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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2870/2023

JTAPI/130/2024 du 15.02.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;INSTALLATION DE TÉLÉCOMMUNICATION;ANTENNE;RADIOCOMMUNICATION;TÉLÉPHONE MOBILE
Normes : Cst; LPE.1.al2; ORNI.4.al2; ORNI.12.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2870/2023 LCI

JTAPI/130/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 février 2024

 

dans la cause

 

A______, représenté par Me Jean-Louis COLLART, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

B______

C______ GMBH, représentée par Me Stephan KRONBICHLER, avocat, avec élection de domicile


EN FAIT

1.             B______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de D______ à l'adresse ______[GE], située en zone 2, sur laquelle est érigé un bâtiment d'habitation.

2.             Par requête du 23 septembre 2022, C______ GMBH (ci-après : C______) a sollicité du département du territoire (ci-après: département) une autorisation de construire portant sur la modification d'une installation pour communication mobile, laquelle a été enregistrée sous la référence DD 2______.

3.             Cette demande fait l'objet d'une publication dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO) du 7 octobre 2022 ainsi que d'une mise à l'enquête publique du 18 octobre au 16 novembre 2022.

4.             Lors de son instruction, plusieurs instances de préavis ont été sollicitées, en particulier :

-                 le 3 novembre 2022, la Ville de Genève (ci-après : la ville) a rendu un préavis défavorable, précisant qu'elle appliquait pour le moment un moratoire à toute demande de modification d'installation existante ou de pose de nouvelles installations de téléphonie mobile ;

-                 le 12 juin 2023, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a émis un préavis favorable, sous conditions, relevant que l'installation de téléphonie mobile se composait d'un groupe de neuf antennes, fixées sur la superstructure du bâtiment. L'installation était susceptible de produire des immissions dépassant la valeur limite d'installation (ci-après : VLInst) dans une surface d'un rayon de 112 m. La carte des installations de téléphonie mobile, continuellement mise à jour et répertoriant l'ensemble des installations existantes autorisées, montrait que les antennes n'étaient pas associées à un groupe d'antennes préalablement autorisé. La fiche de données spécifiques au site du 3 février 2022 mentionnait la présence d'antennes adaptatives. Des mesurages de contrôle devaient être effectués au lieu à utilisation sensible (ci-après: LUS) no 9, où les immissions étaient supérieures à 80% de la VLInst. L'installation était conforme à l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI - RS 814.710) et au règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires du 29 septembre 1999 (RPRNI – K 1 70.07). Les antennes devaient être intégrées dans le système d'assurance qualité de l'opérateur permettant de surveiller les données d'exploitation et les parties accessibles pour l'entretien, où la valeur limite d'immission (ci-après: VLI) était épuisée, devaient être dûment protégées.

Les autres instances de préavis consultées se sont déclarées favorables au projet, sans observation.

5.             Le 12 juillet 2023, se fondant sur les préavis positifs des instances consultées, le département a délivré l'autorisation de construire sollicitée.

6.             Le 11 septembre 2023, la ville (ci-après : la recourante) a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal), concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

Le principe de précaution prévu à l’art. 74 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et à l’art. 1 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) était violé. Les infrastructures litigieuses étaient projetées à proximité immédiate de LUS, tels qu'une école primaire, des habitations denses et l'D______. Au moins trois antennes seraient adaptatives, de sorte qu'à tout le moins pendant certaines périodes, ces antennes émettraient des rayonnements au-delà de la valeur limite fixée dans l'ORNI, lesquelles présentaient des effets néfastes sur la santé, sans que ceux-ci sont complètement déterminés ou prouvés. La valeur limite d'immission à proximité de l'école et de l'D______ serait supérieure à 80 % de la VLInst, dès lors qu'elle était de 4.95 V/m, respectivement 4.74 V/m aux LUS nos 9 et 2, soit en diagonale du carrefour de l'D______, et donc à quelques mètres de l'école. En outre, les études scientifiques menées sur les effets néfastes sur la santé montraient que ceux-ci pouvaient se déployer même en tenant compte de ses valeurs limites. Ces émissions toucheraient une population d'enfants et de malades particulièrement sensibles et vulnérables. Le principe de précaution n'exigeait aucune certitude scientifique, de sorte qu'une probabilité d'une atteinte réelle, plausible et fondée sur l'expérience était suffisante. Il revenait donc à l'autorité ayant rendu la décision litigieuse d'examiner la conformité de l'ORNI à la LPE sous l'angle du principe de précaution. Si certes le Tribunal fédéral avait rendu dernièrement plusieurs arrêts écartant des recours dirigés contre de telles demandes octroyées à des opérateurs de téléphonie mobile, considérant que les valeurs limitent des missions fixées par l'ORNI étaient suffisamment basses pour respecter le principe de précaution, le Tribunal fédéral avait lui-même laissé transparaître certains doutes et avait rappelé que ses récentes décisions étaient fondées sur l'état actuel des connaissances. Mais dans ses récentes décisions, le Tribunal fédéral n'avait pas pris en compte, notamment, le fait que de manière importante ces installations ne respectaient pas la limitation préventive des émissions.

7.             Le 8 novembre 2023, sous la plume de son conseil, C______ a transmis ses observations, concluant au rejet du recours.

Le recours se limitait à un seul et unique grief, soit la violation du principe de précaution. La jurisprudence constante retenait qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques il n'était pas possible d'invoquer ce principe pour s'opposer à la technologie 5G si les VL prévues par l'ORNI étaient respectées, ce qui était le cas en l'espèce. À toutes fins utiles, il convenait de prendre en considération que l'autorisation de construire querellée que l'année était assortie de la condition que des mesures de contrôle fussent effectuées. Si ces mesures devaient révéler une non-conformité, la puissance devrait être réduite en conséquence. En outre, l'installation devrait être intégrée dans le système d'assurance qualité afin de garantir le respect des valeurs limite sur le long terme, système dont la fiabilité avait encore été reconnue tout récemment par le Tribunal fédéral. Le développement de recourant entre revenait donc à lui faire un procès d'intention, en l'accusant de ne pas respecter les conditions dont l'autorisation de construire était assortie. Enfin, la recourante, à l'instar d'autres communes urbaines genevoises, tentait d'imposer un moratoire sur le déploiement de la 5G dans le but de protéger la population contre le rayonnement non ionisant, moratoire qui était manifestement contraire au droit fédéral, lequel qui réglait de manière exhaustive les exigences environnementales posées aux installations de téléphonie mobile.

8.             Le 14 novembre 2023, le département a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

Le SABRA, instance de préavis spécialisées, avait examiné la fiche de données spécifiques au site du 3 février 2022. Après avoir analysé le projet ainsi que les documents techniques remis, cette instance s'était prononcée favorablement au projet, sous conditions, considérant qu'elle était conforme à l'ORNI ainsi qu'au règlement cantonal en la matière. D'après la fiche de données spécifiques au site, la VLInst (5.0 V/m) était respectée, le rayonnement dans le LUS le plus chargé étant de 4.95 V/m. De plus, l'autorisation de construire avait été assortie d'une obligation d'effectuer des mesures de contrôle lors de la réception. Le SABRA avait constaté qu'il n'y avait pas de lieux normalement accessibles où la valeur limite d'émission était épuisée, de sorte que l'installation était pleinement conforme à l'ORNI et au RPRNI. L'opérateur devait également s'engager à intégrer les antennes de cette installation dans son système d'assurance qualité afin de lui permettre de surveiller les données d'exploitation conformément aux directives à cet égard, le Tribunal fédéral avait jugé qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause l'adéquation des systèmes d'assurance qualité. Il n'y avait donc aucune violation du principe de précaution dans la présente espèce.

9.             Le 7 décembre 2023, la ville a répliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.

La fiche de données spécifiques au site indiquait la puissance ERPn déterminante pour l'antenne qui, avec la limitation de puissance automatique, devait être respectée, mais n'indiquait pas quelle était la puissance maximum qui pouvait, sporadiquement, être émise par l'antenne. De plus, les antennes adaptatives étaient susceptibles d'émettre jusqu'à dix fois au-delà des VL prévues par l'ORNI sur une courte période, ce qui constituait des risques sérieux pour la santé.

10.         Le 18 décembre 2023, C______ a dupliqué, maintenant ses conclusions et son argumentation.

La puissance maximale à laquelle une antenne adaptative pouvait émettre pendant des brefs instants correspondait à la puissance indiquée dans la fiche de données spécifique au site, divisée par le facteur de correction correspondant au nombre de sub-arrays également indiqué dans ladite fiche. Concernant les émissions des antennes adaptatives, une limitation de puissance automatique devait nécessairement être présente sur l'antenne et le facteur de corrections desdites antennes devait être enregistré dans le système d'assurance qualité de l'opérateur. La limitation de puissance automatique détectait en permanence la puissance totale émise par une antenne adaptative. En outre, le 24 mai 2022, l'OFEV avait publié un rapport fédéral relatif aux mesures d'exposition aux rayonnements ionisants occasionnés par les antennes 5G, dont il ressortait que les valeurs mesurées étaient nettement inférieures aux valeurs limites, lesquelles étaient déterminantes s'agissant des effets sur la santé.

11.         Le 12 janvier 2024, le département a dupliqué, persistant dans ses observations du 14 novembre 2023.

Les VLInst n'étaient pas directement liées à des dangers avérés pour la santé, mais avaient été fixées en fonction de la faisabilité technique et opérationnelle, ainsi que de la viabilité économique, afin de minimiser le risque d'effets nocifs, dont certains n'étaient plus que soupçonnés et pas encore prévisibles. Bien qu'il était possible que la puissance d'émission maximum des antennes adaptatives pu être dépassée sur de très courte période, le système mis en place par l'ORNI réduisait considérablement ce risque, au vu du facteur de correction et de la limitation automatique de la puissance émise. En effet, dans les LUS, les installations de radiocommunications mobiles devaient toujours respecter la VLInst d'une installation donnée. À travers ces valeurs, le Conseil fédéral avait créé une marge de sécurité par rapport aux dangers avérés pour la santé. En outre, à l'heure actuelle, aucune recherche n'avait démontré que l'utilisation d'antennes adaptatives présentait un risque avéré pour la santé.

12.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

5.             La recourante se plaint d’une violation de la LPE et du principe de précaution, s'appuyant sur différentes sources scientifiques, notamment la Newsletter BERENIS de janvier 2021 et le rapport de l’Université de Neuchâtel du 18 août 2022 complété le 25 avril 2023. Elle prétend également que la fiche de données spécifique au site serait lacunaire, notamment s’agissant du respect de la puissance émettrice maximale autorisée. Ce faisant, ses arguments reviennent à critiquer le système global d'implantation d'une telle installation, ce qui justifie de les examiner en même temps.

6.             La Confédération veille à prévenir les atteintes nuisibles ou incommodantes pour l'être humain et son environnement naturel (art. 74 al. 2 Cst.). Les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes seront réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2 LPE). Les VL sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al. 2 LPE que sont l'état de la technique, les conditions d'exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2, in DEP 2004 p. 228). Les VL spécifiées dans l’ORNI pour la protection contre les rayonnements non ionisants sont fondées sur des résultats scientifiquement étayés concernant les risques pour la santé liés aux antennes de radiotéléphonie mobile. Le Conseil fédéral et son autorité spécialisée, l'OFEV, suivent en permanence l'évolution de la science avec un groupe consultatif d'experts (ci-après : BERENIS) et doivent, si nécessaire, adapter les VL à l'état de la science ou de l'expérience (arrêts du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4 ; 1C_118/2010 du 20 octobre 2010 consid. 4.2.3).

7.             De jurisprudence constante, le principe de prévention est réputé respecté en cas de conformité de la VLInst dans les LUS où cette valeur s'applique (ATF 126 II 399 consid. 3c ; ATF 133 II 64 consid. 5.2 ; arrêt 1A.68/2005 du 26 janvier 2006 consid. 3.2 in SJ 2006 I 314). Cela étant, vu la marge de manœuvre dont dispose le Conseil fédéral quant à l'établissement des VL, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement justifient de remettre en cause ces valeurs (arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). À cet égard, le Tribunal fédéral a encore récemment confirmé qu'en l'état des connaissances, il n'existait pas d'indices en vertu desquels ces VL devraient être modifiées (arrêts du Tribunal fédéral 1C_375/2020 du 5 mai 2021 consid. 3.2.5 ; 1C_518/2018 du 14 avril 2020 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3 ; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5).

8.             Selon le rapport de novembre 2019 du groupe de travail « Téléphonie et rayonnement » mandaté par le DETEC, qui prend en considération les rapports d'évaluation publiés depuis 2014, aucun effet sanitaire n'a été prouvé de manière cohérente en dessous des VL fixées dans l'ORNI pour les fréquences de téléphonie mobile utilisées actuellement. Le groupe de travail a constaté que les éléments de preuves demeuraient insuffisants (DETEC, Rapport « Téléphonie mobile et rayonnement » du 18 novembre 2019, p. 8-9).

9.             Il en découle qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'est pas possible d'invoquer le principe de prévention pour s'opposer à la technologie 5G, dès lors que les VL prévues par l'ORNI sont concrètement respectées (ATA/415/2022 du 26 avril 2022 consid. 6).

10.         Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a en particulier confirmé, sous l'angle de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), que tant que la nocivité des antennes pour la population n'était pas prouvée scientifiquement, elle restait dans une large mesure spéculative, de sorte qu'on ne pouvait imposer à la Confédération l'obligation d'adopter des mesures plus amples (ACEDH, Luginbühl c. Suisse du 17 janvier 2006 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 précité consid. 5.1.1).

11.         Dans le domaine du rayonnement non ionisant, la limitation dite préventive - qui doit être ordonnée en premier lieu, indépendamment des nuisances existantes - est reprise à l'art. 4 al. 1 ORNI. Cette limitation fait l'objet d'une réglementation détaillée à l'annexe 1 de l'ORNI (par renvoi de l'art. 4 al. 1 ORNI), laquelle fixe notamment, pour les stations émettrices pour téléphonie mobile et raccordements téléphoniques sans fils (ch. 6 annexe 1 ORNI), les VLInst mentionnées plus haut (ch. 64 annexe 1 ORNI).

12.         Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'étendue de la limitation préventive des émissions selon l'art. 4 al. 1 ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l'édiction des VLInst, raison pour laquelle les autorités appliquant la loi ne peuvent pas exiger une limitation supplémentaire dans des cas individuels sur la base de l'art. 12 al. 2 LPE (ATF 133 II 64 consid. 5.2; Arrêts du Tribunal fédéral 1A_251/2002 du 24 octobre 2003, consid. 4 ; 1A.10/2001 du 8 avril 2002, consid. 2.2).

13.         Au sens de l'art. 12 al. 2 ORNI, pour vérifier si la VLInst, au sens de l’annexe 1, n’est pas dépassée, l'autorité procède ou fait procéder à des mesures ou à des calculs, ou se base sur des données provenant de tiers. L'OFEV recommande des méthodes de mesure et de calcul appropriées.

14.         Sur cette base, l'OFEV a publié le 23 février 2021 un document intitulé « Explications concernant les antennes adaptatives et leur évaluation selon l’ORNI » (ci-après: explications OFEV - https://www.newsd.admin.ch/newsd/ message/attachments/65389.pdf;). Il y est expressément indiqué que l'ORNI s’applique aussi bien à la technologie de téléphonie mobile de type 2G (GSM), 3G (UMTS), 4G (LTE) ou 5G (New Radio) (Explications OFEV, p. 3).

15.         Aussi en date du 23 février 2021, l'OFEV a publié un complément à la recommandation d'exécution de l'ORNI concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) de l'OFEFP (actuellement : OFEV) de 2002 (ci-après: le complément – https://www.newsd.admin.ch/ newsd/message/attachments/65394.pdf).

16.         Le complément définit désormais comment les paramètres techniques des antennes adaptatives doivent être déclarés dans la fiche de données spécifique au site et comment leur contribution à l'intensité du champ électrique de l'installation de téléphonie mobile doit être calculée. Il indique en outre comment les antennes adaptatives doivent être contrôlées dans les systèmes AQ utilisés par les opérateurs (p. 6).

17.         De surcroît, le 24 mai 2022, l'OFEV a publié un rapport fédéral relatif aux mesures d'exposition aux rayonnements non ionisants occasionnés par les antennes 5G (Mesures d'exposition aux rayonnements non ionisants, Rapport annuel 2021, Consortium de projet SwissNIS, https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/71991.pdf ; ci-après : le rapport annuel 2021 sur la 5G). Le rapport annuel 2021 décrit d'une part le concept de base et le mode de collecte des données, et présente d'autre part les premiers résultats des mesures effectuées. Il ressort de ce rapport que les valeurs mesurées sont nettement inférieures aux VL, déterminantes en ce qui concerne les effets sur la santé (rapport 2021 sur la 5G, p. 58).

18.         Une nouvelle installation de radiocommunications mobiles et son exploitation ne peuvent être approuvées que si, sur la base d'une prévision mathématique, il est assuré que les VL fixées par l'ORNI peuvent probablement être respectées (art. 4 ss ORNI). La base de ce calcul est la fiche de données spécifique au site que doit remettre le propriétaire de l'installation projetée (art. 11 al. 1 ORNI). Celle-ci doit contenir les données techniques et opérationnelles actuelles et prévues de l'installation, dans la mesure où celles-ci sont déterminantes pour l'émission de rayonnements (art. 11 al. 2 let. a ORNI). Cela inclut notamment la puissance ERP (art. 3 al. 9 ORNI), y compris la direction du faisceau principal des antennes, et si l'antenne fonctionne en mode adaptatif ou non. Les données correspondantes servent de bases pour le permis de construire et sont contraignantes pour l'opérateur ; toute augmentation de l'ERP au-delà de la valeur maximale autorisée et toute direction de transmission au-delà du domaine angulaire autorisé est considérée comme un changement de l'installation, ayant pour conséquence qu'une nouvelle fiche de données spécifique au site doit être présentée (annexe 1 ch. 62 al. 5 let. d et e ORNI ; ATF 128 II 378 [arrêt du Tribunal fédéral 1A.264/2000 du 24 septembre 2002] consid. 8.1, non publié). La fiche de données du site doit également contenir des informations sur le lieu accessible où ce rayonnement est le plus fort, sur les trois LUS où ce rayonnement est le plus fort, et sur tous les LUS où la valeur limite de l’installation au sens de l’annexe 1 est dépassée (art. 11 al. 2 let. c ORNI).

19.         Il est vrai que la prévision calculée qui doit être faite sur la base de ces informations est sujette à certaines incertitudes, car elle prend en compte les principaux facteurs d'influence mais ne tient pas compte de toutes les subtilités de la propagation du rayonnement. Cependant, le Tribunal fédéral a précisé que dans ce calcul, l'incertitude de mesure ne doit être ni ajoutée ni déduite. Seuls les valeurs mesurées doivent être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 1C_653/2013 du 12 août 2014 consid. 3.4; 1C_132/2007 du 30 janvier 2008 consid. 4.4-4.6 in RDAF 2009 I 536). En effet, c'est pour prendre en compte cette incertitude que des mesures de réception doivent être effectuées après la mise en service de l'installation si, selon la prévision calculée, 80 % de la valeur limite de l'installation est atteinte à un LUS (complément recommandation OFEV, ch. 2.1.8 ; Benjamin WITTWER, Bewilligung von Mobilfunkanlagen, 2e éd., Zurich 2008, p. 61 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.148/2002 du 12 août 2003 consid. 4.3.1 s.). Si, sur la base de ces mesures, il s'avère que la VLInst est dépassée lors du fonctionnement, la puissance d'émission maximale admissible doit être redéfinie et le respect des valeurs prescrites doit être démontré par des mesures supplémentaires (cf. arrêt du tribunal fédéral 1C_681/2017 du 1 décembre 2019 consid. 4.5). De surcroît, le risque d'un pronostic erroné est supporté par le maître d'ouvrage dans la mesure où il peut encore être amené à prendre des mesures pour assurer le respect des VL ultérieurement, c'est-à-dire après la mise en service de l'installation (cf. ATF 130 II 32 consid. 2.4).

20.         De surcroît, il sied d'ajouter qu'au printemps 2005, le Tribunal fédéral avait estimé qu'il fallait mieux contrôler l'exploitation des antennes de téléphonie mobile, afin de garantir en particulier que les puissances émettrices et les directions d'émission autorisées soient respectées. Sur cette base, l'OFEV a mis en place un système d'assurance qualité prévoyant que pour chaque antenne, les valeurs correspondant à la direction et à la puissance émettrice maximale sont enregistrées dans une banque de données et comparées quotidiennement aux valeurs autorisées. Ce système est examiné périodiquement et certifié par un organe indépendant. E______ SA a mis en place un tel système de sécurité.

21.         Le Tribunal fédéral a reconnu le système d'assurance-qualité comme un instrument de contrôle performant et n'a pas considéré nécessaire de recourir à un contrôle par des mesures de construction (arrêt du Tribunal fédéral 1C_282/2008 du 7 avril 2009 consid. 3.5).

22.         Les VL sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al. 2 LPE que sont l'état de la technique, les conditions d'exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2, in DEP 2004 p. 228).

23.         Dans la mesure où la LPE et l'ORNI sont respectés, un projet ne peut être source d'inconvénients graves pour le voisinage au sens de l'art. 14 LCI (ATA/404/2016 du 10 mai 2016 consid. 10 ; ATA/609/2004 du 5 août 2004 consid. 4c).

24.         Enfin, selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/332/2022 du 29 mars 2022 consid. 4b ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).

25.         En l'espèce, d'après la fiche de données spécifique au site du 3 février 2022 produite par C______ et sur laquelle se fonde l’autorisation querellée, la VLInst à respecter est celle prévue à l'art. 3 al. 3 let. c ORNI, soit 5.0 V/m. S'agissant du rayonnement dans les LUS les plus chargés, toutes les mesures présentent une intensité de champ électrique inférieure à la VLInst fixée à 5.0 V/m, quand bien même ce serait de justesse. Ces mesures ont été vérifiées par le SABRA, autorité spécialisée compétente, sans que celle-ci n'ait mis en doute leur véracité. Partant, en l'absence d'éléments indiquant le contraire, il n'y a pas lieu pour le tribunal de remettre en cause les mesures figurant dans cette fiche, validée par le SABRA, étant rappelé que, conformément à la jurisprudence précitée, il appartient au tribunal d’observer une certaine retenue afin d’éviter de substituer sa propre appréciation à celle des instances spécialisées lorsque l’autorité inférieure a suivi l’avis de celles-ci, ce qui est le cas en l’espèce, étant en outre rappelé que l’ensemble des autres instances spécialisées consultées se sont également prononcées favorablement.

Globalement, la procédure suivie par le département n'est pas critiquable. Le permis de construire délivré garantit le respect des VL pertinentes, par le biais des conditions associées comprises dans le préavis du SABRA du 12 juin 2023, notamment l’obligation d’effectuer des mesures de contrôle lors de la réception, au LUS n° 9, où les immissions sont supérieures à 80 % de la VLInst dans des directions proches du rayon principal, conformément à la recommandation de l’ORNI (OFEFP 2002, chap. 2.1.8). A en outre également été requise par ce service l’intégration de cette installation dans le système d'assurance-qualité de C______. Or, c'est précisément ce mécanisme de contrôle rétrospectif qui garantit que les calculs effectués à l'avance pourront être corrigés si nécessaire, au cas où la réalité ultérieure ne correspondrait pas aux hypothèses prévues. Cette façon de procéder respecte les dispositions légales et réglementaires citées plus haut et n’apparaît, contrairement aux allégations de la recourante, pas problématique, sauf à partir du postulat, non démontré au demeurant, que l’opérateur concerné ne se conformera pas aux conditions qui lui sont imposées. Il sied à cet égard de préciser que la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire : la limitation préventive des émissions prévues par l'ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l'édiction des VLInst, sans que le département ne puisse exiger une limitation supplémentaire dans un cas individuel, comme le souhaite la recourante.

L’allégation de la recourante selon laquelle la fiche de données spécifique au site serait lacunaire, notamment eu égard au fait qu’elle ne mentionne pas la puissance maximale à laquelle les antennes adaptatives concernées pourraient émettre, ne saurait conduire à une autre conclusion. Il ressort en effet du développement qui précède que les valeurs fixées par les dispositions légales et réglementaires applicables, dont le bien-fondé a été confirmé par la jurisprudence fédérale, sont in casu remplies. Partant, aucune disposition légale ni réglementaire n’imposait la présence d’informations complémentaires dans la fiche de données spécifique. Il sera en outre rappelé que l'examen de la légalité d'une autorisation de construire se fonde sur l'objet tel qu'autorisé, en partant du principe qu'il sera construit et exploité conformément à l'autorisation délivrée, faute d’éléments probants susceptibles de démontrer le contraire, non fournis en l’espèce. Le même raisonnement s’applique s’agissant des divers rapports et études cités par la recourante qui auraient, selon elle, dû être pris en compte pour en déduire l’existence d’un danger pour la santé en lien avec les rayonnements non ionisants des antennes adaptatives, dès lors que, conformément à la jurisprudence, le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’existait, en l’état, pas d’indices suffisants permettant de retenir que l’utilisation d’antennes adaptatives conformément au cadre légal et réglementaire en vigueur présenterait un risque pour la santé.

Quant à la présence à proximité de l’installation litigieuse de nombreux logements, d'une école et de l'D______, situation constitutive, selon la recourante d’un risque accru, il sera rappelé qu’un certain nombre de LUS ont été dûment identifiés. En outre, il ressort des calculs effectués conformément aux recommandations de l'OFEV, reportés sur la fiche de données spécifique, que les VL prévues par l'ORNI n’y sont, comme vu supra, pas atteintes. Partant, contrairement aux allégations de la recourante, rien ne laisse à penser que certains LUS situés à proximité de l’installation litigieuse auraient été écartés à tort. En particulier, en qualifiant la situation de l'école de problématique au motif que l’intensité des rayonnements non ionisants y serait particulièrement importante lors des pauses en raison de l’activation simultanée par les élèves de leurs téléphones portables, il apparaît que la recourante se contente de substituer sa propre appréciation à celle de l’instance spécialisée qui, comme vu supra, n’a pas jugé utile de solliciter des mesurages supplémentaires pour les emplacements identifiés par la recourante, étant en outre rappelé que, conformément à la jurisprudence, dans la mesure où la LPE et l'ORNI sont respectés, le projet autorisé ne peut être considéré comme une source d'inconvénients graves pour le voisinage.

Partant, dès lors que les VLInst sont respectées dans le présent cas, il convient d'admettre que le principe de précaution, en lien avec la LPE, n'a pas été violé.

Par conséquent, eu égard aux développements qui précèdent, le tribunal constate qu’en octroyant l'autorisation de construire querellée sur la base de la prévision que l'installation respecterait les VLInst, moyennant les réserves émises dans le préavis - favorable sous conditions - du SABRA du 12 juin 2023, la décision du département est conforme au droit fédéral.

26.         En conclusion, intégralement mal fondé, le recours sera rejeté.

27.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

28.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de la recourante, sera allouée à C______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 septembre 2023 par A______ contre la décision du département du territoire du 12 juillet 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             condamne la recourante à verser C______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

Genève, le

 

La greffière