Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/238/2024

JTAPI/380/2024 du 24.04.2024 ( OCIRT ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE TRAVAIL;LIMITATION DU NOMBRE DES ÉTRANGERS
Normes : LEI.18; LEI.21.al1; LSE.21
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/238/2024

JTAPI/380/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 avril 2024

 

dans la cause

 

A______ SÀRL

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             Selon le registre du commerce de Genève, A______ Sàrl
(ci-après : A______ ou l’employeur), inscrite le ______ 2009, a pour but, notamment, l’achat, la vente et l’exploitation de salons de coiffure pour homme, l’activité de barbier et manucure ainsi que l’achat et la vente de tous produits et accessoires liés à la coiffure. Monsieur B______ en est l’associé gérant avec signature individuelle.

2.             Monsieur C______, né le ______ 1981, est ressortissant kosovar. Il est domicilié en France voisine.

Il n’a jamais été au bénéfice d’une autorisation de travail ou de séjour en Suisse, mais a fait l’objet de plusieurs demandes d'autorisation de travail en 2009, 2017 et 2020, lesquelles ont toutes été refusées.

3.             Le 30 mai 2020, M. C______ a fait l’objet d’une dénonciation de l'administration fédérale des douanes (AFD) suite à un contrôle à la frontière qui a permis de constater qu’il exerçait une activité lucrative dépendante en Suisse sans bénéficier de l’autorisation requise.

4.             Il a été condamné, par ordonnance pénale du 16 juin 2020 du Service des contraventions du canton de Genève, en raison des faits précités.

5.             Par formulaire F daté du 5 juillet 2023, l’employeur a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande d'autorisation de travail pour frontalier en faveur de M. C______, en qualité de coiffeur-barbier, au salaire mensuel brut de CHF 4'500.-.

6.             Courant septembre et octobre 2023, faisant suite à deux demandes de pièces de l’OCPM, il a notamment transmis le contrat de travail, les documents d’identité, de résidence et le curriculum vitae de M. C______. Aucune preuve des recherches effectuées par l’employeur n’était jointe.

7.             Par décision du 22 novembre 2023, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), auquel la demande avait été transmise pour raison de compétence, a refusé de délivrer une autorisation de travail pour frontalier à M. C______. Ce refus était motivé par le fait que l’activité lucrative exercée ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse. De plus, l’ordre de priorité de l’art. 21 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n’avait pas été respecté. L’employeur n’avait pas démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un pays de l’UE et de l’AELE n’avait pu être trouvé. En outre, la société n’était pas en règle avec l'administration fiscale (impôt à la source). En conséquence, il retournait le dossier à l’OCPM.

8.             Le 18 janvier 2024, l’OCIRT a transmis au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le recours interjeté le 17 janvier 2024 par l’employeur à l’encontre de sa décision précitée.

En substance, ce dernier indiquait avoir reçu de nombreux candidats pour le poste de coiffeur-barbier, mais aucun n’avait les qualités et l’attitude de M. C______, qu’il connaissait depuis très longtemps. Son sérieux et son travail pourraient donner un nouvel élan à son commerce. L’employé qu’il avait embauché en septembre le quitterait fin janvier 2024, ce qui mettrait l’entreprise dans une situation difficile. Tel avait déjà été le cas suite au COVID. Il s’était mis à jour avec l’administration fiscale. Il aimerait croire à une décision favorable car M. C______ était une belle personne.

Aucune pièce n’était jointe à son recours.

9.             Faisant suite au courrier du tribunal du 24 janvier 2024, l’invitant à produire le track & trace de sa décision du 22 novembre 2023, l’OCIRT a répondu, le 1er février 2024, que toutes ses décisions étaient envoyées en simple courrier A et qu’il n’était ainsi pas en mesure de transmettre le suivi postal de la décision attaquée.

10.         Par courrier du 6 mars 2024, l’administration fiscale cantonale a informé l’OCIRT de la levée de la réserve à l’égard de la recourante.

11.         Dans ses observations du 25 mars 2024, l’OCIRT a conclu, à la forme, à l’irrecevabilité du recours pour tardiveté et, au fond, à son rejet, sous suite de frais et dépens.

Envoyée en courrier simple A le 22 novembre 2023, la décision querellée avait dû parvenir dans la sphère d’influence de la recourante le lendemain. Partant, posté le 17 janvier 2024, le recours était tardif.

Pour le surplus, bien que M. C______ soit coiffeur-barbier depuis 1995 et au bénéfice, selon son employeur, de qualités le distinguant particulièrement, il n’avait été démontré qu’il possédait des qualifications à ce point spécifiques qu'il ne soit impossible de recruter un travailleur doté des compétences requises sur le marché local ou titulaire d'un passeport européen au sein de l'UE/AELE. L'employeur n'avait pas annoncé la vacance du poste à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) et n’avait fait aucune recherche sur le marché suisse et européen. Il n’avait pas démontré avoir fait un quelconque effort pour trouver un travailleur correspondant au profil requis en Suisse ou au sein de l'UE/AELE et n’avait par conséquent pas respecté le principe de la priorité dans le recrutement. Il indiquait, dans son recours, avoir reçu de nombreux candidats pour le poste, sans en apporter la preuve. On ne pouvait également considérer que M. C______ disposait de qualifications particulières dans un domaine souffrant en Suisse et dans les Etats membres de l'UE/AELE d’une pénurie de main-d’œuvre spécialisée. De plus, aucun élément du dossier ne démontrait que l'emploi de M. C______ pourrait réellement avoir des retombées économiques positives pour l'économie de la Suisse au sens de l'art. 18 let. a LEI que ce soit en termes de création de places de travail, d'investissements ou de diversification de l'économie régionale, étant rappelé qu’il convenait de ne pas confondre l’intérêt économique de la Suisse avec celui de l’employeur à engager une personne particulière.

12.         Invitée à répliquer par courrier du 27 mars 2024, A______ n’a pas donné suite.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 -
LaLEtr - F 2 10).

2.             Aux termes de l'art. 62 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le délai de recours est de trente jours s'il s'agit d'une décision finale (art. 57 al. 1 let. a LPA). Ce délai court dès le lendemain de la notification de la décision.

3.             Selon une jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification d'un acte, notamment de la date à laquelle celle-ci est intervenue, incombe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; 136 V 295 consid. 5.9 et les nombreuses références ; ATA/65/2011 du 11 février 2011 consid. 5). L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi, dont la bonne foi est présumée (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; 129 I 8 consid. 2.2 ; 124 V 400 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1 ; 6B_ 869/2014 du 18 septembre 2015 consid. 1.2 ; 5A_225/2012 du 26 septembre 2012
consid. 2.1.2 ; 8C_227/2011 du 22 mars 2012 consid. 4.2).

4.             Dans des cas d'envoi de décisions sous pli simple, lorsque le contribuable ne conteste pas avoir reçu la décision peu de temps après sa date d'expédition, ni n'allègue ne l'avoir jamais reçue, la jurisprudence considère que la décision entreprise a été réceptionnée quelques jours après son expédition (ATA/1373/2018 du 18 décembre 2018 consid. 7c et les références citées).

5.             En l’espèce, expédiée sous simple courrier A, il est impossible de déterminer précisément la date de la notification de la décision querellée à la recourante, dont le fardeau de la preuve incombe à l’autorité intimée. Compte tenu de la jurisprudence rappelée ci-dessus, le tribunal retiendra dès lors que le recours, déposée le 17 janvier 204, est recevable sous cet angle.

Interjeté par ailleurs dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est ainsi formellement recevable au sens des art. 60, 62 à 65 LPA.

6.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

7.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

8.             La recourante conteste le refus de l’OCIRT de délivrer à M. C______ une autorisation de travail pour frontalier (permis G).

9.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) , règlent l’entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l’Accord du 21 juin 1999 entre, d’une part, la Confédération suisse, et, d’autre part, la Communauté européenne et ses États membres sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

10.         En l’occurrence, M. C______ étant ressortissant kosovar, la demande de permis frontalier déposée en sa faveur ne peut être examinée que sous l’angle de la LEI, même s’il réside en France voisine. En effet, dès lors qu’il n’est pas un « ressortissant d’une partie contractante », il ne peut se prévaloir d’aucun droit découlant de l’ALCP (art. 2 ALCP et 7 Annexe I ALCP).

11.         Selon l’art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante, qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (al. 3).

12.         À teneur de l’art. 18 LEI, un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c), notamment les exigences relatives à l’ordre de priorité (art. 21 LEI), les conditions de rémunération et de travail (art. 22 LEI), ainsi que les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEI).

Ces conditions sont cumulatives (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

13.         En raison de sa formulation potestative, l'art. 18 LEI ne confère aucun droit à M. C______ (arrêts du Tribunal fédéral 2C_798/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.1 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3) et les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de son application (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.1 ; C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.2). De même, en tant qu'employeur, la recourante ne dispose d'aucun droit à engager le précité en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3).

14.         La notion d’« intérêt économique du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part, des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, in FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme
(arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.1). L'art. 3 al. 1 LEI concrétise le terme en ce sens que les chances d'une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l'environnement social sont déterminantes. L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (ATA/896/2018 du 4 septembre 2018 consid. 6b ; Minh Son NGUYEN, Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 145 s. et les références citées).

Selon les directives et circulaires du secrétariat d'État aux migrations
(SEM ; Séjour avec activité lucrative [ci-après : directives LEI], état au 1er février 2023, ch. 4.3.1, qui ne lient pas le juge, mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 ; ATA/896/2018 du 4 septembre 2018 ; ATA/1280/2015 du 1er décembre 2015), il convient de tenir compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l'évolution économique durable et de la capacité de l'étranger concerné à s'intégrer. Il ne s'agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers. Par ailleurs, les étrangers nouvellement entrés dans le pays ne doivent pas faire concurrence aux travailleurs en Suisse en provoquant, par leur disposition à accepter de moins bonnes conditions de rémunération et de travail, un dumping salarial et social (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-857/2013 du 19 mai 2014 consid. 8.3 ; C-3518/2011 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; C-2485/2011 du 11 avril 2013 consid. 6 ; C-6135/2008 du 11 août 2008 consid. 8.2 ; ATA/1280/2015 du 1er décembre 2015 consid. 12 ; ATA/940/2015 du 15 septembre 2015 consid. 7c).

15.         À teneur de l’art. 25 al. 1 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative en tant que frontalier que s’il possède un droit de séjour durable dans un État voisin et réside depuis six mois au moins dans la zone frontalière voisine (let. a) et que s’il exerce son activité dans la zone frontalière suisse (let. b).

L’art. 25 al. 2 LEI précise que les art. 20, 23 et 24 LEI ne sont pas applicables.

16.         Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé (art. 21 al. 1 LEI).

En d’autres termes, l’admission de ressortissants d’États tiers n’est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE ne peut être recruté. Le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l’économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2014 du 8 août 2014 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1).

Les conditions d'admission ont matériellement pour but de gérer de manière « restrictive » l'immigration ne provenant pas de la zone UE/AELE, de servir conséquemment les intérêts économiques à long terme et de tenir compte de manière accrue des objectifs généraux relatifs aux aspects politiques et sociaux du pays et en matière d'intégration (ATAF 2011/1 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1).

Les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement les emplois vacants qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L’employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires - annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement - pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c et les arrêts cités ; directives LEI, ch. 4.3.2.1).

L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l'UE/AELE. Des ressortissants d'États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l'activité en question, etc. (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3286/2017 du 18 décembre 2017 consid. 6.2).

Même si la recherche d’un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l’employeur peut s’avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient, à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l’art. 21 LEI (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c).

Il revient à l’employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE conformément à l’art. 21 al. 1 LEtr et qu’il s’est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d’exercer cette activité (ATA/361/2020du 16 avril 2020 consid. 4c et les références citées).

La seule publication d'une annonce auprès de l'OCE, bien que diffusée également dans le système EURES, ne peut être considérée comme une démarche suffisante. (ATA/1147/2018 du 30 octobre 2018 consid. 11).

17.         Par ailleurs, l’étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative qu’aux conditions de rémunération et de travail usuelles du lieu, de la profession et de la branche (art. 22 LEI). Pour déterminer les salaires et les conditions de travail en usage dans la localité et la profession, il y a lieu de tenir compte des prescriptions légales, des conventions collectives et des contrats-types de travail, ainsi que des salaires et des conditions accordés pour un travail semblable dans la même entreprise et dans la même branche. Il importe aussi de prendre en considération les résultats des relevés statistiques sur les salaires (art. 22 al. 1 OASA).

18.         Enfin, conformément à l'art. 90 LEI, l'étranger et les tiers participant à une procédure prévue par la loi doivent collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Ils doivent en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (let. a) et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s'efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (let. b).

19.         En l’occurrence, le principe de l’ordre de priorité au sens de l'art. 21 LEI n'a pas été respecté. La recourante n'a en effet pas établi qu'aucun travailleur sur le marché local ou européen correspondant au profil recherché n'avait pu être trouvé avant que son choix n'ait été porté sur la personne de M. C______. En particulier, la recourante n’a pas démontré avoir entrepris la moindre recherche concrète dans ce sens sur le marché du travail suisse, ni sur celui de l’UE/AELE. Il n’a pas même annoncé le poste à l’OCE et s’il indique, dans son recours, avoir reçu de nombreux candidats pour le poste, il n’en apporte pas la preuve.

Au demeurant, au vu du curriculum vitae produit, on ne voit pas en quoi M. C______ présenterait des qualifications et une expérience professionnelle si particulières qu’il aurait été impossible pour l’employeur de recruter sur le marché local ou européen un autre travailleur, ressortissant de l'UE ou de l'AELE, doté de capacités équivalentes. Enfin, même en retenant que la recherche d’un candidat possédant toutes les qualités requises nécessiterait de nombreuses démarches auprès de candidats potentiels, cette difficulté ne saurait à elle seule justifier une exception au principe de la priorité dans le recrutement énoncé par la loi.

20.         L'une des conditions légales cumulatives applicables (art. 18 let. c cum 21 al. 1 LEI) n'ayant pas été respectée, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres conditions sont réalisées.

21.         Au vu de ce qui précède, le tribunal considère que la décision querellée ne viole pas le droit fédéral. Le recours, mal fondé, doit donc être rejeté.

22.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986
(RFPA - E 5 10.03), un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe. Il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours

23.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

24.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 janvier 2024 par A______ Sàrl contre la décision de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 22 novembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier