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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1075/2024

JTAPI/320/2024 du 10.04.2024 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);MISE EN LIBERTÉ DÉFINITIVE
Normes : LEI.80.al5; LaLEtr.7.al4.letg; LEI.76.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1075/2024 MC

JTAPI/320/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 avril 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Jordan WANNIER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2000, est ressortissant turc.

2.             Il a déposé une demande d'asile en Suisse le 4 janvier 2022.

3.             Par décision du 4 août 2023, le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté cette demande et a simultanément prononcé son renvoi de Suisse, lui octroyant un délai au jour suivant l'entrée en force de sa décision pour quitter la Suisse, faute de quoi le renvoi pouvait être exécuté sous la contrainte. Le SEM a chargé le canton de Genève de procéder à l'exécution de cette décision de renvoi.

4.             Par arrêt du 17 novembre 2023 (E-4776/2023), le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rejeté le recours formé le 6 septembre 2023 par M. A______ contre la décision précitée.

Il ressort de cet arrêt que M. A______ avait publié, sur les réseaux sociaux, certaines critiques générales envers la politique de B______ et la gestion des autorités à la suite des séismes de février 2023 et n’avait pas connaissance d’une procédure judiciaire ouverte contre lui dans son pays d’origine (p. 6). Pour rejeter le recours, le TAF a retenu que le recourant n’avait jamais exercé d’activités politiques ni eu d’accointances de près ou de loin avec le PKK et qu’il n’avait pas non plus démontré, ni même allégué, l’existence d’une procédure pénale ouverte contre lui pour suspicion de terrorisme. L’éventualité d’effectuer son service militaire n’étant pas d’emblée assimilable à une persécution au sens de la loi, sa crainte subjective d’être recruté de force dans l’armée turque à son retour n’était pas non plus décisive. Ses publications sur les réseaux sociaux n’apparaissaient pas de nature à rendre vraisemblable la perspective d’un risque de persécution (p. 8). En outre, l’acharnement à son encontre durant une si longue période, de même que la répétition des incidents relatés, alors même qu’il n’aurait jamais exercé d’activités politiques, ni eu d’accointances de près ou de loin avec le PKK, semblaient superflus et étaient sujets à caution. Si les autorités turques l’avaient réellement soupçonné d’être un terroriste, voire d’entretenir des contacts avec un oncle ayant combattu avec le PKK dans les années nonante, elles auraient à l’évidence usé de méthodes plus dissuasives, comme par exemple l’ouverture d’une procédure contre lui (p. 9).

5.             Le 23 novembre 2023, le SEM a fixé à M. A______ un nouveau délai au 7 décembre 2023 pour quitter la Suisse.

6.             Au cours d'un entretien avec l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 15 décembre 2023, il lui a été rappelé qu'il était tenu de quitter immédiatement la Suisse, le délai lui ayant été imparti pour ce faire étant échu. L'OCPM lui a également fait remarquer que la Croix-Rouge genevoise ne l'avait pas avisé qu’il s'y était rendu ou avait entrepris des démarches en vue de son retour en Turquie, ce qui tendait à démontrer qu'il n'était pas disposé à collaborer à l'organisation de son retour. En réponse, M. A______ a déclaré qu'il ne pouvait pas retourner en Turquie, qu'il ne voulait pas organiser son retour et qu'il allait entreprendre par le biais de son avocat des démarches en vue d'un nouveau recours. Enfin, il a par ailleurs été porté à la connaissance de M. A______ qu'en cas de non-collaboration à l'organisation de son départ, une détention administrative pouvait être ordonnée à son encontre.

7.             Par décision du 11 janvier 2024, l'OCPM a chargé les services de police de procéder à l'exécution du renvoi de l'intéressé à destination de la Turquie.

8.             Les services de police ont procédé à la réservation d'un vol pour M. A______, pour le 11 mars 2024 à 14h35 au départ de Genève.

9.             Le 11 mars 2024, M. A______ a été interpellé par les services de police, puis conduit à l'aéroport de Genève en vue de prendre le vol de ligne réservé en sa faveur.

10.         M. A______ a refusé d'embarquer à bord de ce vol.

11.         Le 12 mars 2024, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois. Au commissaire de police, M. A______ avait déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Turquie, dans la mesure où il y serait arrêté, voire inculpé.

12.         Entendu le 14 mars 2024 par le tribunal, M. A______ a notamment déclaré que son but était de déposer une nouvelle demande d'asile en raison du risque d'arrestation qui le menaçait s'il retournait en Turquie.

13.         Par jugement du 14 mars 2024 (JTAPI/237/2024), le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 11 mai 2024.

14.         Par requête du 26 mars, reçue le 2 avril 2024, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté. Il se trouvait en détention en vue de son renvoi vers son pays d’origine depuis le 12 mars 2024. Or, il était totalement contre l’idée de partir en Turquie, pays où il était persécuté.

15.         Un vol à destination d’Istanbul, sous escorte policière, a été réservé en faveur de l’intéressé pour le 10 avril 2024 au départ de Genève.

16.         Lors de sa comparution du 9 avril 2024 devant le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il n'avait pas commis d'infractions et qu’il était détenu sans raison. Il n'était pas d'accord de retourner en Turquie. Sa vie y était en danger. Il faisait l’objet d’une procédure pénale à son encontre pour des publications qu'il partageait sur les réseaux sociaux en faveur de la cause Kurde. S’il retournait en Turquie, il serait incarcéré. Il n'était pas d'accord de faire les démarches en vue d'obtenir son passeport afin que les autorités suisses procèdent à son renvoi. S’il était libéré, il s'engageait à se présenter à l'OCPM ou à la police sur demande. Il souhaitait obtenir un permis de séjour en Suisse. Il n’avait pas l’intention d’embarquer dans le vol avec escorte prévu en sa faveur le lendemain.

M. A______ a transmis au tribunal une copie d’une demande d’asile multiple déposée auprès du SEM le 25 mars 2024. Il y indiquait faire l’objet d’une procédure pénale auprès du procureur général de ______[TR] depuis le 17 octobre 2023, pour des articles critiques à l’encontre du régime en place sur les réseaux sociaux et pour propagande en faveur de l’organisation terroriste PKK. Des agents de la lutte antiterroriste avaient interrogé son père et un voisin à son sujet. Cette requête a été transmise par le SEM au TAF le 28 mars 2024 qui l’a considérée comme une demande de révision de l’arrêt du 17 novembre 2023, l’intéressé ne faisant pas valoir de changement de situation fondamental qui serait survenu après l’arrêt précité, invoquant l’ouverture d’une procédure pénale à son encontre qui n’avait pas été invoquée précédemment mais avérée à la date de l’arrêt. Annexés à cette demande, M. A______ a produit différents documents traduits mais ne les a pas transmis à l’Autorité de céans. Il s’agirait notamment d’un formulaire pour instruction du procureur du 17 octobre 2023 concernant le compte Facebook « A______ » qui aurait effectué de la propagande pour l’organisation terroriste armée PKK et émis des publications insultant publiquement la Turquie ainsi que des courriers de son avocat turc lui mentionnant qu’au vu des charges retenues contre lui, il était évident qu’un ordre d’arrestation et de détention serait émis à son encontre.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à ce que son client soit libéré immédiatement, subsidiairement à ce que des mesures permettant de constater sa présence en Suisse soient prononcées.

Le représentant de l’OCPM a plaidé et conclu à ce que la demande de mise en liberté de M. A______ soit rejetée et que ce dernier soit maintenu en détention administrative.

17.         M. A______ n’est pas monté à bord de l’avion réservé en sa faveur le 10 avril 2024, à destination d’Istanbul.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 80 al. 5 LEI, l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.

Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.

Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).

Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).

3.             En l'espèce, la demande de levée de la détention administrative formée par M. A______ le 26 mars 2024 et reçue au tribunal le 2 avril 2024, est recevable et la décision du tribunal intervient dans le respect du délai légal susmentionné.

4.             L'art. 76 al. 1 let. b LEI stipule que lorsqu'une décision de renvoi a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre qu'elle entende se soustraire au renvoi, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (ch. 3) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

5.             Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

6.             Selon la jurisprudence, un risque de fuite existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.2 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_743/2009 du 7 décembre 2009 consid. 4), qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine (cf. ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; 130 II 56 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1139/2012 du 21 décembre 2012 consid. 3.2 ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014).

7.             Lorsqu’il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi, soit qu’il se conformera aux instructions de l’autorité et regagnera ainsi son pays d’origine le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions seront réunies. Dans ce cas, le juge de la détention dispose d’une certaine marge d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C.400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1).

8.             Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.2 ; 2C_142/2013 du 1er mars 2013 consid. 4.2 ; 2C_1017/2012 du 30 octobre 2012 consid. 4.1.1 ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014). Ne constituent pas des éléments suffisants le seul fait que l'étranger soit entré en Suisse de façon illégale ou le fait qu'il soit démuni de papiers d'identité (cf. ATF 129 I 139 consid. 4.2.1). De même, le fait de ne pas quitter le pays dans le délai imparti à cet effet n'est pas à lui seul suffisant pour admettre un motif de détention au sens de l'art. 76 al. 1 ch. 3 ou 4 LEI, mais peut tout au plus constituer un indice parmi d'autres en vue d'établir un risque de fuite (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_142/2013 du 1er mars consid. 4.2 in fine ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014). En effet, si tel était le cas, il aurait appartenu au législateur d'indiquer expressément à l'art. 76 al. 1 LEI que le non-respect du délai de départ constitue à lui seul un motif justifiant la mise en détention de l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées). Dans la même ligne, le fait de travailler au noir ne constitue pas non plus un indice d'un risque de fuite (ATF 140 II 1 consid. 5.4.2 p. 5). A l'inverse, la circonstance que la personne concernée s'est tenue, assez longtemps et de manière ininterrompue, en un endroit stable à la disposition des autorités plaide en défaveur du risque de fuite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées).

9.             En l'espèce, M. A______ fait l’objet d’une décision de renvoi de Suisse définitive et exécutoire prononcée par le SEM le 4 août 2023. Il n’a pas quitté la Suisse dans les délais qui lui ont été impartis, a refusé d’embarquer dans les vols réservés en sa faveur à destination de la Turquie, les 11 mars 2024 et 10 avril 2024. Par ailleurs, il a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’entendait pas retourner dans son pays d’origine. M. A______ a ainsi exprimé clairement et par les actes son intention de se soustraire à son renvoi.

10.         Par conséquent, les conditions légales d’une détention au sens des dispositions susmentionnées sont réalisées quant au principe.

11.         Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité « peut » prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

12.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

13.         Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

14.         Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

15.         En l'espèce, la question peut se poser sous l’angle de la proportionnalité de savoir si une mesure moins incisive que la détention permettrait d’assurer l’exécution de son renvoi le moment venu. M. A______ a déposé une nouvelle demande d’asile et expliqué souhaité obtenir un permis de séjour en Suisse. Il s’est dit prêt à se rendre dans un poste de police ou à l’OCPM, sur demande. Cela étant, M. A______ n’a aucun lien avec la Suisse et la seule promesse de se rendre à l’OCPM ou à la police sur demande, ne permet pas de pallier le risque de fuite, respectivement de passage dans la clandestinité. Par ailleurs, les autorités suisses ont jusqu’ici agi avec diligence en vue d’exécuter son renvoi. Quant à la durée elle-même de sa détention, elle n’apparaît pas d’emblée disproportionnée, compte tenu de l’incertitude relative qui concerne le délai dans lequel il sera possible d’organiser un nouveau vol.

16.         M. A______ fait valoir l'impossibilité d'exécuter son renvoi au sens de l'art. 80 al. 6 let. a LEI car il serait immédiatement incarcéré s’il devait poser les pieds sur le sol turc vu la procédure pénale ouverte à son encontre.

17.         La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 p. 59 s.; 122 II 148 consid. 3 p. 152 s.). Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes ("triftige Gründe"), l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités). Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi en fonction des circonstances de chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1). La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 p. 61 et les arrêts cités). Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 p. 61; arrêt 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).  

18.         Selon l'art. 42 de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi; RS 142.31), quiconque dépose une demande d'asile en Suisse peut y séjourner jusqu'à la clôture de la procédure.  

19.         En vertu de l'art. 75 al. 1 let. f LEI, le dépôt d'une demande d'asile dans le but manifeste d'empêcher l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion constitue un motif pour prononcer la détention en phase préparatoire. Cela étant, selon la jurisprudence, il n'y a pas lieu de convertir une détention en vue du renvoi en une détention en phase préparatoire lorsqu'une demande d'asile est déposée par une personne qui est déjà détenue en vue de son renvoi. Dans un tel cas, la jurisprudence retient que la poursuite de la détention en application de l'art. 76 LEI est en effet admissible si l'on peut s'attendre à ce que la procédure d'asile soit terminée et la mesure de renvoi exécutée dans un avenir proche (" abse hbar "; " prevedibili ") (cf. ATF 140 II 409 consid. 2.3.3; 125 II 377 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 2C_37/2023 du 16 février 2023 consid. 3.3.1 ; 2C_233/2022 du 12 avril 2022 consid. 4.3.1 ; 2C_452/2021 du 2 juillet 2021 consid. 5.3 ; 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 4.2.1). Il s'agit de la concrétisation du principe selon lequel la détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Lors de cette appréciation, le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1). 

20.         Pour évaluer si la procédure en matière d'asile se terminera dans un délai raisonnable, il convient de prendre en compte tant la durée de la procédure de première instance que celle d'une éventuelle procédure de recours (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_452/2021 du 2 juillet 2021 consid. 5.4.3). A cet égard, les délais de traitement des demandes d'asile par le SEM et les délais de recours auprès du Tribunal administratif fédéral varient en fonction du type de procédure d'asile concernée. Dans une procédure accélérée, la décision du SEM est notifiée dans les 8 jours ouvrables qui suivent la fin de la phase préparatoire (cf. art. 37 al. 2 LAsi), tandis que dans une procédure étendue, la décision est prise dans les deux mois qui suivent la fin de la procédure préparatoire (cf. art. 37 al. 4 LAsi). Par la suite, tant en procédure accélérée (cf. art. 108 al. 1 LAsi, en lien avec les art. 10 et 12 de l'Ordonnance sur les mesures prises dans le domaine de l'asile en raison du coronavirus (RS 142.318), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2022), qu'en procédure étendue ou dans tous les autres cas (cf. art. 108 al. 2 et al. 6 LAsi), le délai de recours est de 30 jours. Le délai de traitement du recours par le Tribunal administratif fédéral est de 20 jours en procédure accélérée (cf. art. 109 al. 1 LAsi) et de 30 jours en procédure étendue (cf. art. 109 al. 2 LAsi), étant précisé que ces délais sont des délais d'ordre qui peuvent être dépassés pour de justes motifs, par exemple si des faits doivent être clarifiés (FF 2014 7771 p. 7796 et 7811 ss).  

21.         En l’espèce, la demande d’asile déposée par M. A______ le 4 janvier 2022 a fait l’objet le 4 août 2023, d’une décision de rejet et de renvoi, confirmée par arrêt du TAF du 17 novembre 2023. Cet arrêt est définitif et exécutoire faute de recours formé à son encontre. La procédure d’asile de l’intéressé est donc close. Détenu administrativement en vue de son renvoi, M. A______ a déposé une nouvelle demande d’asile considérée comme une demande de révision le 25 mars 2024. Dans la mesure où cette demande a été faite après que M. A______ ait eu connaissance d’une enquête ouverte contre lui le 17 octobre 2023, on ne peut retenir que celle-ci visait uniquement à faire obstacle à son renvoi et à sa détention.

22.         Il n’appartient pas au tribunal d’examiner les chances de succès de cette requête, laquelle n’en apparaît pas d’emblée dénuée vu les allégations d’une procédure pénale ouverte à l’encontre de l’intéressé pour des faits de propagande en faveur de l’organisation terroriste PKK, faits non retenus dans l’arrêt du TAF du 17 novembre 2023. Seule se pose la question de la durée probable de cette procédure de révision et si le renvoi de M. A______ semble être possible dans un délai raisonnable. Or, une procédure de révision par-devant le TAF est relativement rapide. Compte tenu des délais de traitement d’une telle procédure, une décision pourrait être rendue dans un délai de deux mois. La procédure de révision sera vraisemblablement achevée avant que l’autorité puisse exécuter le renvoi de M. A______, soit dans un délai prévisible et raisonnable. On ne saurait ainsi admettre que la possibilité de procéder à l'expulsion de M. A______ serait inexistante ou hautement improbable et purement théorique. Partant, il n’existe aucune impossibilité à l’exécution de son renvoi au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEI.

23.         En tout état, M. A______ pourra déposer une demande de mise en liberté s’il recevait une décision favorable du TAF.

24.         Au vu de ce qui précède, la demande de mise en liberté sera rejetée.

25.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 26 mars 2024 par Monsieur A______ ;

2.             la rejette ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 10 avril 2024

 

Le greffier