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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/976/2023

JTAPI/1219/2023 du 02.11.2023 ( LCI ) , REJETE

REJETE par ATA/515/2024

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;ARBRE
Normes : LPMNS.35; RCVA.3.al1; RCVA.15.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/976/2023 LCI

JTAPI/1219/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 novembre 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Andreas FABJAN, avocat, avec élection de domicile

B______ SA

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______, sise ______, sur laquelle est érigée une villa. Elle se situe en zone 5.

2.             Le 12 octobre 2022, M. A______, par l’intermédiaire de l’entreprise B______ SA, a déposé auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) une requête en autorisation de construire portant sur la réalisation d’un terrain de tennis et de murs, création de clôtures et abattage d’arbres (APA 2______).

3.             Lors de l’instruction de la demande, les préavis des instances concernées ont été sollicités.

4.             Le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a rendu, le 18 octobre 2022 un préavis favorable avec dérogation selon l’art. 13 de la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPRLac - L 4 10).

5.             L’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a rendu un préavis défavorable le 3 novembre 2022. Le projet était trop impactant sur la végétation. Les arbres situés en lieu et place de l’implantation du futur terrain de tennis étaient des éléments majeurs et ils devaient être conservés en tant que tels à leurs emplacements actuels. Aucune construction (y compris desserte, canalisation, revêtement etc.) ni aucun décaissement de devaient être réalisés dans le domaine vital des arbres (aplomb de la couronne, plus 1 m), afin d’assurer leur conservation valable (art. 1, 14 et 16 du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 -RCVA - L 4 05.04).

L’OCAN a réitéré son préavis défavorable le 21 novembre 2022.

6.             Par courrier du 23 novembre 2022, M. A______, sous la plume de son conseil, a transmis des observations au département suite au préavis défavorable de l’OCAN du 21 novembre 2022. Il précisait notamment que l’abattages des huit arbres prévus serait compensé par la plantation de dix-neuf arbres sur la parcelle, pour un montant de CHF 128'196.25. Le solde par rapport à la valeur estimée des arbres à abattre, d’un montant de CHF 157'320.- pourrait faire l’objet de compensations ailleurs.

7.             Le 6 décembre 2022, l’OCAN a, une troisième fois, préavisé défavorablement le projet, car il était trop important pour la végétation, soulignant aussi que le principe voulu par les dispositions légales (RCVA, directives cantonales) était celui de la conservation des arbres. Leur abattage ne pouvait donc intervenir que pour des motifs particuliers, dont l’importance devait l’emporter sur les différents aspects qui conféraient à chaque sujet une valeur plus ou moins grande. Pour l’essentiel, les motifs d’abattage pouvaient ainsi concerner soit des problèmes de sécurité (liés notamment à l’état sanitaire de l’arbre), soit des nuisances d’une certaine gravité et auxquelles il n’était pas possible de remédier à un coût raisonnable, soit encore des projets de construction ou d’aménagement incompatible avec le maintien de l’arbre et qui représentaient un intérêt privé ou public suffisamment important.

8.             M. A______ a à nouveau transmis des observations le 21 décembre 2022.

9.             Par décision du 14 février 2023, le département a refusé de délivrer à M. A______ l’autorisation de construire sollicitée.

L’OCAN avait d’emblée relevé, dans son préavis défavorable du 20 octobre 2022 que les arbres dont l’abattage était projeté constituaient des éléments majeurs du paysage et que, partant, ils devaient être conservés. Cette instance avait confirmé sa position dans les préavis défavorables subséquents et, en particulier dans celui du 6 décembre 2022 dans lequel elle avait précisé, en réponse aux arguments avancés par le représentant du propriétaire le 23 novembre 2022, que la conservation des arbres constituait le principe et que leur abattage devait répondre à un intérêt privé ou public prépondérant. Or, la construction d’un court de tennis répondait à un besoin de pure convenance personnelle qui ne prévalait pas sur l’intérêt public à la conservation des arbres. Il était de surcroit relevé qu’il n’existait aucun motif d’abattage à l’aune du RCVA et de la directive concernant la conservation des arbres d'août 2008 (ci-après: directive d’août 2008), les arbres concernés n’étant ni source de danger ni en mauvais état sanitaire.

10.         Par acte du 16 mars 2023, M. A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru contre la décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

Il souhaitait construire un terrain de tennis pour permettre à ses deux enfants, pratiquant le tennis à haut niveau, de pouvoir s’entrainer.

La décision était basée sur une constatation incomplète des faits dans la mesure où ni l’office des autorisations de construire ni l’OCAN n’avaient examiné ou pris en considération les mesures compensatrices prévues, soit la plantation de dix-neuf arbres pour une montant de CHF 128'196.25.

La décision violait ensuite l’art. 15 RCVA et la hiérarchie des normes. La directive d'août 2008 adoptée par le département excédait très largement de cadre réglementaire puisqu’une décision d’abattage était prise seulement si des motifs valables empêchaient le maintien de l’arbre, ce qui constituait une condition et une limitation nullement prévues par le RCVA. De même, la pesée des intérêts selon laquelle la décision de maintenir un arbre était prise lorsque l’intérêt au maintien primait les motifs d’abattage excédait les conditions prévues par le RCVA. Ainsi, l’obligation de réaliser des mesures compensatoires constituait la seule et unique condition à l’abattage d’arbres.

Le département avait par ailleurs abusé de son pouvoir d’appréciation et violé les principes de proportionnalité et de la garantie de la propriété. Les arbres ne répondaient pas aux critères de maintien prévus par la directive : ils ne bénéficiaient d’aucun statut spécial, n’étaient pas identifiés par l’ICA, deux d’entre eux étaient déjà morts et tous n’étaient visibles que depuis sa parcelle et celles adjacentes. Leur abattage se justifiait par le projet d’aménagement envisagé qui était en tous points conforme aux dispositions en matière d’aménagement du territoire et du droit public de la construction. Par ailleurs, la décision portait gravement atteinte à sa garantie de la propriété.

Enfin, le département avait fait preuve d’un excès négatif de son pouvoir d’appréciation. Il avait en effet fait siens, sans autre analyse ni esprit critique les préavis négatifs de l’OCAN en considérant que le projet querellé serait trop impactant sur la végétation et porterait atteinte à l’intérêt public à la conservation des arbres, alors qu’il aurait dû s’en écarter puisqu’ils étaient infondés.

11.         Le département s’est déterminé sur le recours le 12 juin 2023, concluant à son rejet. Il a produit son dossier.

Ce n’était que dans le cadre d’une autorisation d’abattage d’arbres que les mesures compensatoires pouvaient avoir une influence et faisaient, cas échéant, l'objet d'une analyse. Or, à défaut d'autorisation d'abattage d'arbres, le département n'avait pas à examiner ou à se prononcer sur lesdites mesures.

Selon les premiers articles de la directive, celle-ci ne faisait que préciser les principes contenus dans la LMPNS et le RCVA et leur mise en pratique sans imposer de nouvelles obligations aux citoyens: son but était la protection des arbres en place et le renouvellement du patrimoine arboré. Pour le surplus, l'interprétation du recourant selon laquelle le RCVA ne prévoirait pas la possibilité pour le département de refuser l'abattage d'arbres mais uniquement de la conditionner à des mesures compensatoires allait à l'encontre des objectifs de préservation et de sauvegarde précités.

L'OCAN avait pris en compte l'intérêt paysager du groupe d'arbres numéroté 9 à 13 sur le plan d'abattage fondé notamment sur la valeur esthétique, confirmée d'ailleurs par l'évaluation de B______ SA, sur leur âge (une quarantaine d'années) et leur bon état sanitaire. Cela résultait également de la valeur de remplacement élevée (de CHF 20'000 à CHF 38'000.-). La position contraire du recourant ne constituait qu'une simple substitution de son appréciation à celle de l'instance compétente. Preuve en était que les arbres morts n'avaient eu aucune influence sur la décision litigieuse puisqu'il était loisible au recourant de déposer une requête en abattage pour ces derniers, une éventuelle autorisation ne lui permettrait toutefois pas de réaliser le projet en cause. De surcroit, le fait que les arbres dont l'abattage avait été requis n'avaient pas été identifiés par l'ICA n'était pas déterminant puisqu'il s'agissait d'un inventaire non exhaustif établi en 1976, à titre purement informatif et ne remplaçant pas un examen au cas par cas de la végétation dont l'abattage était demandé.

Le recourant estimait que la construction d'un court de tennis constituait un motif d'abattage des arbres et que celle-ci ne saurait être qualifiée de pure convenance personnelle. Pourtant, l'intérêt à pouvoir jouer au tennis chez soi plutôt que dans un club existant était de nature purement privée qui ne saurait l'emporter sur le préservation d'arbres possédant un fort intérêt paysager. L'importance et le type de construction projetée ne pouvait par ailleurs pas être assimilés à ceux de la construction d'un logement par exemple.

Enfin, la décision litigieuse résultait d'une pesée des intérêts et de la jurisprudence constante en matière de portée des préavis des instances spécialisées.

12.         Le recourant a répliqué le 30 juin 2023, persistant intégralement dans les termes de son recours.

Selon l'art. 15 al. 1 RCVA, le requérant d'une requête en abattage d'arbres devait obligatoirement soumettre un projet de mesures compensatoires, faute de quoi sa demande était refusée: il était dès lors insoutenable d'alléguer que les mesures compensatoires n'auraient aucune influence sur la décision d'abattage, il s'agissait au contraire d'un élément factuel déterminant.

La directive excédait par ailleurs largement le cadre réglementaire découlant du RCVA, instaurant notamment des conditions et des restrictions supplémentaires à la seule obligation de l'art. 15 al. 1 RCVA de réaliser des mesures compensatoires à l'abattage d'arbres. En conditionnant l'abattage d'arbres à la seule condition d'une replantation de valeur équivalente, l'art. 15 RCVA permettait à tout propriétaire de jouir librement de sa propriété conformément à la garantie de la propriété, tout en respectant l'intérêt public à la préservation de la nature dans le mesure où les arbres d'une valeur équivalente devaient obligatoirement être replantés. Ainsi, l'OAC ne contestait pas que les mesures compensatoires prévues étaient suffisantes pour compenser huit arbres dont deux étaient déjà morts.

L'âge, l'état sanitaire et la valeur de remplacement des arbres n'étaient pas pertinents dans l'analyse de la qualité d'« élément majeur du paysage »; l'OAC n'était ainsi pas parvenu à énoncer le moindre argument convaincant pour démontrer que les arbres querellés présenteraient un intérêt important sur la perception du site. Par ailleurs l'âge et l'état sanitaire réel des arbres litigieux ne correspondait pas à ceux que l'OAC tentait de leur accorder: les deux pins et les trois chênes avaient été plantés il y avait une trentaine d'années tandis que le cerisier avait été planté il y avait une douzaine d'années, de sorte qu'ils n'étaient pas particulièrement âgés – leur âge étant très éloignée des 100 ans préconisés par la DGE. Ils étaient en outre plantés relativement proches, les deux pins interféraient mutuellement sur leur développement et pendaient déjà d'un côté, de sorte qu'ils ne présentaient aucun potentiel de développement. Enfin l'ICA était un inventaire exhaustif mis régulièrement à jour.

L'abattage des arbres était par ailleurs rendu nécessaire par la construction d'un court de tennis, soit un motif expressément prévu par l'art. 2.2.2 de la directive et il ne saurait être admis que le département procédât à une évaluation totalement subjective de l'intérêt qu'avait le projet de construction.

Enfin, l'exigence d'un préjudicie découlant de l'art. 2.2.5 de la directive était surprenant et dès lors cette disposition ne saurait être appliquée.

13.         Le département a dupliqué le 24 juillet 2023, persistant dans ses conclusions, les éléments avancés par le recourant ne lui permettant pas de revenir sur sa position exprimée dans sa précédente écriture.

14.         Le 12 octobre 2023, le tribunal a procédé à un transport sur place en présence des parties.

a.       L'OCAN a déclaré qu'il ne s'était pas déplacé pour constater de visu les arbres à abattre. Il avait reçu un dossier complet de l’entreprise B______ SA.

Concernant l’arbre fruitier n° 8, l'OCAN pourrait entrer en matière sur sa suppression, mais qu'il avait rendu une décision globale concernant les neuf arbres à abattre. Concernant l’arbre n° 14, il était effectivement mort. Il pourrait également entrer en matière sur son abattage. Si le recourant avait voulu construire un logement, il aurait évalué différemment la situation. Il était plus important de construire des logements qu’un court de tennis, car il y a un besoin nécessaire de se loger, mais pas de jouer au tennis. Sur l’ensemble de la propriété du recourant, l’abattage d’arbres pour construire un court de tennis ne serait pas autorisé. L'OCAN aurait maintenu le même discours s’il s’agissait d’une piscine, estimant qu’une piscine ou un court de tennis étaient du loisir qui pouvait être exercé ailleurs, ce qui n’était pas le cas d’un logement. Si, par exemple, le recourant avait sollicité l’abattage des arbres pour construire un garage, l'OCAN aurait discuté avec l’office cantonal des transports pour voir la nécessité d’avoir des places de parking supplémentaires. L'OCAN avait pris en considération l’essence des arbres soit des chênes rouges (3) et des pins maritimes (2) qui étaient encore jeunes mais qui pourraient devenir centenaires. Il était exact qu’aujourd’hui, ces cinq arbres ne pourraient pas être plantés aussi proches de la limite de la propriété, ce qui signifiait qu’on ne pourrait pas replanter des arbres au même endroit en remplacement. Ces arbres étaient de bonne vigueur et avaient un bon avenir devant eux ce qui constituait un élément qui avait été également pris en considération. Les trois chênes allaient se développer ensemble car ils avaient été plantés de manière assez proche et cela ne posait pas de problème particulier. Aucun élagage droit à la limite de la propriété des voisins de ces trois chênes ne serait autorisé. Il faudrait que les voisins fassent valoir des nuisances importantes, notamment de salubrité.

L'OCAN cherchait à conserver la canopée des arbres et à la développer : avec les trois chênes notamment c’était un objectif auquel il parviendrait. Pour retrouver une canopée équivalente avec d’autres arbres, il faudrait compter une trentaine d’année.

Du moment que l'OCAN estimait que l’abattage ne pouvait pas être autorisé, la compensation proposée n'était pas prise en compte. Toutefois, quand le recours lui avait été soumis, il avait analysé la compensation proposée et avait constaté qu’il manquait CHF 30'000.- d’arbres. Les arbres proposés avaient déjà une taille importante. L'OCAN estimait qu’il n’y avait pas la place sur la parcelle pour replanter des arbres équivalent à CHF 150'000.-. Il n'entrerait pas en matière pour une compensation supplémentaire. C’était seulement si la construction était estimée nécessaire et qu’il n’était pas possible de replanter les arbres sur la parcelle qu’un versement dans le fond de compensation de l’Etat était accepté.

Les arbres étaient en situation 10 selon les normes de l'Union suisse des Services et des Parcs et Promenades (ci-après: USSP) utilisé pour le chiffrage, raison pour laquelle il avait été estimé qu’il s’agissait effectivement d’éléments majeurs indépendamment du fait que ces arbres n'étaient pas visibles depuis ailleurs que la parcelle ou leurs voisins.

Sur question du tribunal, l'OCAN a précisé que les cinq arbres, soit les trois chênes rouges et les deux pins maritimes n'étaient pas des espèces rares.

b.      Le recourant a indiqué que l’arbre n° 1 situé sur le plan à côté de la villa avait dû être abattu car il était mort. Ils avaient demandé l’autorisation pour l’abattre car il devenait dangereux.

L'épouse du recourant a indiqué que lors de la construction de la maison 23 ans auparavant, c’était en tout cas eux qui avaient planté les deux pins maritimes. Il y avait peut-être un chêne qu'ils avaient planté mais elle n'en était pas certaine.

Le recourant a déclaré que ses deux enfants de 13 et 15 ans jouaient assidûment au tennis, entre deux et trois heures par jour, et étaient dans les cadres nationaux. Il était très compliqué d’organiser leur entrainement en dehors des heures scolaires raison pour laquelle ils souhaitaient réaliser ce court de tennis dans leur propriété.

15.         Le 24 octobre 2023, le recourant a transmis ses observations finales. Rappelant les éléments importants évoqués lors du transport sur place du 12 octobre 2023, il précisait que la construction du court de tennis ne devait pas être considérée comme ayant une simple visée de loisirs, mais comme une installation destinée à l'entrainement sportif de compétition, et, cas échéant, de formation professionnelles, soit un besoin nécessaire.

16.         Le même jour, le département a transmis ses observations finales, se limitant à constater que l'inspection des lieux et les déclarations des parties n'avaient fait que confirmer la position soutenue dans ses écritures, en particulier au sujet de l'examen détaillé des circonstances et de la pesée des intérêts

17.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 515 p. 179).

4.             De façon générale, le tribunal observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des instances de préavis spécialisées, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Il se limite à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (cf. not. ATA/636/2018 du 19 juin 2018 consid. 8c ; ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 5 ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 consid. 8c ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7c ; ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 ; ATA/694/2012 du 16 octobre 2012 et les références citées).

5.             L'OCAN est composé de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (cf. ATA/552/2013 du 27 août 2013 consid. 6b ; ATA/398/2013 du 25 juin 2013 consid. 6).

6.             Le recourant conteste les motifs retenus par le département pour refuser l’autorisation de construire un court de tennis.

7.             Conformément à l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier, même partiellement, le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b), modifier la configuration du terrain (let. d) et aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voir publique (let. e).

8.             La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) a notamment pour but d’assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l’espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c LPMNS).

9.             Sont protégés conformément à la loi, les sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS).

À teneur de l'art. 36 al. 1 LPMNS, le Conseil d’État édicte les dispositions nécessaires à la protection, la conservation et l’aménagement des sites visés à l’art. 35 LPMNS. Il peut n’autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l’élagage ou la destruction de certaines essences d’arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let. a LPMNS).

10.         En application de l'art. 35 al. 1 LPMNS, le Conseil d’État a adopté le règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04), qui a pour but d'assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvellement, de la végétation formant les éléments majeurs du paysage (art. 1 RCVA). Il est applicable aux arbres situés en dehors de la forêt, telle que définie à l'art. 2 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10), ainsi qu'aux haies vives et boqueteaux présentant un intérêt biologique ou paysager (art. 2 al. 1 RCVA).

11.         Selon l’art. 3 al. 1 RCVA, aucun arbre ne peut être abattu ou élagué, ni aucune haie vive ou aucun boqueteau coupé ou défriché, sans autorisation préalable du département, sous réserve de l’al. 2, non pertinent en l'occurrence. L’autorisation d’abattage d’arbres ou de défrichage de haies vives et de boqueteaux est assortie, en principe, de l’obligation de réaliser des mesures compensatoires (art. 15 al.1 RCVA).

12.         Le département édicte des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l’exécution correcte des mesures compensatoires (art. 16 RCVA). Les directives sont élaborées avec la participation d'une commission technique composée de cinq spécialistes (art. 20 al. 1 et 2 RCVA).

13.         La directive d'août 2008 concernant la conservation des arbres (ci-après : la directive) précise les règles décisionnelles en matière de conservation du patrimoine arboré et vise à assurer la protection des arbres en place et simultanément le renouvellement du patrimoine arboré (art. 1 de la directive). La décision de maintenir un arbre est prise lorsque l’intérêt de maintien prime sur les motifs d’abattage et celle d'abattage seulement si des motifs valables empêchent le maintien de l'arbre (art. 2 de la directive).

14.         Les critères de maintien sont évalués en relation directe avec l'espèce par une personne qualifiée du département du territoire (art. 2.1 de la directive). Les art. 2.1.1 à 2.1.4 de la directive énumèrent lesdits critères, à savoir : la beauté et l’intérêt du sujet (élément majeur du paysage, arbre remarquable, intérêt écologique), son état sanitaire (vigueur, absence de maladies, de blessures, qualité statique, couronne et charpente équilibrées) et son espérance de vie (potentialités de développement futur, espace disponible, conditions environnementales), ainsi que d’autres cas (impossibilité de compenser et de renouveler, maintien d’un espace plantable, situations particulières).

Est qualifié d' « élément majeur du paysage », un arbre ou un ensemble d'arbres exceptionnel par son implantation et son intérêt sur la perception d'un site.

15.         Les art. 2.2.1 à 2.2.5 de la directive énumèrent les motifs d’abattage, à savoir : les dangers et incidences de l’arbre sur les biens et les personnes, le type et l’importance de la construction ou de l’aménagement projeté, la mise en valeur d’autres arbres, l’entretien d’un ensemble végétal, la prévention phytosanitaire et le respect des lois, servitudes ou conventions, pour autant qu’un préjudice soit prouvé (ATA/552/2013 du 27 août 2013 ; ATA/398/2013 du 25 juin 2013 ; ATA/114/2010 du 16 février 2010).

Les directives sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique, et non les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc avoir pour objet la situation juridique de tiers (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, ch. 2.8.3.1). L'ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique, mais s'en écartera dès qu'il considère que l'interprétation qu'elle donne n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/552/2013 du 27 août 2013 consid. 4d).

Sous cet angle, la directive concernant la conservation des arbres peut être prise en considération (cf. ATA/552/2013 du 27 août 2013).

16.         En l’espèce, le recourant a déposé une demande d’autorisation portant sur la construction d’un court de tennis pour permettre à ses enfants de s’entrainer, construction entrainant l’abattage de huit arbres dont deux sont morts. Il n'est en réalité question que de cinq arbres, soit trois chênes rouges et deux pins maritimes au niveau de la surface d'implantation du futur terrain de tennis. Il prévoit, en compensation, la replantation de dix-neuf arbres sur la parcelle pour une valeur totale de CHF 128'196.25.-.

Sous l'angle strict de la légalité, il découle des dispositions légales et réglementaires mentionnées plus haut qu'un arbre, même sur une parcelle privée, ne peut être abattu qu'avec l'autorisation de l'autorité compétente, ce qui implique cas échéant que cette dernière refuse un tel abattage. À cet égard, si le recourant prétend que la directive excéderait le cadre réglementaire, force est cependant de constater que l'art. 16 RCVA octroie un large pouvoir réglementaire au département dans l'édiction de directive, notamment en matière de sauvegarde des végétaux maintenus. Il est ainsi conforme au RCVA que les critères justifiant ou non le maintien d'un arbre, respectivement son abattage, soient prévus au niveau de la directive d'août 2008.

Il ressort du RCVA que, contrairement à ce que le recourant retient, des mesures compensatoires ne constituent pas la seule et unique condition à l’abattage d’arbres. En effet, l’art. 15 RCVA, qui traite des conditions de l’autorisation, indique bien que c’est l’autorisation d’abattage d’arbre qui peut être assortie de l’obligation de réaliser des mesures compensatoires et non que ladite autorisation est délivrée si des mesures compensatoires sont prévues. Ainsi, le département doit dans un premier temps déterminer si les conditions d’abattage des arbres visés sont réalisées en application du RCVA, puis, si tel est le cas, déterminer si des mesures compensatoires doivent être demandées. La proposition de compensation formulée par le recourant n'est ainsi pas déterminante à ce stade, dès lors que le département a estimé que les conditions d'abattage n'étaient pas réalisées.

La décision querellée se base sur les préavis défavorables de l'OCAN selon lesquels les arbres dont l'abattage est prévu constituerait des éléments majeurs du paysage et qu'ils devraient être conservés pour cette raison. Elle relève également que la construction d'un court de tennis relèverait de la pure convenance personnelle et ne pourrait prévaloir sur l'intérêt public à la protection des arbres. Au surplus, il n'existerait aucun motif d'abattage, puisque les arbres en cause ne seraient ni source de dangers, ni en mauvais état sanitaire.

En l'occurrence, la question qu'il convient de trancher est double : d’une part, il s’agit de déterminer si les arbres en question peuvent être considérés comme des éléments majeurs du paysage et, d’autre part, en cas de réponse affirmative à cette première question, si l'intérêt à leur maintien l'emporte sur celui du recourant.

S’agissant du premier point, selon la jurisprudence rappelée plus haut, le tribunal se doit de faire preuve de retenue et éviter de substituer son avis à celui des instances spécialisées, sous réserve des rares cas où un tel avis manque manifestement de pertinence ou omet des éléments d’appréciation importants. En l’espèce, le transport sur place auquel a procédé le tribunal le 12 octobre 2023 n’a pas permis à ce dernier de comprendre clairement ce qui faisait de ces arbres des éléments majeurs du paysage, mais, à l’inverse, ne lui a pas permis non plus de considérer d’emblée que l’autorité intimée avait manifestement erré dans cette appréciation. Certes, aucun des arbres à abattre ne figure en tant qu'arbres remarquables inscrits à l'inventaire des arbres du canton de Genève (https://ge.ch/tericasaisie), de sorte qu'ils ne jouissent d'aucun statut spécial qui impliquerait d'apprécier la question de leur abattage de manière particulièrement restrictive. De plus, il ressort du procès-verbal du transport sur place du 12 octobre 2023, que les cinq arbres directement situés sur la surface dédiée au projet de court de tennis ne sont visibles que depuis la parcelle du recourant et celles qui lui sont directement adjacentes. Cela étant, malgré cette absence de visibilité depuis le domaine public, ces cinq arbres n'apparaissent pas être manifestement de dimension modestes et sont plantés proches les uns des autres, dans une composition particulière, et forment, selon les déclarations de l'OCAN, un ensemble d'arbres constituant des éléments importants dans le paysage associé à la parcelle. À ces considérations s’ajoute le fait que si le tribunal est à même, globalement, d'apprécier le sens et la portée de cette notion d'élément majeur du paysage, il ne dispose ni des connaissances théoriques ni de l’expérience de terrain nécessaires pour attribuer ou non lui-même un arbre ou un groupe d'arbre ce qualificatif, en dehors des cas manifestes d’arbres hors-normes ou au contraire tout à fait quelconques.

Dans ces conditions, en l'absence d'éléments laissant penser que l'avis de l'OCAN manquerait pertinence ou omettrait des éléments d'appréciation importants, faisant application de la retenue qui doit être la sienne dans de tels cas, le tribunal retiendra l’avis du service spécialisé, selon lequel les trois chênes rouges et les deux pins maritimes doivent être considérés comme des éléments majeurs du paysage.

Indépendamment de cela, le reproche du recourant au sujet du caractère disproportionné et contraire à la garantie de la propriété de la décision litigieuse devrait de toute manière être rejeté, même s’il fallait considérer les arbres concernés comme des sujets ordinaires.

En effet, les différents critères de la directive d’août 2008 permettant l’abattage d’un arbre (points 2.1.1 à 2.1.4), tels que rappelés plus haut, ne font intervenir son statut d'élément majeur du paysage que comme l’un des critères pris en considération, à côté notamment de sa beauté, de son intérêt écologique, de son état sanitaire et de son espérance de vie. Ainsi, tout arbre dont l’abattage est demandé fait l’objet d’une évaluation globale en fonction de ces différents éléments. Le résultat de cette évaluation est mis en balance avec le motif invoqué pour l’abattage, qui peut relever d’un intérêt privé ou d’un ou plusieurs intérêts publics. Plus le ou les intérêts liés à l’abattage sont importants, plus haute devra être la valeur de l’arbre pour justifier le refus de l’abattre.

Il ressort tant de la décision querellée que des explications fournies par l'OCAN à l'occasion du transport sur place du 12 octobre 2023 que les cinq arbres en question sont encore jeunes, en bonne santé et ont un bon avenir devant eux, pouvant même devenir centenaires. Ces derniers participent ainsi aux yeux de l'instance spécialisée au maintien et au développement de la canopée. Le recourant n'a du reste pas remis en cause ces éléments d'appréciation lors du transport sur place.

Or, force est de constater que le seul motif invoqué à l’appui de la demande d’abattage est celui d’aménager un court de tennis afin de permettre aux enfants du recourant de développer leurs compétences dans ce sport en simplifiant l'organisation des entrainements des enfants en dehors des heures scolaires. À aucun moment le recourant n'a allégué de dégradations marquées de l'état sanitaire des arbres, de danger particulier et grave ou encore que l'avenir de ces arbres serait mis en péril à plus ou moins court terme.

Ainsi, en procédant à une évaluation globale de la situation des arbres concernés, il appert que l'intérêt privé à leur abattage est moindre par rapport à l'intérêt public à leur conservation, étant rappelé que selon le système prévu par le RCVA, la conservation des arbres est la règle et l'abattage une exception, de sorte que le refus du département est manifestement fondé.

Au demeurant, rien n'empêche le recours de solliciter les autorisations d'abattage au sujet des arbres morts sur sa parcelle, l'OCAN ayant affirmé lors du transport sur place du 12 octobre 2023 qu'une entrée en matière sur de telles demandes serait envisageable.

Partant, en refusant de délivrer l'autorisation de construire sollicitée sur la base des préavis défavorables de l'instance spécialisée, le département n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation. Le tribunal ne saurait, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit (art. 61 al. 2 LPA), substituer son appréciation à celle de l'autorité intimée, étant rappelé que lorsque le législateur a voulu conférer à l'autorité de décision un pouvoir d'appréciation dans l'application d'une norme, le juge qui, outrepassant son pouvoir d'examen, corrige l'interprétation ou l'application pourtant défendable de cette norme à laquelle ladite autorité a procédé, viole le principe de l'interdiction de l'arbitraire (cf. ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les références citées).

17.         Partant, mal fondé, le recours est rejeté.

18.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'500.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 mars 2023 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 14 février 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'500.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Bénédicte MONTANT et Damien BLANC, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière