Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/3989/2021

JTAPI/381/2024 du 24.04.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : RENOUVELLEMENT(EN GÉNÉRAL);AUTORISATION DE SÉJOUR;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);VIOLENCE DOMESTIQUE
Normes : LEI.44.al1; LEI.50.al1.leta; LEI.43; LEI.58a; LEI.50.al1.letb; LEI.50.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3989/2021

JTAPI/381/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 avril 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentante de sa fille mineure B______, et Monsieur C______, représentés par Me Daniela LINHARES, avocate, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1982, est la mère de C______, né le ______ 2003, et de B______, née le ______ 2007, ressortissants brésiliens.

2.             Le ______ 2016, Mme A______ a épousé, au Brésil, Monsieur D______, ressortissant portugais, né le ______ 1982, domicilié à Genève et titulaire d’une autorisation d’établissement.

3.             Aucun enfant n’est né de cette union.

4.             Mme A______ est arrivée en Suisse le 18 juin 2016 et a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, renouvelé jusqu’au 27 septembre 2021.

5.             Le 29 novembre 2017, Mme A______ a déposé une plainte pénale à l’encontre de son époux pour injures, menaces et contraintes sexuelles.

6.             Au moyen d’un formulaire de changement d’adresse daté du 30 avril 2018, Mme A______ a informé l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) qu’elle était retournée au domicile conjugal à compter du 1er mai 2018.

7.             Le 17 mai 2018, le Ministère public du canton de Genève a rendu une ordonnance de non-entrée en matière sur la plainte de Mme A______. Cette décision est entrée en force.

8.             Le 30 août 2018, M. D______ a confirmé être « marié avec [son] épouse sans aucune interruption ».

9.             Le 11 octobre 2018, il a informé l’OCPM que son épouse avait quitté le domicile conjugal le 3 octobre 2018 et qu’ils avaient entamé une procédure de divorce.

10.         Le 11 juin 2019, faisant suite à une demande de renseignements de l’OCPM,
M. D______ a confirmé vivre séparé de son épouse depuis octobre 2018. Il allait entamer la procédure de divorce dans le courant du mois juillet 2019. Il a également indiqué la nouvelle adresse de son épouse.

11.         Selon le rapport d’enquête de l’OCPM du 13 août 2019, Mme A______ vivait effectivement à l’adresse indiquée par son époux.

12.         Le 25 septembre 2019, l’OCPM a reçu une annonce de changement d’adresse par laquelle Mme A______ indiquait habiter à l’adresse transmise par son époux depuis le 16 mars 2019. Il s’agissait d’une séparation mais son changement d’adresse ne concernait pas ses enfants.

13.         Le 28 novembre 2019, M. D______ a indiqué ne pas avoir pu, pour des motifs financiers, entamer la procédure de divorce. Il a confirmé la séparation de corps.

14.         Une enquête diligentée par l’OCPM en juin 2020, suite à de très nombreux retours de courriers, a permis d’établir la nouvelle adresse de Mme A______ où elle vivait depuis début 2019 avec ses enfants.

15.         Par formulaire daté du 6 juillet 2020, Mme A______ a formellement informé l’OCPM de sa nouvelle adresse. Ce document est parvenu à l’OCPM le 11 août 2020.

16.         Le 10 juillet 2020, l’OCPM a invité Mme A______ à lui transmettre divers renseignements, en particulier s’agissant de ses enfants.

17.         Le même jour, l’office des poursuites a indiqué que l’intéressée faisait l’objet de six poursuites, dont cinq par une caisse d’assurance-maladie et de quatre actes de défaut de biens pour des montants totaux de respectivement CHF 9’599,05 et CHF 6’687,07.

18.         Le 4 août 2020, sous la plume de son conseil, Mme A______ a déclaré à l’OCPM qu’elle avait été victime de violences conjugales, qu’elle avait déposé une plainte en 2017, qu’elle était par la suite retournée vivre avec son époux pour lui donner une nouvelle chance, mais que rien n’avait changé. Une requête en mesures protectrices de l’union conjugale allait être déposée dans les meilleurs délais. Ses enfants avaient été abandonnés par leur père qui avait toujours refusé de les reconnaître. Ils vivaient « jusqu’à présent » avec leur grand-mère au Brésil qui, tombée malade, ne pouvait plus s’en occuper. Son époux avait toujours refusé qu’elle les fasse venir en Suisse. Elle n’a pas indiqué leur date d’arrivée en Suisse, malgré la demande expresse de l’OCPM à ce sujet. Elle a produit des attestations de scolarité à teneur desquelles ses enfants étaient inscrits dès le 29 août 2019 en classe d’accueil.

19.         Le 16 décembre 2020, Mme A______ a informé l'OCPM que la requête en mesure protectrices de l’union conjugale allait être prochainement déposée et qu’elle était profondément attachée à la Suisse où elle était parfaitement intégrée. Elle ne se voyait pas habiter dans un autre pays et surtout pas retourner au Brésil, pays dans lequel elle n’avait pas d’avenir. En Suisse, elle avait un travail rémunéré qui lui permettait d’élever ses deux enfants et les voir grandir en sécurité. En 2018, son époux et elle-même s’étaient accordés pour faire venir ses enfants en Suisse, mais il l’avait mise à la rue peu avant leur arrivée. Sa mère était gravement malade, son père était décédé et elle n’avait pas de contact avec ses demi-frères et sœurs.

20.         Le 22 mars 2021, Mme A______ a indiqué à l'OCPM que la requête en mesures protectrices de l’union conjugale serait déposée une fois reçue la liste des mains courantes demandée à la police. Elle n’avait jamais eu l’intention de mettre l’OCPM devant le fait accompli s’agissant de ses enfants. C’était en urgence qu’elle avait dû les faire venir en Suisse au vu de la dégradation de l’état de santé de sa mère. Elle a produit des attestations de scolarité à teneur desquelles ses enfants étaient inscrits dès le 24 août 2020 en classe d’orientation professionnelle pour son fils, et en classe d’accueil pour sa fille.

21.         Le 9 avril 2021, Mme A______ a transmis à l’OCPM une copie de la fiche de renseignements établie par la police qui détaille les quatre interventions (des 4 novembre 2016, 8 et 29 novembre 2017 et 17 octobre 2018) la concernant. Il en résultait, notamment, que Mme A______ a indiqué aux policiers, lors de la troisième intervention, que son époux l’avait menacée, harcelée et fait subir des violences psychologiques, mais non des violences physiques ou sexuelles. Lors de la dernière intervention, il avait menacé de s’en prendre à elle. Il l’injuriait, mais ne l’avait jamais frappée physiquement.

22.         Le 13 avril 2021, l’Hospice général a attesté qu’il n’aidait pas financièrement Mme A______.

23.         Le 31 juillet 2021, après avoir obtenu une prolongation du délai pour répondre à une demande de renseignement du 12 avril 2021 au motif qu’elle devait passer un test de français, Mme A______ a transmis à l’OCPM divers documents complémentaires et a fait valoir qu’elle n’avait pas encore pu passer le test de français, étant en arrêt maladie. Elle était domiciliée avec ses enfants dans un hôtel, mais cette situation était temporaire. Elle était dans l’attente d’un logement.

24.         Le 19 août 2021, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de révoquer son autorisation de séjour, de refuser d’en délivrer à ses enfants et de prononcer leur renvoi.

25.         Dans le délai imparti pour faire valoir son droit d’être entendue, Mme A______ a notamment indiqué le nom de quatre témoins pouvant attester des violences qu’elle avait subies.

26.         Par décision du 20 octobre 2021, l’OCPM a refusé de prolonger l’autorisation de séjour de Mme A______ et d’en octroyer à ses enfants, a prononcé leur renvoi et leur a imparti un délai au 10 janvier 2022 pour quitter le territoire suisse et l’ensemble de l’espace Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Mme A______ ne pouvait plus se prévaloir de son mariage avec son époux pour maintenir son autorisation de séjour, sans commettre un abus de droit manifeste. Leur vie commune avait pris fin définitivement en octobre 2018, une requête en mesures protectrices de l’union conjugale avait été déposée et une reprise de la vie commune n’était aucunement envisagée. Leur vie commune en Suisse avait duré moins de trois ans, de sorte qu’il n’était pas nécessaire d’examiner son intégration en Suisse. De plus, la poursuite de son séjour en Suisse ne s’imposait pas pour des raisons personnelles majeures. Au vu des éléments au dossier, les violences conjugales alléguées ne pouvaient justifier, à elles seules, le maintien de l’autorisation de séjour. L’unique plainte pénale déposée à l’encontre de M. D______ avait d’ailleurs été classée faute de preuve. Enfin, elle n’était pas particulièrement intégrée.

27.         Par acte du 22 novembre 2021, Mme A______ et ses enfants ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à ce que l’OCPM soit invité à envoyer leur demande au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) avec un préavis favorable, au renouvellement de son autorisation de séjour et à l’octroi de telles autorisations à ses enfants. Elle a requis, préalablement, la comparution personnelle des parties et l’audition de sept témoins.

Les faits et les preuves avaient été appréciés arbitrairement par l’autorité intimée. L’OCPM n’avait en outre pas retenu qu’elle avait fait appel quatre fois à la police, ne tenant compte ni du rapport de police du 25 janvier 2018 ni de la liste des mains courantes. Il avait aussi ignoré l’attestation du centre LAVI du 16 février 2021 attestant des violences conjugales qu’elle avait subies ; plusieurs personnes en avaient par ailleurs été témoins. De plus, son époux avait, pour se venger de son départ, appelé tous ses employeurs afin de résilier ses contrats de travail. Une ordonnance de non-entrée en matière avait certes été rendue le 17 mai 2018, mais le délai de plainte étant dépassé s’agissant des injures, aucune condamnation n’avait pu être prononcée malgré les aveux de son époux. Ayant repris la vie commune avec son époux, elle avait renoncé à recourir contre cette ordonnance. Elle avait subi des violences pendant plus de deux ans avant d’estimer que ses limites avaient été atteintes.

28.         L’OCPM a conclu au rejet du recours. Même à admettre les dates alléguées par Mme A______ afférentes à son arrivée en Suisse et à la rupture de l’union conjugale, respectivement les 18 juin 2016 et 16 mars 2019, le terme de trois ans d’union conjugale n’était pas atteint. Rien au dossier ne permettait de conclure, notamment, à l’existence des violences conjugales alléguées, celles-ci n’étant au surplus pas d’une nature telle qu’elles suffiraient à admettre la réalisation de l’art. 50 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

29.         Dans sa réplique, l’intéressée a persisté dans ses conclusions, relevant qu’elle remplissait toutes les conditions de violences domestiques au sens de la législation topique en la matière, ayant été victime de violences tant physiques, psychologiques, que sexuelles de la part de son époux. Elle avait été suivie par des organismes tels que le centre LAVI ou l’unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence (ci-après : UIMPV) des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Le 9 novembre 2017, elle avait été admise à l’unité d’urgences psychiatriques et, suite à l’intervention des médecins et du centre LAVI, accueillie dans un hôtel. Les médecins, l’ayant vue aux urgences le 10 novembre 2017, avaient relevé qu’elle se trouvait dans une détresse psycho-sociale. Par ailleurs, lors de l’intervention des psychiatres, il avait été relevé qu’elle aurait été abusée sexuellement pas son mari et ce, depuis son retour à domicile après une opération. L’UIMPV avait décrit les violences qu’elle avait subies, notamment des violences sexuelles (relation sexuelle forcée), économiques, physiques et psychologiques.

30.         Dans sa duplique, l’OCPM a indiqué que les diverses pièces produites démontraient l’existence passée de conflits de couple d’une certaine importance, lesquels avaient provoqué le départ du domicile conjugal de Mme A______ ainsi qu’une détresse psychologique qu’on ne saurait minimiser. Cela étant, le seuil de gravité atteint par ces circonstances ne suffisait pas au regard des critères sévères posés par la loi en matière de violences conjugales.

S’il apparaissait, certes, que M. D______ avait procédé en 2017 au changement de la serrure du domicile conjugal et avait pu se montrer injurieux envers Mme A______, il n’était pas démontré qu’il avait usé de violences psychologiques de manière systématique envers celle-ci. Il ne ressortait par ailleurs pas du dossier que celle-ci avait fait l’objet de violences physiques ou sexuelles avérées de la part de son époux.

31.         Par jugement du 14 juin 2022 (JTAPI/628/2022), le tribunal a rejeté le recours.

Les recourants sollicitaient l’audition de sept témoins. Ils n’avaient toutefois pas indiqué sur quels éléments précis porteraient les auditions et en quoi celles-ci pourraient apporter un éclairage différent. Trois des personnes citées à témoigner avaient déjà rédigé des attestations versées à la procédure. Il n’y avait dès lors pas lieu de donner suite à la requête d’audition de témoins.

Mme A______ ne pouvait se prévaloir ni de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), ni de l’art. 44 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), la durée de la vie commune avec son époux n’étant pas suffisante.

Elle ne pouvait se prévaloir des violences conjugales. Selon la fiche de renseignements établie par la police, elle avait admis, le 29 novembre 2017, que son époux ne lui avait pas infligé de violences physiques ou sexuelles et, le 17 octobre 2018, qu’il ne l’avait jamais frappée physiquement.

De même, elle n’avait pas fourni d’indices d’une violence conjugale, tels qu’énumérés à l’art. 77 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Si elle avait, certes, déposé une plainte pénale à l’encontre de son époux, le Ministère public n’était pas entré en matière sur cette plainte, faute de preuve et en raison de l'échéance de délai pour déposer plainte s’agissant de l’injure. L'injure ayant été reconnue par l’époux et décrite dans les attestations des témoins, il convenait d’en tenir compte. Toutefois, cet épisode ne suffisait pas, en soi, pour retenir une violence conjugale d’une certaine intensité.

Selon les certificats médicaux produits ainsi que l’attestation du centre LAVI, Mme A______ avait été reçue à trois reprises par la LAVI, les 8 et 22 novembre 2017 ainsi que le 3 mars 2018. Elle avait exposé avoir subi des violences conjugales et sexuelles. À la lecture de l'attestation, on comprenait que les violences s’étaient déroulées avant le 3 mars 2018, puisqu’à cette occasion, elle « a parlé de souvenirs envahissants en lien avec les violences sexuelles ». Cet élément semblait en contradiction avec les propos qu’elle avait tenus aux policiers à fin novembre 2017, affirmant à cette occasion que son époux ne lui avait pas infligé de violences sexuelles. Au surplus, malgré le fait que, pour la psychologue du centre LAVI, ses propos avaient semblé être cohérents avec son état émotionnel et ses démarches, cette attestation ne renseignait pas sur la fréquence et l’intensité des violences alléguées. Le rapport d’intervention psychiatrique d’urgence du 9 novembre 2017, à l’instar de l’attestation du centre LAVI, ne renseignait pas sur la fréquence et l’intensité des violences alléguées (conflits de couple, menace d’être mise à la rue et abus sexuel) et ne reflétait que les propos de l’intéressée. Il en allait de même du résumé des entretiens à l’UIMPV, dont il ressortait, outre les faits qu’elle avait énoncés dans ses écritures, qu’elle aurait subi une pénétration vaginale forcée en juin 2017 et que son époux aurait contrôlé son argent. Quant aux attestations écrites, rédigées par des témoins, il en ressortait qu’elle aurait été insultée et humiliée en public, qu’elle se serait retrouvée devant une porte dont la serrure avait été changée et qu’elle aurait subi des violences sexuelles. Au sujet de ce dernier point, le seul témoin l’indiquant précisait le tenir de la bouche de l’intéressée.

Ainsi, l’intensité des violences apparaissait difficile à établir. Certaines d’entre elles (injures, changement de serrures) n’étaient pas, en principe, assimilées à de la violence conjugale au sens de l’art. 50 al. 2 LEI. Force était de constater que les pièces versées à la procédure ne permettaient pas de démontrer l’intensité requise par la jurisprudence susmentionnée.

Au surplus, aucun élément ne permettait de démontrer que la réintégration sociale de Mme A______ dans son pays d’origine serait fortement compromise.

L’intéressée, n’ayant plus de titre de séjour depuis le 28 septembre 2021, son autorisation de séjour ne pouvant être prolongée, ses enfants ne pouvaient se prévaloir de l’art. 44 LEI pour obtenir des autorisations de séjour au titre du regroupement familial.

32.         Par acte du 16 août 2022, Mme A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à son annulation et, cela fait, à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM d’envoyer son dossier et celui de ses enfants au SEM avec un préavis positif, que le renouvellement de son permis de séjour et que l’octroi d’un tel permis à ses enfants soient ordonnés. Préalablement, sa comparution personnelle devait être ordonnée à l’instar de l’audition de sept témoins dont les adresses étaient communiquées.

33.         L’OCPM a conclu au rejet du recours.

34.         Dans sa réplique, la recourante a pris bonne note que l’OCPM reconnaissait qu’elle était entrée sur le territoire suisse le 18 juin 2016 et non plus fin septembre 2016. Les trois ans avaient été respectés puisqu’elle avait encore appelé la police en août 2019, soit plus de trois ans après le mariage.

35.         Par arrêt du 13 décembre 2022 (ATA/1260/2022), la chambre administrative a partiellement admis le recours, annulé le jugement du 14 juin 2022 et retourné le dossier au tribunal dans le sens des considérants.

La recourante avait exposé dans la partie en fait de son recours, sur deux pages, la problématique des violences conjugales, proposant sous chaque allégué, l’audition d’un témoin, dont le nom était mentionné. Sous certains allégués, notamment la récurrence desdites violences, l’audition de sept témoins, cités nommément, était proposée. La majorité de ses développements en droit étaient fondés sur l’existence de violences conjugales et leur incidence dans sa situation. En se limitant aux seules pièces produites, sans laisser à la recourante la possibilité de faire auditionner des témoins qu’elle estimait aptes à confirmer ses allégués sur les violences domestiques, le tribunal ne pouvait considérer qu’il avait acquis la certitude que parmi les preuves offertes, soit les sept témoignages, aucun ne l'amènerait à modifier son opinion. Il avait en conséquence violé le droit d’être entendu de la recourante.

La recourante se plaignait d’une constatation inexacte des faits pertinents. Elle soutenait avoir été victime de violences conjugales, moins d’une année après son mariage et ce pendant deux années, sous forme physique, sexuelle, psychologique, économique, matérielle et privation de liberté à teneur, notamment, du rapport de suivi de l’UIMPV, la contraignant à quitter le domicile conjugal. Le tribunal avait relevé qu’il ignorait quelle suite avait été donnée à la plainte pénale déposée en 2019 et indiqué que les attestations des centres de consultation étaient incomplètes, relevant que l’attestation du centre LAVI ne renseignait pas sur la fréquence et l’intensité des violences alléguées, que le rapport d’intervention psychiatrique d’urgence du 9 novembre 2017 ne renseignait pas sur la fréquence et l’intensité des violences alléguées (conflits de couple, menace d’être mise à la rue et abus sexuel) et ne reflétait que les propos de la recourante, à l’instar du résumé des entretiens à l’UIMPV. Or, conformément aux art. 19 et 20 LPA, il aurait à tout le moins été nécessaire d’impartir un délai à la recourante pour fournir toute pièce utile en lien avec la procédure pénale précitée, voire envisager l’apport de celle-ci, si le TAPI estimait cette mesure nécessaire. De même, l’instance précédente ne pouvait se limiter à constater que les attestations des professionnels consultés ne comprenaient pas toutes les informations utiles. Il lui aurait appartenu soit de questionner par écrit les centres concernés, soit aux fins d’obtenir le plus de renseignements utiles possibles et d’établir au mieux les faits, d’ordonner l’audition des professionnels s’étant occupés à l’époque de la recourante. En l’absence de l’audition des témoins sollicités, sur des faits qui pouvaient être pertinents s’agissant de l’intensité et la récurrence des violences conjugales, et en n’établissant pas des éléments que lui-même semblait estimer pertinents, le tribunal avait mal établi les faits. Il aurait été nécessaire d’établir le plus précisément possible la chronologie des violences conjugales, leur forme, et leur intensité afin de pouvoir analyser la situation de l’intéressée au fil des mois et les conséquences juridiques qui en découlaient.

36.         Le 27 février 2023, le tribunal a imparti à la recourante un délai au 9 mars 2023, pour lui transmettre une copie de la plainte pénale qu’elle avait déposée en août 2019 à l’égard de M. D______ et pour lui indiquer si elle était toujours suivie en lien avec les violences alléguées. Cas échéant, elle était invitée à produire tout document utile.

37.         Par courrier du 17 mars 2023, la recourante a renoncé au témoignage de Madame E______.

38.         Le 20 mars 2023, le tribunal a procédé à l’audition de Madame F______, de Madame G______, de Madame H______, de Madame I______ et de Monsieur J______, en qualité de témoins, ainsi que de Mme A______ et M. C______. Bien que dûment convoquée, Madame K______ ne s’est pas présentée.

Mme F______ a déclaré connaître la recourante, avec qui elle avait travaillé, depuis environ neuf ans. Elle l’avait appelée un mois auparavant pour l’informer de la tenue de l’audience. Après l’opération de Mme A______, son époux avait changé les serrures. Avec une amie, elle l’avait accompagnée dans un centre pour femmes battues. Lorsqu’elle travaillait avec Mme A______, son mari la suivait, la harcelait et lui criait dessus. Cette dernière lui avait fait part de violences physiques et lui avait dit que son époux était agressif avec elle et qu’il la menaçait de la renvoyer au Brésil. Elle n’avait pas vu de signes extérieurs de violence, tels qu'un bleu ou un œil au beurre noir. Mme A______ pleurait assez souvent et expliquait subir non seulement des violences physiques, mais également sexuelles. S'agissant de ces dernières, il était surtout question du fait que son époux voulait entretenir des rapports sexuels tout le temps. Elle pensait que Mme A______ avait peur de son mari, mais n’en était pas sûre à 100%. Elle n’avait pas assisté à des scènes de violences mais avait remarqué que M. D______ s'énervait souvent.

Madame G______ a, quant à elle, déclaré connaître Mme A______ depuis dix ou douze ans. C'était une cliente du bar dans lequel elle travaillait. L’époux de Mme A______ ne respectait personne. Selon cette dernière, il la traitait de « pute » et « salope » fréquemment. Ils venaient boire un verre, puis tout d'un coup, il lui disait « viens, on y va salope ». Elle-même avait assisté, à une reprise, à une scène de violence verbale et physique lors de laquelle il avait saisi son épouse par le bras. Mme A______ lui expliquait qu'elle avait des problèmes avec son mari, mais elle n'en disait pas beaucoup plus. Une fois, elle avait expulsé ce dernier du bar car il téléphonait à Mme A______ et créait des problèmes. Elle n’avait pas entendu la conversation.

Mme H______ connaissait Mme A______ depuis environ six ou sept ans. Elle ne l’avait plus revue depuis trois ans. Elle n'avait pas été présente lors des violences entre les époux et n’avait personnellement rien vu. Mme A______ lui avait dit des choses sans qu’elle puisse affirmer si c'était vrai ou non. Elle lui relatait que son époux buvait, parlait fort, l'insultait et l'obligeait à entretenir des relations sexuelles. Il se rendait sur ses lieux de travail pour l'insulter et parler mal d'elle. Elle avait perdu un emploi pour cette raison. Il la suivait partout.

Mme I______ connaissait Mme A______ depuis plus de cinq ans. C’était sa voisine et à une époque, elles se fréquentaient quotidiennement. A tout le moins à deux reprises, Mme A______ s’était réfugiée chez elle suite à des problèmes avec son époux, une fois tard dans la nuit. Elle avait assisté quelques fois à des conflits verbaux, avec des insultes et une très grande agressivité verbale de la part de M. D______, lequel s'approchait très proche de Mme A______. A l’époque, elle-même avait eu peur de lui et s’était fait insulter à une reprise. Il traitait son épouse notamment de « prostituée », de « salope » et de moins que rien. Elle avait constaté la présence de bleus sur Mme A______, qui pleurait beaucoup. Elle pensait que les violences étaient fréquentes mais sur une courte période qu’elle n’arrivait pas à dater. Suite à un conflit après son opération, Mme A______ était venue chez elle. M. D______ devenait plus agressif lorsqu'il avait bu. Il menaçait souvent son épouse de la renvoyer au Brésil. Il lui disait qu'elle vivait sous son toit et qu'il pouvait la mettre à la rue. Elle avait peur de son mari, raison pour laquelle elle venait chez elle, parfois dans une grande précipitation. M. D______ était rarement dans de bonnes conditions. Il n'aimait pas qu’elle ouvre la porte à Mme A______ lorsqu'il la mettait à la rue. Il préférait qu'elle y reste.

Monsieur J______ a déclaré avoir connu Mme A______ par l'intermédiaire de son mari avec lequel il travaillait. En 2017-2018, les époux s’étaient séparés. Après l'hospitalisation de Mme A______, son époux avait fermé la porte à clé. Il avait alors aidé Mme A______ à trouver un hôtel. Il était très ami avec M. D______ mais s’en était éloigné car il maltraitait Mme A______. Il les avait accueillis au Portugal, chez ses parents, lors d’un séjour durant la période de Noël 2016. A cette occasion, M. D______ avait levé sa main pour frapper son épouse mais ne l’avait pas atteinte car il s’était interposé. A une autre reprise, alors qu’il avait laissé son téléphone sur la table, Mme A______ s’en était saisie pour le déplacer car sa mère voulait dresser la table. Ce dernier avait alors dit à son épouse « si tu touches mon téléphone, je te casse la gueule ». Il n’avait pas assisté à d'autres scènes de violence physiques. Par contre, il la traitait de tous les noms, soit de « pute », vache, cochonne, etc., n'importe où et devant tout le monde. M. D______ buvait beaucoup et à ces occasions, c'était encore pire. Il suffisait d'une petite chose pour que M. D______ insulte son épouse.

Mme A______ a confirmé que son époux continuait à la harceler par téléphone. Il lui avait par exemple téléphoné à dix reprises, la semaine précédente. Il lui parlait très fort et l’insultait. Son conseil a expliqué que la semaine précédente, alors que sa cliente se trouvait en son Etude, M. D______ avait téléphoné à plusieurs reprises et sa secrétaire avait essuyé une salve d'insultes.

M. C______ a expliqué se trouver en première année d'apprentissage, en construction métallique. Il avait souhaité s'orienter vers l'architecture, mais ce n'était pas possible vu l’absence de permis de séjour. Il faisait partie d’un club de football.

39.         Par courrier du 26 mars 2023, la recourante a informé le tribunal être uniquement en contact avec Madame L______, de l’UIMPV.

40.         Le 30 mars 2023, dans le délai prolongé par le tribunal, la recourante a transmis la seule plainte qu’elle avait déposée contre M. D______, soit celle du 29 novembre 2017.

41.         Le 31 août 2023, le tribunal a procédé à l’audition de Mme L______, en qualité de témoin, ainsi qu’à celles de Mme A______ et de M. C______.

Mme L______ a déclaré avoir rencontré Mme A______ dans le cadre de son activité à l'UIMPV. Elle était infirmière avec une spécialisation en santé mentale et soins psychiatriques. Elle avait travaillé aux HUG en qualité d'infirmière durant vingt-cinq ans environ et avait pris sa retraite le 1er mai 2021. Elle n’avait aucun souvenir de la situation de Mme A______ ni de cette personne. Le document daté du 13 novembre 2017 n’était qu’un formulaire. Le dossier devait également contenir un rapport.

Mme A______ travaillait pour une entreprise de nettoyage, à 80%, pour un salaire mensuel brut de CHF 3'300.- environ. Sa fille, arrivée en Suisse avec son frère en juillet 2019, était en première année du collège. Au Brésil, vivaient sa mère, son demi-frère et sa demi-sœur, issus de sa mère. Elle avait encore six demi-frères et sœurs du côté de son père. Elle n’avait pas de contacts avec eux, seulement avec sa famille maternelle. Elle comprenait et s’exprimait bien en français mais avait tout de même besoin d’un interprète pour l’audience. Arrivée en Suisse en 2014, elle avait rencontré son futur époux lors d’une fête en 2015. Ils avaient vécu ensemble durant huit mois avant de se marier. Au départ, la vie de couple se passait super bien. Après le mariage, il avait changé de personnalité. Il la traitait comme si c’était une chose et non une personne. Il lui disait de faire ce qu'il voulait, sinon elle devait rentrer au Brésil et il prendrait une autre femme. Il faisait des vidéos de lui se masturbant et les envoyait à d'autres femmes. Lorsqu’elle avait souhaité se séparer, il avait changé le cylindre de l'appartement. Il l’avait frappée à deux reprises, au niveau de la nuque avec sa main ouverte, en 2017. C’était les seules fois où il l’avait violentée physiquement. Une des deux fois, elle avait réussi à l'esquiver et l'autre fois, elle avait eu un hématome pendant trois à quatre jours. Elle n’avait pas fait de constat médical. Le 26 octobre 2017, elle n'avait pas eu envie de faire l'amour avec lui. Il avait attendu qu’elle dorme pour la pénétrer vaginalement et se masturber sur elle. Elle avait plein de sperme sur elle lorsqu’elle s’était réveillée. Elle lui avait demandé pourquoi il avait fait cela. Il lui avait répondu qu’elle était sa femme et qu'il faisait ce qu'il voulait. Pendant la pénétration, elle s’était réveillée et l’avait repoussé. Une fois qu’elle l’avait repoussé, il avait terminé seul sa masturbation. Elle s’était levée, avait pris une douche et déposé plainte à la police. C'était la seule fois où il y avait eu un épisode sexuel comme cela. Elle avait peur de son mari car il lui disait que si elle faisait quelque chose contre lui, il ne ferait pas venir ses enfants en Suisse. Il la menaçait de lui empoisonner l'existence en lui disant également qu’elle et ses enfants allaient rentrer dans « [leur] pays de merde ». A une reprise, il avait menacé de la tuer. C'était lorsqu'il lui avait demandé de se remettre en couple avec lui et qu’elle avait refusé, en 2020. A certains moments, elle avait eu peur de son mari. Il avait donné un coup de couteau à son frère au Portugal. Tous les jours, il la traitait de « pute ». Elle devait lui remettre l'entier de son salaire. Il avait toujours payé les factures, le loyer et la nourriture. Il prenait son salaire et le mettait avec le sien. Avec tout l'argent, il se chargeait de tout payer. C'est lui qui décidait de lui donner de l'argent pour s'acheter des cigarettes et ses vêtements. Il décidait du montant et ce qu’elle pouvait envoyer à ses enfants. Elle n'avait pas accès au pot commun. Lorsqu’elle était en couple, elle ne se trouvait pas dans un bon état psychologique. Elle s’était rendue aux HUG, qui l'avait envoyée chez une psychologue. Lorsqu'il avait changé le cylindre, ses points de suture s’étaient défaits. Comme elle n’avait pas pu rentrer dans l'appartement, elle n’avait pas eu accès à ses médicaments, était devenue très nerveuse et ses points de suture avaient sauté. Maintenant, d'un point de vue psychologique, elle se sentait super bien. Elle avait un travail et ses enfants avec elle. Sur question du tribunal, si elle avait dit à la police le 29 novembre 2017 qu’elle n’avait pas subi de violences sexuelles, c’est car son époux lui disait que si elle le dénonçait, il allait être arrêté et qu'en conséquence, ni ses enfants ni elle-même n'auraient de vie par la suite. Lorsque les agents lui avaient demandé si elle avait subi des violences sexuelles, elle avait pleuré et était partie. Elle n’avait pas menti à la police. Sur question du tribunal qui lui a demandé pour quelles raisons elle avait déclaré à la police le 17 octobre 2018 que son époux ne l’avait jamais frappée physiquement alors qu’elle venait d'expliquer qu'il l'avait frappée à deux reprises en 2017, la recourante a indiqué avoir déclaré aux policiers n’avoir pas subi de violence extrême, du genre hématome à ne pas pouvoir marcher. Elle avait remboursé une partie de ses dettes et souhaitait les régler entièrement.

M. C______, qui s’exprimait aisément en français, a déclaré poursuivre son apprentissage en construction métallique, au sein d’une école. Faute de permis de séjour, il ne pouvait pas suivre son apprentissage en emploi. Sa formation se déroulait bien et il avait des bonnes notes. Il était arrivé en Suisse en juillet 2019 et avait entamé des cours de français en septembre 2019. Il jouait au football dans un club, à raison de trois entrainements par semaine. Il dessinait beaucoup, ce qui l'aidait dans le cadre de son travail. Il était en bonne santé.

A l’issue de l’audience, le tribunal a imparti à la recourante un délai au 30 septembre 2023 pour lui transmettre son extrait de poursuites actualisé, le dossier médical complet de l'UIMPV et les carnets de notes des enfants et pour l’informer si elle maintenait sa demande d'audition des deux témoins, Mesdames K______ et M______.

42.         Le 15 septembre 2023, sur demande du tribunal, le Ministère public de Genève lui a fait parvenir la copie de l’entier du dossier pénal relatif à la plainte déposée le 29 novembre 2017 par la recourante à l’encontre de son époux.

Il ressort de celui-ci qu’auditionnée le 29 novembre 2017, la recourante a déclaré en substance, que le 4 novembre 2016, elle avait eu un conflit verbal avec son époux, lequel l’avait menacée de la frapper avec une chaussure. Elle avait alors quitté le domicile conjugal durant une semaine. A son retour, elle avait constaté que les clés de la serrure avaient été changées. Les trois mois suivants avaient été très calmes. Par la suite, son époux avait commencé à la traiter de « pute » et à la rabaisser. Elle avait été hospitalisée du 27 octobre au 2 novembre 2017. Le 6 novembre 2017, son époux lui avait demandé un rapport sexuel qu’elle avait refusé. Très fâché, il l’avait contrainte à le masturber, lui tenant la tête durant l’acte. De retour de la LAVI le 8 novembre 2017, elle avait constaté que son époux avait, à nouveau, changé la serrure de la porte d’entrée. Elle avait alors quitté son époux et le domicile conjugal. Depuis, il la harcelait par message et menaçait de publier des photos d’elle dénudée. Il avait été jusqu’à appeler son chef en tenant des propos diffamatoires à son égard. Son époux l’avait souvent menacée de la frapper, sans toutefois passer à l’acte. Il lui était arrivé de la bousculer lors de disputes.

Interrogé par la police le 14 janvier 2018, M. D______ a admis avoir traité son épouse de « pute » sous la colère, avoir publié un message injurieux à son égard sur sa page Facebook le 30 septembre 2017 et changé les serrures. Par contre, il ne l’avait jamais contrainte à le masturber ni ne l’avait menacée de divulguer des photos d’elle dénudée.

Par décision du 17 mai 2018, le Ministère public de Genève n’est pas entré en matière sur la plainte de la recourante faute de plainte déposée dans les délais s’agissant de l’infraction d’injure (art. 177 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)) et en l’absence de preuves s’agissant des infractions de contrainte sexuelle (art. 189 CP) et de menaces (art. 180 CP) vu les déclarations contradictoires des parties.

43.         Le 28 septembre 2023, la recourante a notamment transmis au tribunal :

-          les bulletins scolaires du cycle d’orientation 2020 - 2023 concernant sa fille, d’où il ressort qu’elle a été promue les deux premières années mais non les deux suivantes, que son comportement est bon mais qu’elle est souvent absente ;

-          un extrait du registre des poursuites du 20 septembre 2023 contenant vingt-cinq actes de défaut de biens concernant des caisses maladies, pour un total de CHF 28'415.46, avec avis de saisie et une dernière poursuite le 26 juin 2023 ;

-          les bulletins scolaires du centre de formation professionnelle construction 2022 - 2023 de son fils, d’où il ressort qu’il satisfait aux normes de promotion avec une mention bien ainsi qu’une lettre de recommandation du service d’accueil du 7 avril 2022 indiquant qu’il est assidu, appliqué, très apprécié et que son attitude est exemplaire.

44.         Le 8 janvier 2024, la recourante a informé le tribunal que ses poursuites étaient en train d’être payées, qu’elle aurait la possibilité de travailler à 100% et produit quatre décomptes de salaire de septembre à décembre 2024 pour un salaire net respectif de CHF 2'944.-, CHF 3'305.70, CHF 3'497.90 et CHF 5'346.90.

45.         Le 31 janvier 2024, l’OCPM en a pris note, rappelant qu’une autorisation de travail provisoire pouvait être obtenue et qu’après prise de connaissance des divers documents produits suite aux audiences, il s’en rapportait à justice.

46.         Le 18 mars 2023, la recourante a obtenu une autorisation provisoire de travail, révocable en tout temps.

47.         Le contenu des pièces et les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent jugement.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             Les recourants ont sollicité préalablement leur comparution personnelle ainsi que l’audition de sept témoins.

7.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

8.             Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l’instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1).

9.             En l’espèce, les recourants ont renoncé à l’audition de Mme E______ et n’ont pas indiqué au tribunal dans le délai imparti, s’ils maintenaient la demande d’audition de Mmes K______ et M______, étant rappelé que l’une d’entre elle, bien que régulièrement citée, ne s’est pas présentée lors de l’audience du 20 mars 2023. Il a procédé aux auditions de tous les témoins demandés ainsi qu’à celle de Mme L______, intervenante UIMPV, à la comparution personnelle des parties, a sollicité l’apport de la procédure pénale, un extrait du registre des poursuites ainsi que les bulletins scolaires des enfants. Il a également requis de la requérante qu’elle produise la copie de la plainte déposée en août 2019 et son dossier médical complet de l’UIMPV, sans succès. Les recourants ont par ailleurs eu l’occasion de présenter leur argumentation par écrit et à plusieurs reprises. Le tribunal estime ainsi disposer de tous les éléments pertinents pour se déterminer sur l’issue du litige, conformément aux exigences retenues dans l’arrêt de la Chambre administrative du 13 décembre 2022 (ATA/1260/2022).

10.         Est litigeuse le refus de prolonger l’autorisation de séjour de la recourante et d’en octroyer à ses deux enfants.

11.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

12.         Ainsi, l’ALCP et l’ordonnance sur l’introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d’une part, la Confédération suisse et, d’autre part, la Communauté européenne et ses États membres, ainsi qu’entre les États membres de l’Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203) s’appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l’Union européenne et aux membres de leur famille, la LEI ne s’appliquant à eux que pour autant que ses dispositions soient plus favorables que celles de l’ALCP et si ce dernier ne contient pas de dispositions dérogatoires (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).

13.         Le conjoint d’une personne ressortissant d’une partie contractante ayant un droit de séjour et ses descendants ont le droit de s’installer avec elle (art. 7 let. d ALCP et art. 3 par. 1 et 2 Annexe I ALCP). Cette règle vaut sous réserve de l’abus de droit, qui est réalisé lorsque le lien conjugal est vidé de toute substance et que la demande de regroupement familial vise seulement à obtenir une autorisation de séjour pour l’époux du travailleur communautaire. Est en particulier considérée comme abusive l’invocation d’un mariage qui n’a plus de substance et n’existe plus que formellement parce que l’union conjugale paraît définitivement rompue, faute de chances de réconciliation entre les époux (ATF 144 II 1 consid. 3.1 ; 139 II 393 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_789/2020 du 3 décembre 2020 consid. 7 ; 2C_20/2019 du 13 mai 2019 consid. 5).

14.         Si l’autorité de police des étrangers considère qu’il y a pratique abusive sur ce point, il lui revient de l’établir conformément aux règles sur la preuve du droit national (ATF 130 II 113 consid. 9.2 ; arrêt de la CJCE du 14 décembre 2000, Emsland-Stärke GmbH, ces-110/1999, Rec. 2000, p. I-11569, point 54), dite preuve pouvant, dans le domaine considéré, être apportée par différents éléments concrets permettant de dire que les époux ne veulent pas ou ne veulent plus mener une vie conjugale et que leur mariage n’est maintenu que pour des motifs de police des étrangers (ATF 130 II 113 consid. 10.2).

15.         Ainsi, sous réserve d’un abus de droit, le conjoint d’un travailleur communautaire bénéficie en principe du droit de séjourner en Suisse aussi longtemps que son mariage n’est pas juridiquement dissous, même s’il vit séparé de son conjoint. Il faut ainsi déterminer si suffisamment d’éléments concrets permettent d’affirmer que les époux ne veulent pas ou plus mener une véritable vie conjugale et que leur mariage n’est maintenu que pour des motifs de police des étrangers. L’intention réelle des époux ne pourra généralement pas être établie par une preuve directe, mais seulement grâce à des indices, comme dans le cas du mariage fictif (ATF 130 II 113 consid. 10 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_525/2007 du 1er octobre 2007 consid. 2).

16.         Selon l’art. 23 al. 1 OLCP, les autorisations de séjour de courte durée, de séjour et frontalières UE/AELE peuvent être révoquées ou ne pas être prolongées si les conditions requises pour leur délivrance ne sont plus remplies (ATF 139 II 393 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_560/2017 du 8 septembre 2017 consid. 3.1 ; 2C_128/2015 du 25 août 2015 consid. 3.3).

17.         En l’espèce, la recourante est séparée de son époux depuis plusieurs années, leur séparation ayant été prononcée par jugement du ______ 2021. Leur lien conjugal est ainsi vidé de toute substance. Dans ces circonstances, la recourante ne peut pas s’en prévaloir pour bénéficier des dispositions de l’ALCP.

18.         L’éventuelle poursuite de son séjour en Suisse relève ainsi de la législation ordinaire sur les étrangers (arrêt du Tribunal fédéral 2C_653/2020 du 12 janvier 2021 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral administratif F-2824/2017 du 24 septembre 2019 consid. 5.2).

19.         Selon l'art. 44 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation de séjour peuvent obtenir une autorisation de séjour et la prolongation de celle-ci aux conditions suivantes : il vit en ménage commun avec lui (let. a), ils disposent d'un logement approprié (let. b), ils ne dépendent pas de l'aide sociale (let. c), ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) et la personne à l'origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e).

20.         Cette disposition, par sa formulation potestative, ne confère pas un droit au regroupement familial (ATF 137 I 284 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_548/2019 du 13 juin 2019 consid. 4), l'octroi d'une autorisation de séjour étant laissé à l'appréciation de l'autorité (ATF 139 I 330 consid. 1.2).

21.         En l'espèce, la recourante a obtenu, suite à son mariage du 22 février 2016 avec un ressortissant portugais titulaire d'une autorisation de séjour, un titre de séjour en application de l'art. 44 LEI. Les époux étant toutefois séparés depuis de nombreuses années, elle ne peut pas se prévaloir de la disposition précitée pour obtenir le renouvellement de son ancien titre de séjour.

22.         Conformément à l’art. 50 al. 1 let. a LEI, après dissolution de la famille, le droit du conjoint et des enfants à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu de l’art. 43 LEI (« conjoint et enfants étrangers du titulaire d’une autorisation d’établissement ») subsiste lorsque l’union conjugale a duré au moins trois ans et que les critères d’intégration définis à l’art. 58a LEI sont remplis. Il s’agit de deux conditions cumulatives (ATF 140 II 345 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_417/2021 du 16 juin 2021 consid. 5.3). Le délai de trois ans prévu par cette disposition commence à courir dès le début de la cohabitation effective des époux en Suisse et s’achève au moment où ceux-ci cessent de faire ménage commun (ATF 140 II 345 consid. 4.1 ; 138 II 229 consid. 2; 136 II 113 consid. 3.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_417/2021 du 16 juin 2021 consid. 5.3).

23.         En l’espèce, les époux se sont mariés le ______ 2016 pour se séparer le 16 mars 2019, dans l’hypothèse la plus favorable à la recourante. Celle-ci est arrivée en Suisse le 18 juin 2016, de sorte que l’union conjugale a duré moins de trois ans.

24.         Dans la mesure où les deux conditions posées par l’art. 50 al. 1 let. a LEI sont cumulatives et que la première d’entre elles n’est pas remplie, il n’y a pas lieu d’examiner si l’intégration de la recourante est réussie. Cette dernière ne peut ainsi déduire aucun droit de l’art. 50 al. 1 let. a LEI.

25.         Cela étant, la recourante fait valoir que la poursuite de son séjour en Suisse s’impose pour des raisons personnelles majeures, en raison du fait qu’elle a été victime de violences conjugales de la part de son époux.

26.         L’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI permet au conjoint étranger de demeurer en Suisse après la dissolution de l’union conjugale, lorsque la poursuite de son séjour s’impose pour des raisons personnelles majeures. Les raisons personnelles majeures, visées à l’al. 1 let. b, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d’un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise (art. 50 al. 2 LEI).

27.         Cette disposition vise à régler les situations qui échappent aux dispositions de l’art. 50 al. 1 let. a LEI, soit parce que le séjour en Suisse durant le mariage n’a pas duré trois ans ou parce que l’intégration n’est pas suffisamment accomplie ou encore parce que ces deux aspects font défaut, mais que - eu égard à l’ensemble des circonstances - l’étranger se trouve dans un cas de rigueur après la dissolution de la famille. À cet égard, c’est la situation personnelle de l’intéressé qui est décisive et non l’intérêt public que revêt une politique migratoire restrictive. Il s’agit par conséquent uniquement de décider du contenu de la notion juridique indéterminée « raisons personnelles majeures » et de l’appliquer au cas d’espèce, en gardant à l’esprit que l’art. 50 al. 1 let. b LEI confère un droit à la poursuite du séjour en Suisse (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_112/2020 du 9 juin 2020 consid. 4.1 et les références ; ATA/1333/2021 du 7 décembre 2021 consid. 6c).

28.         Comme il s’agit de cas de rigueur survenant à la suite de la dissolution de la famille, en relation avec l’autorisation de séjour découlant du mariage, les raisons qui ont conduit à sa dissolution revêtent de l’importance. L’admission d’un cas de rigueur personnel survenant après la dissolution de la communauté conjugale suppose que, sur la base des circonstances d’espèce, les conséquences pour la vie privée et familiale de la personne étrangère liées à ses conditions de vie après la perte du droit de séjour découlant de la communauté conjugale soient d’une intensité considérable (cf. ATF 138 II 393 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1111/2015 du 9 mai 2016 consid. 5.2).

29.         Si la violence conjugale au sens de l’al. 1 let. b et de l’art. 50 al. 2 LEI, est invoquée, les autorités compétentes peuvent demander des preuves. Sont notamment considérés comme indices de violence conjugale : a) les certificats médicaux, b) les rapports de police, c) les plaintes pénales, d) les mesures au sens de l’art. 28b du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) et e) les jugements pénaux prononcés à ce sujet (art. 77 al. 5 et 6 OASA). Les autorités compétentes tiennent aussi compte des indications et des renseignements fournis par des services spécialisés (art. 77 al. 6bis OASA).

30.         L’octroi d’un droit de séjour en faveur de victimes de violences conjugales a pour but d’empêcher qu’une personne faisant l’objet de violences conjugales poursuive la communauté conjugale pour des motifs liés uniquement au droit des migrations, quand bien même le maintien de celle-ci n’est objectivement plus tolérable de sa part, dès lors que la vie commune met sérieusement en péril sa santé physique ou psychique (ATF 138 II 229 consid. 3.1 et 3.2). Lorsqu’une séparation se produit dans une telle constellation, le droit de séjour qui était originairement dérivé de la relation conjugale se transforme en un droit de séjour propre (ATA/1333/2021 du 7 décembre 2021 consid. 7b).

31.         Selon la jurisprudence, il convient de prendre au sérieux toute forme de violence conjugale, qu’elle soit physique ou psychique. La violence conjugale, qui doit revêtir une certaine intensité, constitue une maltraitance systématique ayant pour but d’exercer pouvoir et contrôle sur celui qui la subit (ATF 138 II 229 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1085/2017 du 22 mai 2018 consid. 3.1). À l’instar de violences physiques, seuls des actes de violence psychique d’une intensité particulière peuvent justifier l’application de l’art. 50 al. 1 let. b LEI (ATF 138 II 229 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_201/2019 du 16 avril 2019 consid. 4.1). Lorsque des contraintes psychiques sont invoquées, il incombe à la personne d’illustrer de façon concrète et objective, ainsi que d’établir par preuves le caractère systématique de la maltraitance, respectivement sa durée, ainsi que les pressions subjectives qui en résultent. Des affirmations d’ordre général ou des indices faisant état de tensions ponctuelles sont insuffisants (ATF 138 II 229 consid. 3.2.3 ; ATA/1333/2021 du 7 décembre 2021 consid. 7d).

32.         Des insultes proférées à l’occasion d’une dispute, une gifle assénée, le fait pour un époux étranger d’avoir été enfermé une fois dehors par son conjoint ne sont pas assimilés à la violence conjugale au sens de l’art. 50 al. 2 LEI. En effet, sans que cela ne légitime en rien la violence conjugale, n’importe quel conflit ou maltraitance ne saurait justifier la prolongation du séjour en Suisse, car telle n’était pas la volonté du législateur, ce dernier ayant voulu réserver l’octroi d’une autorisation de séjour aux cas de violences conjugales atteignant une certaine gravité ou intensité (ATA/1333/2021 du 7 décembre 2021 consid. 7e et les références citées). La jalousie d’un conjoint ou la menace de dénonciation ne constituent pas non plus une oppression psychique au sens de l’art. 50 al. 2 LEI (ATF 140 II 289 consid. 4).

33.         La personne étrangère qui soutient, en relation avec l’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI, avoir été victime de violences conjugales est soumise à un devoir de coopération accru. Il lui appartient de rendre vraisemblable, par des moyens appropriés, la violence conjugale, respectivement l’oppression domestique alléguée. En particulier, il lui incombe d’illustrer de façon concrète et objective, ainsi que d’établir par preuves le caractère systématique de la maltraitance, respectivement sa durée, ainsi que les pressions subjectives qui en résultent (art. 77 al. 6 et al. 6 bis OASA ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_68/2017 du 29 novembre 2017 consid. 5.4.1). L’art. 50 al. 2 LEI n’exige toutefois pas la preuve stricte de la maltraitance, mais se contente d’un faisceau d’indices suffisants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_593/2019 du 11 juillet 2019 consid. 5.2 ; 2C_196/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.4) respectivement d’un degré de vraisemblance, sur la base d’une appréciation globale de tous les éléments en présence (ATF 142 I 152 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_671/2017 du 29 mars 2018 consid. 2.3). Ainsi, selon le degré de preuve de la vraisemblance, il suffit que l’autorité estime comme plus probable la réalisation des faits allégués que la thèse contraire (ATA/1333/2021 du 7 décembre 2021 consid. 7f).

34.         Lors de l’examen des raisons personnelles majeures au sens de l’art. 50 al. 1 let. b LEI, les critères énumérés à l’art. 31 al. 1 OASA peuvent entrer en ligne de compte, même si, considérés individuellement, ils ne sauraient fonder un cas individuel d’une extrême gravité (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_822/2013 du 25 janvier 2014 consid. 5.2 ; ATA/1333/2021 du 7 décembre 2021 consid. 7g).

35.         S’agissant de la réintégration sociale dans le pays de provenance, la question n’est pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de la réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’étranger, seraient gravement compromises (cf. ATF 138 II 229 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_112/2020 du 9 juin 2020 consid. 5.1). Le simple fait que l’étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l’art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_112/2020 du 9 juin 2020 consid. 5.1 et les références).

36.         Par ailleurs, la personne qui fait valoir que sa réintégration sociale risque d’être fortement compromise en cas de retour dans son pays est tenue de collaborer à l’établissement des faits. De simples déclarations d’ordre général ne suffisent pas ; les craintes doivent se fonder sur des circonstances concrètes (ATF 138 II 229 consid. 3.2.3).

37.         La question de l’intégration de la personne concernée en Suisse n’est pas déterminante au regard des conditions de l’art. 50 al. 1 let. b LEI, qui ne s’attache qu’à l’intégration - qui doit être fortement compromise - qui aura lieu dans le pays d’origine (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_145/2019 du 24 juin 2019 consid. 3.7 et les arrêts cités ; 2C_1003/2015 du 7 janvier 2016 consid. 4.4).

38.         La recourante soutient que la poursuite de son séjour en Suisse se justifie au motif qu’elle aurait été victime de violences conjugales.

39.         En l’espèce, il n’existe aucune preuve matérielle des violences domestiques alléguées, tel que constat de lésions, photographies ou autres. Les déclarations de la recourante et de son époux sont contradictoires, ce dernier admettant avoir traité son épouse de « pute » sous la colère, avoir publié un message injurieux à son égard sur sa page Facebook le 30 septembre 2017 et changé les serrures, mais niant les autres faits reprochés.

La recourante a, quant à elle, passablement varié dans ses déclarations. Le 29 novembre 2017, elle a expliqué à la police qu’en novembre 2016, son époux avait menacé de la frapper et qu’à partir de février 2017, il avait commencé à la traiter de « pute » et à la rabaisser. Le 6 novembre 2017, il l’avait contrainte de le masturber, ce qui avait conduit à leur séparation. Depuis lors, il la harcelait par message et menaçait de publier des photos d’elle dénudée. Elle a précisé que son époux avait souvent menacé de la frapper, sans toutefois passer à l’acte. Selon la fiche de renseignements établie par la police, elle a expliqué, le 17 octobre 2018, que son époux ne l’avait jamais frappée physiquement. Interrogée par le tribunal les 20 mars et 31 août 2023, elle a expliqué que son époux l’avait frappée à une reprise, au niveau de la nuque, avec la main ouverte, en 2017, lui provoquant un hématome persistant durant trois à quatre jours. A la même période, il avait tenté, à une autre reprise d’en faire de même, sans parvenir à l’atteindre. Le 26 octobre 2017, il avait attendu qu’elle dorme pour la pénétrer vaginalement et se masturber sur elle, ce qui l’avait réveillée. Elle l’avait alors repoussé avant qu’il ne termine seul de se masturber. Son époux continuait à la harceler par téléphone même lorsqu’elle se trouvait en l’Etude de son conseil.

Il ressort des témoignages que, durant sa vie conjugale, la recourante ne se sentait pas bien psychiquement et racontait que son mari l’insultait, la harcelait et lui faisait subir des violences physiques et sexuelles, sans entrer dans les détails. Hormis Mme G______ qui avait vu M. D______ saisir son épouse par le bras lors d’une dispute, Mme I______ qui avait constaté la présence de bleus sur sa voisine et M. J______ qui s’était interposé lorsque M. D______ avait tenté de s’en prendre à la recourante, les témoins n’ont pas assisté aux violences physiques.

Il ressort des certificats médicaux produits ainsi que de l’attestation du Centre LAVI que la recourante a exposé avoir subi des violences conjugales et sexuelles avant le 3 mars 2018. Ces documents ne reflètent que les propos de la recourante. Il en va de même du résumé des entretiens à l’UIMPV, indiquant qu’elle aurait subi une pénétration vaginale forcée en juin 2017 et que son époux aurait contrôlé son argent.

Le Ministère public n’est pas entré en matière.

Au vu de tous ces éléments, le tribunal retiendra, par faisceau d’indices concordants, que les serrures du logement familial ont été changées à deux reprises, que la recourante a été injuriée fréquemment dès février 2017, qu’elle a été frappée par son époux, à une reprise, en 2017, lui provoquant un hématome qui vraisemblablement a été constaté par sa voisine et que son époux la contactait par téléphone, encore en 2023, notamment auprès de l’Etude de son conseil. Par contre, les menaces et la contrainte sexuelle n’ont pas été démontrées, en l’absence de témoin direct ou autres preuves matérielles, vu les versions opposées des époux et contradictoires de la recourante. S’agissant spécifiquement des faits du 26 octobre 2017, la recourante explique une fois avoir été contrainte de masturber son époux et une autre fois qu’il l’avait pénétrée durant son sommeil et avait terminé seul de se masturber une fois qu’elle s’était réveillée. A l’UIMPV, elle a indiqué avoir subi une pénétration vaginale forcée en juin 2017, ce qu’elle n’a pas confirmé devant le tribunal lors de ses auditions subséquentes.

40.         Sans minimiser ni mettre en doute les souffrances ressenties par la recourante, le tribunal arrive à la conclusion que l’intensité des violences n’est pas établie. Le fait d’avoir changé les serrures à deux reprises, les injures sur une période de deux ans, une frappe isolée avec la main ouverte provoquant un hématome et des périodes d’intenses contacts téléphoniques ne suffisent pas pour retenir une violence conjugale au sens de l’art. 50 al. 2 LEI, atteignant une certaine gravité ou intensité, conformément à la jurisprudence susvisée.

41.         Au surplus, aucun élément ne permet de démontrer que la réintégration sociale de la recourante dans son pays d’origine serait fortement compromise. En effet, le Brésil est le pays dans lequel elle a vécu son enfance, son adolescence ainsi que le début de sa vie d’adulte. Elle y connaît les us et les coutumes. Plusieurs membres de sa famille, avec qui elle a gardé des contacts, vivent également dans ce pays. Le fait qu’elle ne retrouvera sans doute pas le même niveau de vie au Brésil que celui dont elle bénéficie actuellement en Suisse n’est pas pertinent au regard des critères rappelés ci-dessus. Enfin, la recourante n’a pas démontré qu’elle se serait créé des attaches profondes avec la Suisse ni qu'elle aurait des problèmes de santé sérieux, l’empêchant de retourner dans son pays d’origine.

42.         Dans ces conditions, il apparaît que la décision de l’OCPM est conforme au droit en vigueur.

43.         À teneur de l’art. 44 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation de séjour ainsi que ses enfants étrangers de moins de 18 ans peuvent obtenir une autorisation de séjour et la prolongation de celle-ci aux conditions cumulatives (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3721/2017 du 29 octobre 2018 consid. 5.2) suivantes : il vit en ménage commun avec lui (let. a), ils disposent d’un logement approprié (let. b), ils ne dépendent pas de l’aide sociale (let. c), ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) et la personne à l’origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e).

44.         Cette disposition, par sa formulation potestative, ne confère pas un droit au regroupement familial (ATF 146 I 185 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_186/2021 du 25 février 2021 consid. 3), l’octroi d’une autorisation de séjour étant laissé à l’appréciation de l’autorité (ATF 139 I 330 consid. 1.2).

45.         Le moment déterminant du point de vue de l’âge comme condition du droit au regroupement familial en faveur d’un enfant est celui du dépôt de la demande (ATF 136 II 497 consid. 3.7; arrêt du Tribunal fédéral 2C_155/2019 du 14 mars 2019 consid. 3.1 in fine). Le droit au regroupement familial doit ainsi être reconnu lorsque l’enfant n’a pas atteint l’âge limite au moment du dépôt de la demande, même s’il atteint cet âge au cours de la procédure (ATF 136 II 497 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 2C_909/2015 du 1er avril 2016 consid. 3.4).

46.         En l’espèce, la recourante n’ayant plus de titre de séjour depuis le 28 septembre 2021, son autorisation de séjour ne pouvant être prolongée, ses enfants ne peuvent se prévaloir de l’art. 44 LEI pour obtenir des autorisations de séjour au titre du regroupement familial.

47.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé.

48.         Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d’une autorisation de séjour, l’autorité ne disposant à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

49.         Les recourants n’obtenant pas d’autorisation de séjour, c’est à bon droit que l’autorité intimée a prononcé leur renvoi de Suisse. Il n’apparaît en outre pas que l’exécution de cette mesure ne serait pas possible, serait illicite ou qu’elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI), ce qui n’est pas contesté par les recourants.

50.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

51.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 1’200.-.

52.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

53.         Les recourants étant au bénéfice de l’assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d’une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l’assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d’office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

54.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 novembre 2021 par Madame A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentante de sa fille mineure B______, et Monsieur C______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 20 octobre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’200.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l’assistance juridique en application de l’art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière