conçu comme une œuvre d'art, qui seraient mises en péril par l'installation en cause. L'aspect global de la cinquième façade ne serait plus identique avec la pose des deux mâts. Contrairement à ce que soutenait la recourante, son impact visuel n'était donc pas négligeable.

Afin de préserver la valeur d'origine du bâtiment, jugée exceptionnelle par le SMS, il découlait de la fiche F______ n° 4______ – D______, qu'au vu des menaces qui pesaient de manière récurrente sur le bâtiment, dont la fragilité était apparue dans les interventions successives qu'il avait subies, la façade d'origine devrait faire l'objet de toutes les attentions, de sorte à garantir sa pérennité et sa substance d'origine. Toute nouvelle intervention devrait par conséquent être scrupuleusement contrôlée. C'était sur cette base que la CMNS avait estimé que la présence de cette installation de téléphonie mobile « totalement étrangère au fonctionnement de la D______ » nuirait à l'esthétique du lieu, et partant ne devait pas être acceptée. Au demeurant, le caractère réversible de l'installation ne diminuait en rien son impact sur l'aspect esthétique du bâtiment.

D'ailleurs, l'environnement immédiat du bâtiment concerné se composait avant tout de bâtiments faisant partie d'une unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXe et XXe, ce qui justifiait d'autant plus sa position et celle des instances de préavis au sujet de l'intégration de l'installation dans son environnement et partant son impact esthétique négatif non négligeable.

Il était indéniable que les installations projetées, sur un bien dont la valeur exceptionnelle méritait d'être protégée, justifiant une procédure d'inscription à l'inventaire, actuellement en cours, porterait une atteinte importante aux qualités patrimoniales historiques du bâtiment.

Contrairement à ce que soutenait la recourante, les installations techniques particulièrement imposantes autorisées dans le cadre de la DD 5______ n'avaient pas pour but de consacrer une inégalité de traitement dépourvue de tout fondement objectif ou d'appliquer des critères esthétiques plus sévères pour les antennes téléphoniques. En effet, il ressortait de la DD précitée que les installations techniques autorisées sur la toiture du bâtiment faisaient partie intégrante de celui-ci. Les éléments entreposés tels que les cheminées, les conduits et monoblocs de ventilation, les compresseurs ainsi que les panneaux solaires (posés à plat) étaient nécessaires en vue d'assurer la fonctionnalité du bâtiment. À ce sujet, le SMS avait précisé que la présence d'un canal de cheminée dépassant du gabarit n'était pas remise en question, loin des bords de toiture et donc peu visible. Il y avait lieu de rappeler, que tous ces éléments techniques posés en toiture avaient été autorisés avant une quelconque mesure de protection du patrimoine, telle que la procédure de mise à l'inventaire actuellement en cours. D'ailleurs, l'installation de télécommunication existante, posée en 1996, avait été acceptée par le département dans le cadre de la « réalisation du réseau Natel City » sans qu'une demande d'autorisation de construire ne soit déposée et sans consultation préalable de la CMNS puisqu'à l'époque, le bâtiment n'était pas au bénéfice d'une mesure de protection patrimoniale.

Bien que la valeur de recensement jugée « exceptionnelle » ne soit qu'une indication relative à la qualité patrimoniale du bâtiment, il convenait de ne pas minimiser l'étendue de la mesure de protection cantonale limitant ainsi toute possibilité d'intervention, afin de préserver les éléments dignes d'intérêt du bâtiment dans l'attente de l'inscription définitive à l'inventaire.

Il paraissait étonnant que la recourante n'ait fourni aucune explication sur l'augmentation substantielle de sa couverture téléphonique hormis l'apport de cartes de couverture dont la jurisprudence relativisait la portée (ATA/838/2023 du 9 août 2023 consid. 7), ni même proposé un nouveau projet prévoyant l'insertion de ces éléments en toiture, sachant qu'en l'état, ceux-ci avaient été jugés inesthétiques sur la base des préavis défavorables de la CMNS et du SMS et que la recourante s'exposerait très probablement un refus du département.

Ainsi à défaut de démontrer que la couverture dans la zone serait si déficitaire, que la modification du projet par l'ajout de différentes antennes était absolument nécessaire pour assurer une desserte suffisante de ce secteur et apporter une amélioration par son implémentation, la recourante avait préféré y renoncer et se réfugier derrière les principes qui prévalaient en matière de couverture de réseau.

S'il était notoire que les besoins de couverture et de capacité étaient en constante augmentation, vu le doublement chaque année de la quantité de données échangées sur le réseau mobile, en particulier dans les zones urbaines denses de la ville, encore fallait-il prendre considération les intérêts en présence, notamment la sauvegarde du patrimoine bâti protégé. Toutefois, s'il s'avérait que l'installation litigieuse située dans une zone qui connaîtrait actuellement les déficits de couverture, ce qui n'avait pas été démontré en l'espèce, l'installation projetée devait pouvoir être envisagée à proximité, dans les bâtiments environnants. Dans ces circonstances, il n'apparaissait pas que le département, en refusant l'autorisation de construire querellée, aurait fait un usage abusif ou excessif de son pouvoir d'appréciation. Ainsi, la clause esthétique l'emportait sur l'intérêt de la recourante à agrandir l'installation de communication mobile existante.

10.         Le 13 décembre 2023, le tribunal a invité la recourante à lui remettre les plans et photomontages permettant de mesurer l'impact visuel depuis le domaine public :

1. de l'installation mobile existante ;

2. des trois antennes sur deux supports à ériger sur la superstructure de l'immeuble.

11.         Le 8 janvier 2024, la recourante s'est déterminée comme suit :

Son chargé de pièces comportait une photographie de l'ancienne antenne qui avait été démontée lors de la rénovation du bâtiment et dont elle produisait par ailleurs les plans. La visibilité importante de cette ancienne installation depuis le domaine public ressortait des photographies présentes dans la fiche F______ - D______, n° 4______ mise à jour en février 2013. L'ancienne antenne était en outre visible sur la photographie figurant en haut du milieu de la pièce 6. Une copie des photographies sur lesquelles l'ancienne antenne était mise en évidence était produite sous pièce 9. Le photomontage transmis montrait la visibilité très limitée de l'antenne projetée depuis le domaine public. En effet, seule la pointe d'un des deux mâts était visible, comme mis en évidence sur la copie de ce même document figurant sous pièce 10. Des simulations de visibilité depuis d'autres endroits sur le domaine public qu'elle transmettait confirmaient l'absence quasi totale de visibilité de l'antenne.

12.         Le 23 janvier 2024, le département s'est déterminé sur les écritures de la recourante.

Le fait qu'une installation ait été érigée sur la parcelle ne donnait en aucun cas le droit à la recourante d'obtenir une nouvelle autorisation de construire, cela d'autant plus que le projet litigieux prévoyait l'installation de trois antennes sur deux supports – à la différence de l'installation préexistante qui ne comprenait qu'un seul support.

Les explications et photographies produites par la recourante afin de prouver que la visibilité des installations projetées était très limitée depuis le domaine public peinaient à convaincre, dans la mesure où, selon les plans figurant au dossier et celui transmis par la recourante, l'emplacement des installations projetées ne différait que peu de l'installation préexistante. Il ne faisait alors nul doute que l'impact visuel serait conséquent, comme l'admettait d'ailleurs la recourante dans son courrier du 8 janvier 2024, dès lors que deux supports étaient en outre prévus. Au contraire, comme déjà exposé, dites installations auraient à l'évidence pour conséquence de péjorer fortement l'allure générale du bâtiment aux qualités esthétiques exceptionnelles.

De plus, les angles choisis par les photographies produites ne pouvaient représenter objectivement l'impact visuel de l'installation dans le cas d'espèce, celles-ci étant soit prises d'un angle de vue très bas, soit prises derrière un arbre dont les branches dissimulaient complètement l'installation.

Pour répondre à la demande du tribunal, le département relevait que les bâtiments érigés sur les parcelles nos 6______, 7______ et 8______ étaient susceptibles d'accueillir les installations litigieuses, ceux-ci ne bénéficiant d'aucune protection patrimoniale particulière.

13.         En date du 2 février 2024, la recourante a répliqué.

Contrairement aux affirmations du DT, l'emplacement des nouveaux mâts était différent de celui de l'antenne préexistante. En effet, les premiers seraient placés plus au centre de la toiture, en retrait de plusieurs mètres des façades de l'immeuble, ce qui les dérobait aux regards.

Les photomontages réalisés couvraient toute la longueur pertinente de la B______ et de la I______. Les photos avaient été prises depuis le trottoir opposé, donc avec le maximum de distance possible. Le photographe avait tenu son appareil devant ses yeux, et n'avait donc pas pris les photos « d'un angle de vue très bas » comme le prétendait le DT. Il suffisait de regarder les toits des voitures, la tête de la personne passant dans le champ de vision ou encore la perspective de l'abri des TPG avec sa poubelle et son distributeur de billets pour s'en convaincre. Les photomontages donnaient donc bien une image complète et objective de la visibilité (quasi inexistante) de l'installation. Le département, quant à lui, n'alléguait pas depuis quel endroit du domaine public l'installation serait visible selon lui.

Enfin, l'absence totale d'argument valable du département au sujet de l'impact était flagrante lorsque celui-ci prétendait en faisant allusion aux brindilles dégarnies de l'arbre visible à la dernière page de la pièce 11, que la photo serait prise « derrière un arbre dont les branches dissimulaient complètement l'installation ». En réalité, l'installation érigée sur les ajouts modernes construits tout récemment sur le toit de l'immeuble, ne portait aucune atteinte à la substance du bâtiment ni à son aspect esthétique, de sorte que la question de l'éventuelle existence de sites alternatifs ne se posait même pas.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le litige porte sur le refus de l'implantation d'une installation de téléphonie mobile sur la toiture de la D______, immeuble intégré dans le recensement des œuvres de E______ faisant l'objet de la fiche F______ n° 4______ et par ailleurs d'une procédure d'inscription à inventaire. Se fondant sur le préavis de la CMNS du 30 mai 2022, le département a considéré que la réalisation du projet était de nature à nuire à l'intérêt conséquent du bâtiment et à compromettre les objectifs de la procédure de mise à l'inventaire.

À ce motif, mentionné dans la décision litigieuse, l'autorité intimée, dans sa réponse au recours, a ajouté que l'environnement immédiat du bâtiment concerné par le projet se composait avant tout de bâtiments faisant partie d'une unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXe et XXe, ce qui justifiait d'autant plus sa position et celle des instances de préavis au sujet de l'intégration de l'installation dans son environnement et partant son impact esthétique négatif non négligeable.

4.             Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700 ; art. 1 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT).

5.             En droit genevois, sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment les antennes électromagnétiques (art. 1 let. d du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RCI - L 5 05.01).

6.             En tant qu'installations techniques d'infrastructure, les antennes nécessitent l'octroi d'une autorisation de construire (Denis ESSEIVA, ORNI et téléphonie mobile : la jurisprudence s'est multipliée, in Journées suisses du droit de la construction 2007, p. 117).

7.             Les autorités, services, instituts et établissements fédéraux ainsi que les cantons doivent, dans l’accomplissement des tâches de la Confédération, prendre soin de ménager l’aspect caractéristique du paysage et des localités, les sites évocateurs du passé, les curiosités naturelles et les monuments historiques et, lorsque l’intérêt général prévaut, d’en préserver l’intégrité (art. 3 al. 1 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 - LPN - RS 451). L'octroi d'une autorisation de construire pour une installation de téléphonie mobile, même à l'intérieur de la zone à bâtir, constitue une tâche fédérale au sens de l'art. 2 LPN, raison pour laquelle les autorités compétentes sont tenues de ménager les objets protégés mentionnés à l'art. 3 al. 1 LPN (ATF 131 II 545 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_703/2020 du 13 octobre 2022 consid. 7.2 et l’arrêt cité).

8.             La nécessité d'assurer une couverture adéquate du réseau de téléphonie mobile sur tout le territoire suisse, qu'il soit bâti ou non (ATF 138 III 570 consid. 4.2) constitue un intérêt public qui découle de l'art. 92 al. 2 Cst. et de l'art. 1 al. 1 et 2 de la loi sur les télécommunications du 30 avril 1997 (LTC - RS 784.10) (arrêt du Tribunal fédéral 1C_18/2008 du 15 avril 2008 consid. 3.3). L'intérêt à disposer d'une bonne couverture de téléphonie mobile en termes de qualité et de quantité est donc susceptible de l'emporter sur l'atteinte minime portée à l'aspect protégé d'un site ainsi qu'aux monuments historiques mentionnés à l'art. 3 LPN (ATF 133 II 321 consid. 4.3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_703/2020 du 13 octobre 2022 consid. 7.6 et les arrêts cités). Cela étant, la construction d'une antenne de téléphonie mobile ne présente le plus souvent pas des intérêts équivalents ou même supérieurs à la protection d'un objet classé d'importance nationale (Denis ESSEIVA, ORNI et téléphonie mobile : la jurisprudence s'est multipliée, in Journées suisses du droit de la construction 2007, p. 124 et les références citées).

9.             Selon le Tribunal fédéral, une antenne de téléphonie mobile composée de trois mâts n'a pas la qualité de construction indépendante. En conséquence, elle ne doit pas respecter les normes de construction comme la hauteur du gabarit d'un immeuble (arrêt du Tribunal fédéral 1A.18/2004 du 15 mars 2005 consid. 6.1 ; ATA/180/2008 du 15 avril 2008 consid. 16). Ce raisonnement s'applique a fortiori pour une antenne composée d'un seul mât (ATA/595/2007 du 20 novembre 2007 consid. 10d).

10.         Selon l'art. 7 al. 1, 1ère phrase de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), il est dressé un inventaire de tous les immeubles dignes d’être protégés au sens de l’art. 4.

11.         Concernant les effets d'une mise à l'inventaire, l'art. 9 al. 1 LPMNS prévoit notamment que les immeubles inscrits à l’inventaire doivent être maintenus et leurs éléments dignes d’intérêt préservés. Les art. 90, al.1, et 93, al. 1, 2 et 4 LCI, sont applicables par analogie aux travaux exécutés dans ces immeubles. Restent réservés les cas d’intérêt public.

12.         Selon l'art. 89 al. 1 LCI, l’unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXe siècle et du début du XXe siècle situés en dehors des périmètres de protection de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications, ainsi que du vieux Carouge, doit être préservée. Les dispositions de la loi sur l’énergie, du 18 septembre 1986, demeurent réservées.

13.         L’art. 3 al. 3 LCI prévoit notamment que les demandes d’autorisation sont soumises, à titre consultatif, au préavis des communes, des départements et des organismes intéressés. L’autorité de décision n’est pas liée par ces préavis.

Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités et n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/486/2023 du 9 mai 2023 consid. 6.1.1 et les références citées).

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/422/2023 du 25 avril 2023 consid. 5.3 et les références citées).

14.         À teneur de l'art. 15 LCI, le département peut interdire ou n’autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l’intérêt d’un quartier, d’une rue ou d’un chemin, d’un site naturel ou de points de vue accessibles au public (al. 1). La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la CA ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la CMNS. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (al. 2).

Cette disposition renferme une clause d’esthétique, qui constitue une notion juridique indéterminée, laissant ainsi un certain pouvoir d’appréciation à l’administration, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation. L’autorité de recours s’impose une retenue particulière lorsqu’elle estime que l’autorité inférieure est manifestement mieux en mesure qu’elle d’attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, soit quand elle fait appel à des connaissance spécialisée ou particulières. Ainsi, dans l’application de cette disposition, une prééminence est reconnue au préavis de la CMNS lorsqu’il est requis par la loi (ATA/435/2023 du 25 avril 2023 consid. 5g et les références citées).

15.         Constitue un abus du pouvoir d'appréciation le cas où l'autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/555/2022 précité consid. 6b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 179).

16.         Les installations de téléphonie mobile peuvent être soumises aux dispositions cantonales ou communales d'esthétique ou d'intégration (arrêt du Tribunal fédéral 1C_371/2020 du 9 février 2021 consid. 3.2 et les références citées ; ACST/11/2021 du 15 avril 2021 consid. 8a). Dans l'application d'une clause générale d'esthétique, l'autorité ne doit cependant pas se laisser guider par son sentiment subjectif ; il lui appartient de motiver soigneusement son appréciation (ATF 141 II 245 consid. 4.1 non publié ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_49/2015 du 9 décembre 2015 consid. 3.3).

Les normes précitées doivent toutefois être appliquées dans les limites du droit supérieur, en particulier du droit fédéral de l'environnement d'une part et des télécommunications d'autre part : elles ne peuvent notamment pas violer les intérêts publics que consacre la législation sur les télécommunications, laquelle tend à garantir à tous les cercles de la population, dans toutes les parties du pays, un service universel de télécommunication fiable et à prix accessible (ATF 142 I 26 consid. 4.2 = JDT 2017 I 26 233) et doivent tenir compte de l'intérêt à disposer d'un réseau de téléphonie mobile de bonne qualité et d'une concurrence efficace entre les fournisseurs de téléphonie mobile. En particulier, l'application des normes communales ou cantonales d'esthétique ou de protection des sites ne peut rendre impossible ou compliquer à l'excès la réalisation de l'obligation de couverture qui incombe à l'opérateur en vertu du droit fédéral (ATF 141 II 245 consid. 7.1 et 7.8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_371/2020 précité consid. 3.2 et les références citées ; ACST/11/2021 du 15 avril 2021 consid. 8a). De plus, les règles relatives aux installations de téléphonie mobile doivent en principe être élaborées sur la base d’une évaluation globale des problèmes pertinents. Des mesures de protection isolées en faveur de certains objets à protéger sont réservées (ATF 142 I 26 consid. 4.2 = JDT 2017 I 26 233 ; ATF 138 II 173 consid. 6.3 = RDAF 2013 I 569, p. 570 ; ATF 133 II 321 consid. 4.3.4).

17.         Selon le Tribunal fédéral, si l'on ne peut nier qu'une antenne de téléphonie mobile présente nécessairement un aspect visuel déplaisant, encore faut-il, pour exclure son implantation, qu'elle péjore de manière incontestable les qualités esthétiques d'un endroit donné (arrêt du Tribunal fédéral 1C_465/2010 du 31 mai 2011 consid. 3.3).

18.         Dans la zone à bâtir, l'opérateur n'a aucune obligation fondée sur le droit fédéral d'établir un besoin et une pesée des intérêts ; c'est à lui seul qu'il incombe de choisir l'emplacement adéquat de l'installation de téléphonie mobile (arrêt du Tribunal fédéral 1A.140/2003 du 18 mars 2004 consid. 3.1 et 3.2). Il appartient ainsi à chaque opérateur de décider du déploiement de son réseau et de choisir les sites appropriés en zone à bâtir. Le devoir de la Confédération et des cantons se limite donc à garantir la coordination et l'optimisation nécessaire des sites de téléphonie mobile et à veiller à ce que les intérêts de l'aménagement du territoire, de l'environnement, de la nature et du paysage soient dûment pris en compte dans les procédures de concession et d'autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 1A.162/2004 du 3 mai 2005 consid. 4 ; ATA/786/2014 du 7 octobre 2014 consid. 6 et les références citées). Les fournisseurs de services de télécommunication ne peuvent toutefois prétendre réaliser des équipements de téléphonie mobile sur n'importe quelle partie du territoire d'une commune sous prétexte qu'ils seraient propres à répondre aux objectifs poursuivis par la loi fédérale sur les télécommunications ou la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (arrêts du Tribunal fédéral 1A.22/2004 et 1P.66/2004 du 1er juillet 2004 consid. 4.3 et les références citées).

19.         Selon le Tribunal fédéral encore, une autorité cantonale ou communale délivrant une autorisation de construire ne peut se contenter d’apposer son veto en raison du défaut d’intégration de l’installation, sur la base d'une règlementation cantonale ou communale. Il lui appartient de collaborer à la recherche de solutions alternatives praticables en zone constructible (arrêt du Tribunal fédéral 1C_643/2018 du 30 septembre 2019 consid. 4.3 et la référence citée). L’examen d'emplacements alternatifs ne s'impose que pour autant que l'implantation en zone à bâtir se heurte à un empêchement juridique, tel qu'une clause d'esthétique ou de protection du patrimoine (arrêt du Tribunal fédéral 1C_231/2016 du 21 novembre 2016 consid. 4.4.2). Ce n'est que dans l'hypothèse où il existe des solutions alternatives concrètes dans la zone constructible qu’un éventuel refus d’implantation, valablement fondé sur des motifs d’esthétique, pourrait se justifier ; de son côté, le requérant doit démontrer que la hauteur de l'installation se justifie pour des raisons techniques (arrêt du Tribunal fédéral 1C_49/2015 du 9 décembre 2015 consid. 4.3).

20.         En l'espèce, l'immeuble sur le toit duquel l'installation querellée est prévue ne bénéficie, pour l'heure, d’aucune mesure de protection, que ce soit fédérale (inventaire ISOS) ou cantonale, même s'il fait actuellement l'objet d'une procédure de mise à l'inventaire (art. 7 ss de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05). Il figure au recensement E______ et fait l'objet de la fiche F______ n° 4______. Seule la clause d’esthétique prévue à l’art. 15 LCI entre donc en considération.

La modification de l'installation mobile existante à savoir la mise en place de trois antennes sur deux supports est prévue d'une part, au centre de la toiture (un mât équipé de deux antennes) et d'autre part, à l'extrémité de la toiture - à proximité d'une cheminée et contre le fond du mur plus élevé de l'immeuble voisin (un mât équipé d'une antenne).

La décision litigieuse suit le préavis défavorable de la CMNS du 11 avril 2022, laquelle s'est fondée sur la fiche de recensement F______ qui conclut à la valeur exceptionnelle du bâtiment en ce qui concerne très précisément ses façades-rideau, sa typologie et certains éléments intérieurs. Il y a lieu toutefois de relever que cette fiche ne contient aucune mention relative à la toiture de l'immeuble, laquelle comprenait déjà, à l'époque de la rédaction de la fiche, une antenne de téléphonie mobile, parfaitement visible depuis le domaine public comme le révèlent les photographies illustrant la fiche précitée et qui, depuis, a fait l'objet de nouvelles installations techniques, telles que cheminées, conduits et monoblocs de ventilation, compresseurs et panneaux solaires, certes nécessaires à la fonctionnalité du bâtiment. À ce sujet, il ressort des écritures de l'autorité intimée que le SMS a eu l'occasion de préciser – dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire de ces installations – que la présence d'un canal de cheminée dépassant le gabarit, loin des bords de la toiture et donc peu visible, n'était pas remise en question.

Le département considère que la pose des antennes litigieuses aurait un impact direct sur la qualité architecturale du bâtiment, produisant par leur gabarit respectif, un aspect visuel péjorant le lieu.

Il ressort toutefois des photomontages produits par la recourante que le mât installé au centre de la toiture et comprenant deux antennes ne sera pas discernable depuis le domaine public mais que le mât prévu à côté du canal de cheminée supportant une antenne le sera. À ce sujet, on ne saurait considérer que ce mât, de même hauteur que la cheminée en place mais d'un diamètre considérablement inférieur, aura un impact visuel depuis le domaine public supérieur à celui du canal de cheminée, lequel a précisément été considéré par le SMS comme peu visible. Le fait que le mât devant accueillir une antenne ne soit pas lié au fonctionnement du bâtiment ne change rien au fait qu'il n'est pas davantage visible que la cheminée qui la jouxte, étant au surplus rappelé qu'il se verra nettement moins que la première antenne, mise en place en 1996 et désormais désinstallée.

Dans ces conditions, il n'apparait pas que les installations litigieuses auront un impact tel qu'elles péjoreront de manière incontestable l'allure générale et les qualités esthétiques du bâtiment au sens de la jurisprudence précitée.

On écartera également l'argument selon lequel les installations litigieuses seraient de nature à porter atteinte à l'intérêt du bâtiment et à compromettre les objectifs de sa mise à l'inventaire. D'une part, il résulte très clairement de la fiche de recensement F______ que les recommandations émises visent la préservation des façades-rideau, la typologie et certains éléments de décorations intérieures qui ne seront aucunement impactés par les installations de téléphonies querellées. D'autre part, ces installations seront simplement fixées sur la toiture de l'immeuble sans apporter aucune modification à la substance de ce dernier. Il suffirait en effet simplement de les enlever pour que l'immeuble retrouve exactement la même apparence qu'avant. Dans cette mesure, c'est avec raison que la recourante invoque la réversibilité de son projet.

C'est donc de manière manifestement abusive que l'autorité intimée retient l'impact esthétique négatif que pourrait avoir le projet sur le bâtiment en question et dans le quartier même s'il est notamment composé d'ensembles du XIXe et XXe. La pesée des intérêts à laquelle elle prétend avoir procédé s'avère donc injustifiée dans son résultat et il aurait fallu constater qu'en l'occurrence, l'intérêt public au développement d'une couverture de téléphonie mobile de qualité l'emporte sur l'intérêt public à la protection du site. Dans cette mesure, il n'est pas nécessaire d'examiner si la recourante aurait pu trouver des emplacements alternatifs.

21.         Au vu de ce qui précède, la décision litigieuse sera annulée, et le dossier renvoyé au département pour complément d'instruction, afin qu'il examine si les autres conditions permettant l'autorisation de l'installation projetée sont remplies.

Le recours est ainsi admis quant à la première de ses conclusions principales mais rejeté quant à la seconde de ses conclusions principales et la seconde de ses conclusions subsidiaires.

22.         À cet égard, dans la mesure où il appartient à l'autorité intimée de reprendre l'instruction du dossier, il est précisé que le présent jugement constitue une décision incidente.

23.         Le recours est ainsi partiellement admis.

24.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et son avance de frais de CHF 900.- sera restituée à la recourante.

Une indemnité de procédure de CHF 1'200.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, sera allouée à A______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 4 juillet 2023 par A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 (DD 3______) ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             annule la décision DD 3______ rendue par le département du territoire le ______ 2023 ;

4.             renvoie le dossier au département du territoire pour qu'il reprenne l'instruction de la requête en autorisation de construire ;

5.             renonce à percevoir un émolument ;

6.             ordonne la restitution à la recourante de l’avance de frais de CHF 900.- ;

7.             condamne l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1'200.- ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS et Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

 

Genève, le

 

La greffière