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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3759/2023

JTAPI/361/2024 du 18.04.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMENDE;RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR;PERMIS DE CONSTRUIRE;SUSPENSION DE LA PROCÉDURE;OBJET DU LITIGE
Normes : LCI.139.al1; LCI.137.al1; LPA.14
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3759/2023 LCI

JTAPI/361/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 avril 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______, représentés par Me Pascal PETROZ, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Madame B______ et Monsieur A______ (ci-après : les recourants) sont propriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de C______ (ci-après : la parcelle), sise en zone 5, d'une surface de 1930 m2, en bordure de forêt.

Trois bâtiments sont cadastrés sur la parcelle, soit une habitation à un logement, ainsi que deux bâtiments de moins de 20 m2 de surface.

2.             Le 18 mars 2022, M. A______, par le biais de son mandataire, a déposé une requête en autorisation de construire auprès du département du territoire (ci-après: DT ou le département) en procédure accélérée, portant sur la construction de deux couverts à voitures et démolition de deux cabanons. Cette requête a été enregistrée sous la référence APA 2______/1.

3.             Par courrier du 27 janvier 2023 adressé à Mme B______ et M. A______, le département les a informés avoir été saisi d'une dénonciation de la part de la commune de C______, de laquelle il ressort qu'un ou plusieurs éléments, potentiellement soumis à l'article 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI L 5 05), auraient été réalisés sur la parcelle sans autorisation. Il a précisé qu'il s'agissait notamment de la création de places de stationnement au sud de la parcelle.

Une procédure d'infraction enregistrée sous la référence I-3______ a été ouverte.

Le département a invité Mme B______ et M. A______ à lui faire part de leurs éventuelles explications et/ou remarques dans un délai de 10 jours.

4.             Par courrier du 31 janvier 2023, M. A______ a expliqué que des pavés filtrants avaient été posés à l'arrière de sa maison dans le but de créer un espace pour y parquer ses voitures, le projet initial de parking couvert (APA 2______/1) ayant été abandonné. Il a également précisé s'être renseigné auprès de plusieurs entreprises qui lui avaient confirmé que de tels travaux ne nécessitaient pas de dépôt d'une requête en autorisation de construire.

5.             Suite à une demande de prolongation de délai qui leur a été accordée, Mme B______ et M. A______ ont par le biais de leur conseil transmis leurs déterminations au département. En substance, ils ont confirmé que la pose de pavés filtrants avait été réalisée, que les entreprises mandatées leur avaient assuré que de tels travaux n'étaient pas soumis à autorisation, raison pour laquelle aucune requête n'avait été déposée, et que le projet de parking couvert n'avait quant à lui pas été accepté, ni réalisé.

6.             Par décision du ______ 2023, après avoir procédé aux vérifications d'usage, le département a confirmé que la création de places de stationnement par l'installation de pavés filtrants était soumise à l'obtention d'une autorisation de construire, conformément à l'article 1 LCI. Il a par conséquent ordonné Mme B______ et M. A______ de requérir d'ici au 21 avril 2023, une autorisation en procédure accélérée (APA).

Mme B______ et M. A______ ont été informés que s'ils ne souhaitaient pas régulariser la situation par l'obtention d'une autorisation de construire, il leur était loisible de procéder à la mise en conformité de la parcelle dans le même délai.

A défaut du dépôt d'une autorisation de construire dans le délai imparti et sans mise en conformité complète telle que proposée, ils s’exposaient à toutes autres mesures et/ou sanctions justifiées par la situation.

Enfin, Mme B______ et M. A______ ont été informés, s'agissant de la sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit, qu'elle ferait l'objet d'une décision à l'issue du traitement du dossier I-3______.

7.             Le 17 avril 2023, M. A______ a déposé, par le biais d'un mandataire professionnellement qualifié, une requête en autorisation de construire en procédure accélérée, datée du 13 avril 2023, dans le but de régulariser la création de places de stationnement par la pose de pavés filtrants sur sa parcelle.

Le courrier d'accompagnement précise que le projet consiste en la démolition de deux cabanes existantes, ainsi qu'en la création de places de stationnement.

Quant aux plans fournis à l'appui de la requête, ils indiquent la création d'un accès et d'un espace en pavés filtrants d'une surface totale de 752 m2, permettant d'accueillir 13 places de stationnement.

La requête a été enregistrée sous la référence APA 4______/1.

8.             Lors de son instruction, plusieurs instances de préavis ont été consultées, notamment:

-                 Le 4 mai 2023, le service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC) a rendu un préavis favorable, sous conditions ;

-                 Le 5 juin 2023, la direction des autorisations de construire (ci-après: DAC) a émis un préavis portant la mention « instruction à poursuivre » ;

-                 Le 6 juin 2023, l'office cantonal de l'eau (ci-après: OCEau) a émis un préavis favorable sans observations ;

-                 Le 6 juin 2023, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a rendu un préavis favorable, sous conditions ;

-                 Le 7 juin 2023, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) s'est déclaré défavorable à l'implantation des constructions dans la zone protégée de la loi sur les forêts (LForêts – M 7______) qui ne prévoit aucune dérogation, au sens de l'art.11 LForêts, dans la mesure où aucune nouvelle construction ne peut s'implanter à moins de 10 m de l'aire forestière ;

-                 Le 7 juin 2023, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a préavisé défavorablement le projet déposé, en indiquant notamment qu'il n'y avait pas matière à déroger à l'art. 11 LForêts pour les aménagements situés à moins de 20 m de la lisière forestière;

-                 Le 7 juin 2023, l'office de l'urbanisme (ci-après : OU) a émis un préavis portant la mention « instruction à poursuivre » ;

-                 Le 7 juin 2023, l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) a rendu un préavis favorable, sans observations ;

-                 Le 10 juillet 2023, la commission d'architecture (ci-après : CA) a rendu un préavis défavorable au motif que la surface en pleine terre serait cruellement insuffisante et qu'un parking d'environ 13 places ne se justifiait en aucun cas dans ce contexte, ce d'autant plus qu'il se situait en fond de parcelle.

9.             Sur la base des préavis recueillis, le département a, par décision du ______ 2023, refusé l'autorisation de construire sollicitée.

10.         Par décision du ______ 2023, faisant suite au refus de l'autorisation de construire APA 4______/1, le département a ordonné à Mme B______ et M. A______ de rétablir une situation conforme au droit d'ici au 30 novembre 2023, en procédant à la suppression des places de stationnement, ainsi qu'à la suppression et à l'évacuation des pavés filtrants. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en était devait parvenir au département dans le même délai.

Par ailleurs, le département a infligé à Mme B______ et M. A______ une amende administrative de CHF 1'000.-, dont le montant tenait compte de la gravité de l'infraction commise et du fait de l'avoir placé devant le fait accompli.

11.         Par acte déposé le 13 novembre 2023 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), sous la plume de leur conseil, Mme B______ et M. A______ ont interjeté recours à l'encontre à la fois de la décision de refus de l'autorisation de construire du ______ 2023 et de la décision de mise en conformité du ______ 2023.

Les recourants ont conclu principalement à l'annulation des deux décisions précitées, à ce que le maintien à titre précaire de la construction soit ordonné ainsi qu'à la réduction de l'amende prononcée à CHF 100.-. Subsidiairement, ils ont conclu à l'annulation des deux décisions précitées, puis au renvoi de l'affaire au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

En substance, les recourants ignoraient qu'une autorisation pour la démolition des bâtiments (n° 5______ et 6______) devait être requise. En application du principe de la proportionnalité, dans la mesure où le département aurait dû autoriser la démolition de ces objets puisqu'ils ne disposaient d'aucune protection particulière, l'obligation de dépôt d'une requête en démolition ne se justifiait pas.

Ils n'entendaient toutefois pas contester le refus d'autorisation du projet déposé le 17 avril 2023 dans la mesure où la construction ne pouvait pas bénéficier de la dérogation de l'art. 11 al. 2 LForêt. En revanche, son maintien à titre précaire devait être prononcé par le tribunal, la construction n'ayant aucune verticalité, n'étant composée que de pavés filtrants et ne nuisant ni à la sécurité, la salubrité ou à l'esthétique. L'intérêt personnel des recourants à pouvoir bénéficier de places de stationnement pour l'exploitation de la société de M. A______, ainsi que la question des coûts d'une remise en état devaient être pris en considération.

S'agissant de l'amende, le fait que la construction litigieuse n'était pas autorisable et qu'elle contrevenait à la LCI n'était pas constesté. Toutefois, le montant de l'amende devait être abaissé à CHF 100.- dans la mesure où les recourants n'avaient aucune intention délictuelle.

12.         Par courrier du 5 décembre 2023, la Commune de C______, invitée par le tribunal, a indiqué qu'elle ne souhaitait ni participer, ni se prononcer sur les écritures des parties.

13.         Par courrier du 15 janvier 2024, le département a transmis ses observations, concluant au rejet du recours, ainsi qu'à la confirmation des décisions litigieuses.

En substance, l'absence d'autorisation de démolition des annexes ne s'avérait pas être l'unique argument ayant motivé le refus d'autorisation, qui d'ailleurs n'était pas contestée par les recourants sur le fond.

Au sujet du maintien à titre précaire, une requête aurait dû être déposée par les recourants auprès du Conseil d'État, seule autorité compétente pour se prononcer.

Finalement, le montant de l'amende de CHF 1'000.- se justifiait, les travaux litigieux ayant été effectués sans autorisation de construire, à proximité immédiate de la forêt.

14.         Par courrier du 30 janvier 2024, sous la plume de leur conseil, les recourants ont répliqué, sollicitant une suspension de la procédure le temps que le département adresse une demande de maintien à titre précaire et que le Conseil d'État statue sur celle-ci.

15.         Par courrier du 22 février 2024, le département a répliqué, persistant dans ses conclusions. La demande de suspension de la procédure ne se justifiait quant à elle pas.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             En l'espèce, le recours porte sur deux décisions distinctes, soit le refus de l'autorisation de construire APA 4______/1 du ______ 2023, ainsi que l'ordre de remise en état, assorti du prononcé d'une amende administrative, du ______ 2023.

3.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours, en tant qu'il concerne les deux décisions précitées, est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             À titre préalable, les recourants sollicitent la suspension de la présente procédure.

Dans un premier temps, dans leur mémoire de recours, les recourants concluent principalement à ce que le tribunal prononce lui-même le maintien à titre précaire de la construction litigieuse. Dans un second temps, dans le cadre de leur réplique, ils relèvent cette fois-ci qu'il incomberait au département d'adresser formellement au Conseil d'État une demande de maintien à titre précaire et sollicitent par conséquent la suspension de la procédure jusqu'à ce que le Conseil d'État se prononce.

5.             Lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA). Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/405/2022 du 12 avril 2022 consid. 3a).

6.             Lorsqu’une construction ou une installation n’est pas conforme à l’autorisation donnée ou si, entreprise sans autorisation, elle n’est pas conforme aux prescriptions légales, le Conseil d’Etat peut la laisser subsister, à titre précaire, si elle ne nuit pas à la sécurité, à la salubrité ou à l’esthétique, moyennant le paiement, en plus de l’amende, d’une redevance annuelle dont il fixe le montant et la durée selon la gravité de l’infraction (art. 139 al. 1 LCI).

Le maintien à titre précaire suppose une requête et une décision du Conseil d'État (ATA/945/2018 du 19 septembre 2018).

7.             A la lecture de leurs écritures, les recourants semblent confus au sujet de la compétence pour déposer et pour se déterminer sur une requête de maintien à titre précaire, demandant à tour de rôle au tribunal de se prononcer, puis au département d'adresser une requête au Conseil d'État.

En tout état, à teneur du dossier, les recourants ne prétendent pas avoir à ce jour déposé une requête au sens de l'art. 139 al. 1 LCI auprès du Conseil d'État, de sorte qu'aucune autre procédure administrative n'est actuellement pendante, au sens de l'art. 14 LPA.

Il n'apparaît par ailleurs pas non plus qu'une requête ait été adressée au département, de sorte que l'art. 11 al. 3 LPA, auquel les recourants se réfèrent et qui prévoit qu'une autorité saisie par erreur transmet l'affaire à l'autorité compétente, ne s'applique pas en l'espèce.

Finalement, comme l'a justement relevé le département, quand bien même le Conseil d'État serait saisi d'une demande fondée sur l'art. 139 LCI, il ne se justifierait pas de suspendre la présente procédure. En effet, c'est au contraire la question d'un éventuel maintien à titre précaire, si elle faisait parallèlement l'objet d'une procédure en cours, qui devrait être suspendue jusqu'à droit connu sur les décisions attaquées.

8.             Pour le surplus, une suspension fondée sur l’accord des parties au sens de l’art. 78 LPA n’entre pas en ligne de compte en l’occurrence, le département s’étant opposé à une telle mesure.

9.             Par conséquent, la demande de suspension de la présente procédure sera rejetée.

10.         Sur le fond, les recourants concluent principalement à l'annulation des deux décisions litigieuses, puis cela fait, demandent le maintien à titre précaire de la construction. Or cette articulation des conclusions n'a pas de sens dans la mesure où, si la décision relative au refus d'autorisation de construire venait à être annulée et la construction litigieuse par conséquent autorisée, comme le demandent les requérants, un maintien à titre précaire de cette construction deviendrait sans objet.

De plus, en contradiction avec leur conclusion principale d'annulation des décisions litigieuses, les recourants annoncent finalement dans le cadre de leurs écritures, qu'ils "n'entendent pas contester le refus d'autorisation du projet tel que déposé le 17 avril 2023 par l'architecte" (p. 11 du recours). Quant au prononcé de l'amende, ils "ne contestent pas le fait que la construction litigieuse n'est pas autorisable en tant que tel et contrevient de la sorte à la LCI" (p. 13 du recours). Ils en contestent toutefois le montant.

11.         Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 179 n. 515).

12.         Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

13.         L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b et l'arrêt cité). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les arrêts cités ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).

14.         S'agissant de la décision de refus du ______ 2023, les recourants concluent à son annulation, tout en annonçant dans leurs écritures qu'ils n'entendent finalement pas contester le refus d'autorisation.

Ils invoquent pour seul grief le fait que le département leur a à tort reproché de ne pas avoir sollicité d'autorisation pour la démolition des deux petits bâtiments de moins de 20 m2.

15.         A teneur de l'art. 1 al. 1 let. c LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation. L'alinéa 7 précise qu'aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation ait été délivrée. Si les travaux portent sur une démolition, ils ne peuvent commencer avant l'entrée en force de l'autorisation s'y rapportant.

16.         Comme relevé plus haut (consid. 10), le raisonnement des recourants est peu compréhensible et pour le moins contradictoire. En tout état, sur le fond, le seul grief invoqué se rapporte à l'absence d'une autorisation pour la démolition pour les deux petits bâtiments.

17.         L'argumentation des recourants à ce sujet peine à convaincre le tribunal.

D'une part, la démolition des deux bâtiments annexes ne constitue pas l'objet de la décision du ______ 2023, qui concerne le refus d'autoriser la création de places de stationnement déjà construites. Quant à l'absence d'autorisation de démolir, certes relevée dans ladite décision, elle ne s'avère pas être le seul argument ayant motivé le refus. Il est par ailleurs relevé que dans le cadre de l'ordre de remise en état qu'il a prononcé, le département s'est limité à demander la suppression des places de stationnement, ainsi que la suppression et l'évacuation des pavés filtrants. La reconstruction des annexes n'a pas été demandée par le département qui semble par conséquent avoir pris acte de leur démolition. Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la nécessité dans le cas d'espèce d'une autorisation de démolir.

D'autre part, en se limitant au grief relatif à la démolition des deux annexes, les recourants n'expliquent pas pourquoi le département aurait à tort refusé l'autorisation de construire qu'ils contestent dans leurs conclusions. En tout état, en appliquant le droit d'office, le tribunal ne voit pas pourquoi le département aurait dû prendre une autre décision au sujet de la construction litigieuse.

Partant, le grief est rejeté.

18.         Les recourants indiquent ensuite qu'ils n'entendent pas contester le refus d'autorisation du projet mais font valoir que la construction litigieuse devrait être maintenue à titre précaire.

19.         L'art. 139 al. 1 LCI donne à l'autorité exécutive la latitude de s'incliner devant le fait accompli et d'accorder par un acte de souveraineté une dérogation générale quant à la nature des constructions (ATA/403/2002 du 23 juillet 2002, consid. 17).

La jurisprudence a par ailleurs confirmé qu'à Genève, le maintien à titre précaire suppose une requête et une décision du Conseil d'État (cf. consid. 6).

20.         En l'occurrence, les recourants n'ont pas déposé une telle demande basée sur l'art. 139 al. 1 LCI. Les décisions étant circonscrites d'une part au refus d'autorisation de construire et d'autre part à l'ordre de remise en état ainsi qu'au prononcé d'une amende, le tribunal ne saurait entrer en matière sur la question du maintien à titre précaire de la construction litigieuse dans la mesure où cette question ne relève pas de la compétence du tribunal et où elle ne constitue pas l'objet du litige.

Partant, le grief est rejeté.

21.         S'agissant finalement de l'amende administrative prononcée par le département par décision du ______ 2023, les recourants n'en contestent pas le principe, mais le montant.

22.         L’art. 137 al. 1 LCI prévoit qu’est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la présente loi (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi (let. b), aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c). Le montant maximum de l’amende est de CHF 20'000.- lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation de la loi par cupidité, les cas de récidive et l’établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d’une attestation au sens de l’art. 7 LCI non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par sept ans (art. 137 al. 5 LCI).

23.         L'art. 137 al. 1 LCI érige la contravention aux ordres donnés par le département (let.c) en infraction distincte de la contravention à la LCI et à ses règlements d'application (let. a et b). De par sa nature, cette infraction est très proche de celle visée par l'art. 292 CP (insoumission à une décision de l'autorité).

À l'instar de cette disposition pénale, la condamnation de l'auteur pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. a LCI n'a pas pour effet de le libérer du devoir de se soumettre à la décision de l'autorité. S'il persiste dans son action ou son omission coupables, il peut être condamné plusieurs fois pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. c LCI, sans pouvoir invoquer le principe ne bis in idem, dès lors que l'on réprime à chaque fois une autre période d'action ou d'omission coupables (D______, Les principales infractions, Berne 1997, p. 360). De plus, la sanction de l'insoumission peut être augmentée chaque fois qu'une menace de l'appliquer est restée sans effet (ATA/147/2014 du 11 mars 2014 ; E______, Précis de droit administratif, 3ème éd., 1991, n. 1721 et les références citées).

24.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 4 ; ATA/206/2020 du 25 février 2020, consid. 4b ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020, consid. 7b). En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y a en effet lieu de faire application des dispositions générales (art. 1 à 110) du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

25.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG – E 4 05), les art. 1 à 110 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif aux infractions prévues par la législation genevoise, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal, comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP (not. ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013).

Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (cf. not. ATA/625/2021 du 15 juin 2021 consid. 4b; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7c ; ATA/1828/2019 du 17 décembre 2019 consid. 13c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c ; F______/G______/H______, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd., 2020, p. 343 n. 1493).

26.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1024/2020 du 25 janvier 2021 consid. 1.1 ; 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7e) et ses capacités financières (cf. ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 consid. 20 et les références citées).

Néanmoins, toujours selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et, selon l'art. 47 CP, jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014), le juge ne la censurant qu'en cas d'excès (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014). L'autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

27.         Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

28.         En l'occurrence, bien que les recourants ne contestent pas le principe de l'amende administrative qui leur a été infligée, il convient de relever que celle-ci est manifestement fondée, dès lors que les recourants ont réalisé les travaux litigieux sans autorisation de construire, commettant ainsi sans équivoque une faute.

29.         S'agissant du montant de l'amende, fixé à CHF 1'000.-, rien ne permet de considérer que le département aurait pris en considération des critères ou éléments sans pertinence pour évaluer la faute et fixer ce montant. Au contraire, dans la décision querellée, le département a indiqué aux recourants les motifs qui l'ont poussé à infliger une telle amende, à savoir le fait de l'avoir mis devant le fait accompli. En outre, le département a visiblement fait application du principe de proportionnalité dans ce cadre, puisque, eu égard à sa pratique, il a fait preuve dans le cas des recourants d'une remarquable mansuétude. Enfin, les recourants ne démontrent pas que le paiement de cette amende les exposerait à des difficultés financières particulières.

30.         Au vu de ce qui précède, le département n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation.

31.         En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

32.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés, pris solidairement, au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 600.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais de CHF 300.- leur sera restitué. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2023 par Madame B______ et Monsieur A______ contre les décisions du département du territoire du ______ 2023 et du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris solidairement, un émolument de CHF 600.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution aux recourants du solde de l'avance de frais, soit CHF 300.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Damien BLANC et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière