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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/606/2017

ATA/636/2018 du 19.06.2018 sur JTAPI/1043/2017 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; MAXIME INQUISITOIRE ; DEVOIR DE COLLABORER ; ZONE À PROTÉGER ; PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ ; CONFORMITÉ À LA ZONE ; POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : Cst.29.al2; LAT.22; LCI.1.al1; LCI.3.al3; RCI.9; RCI.13.al4; LPA.19; LPA.24; LaLAT.17; LaLAT.12.al5; LaLAT.28; LaLAT.29.al1; LCI.94; LCI.96; LCI.103.al1.letB
Parties : SCHLAEPFER Jean-Daniel / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, COMMUNE DE CAROUGE
Résumé : Compte tenu des dispositions légales applicables aux bâtiments visés, en raison de leur situation en zone protégée, il appartenait au recourant de modifier le projet soumis, conformément au préavis obligatoire de la CMNS, afin que celui-ci respecte le caractère historique de l'îlot concerné. Faute de collaboration et d'explications précises de la part de l'intéressé, l'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en suivant le préavis précité. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/606/2017-LCI ATA/636/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 juin 2018

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Jean-Daniel SCHLAEPFER

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC
et
COMMUNE DE CAROUGE, partie intervenante

_________




Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 octobre 2017 (JTAPI/1043/2017)


EN FAIT

1) Monsieur Jean-Daniel SCHLAEPFER est propriétaire de la parcelle n° 2'921, feuille 10 de la commune de Carouge, d’une superficie de 677 m2, sise rue du Pont-Neuf 7, dans le périmètre du plan de site du vieux Carouge (n° 27'383), adopté par le Conseil d’État le 21 juillet 1982, en zone 4A.

Selon l’extrait du Registre foncier, trois constructions, soit un atelier de 175 m2 (A397), un dépôt de 95 m2 (A398) et une cheminée de 1 m2 (A402), sont cadastrées sur cette parcelle. Un « hangar » ou « couvert en bois », non cadastré, y est également érigé.

2) Le fils de M. SCHLAEPFER, prénommé Nathanaël SCHLAEPFER, est propriétaire de la parcelle voisine n° 71, directement adjacente à l’est, sur laquelle il exploite un parking.

3) a. Le 29 octobre 2015, par l’intermédiaire de son mandataire, Monsieur Christophe RICQ, architecte, M. SCHLAEPFER a déposé auprès du département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, devenu le département du territoire (ci-après : DT) une demande définitive d’autorisation de construire, portant sur ces parcelles, soit la « rénovation de deux immeubles (A397 et A398), surfaces d’activités, aménagements extérieurs, cases de parking », enregistrée sous la référence DD 108'530 (ci-après : demande DD 108'530). Un dossier photographique des lieux et une attestation du fils de M. SCHLAEPFER indiquant que son père avait l’usage de la parcelle n° 71 pour mettre le parking s’y trouvant à disposition des futurs locataires des bâtiments A397 et A398, étaient notamment joints.

Cette demande était liée à celle déposée en parallèle concernant le hangar également érigé sur la parcelle n° 2'921. Le propriétaire manifestant un intérêt particulier pour la commune de Carouge et la sauvegarde de son patrimoine bâti, le projet visait à préserver la morphologie – avec cour intérieure arborisée – de cette parcelle en tant que « fragment topique du tissu urbain sarde », rénover les surfaces d’activités en gardant à l’identique le gabarit des bâtiments existants sans extension ni élévation, moyennant une isolation périmétrique autour de la structure en bois existante du hangar, et favoriser une destination artisanale et/ou tertiaire.

En substance, le projet impliquait :

- « dénoyautage de la cour avec démolition de l’atelier et de la guérite bâtis
après-guerre ;

-          conservation et maintien intégral des deux platanes centenaires ;

-          conservation et maintien intégral des anciens murs en boulet de l’Arve formant la trame mitoyenne ;

-          conservation et maintien intégral des toitures et des magnifiques charpentes des trois bâtiments ;

-          conservation et maintien de la cheminée préindustrielle en guise de clin d’œil du passé ;

-          aucune création de jours en toiture à l’exception de deux tabatières pour l’accès toit réglementaire ».

Pour accomplir cette rénovation en respectant les normes Minergie, les façades des bâtiments seraient reconstruites en briques isolantes de type Monomur ou similaires et appareillées avec des fenêtres et volets coulissants en bois. Le toit d’origine demeurerait porté par une charpente froide. Il s’agissait d’adopter un concept de rénovation le plus économique possible afin de pouvoir favoriser un prix de location à la portée d’artisans ou de start-up para-industrielles. Les cases de parking de la parcelle n° 71 étaient dédiées à ce projet.

b. Dans un complément du 25 novembre 2015, l’architecte a précisé en particulier qu’un vide d’étage de 2,80 m au rez-de-chaussée semblait disproportionné au regard de la destination des activités des immeubles concernés et des différents bâtiments du voisinage protégés et rénovés. Compte tenu du coût de la rénovation et de la mise aux normes énergétiques et phoniques du bâtiment, l’exploitation de l’immeuble sur deux niveaux et dans un volume compact était nécessaire.

4) Le même jour, la demande d’autorisation de construire portant sur la « rénovation d’un hangar, surfaces d’activités, aménagements extérieurs, cases de parking » s’agissant du hangar non cadastré sis sur la parcelle n° 2'921 a été déposée et enregistrée sous la référence DD 108'528 (ci-après : demande DD 108'528).

5) a. Dans le cadre de l’instruction de la demande DD 108'530, aux mois de décembre 2015 et février 2016, l’inspection de la construction (avec dérogation à l’art. 102 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 [LCI - L 5 05] pour les vides d’étage), la direction de la mensuration officielle, l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN), la direction générale des transport (ci-après : DGT), la direction générale de la nature et du paysage, devenue depuis lors la direction générale de l’agriculture et de la nature
(ci-après : DGAN), la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : DPDCR), ainsi que la direction générale de l’eau (ci-après : DGEau) ont préavisé favorablement le projet, sous conditions ou sans observations.

La police du feu a requis la production de documents complémentaires, considérant que le dossier présenté ne permettait pas de juger du respect des prescriptions de protection incendie AEAI (édition 2015). Le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) en a fait de même au sujet du monobloc de ventilation à double-flux prévu par le projet et du respect des valeurs de planification.

b. Le 20 janvier 2016, la commune de Carouge a délivré un préavis favorable avec souhaits.

Les gabarits devaient être maintenus même si cela impliquait une absence de conformité à la LCI. Vu les faibles hauteurs sous plafond proposées, il était proposé d’augmenter les vides d’étage habitables par l’annexion des combles dans l’espace chauffé, ce qui donnerait plus d’ampleur au volume habitable et mettrait la charpente conservée en valeur. Afin de garder les deux bâtiments visés et les arbres comme un tout, les proportions de l’ancienne façade devaient être mieux préservées. Un soin particulier devait être porté à une exécution respectueuse du patrimoine, en concertation avec l’office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS). Le choix des matériaux et couleurs des façades devaient être effectués en accord avec la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) et ses services.

c. À la même date, Le Boulet, Association pour la protection de Carouge, a fait part au DT de son désaccord avec les demandes DD 108'530 et DD 108'528.

d. À la suite d’une visite sur place le 2 février 2016, en présence de M. SCHLAEPFER et son architecte, la CMNS, soit pour elle la sous-commission monuments et antiquités (ci-après : SCMA), a sollicité la production d’un nouveau projet le 10 février 2016.

Sur la base d’un reportage photographique effectué lors du déplacement et des premiers éléments de recherche en vue de l’élaboration d’une notice historique, il apparaissait que les dépendances A397 et A398, construites entre 1812 et 1830, avaient abrité une tannerie durant tout le XIXème siècle, avant d’être réhabilités en menuiserie. De par leur disposition, leur morphologie et leur expression architecturale, ces bâtiments avaient conservé des traces tangibles de cette activité industrielle carougeoise. Le couvert en bois, adjacent aux deux platanes centenaires au centre de la cour, était apparu ultérieurement, avec l’installation de la menuiserie.

Selon le projet, l’activité serait déployée sur les deux niveaux et les étages des deux bâtiments seraient mis au même niveau, en les creusant d’environ 70 cm, afin d’en permettre l’habitabilité. Les combles seraient conservés froids et la circulation verticale assurée par un noyau unique à la jonction des deux bâtiments. La cour demeurerait exempte de stationnement, les sols en tête de chat seraient restaurés et de nombreuses pentes permettraient la jointure entre le nouveau jardin et les niveaux des plateaux d’activité. Une isolation périphérique se ferait par le remplissage entre les structures de briques creuses thermiques et le passage d’un élément isolant devant toutes les structures. La nouvelle expression des façades serait horizontale, en raison notamment, de la non-visibilité des structures verticales recouvertes par l’isolation périphérique et la suppression des grandes portes du rez-de-chaussée, remplacées par des fenêtres horizontales.

La CMNS n’était pas opposée à la revitalisation du site par la réhabilitation des bâtiments en ateliers de type tertiaire. Toutes les mesures conservatoires devaient toutefois être prises pour le maintien de la morphologie des bâtiments, notamment l’expression architecturale des façades (briques et bois), l’ouverture par de nombreuses portes, la haute cheminée en briques, les gabarits et la structure porteuse (plafond, charpente, etc.).

Ainsi, le projet devait être modifié en tenant compte des éléments suivants :

-          l’abandon de l’alignement des planchers supérieurs des bâtiments A397 et A398, jugé trop destructeur,

-          le maintien et la restauration de la construction des façades bois/brique et des charpentes,

-          l’abandon de l’isolation périphérique générée par cette construction masquant toute l’esthétique,

-          l’abandon d’une seule circulation verticale, les niveaux des deux bâtiments étant par nature dissociés,

-          la révision de la distribution des ouvertures en maintenant des éléments verticaux,

Pour le bâtiment A398 :

-          il était admis de descendre le niveau du rez-de-chaussée pour créer l’habitabilité du rez-de-chaussée en augmentant la hauteur sous plafond,

-          le maintien des séparations anciennes, des ouvertures modérées étant cependant admissibles,

Pour le bâtiment A397 :

-          le maintien du plancher supérieur opérant un fort impact sur la structure, des filières horizontales et de la façade,

-          le règlement de la distribution verticale par la pose d’escaliers entre fermes en duplex.

Les aménagements extérieurs devaient également être revus en fonction des modifications opérées sur le projet d’aménagement des bâtiments. À cet égard, un revêtement minéral semblait plus approprié et le mandataire était encouragé dans le remploi des boulets à tête de chat.

6) Le 26 février 2016, le DT a informée M. SCHLAEPFER qu’au vu des préavis précités de la police du feu, du SABRA et de la CMNS, son projet devait être modifié et des documents complémentaires fournis.

En l’absence de réponse de sa part, le DT l’a relancé le 16 novembre 2016.

7) Le 13 décembre 2016, l’architecte a répondu au DT que M. SCHLAEPFER ne souhaitait pas modifier son projet ni la demande DD 108'530. Il relevait notamment le caractère « contradictoire et injustifié » des préavis de la CMNS.

8) a. Par décision du 23 août 2016, le DT a refusé de délivrer l’autorisation de construire DD 108'528, vu le préavis de la CMNS, considérant que la transformation proposée n’était pas acceptable et que le hangar devait être – au mieux – maintenu en couvert, une transformation en locaux administratifs venant contredire le but prescrit par l’art. 103 LCI.

b. Le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé cette décision par jugement du 8 février 2017, lequel fait également l’objet d’un recours pendant auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative).

9) Par décision du 24 janvier 2017, le DT a également refusé de délivrer l’autorisation de construire DD 108'530.

Le projet soumis n’était pas conforme aux art. 14 al. 1 et 94 al. 1 LCI, ni à l’art. 4 al. 3 du règlement du plan de site du vieux Carouge n° 27'383 du 21 juillet 1982 (ci-après : règlement du vieux Carouge).

Les bâtiments situés sur la parcelle n° 2'921, sise en zone 4A, étaient classés dans la catégorie B des bâtiments à maintenir. Se fondant sur les préavis de la police du feu, du SABRA et de la CMNS, ainsi que le refus de M. SCHLAEPFER d’y donner suite, le DT ne pouvait pas délivrer l’autorisation de construire sollicitée.

10) Par acte du 20 février 2017, M. SCHLAEPFER a recouru auprès du TAPI contre la décision précitée, en concluant à son annulation et à ce que le DT soit invité à lui délivrer l’autorisation de construire DD 108'530-1.

Lorsqu’il avait acquis la parcelle en 2008, le dernier locataire occupait les bâtiments s’y trouvant pour l’exercice de son activité de menuisier. Il avait quitté les lieux en 2009 après avoir fait faillite. Lui-même n’avait pu les occuper qu’en 2015. Les bâtiments A397 et A398 ne pouvant être utilisés comme habitation vu leur orientation plein nord, une demande d’autorisation de construire avait été déposée en vue d’y réaliser des locaux d’activités commerciales ou administratives.

Après avoir examiné différentes solutions, comprenant une démolition partielle ou totale, du bâtiment existant, son architecte avait décidé de maintenir intégralement le périmètre historique. En conservant la charpente d’origine, il avait redessiné les façades pour permettre la réalisation d’un premier étage avenant, en excavant légèrement l’assise actuelle afin de pouvoir disposer d’un vide d’étage de 2,40 m sur chaque niveau. Un escalier avait été dessiné à l’angle des bâtiments A397 et A398 afin de créer une distribution d’étages inexistante à ce jour. Le chauffage à bois serait également remplacé par un chauffage à gaz à condensation Minergie.

Il était opposé à la demande de la CMNS de réaliser un autre projet. Contrairement aux allégations du DT, le sien respectait l’art. 14 LCI puisqu’aucun tiers n’y avait formé opposition. La consultation des pièces réunies par le DT durant l’instruction du dossier ne laissait aucunement entendre que le projet ne remplissait pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exigerait son exploitation ou son utilisation. L’extrait du plan cadastral des parcelles nos 2'105 et 2'921 démontrait que l’hypothèse visée par l’art. 14 al. 1 let. c LCI ne pouvait être envisagée. Dans la mesure où son projet de rénovation gardait la même assiette, le même toit, la même charpente, le même gabarit et le même volume, il ne pouvait être la source de « dangers particuliers », ni créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoquait sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation.

Pour les mêmes motifs, le DT invoquait également à tort les art. 94
al. 1 LCI et 4 al. 3 du règlement du vieux Carouge. Les plans déposés démontraient que l’intégralité du toit et des murs était conservée. Seules des nouvelles fenêtres isolantes étaient prévues au rez et au 1er étage pour permettre l’exploitation efficiente des locaux. Contrairement aux requêtes de la police du feu et du SABRA, il n’y avait pas lieu de fournir des plans de sécurité incendie en l’occurrence, étant donné que le bâtiment était de petite taille et d’assurance qualité incendie de degré 1. Cela étant, par gain de paix, il versait au dossier des documents en attestant, soit un « concept de prévention incendie » du 18 février 2017 et un courrier du 19 février 2017 adressé au DT précisant la puissance du chauffage de 37 dB(A) et l’emplacement de celui-ci.

11) Par courrier du 23 mars 2017, la commune de Carouge n’a pas souhaité formuler d’observations, se référant à son préavis du 20 janvier 2016.

12) a. Dans sa réponse du 11 mai 2017, le DT a conclu au rejet du recours.

Concernant le respect des dispositions relatives à la protection du patrimoine, il substituerait les art. 3, 5, 6 et 7 du règlement du vieux Carouge à l’art. 4 al. 3 du règlement du vieux Carouge mentionné dans sa décision querellée. Vu les préavis de la commune de Carouge et de la CMNS, ainsi que l’examen circonstancié et complet de cette dernière du cas d’espèce, le projet soumis devait être revu sur quatre points précis, faute de sauvegarder le caractère architectural historique du site. M. SCHLAEPFER se bornait à substituer sa propre appréciation à celle de la CMNS. Il n’apportait toutefois pas d’éléments d’ordre financier ou technique attestant d’une impossibilité objective de modifier le projet dans le sens requis. Rien ne justifiait que le DT s’écarte du préavis obligatoire et du rapport historique des instances spécialisées en la matière.

S’agissant de l’application de normes relatives à la sécurité et la salubrité des constructions, le DT avait dû se prononcer sur la base des pièces en sa possession, M. SCHLAEPFER n’ayant pas satisfait aux demandes de renseignements réitérées de la police du feu et du SABRA. Les pièces fournies ultérieurement, dans le cadre du recours, étaient désormais dépourvues de pertinence, ce projet occasionnant dans tous les cas une modification de l’aménagement interne du bâtiment A398.

b. Outre son dossier, il produisait un rapport historique du 15 novembre 2016 de Madame Babina CHAILLOT-CALAME, historienne de l’art, déléguée
CMNS-SCMA, sur mandat de l’OPS, concernant les demandes DD 108'528 et DD 108'530.

En résumé, les bâtiments A397 et A398 apparaissaient déjà – sous d’autres références – sur le cadastre Dufour levé en 1843 et étaient inscrits au registre d’assurances incendie depuis 1831. Il pouvait être déduit des recherches historiques que les ateliers sis rue du Pont-neuf 7, la maison d’habitation sise rue du Pont-Neuf 5, la chambre à lessive, le passage couvert et le dispositif d’entrée de la cour étaient contemporains et avaient été construits en 1830-1831. Bien que la cheminée n’apparaissait pas sur les relevés de cadastre anciens ni sur des photographies, plusieurs éléments indiquaient qu’elle était caractéristique des manufactures du XIXème siècle. Le premier relevé des couverts en bois datait de 1951. D’après le relevé cadastral de 1968, plusieurs petites annexes au nord de la parcelle avaient été démolies, le « grand couvert en bois », avait alors été modifié et augmenté d’un tiers côté nord.

Il ressortait des cadastres d’archives une grande constance dans la dénomination des bâtiments, en particulier le A397 en « dépendance » ou « atelier » et le A398 en «  hangar » ou « dépendance », tous deux en maçonnerie et bois, ainsi que le A396 en « couvert en bois ». Les affectations en atelier n’avaient donc pas été modifiées et la structure des bâtiments avait été conservée. En 1812, la cour était désignée comme « jardin » jusqu’au milieu du XXème siècle, période à laquelle la partie nord avait été goudronnée et le jardin au sud abandonné. L’installation du parking sur la parcelle n° 71 et certaines modifications dans la cour semblaient concomitantes avec d’autres modifications du quartier et s’étaient étalées entre 1930 et 1960. Quant à l’occupation des ateliers, plusieurs documents rapportaient l’activité d’une « fabrique de tannerie et corroyerie » à partir de 1836, puis de ferblanterie en sus. À partir de 1922, les ateliers avaient été principalement dédiés à la menuiserie. C’était le premier menuisier qui avait fait construire le couvert en bois le long du mur est dans les années 1930 afin de stocker le bois qu’il devait rapatrier de la parcelle n° 71. Le dernier locataire avait repris l’exploitation de la menuiserie à partir de 1972.

Actuellement, les deux ateliers étaient disposés perpendiculairement l’un par rapport à l’autre, présentant deux façades allongées donnant sur une cour. Un haut mur de pierre contre lequel était adossé un couvert en bois délimitait la parcelle sur le flanc est. La structure des deux façades était identique. Leur mode de construction semblait dater de l’origine du bâtiment et pouvait être associé à l’architecture industrielle du début du XIXème siècle. L’atelier de menuiserie, dont la mécanisation s’était opérée dès 1925, se trouvait dans le bâtiment A397, lequel se présentait sous la forme d’une grande halle, très haute de plafond, surmontée d’un comble froid. Ce dernier n’était accessible que par la terrasse de la maison voisine, aujourd’hui fermée à la suite de récents travaux. La charpente était ancienne, le toit recouvert de tuiles plates rouges. Une grande cheminée industrielle était adossée à la façade ; de forme carrée, construite en briques rouges, elle traversait l’avant-toit et s’élevait à environ 15 m de haut pour dominer les toits des bâtiments adjacents. Le bâtiment A398, nettement plus petit, aurait servi de lieu de stockage. Bas de plafond, il était divisé en trois cellules, dont les murs de répartition ne dataient pas tous de la même époque. Les sols étaient en terre battue ou en galets disposés en tête de chat. La poutraison du plancher, très ancienne et en mauvais état de conservation, marquait une importante flèche. Les façades sud et est, construites de manière traditionnelle en pierre, étaient totalement borgnes et donnaient sur les propriétés voisines. À l’angle, entre le bâtiment et le mur d’enceinte, une cabane en bois et tôle avait été ajoutée. Le couvert en bois consistait en une structure de bois apparente, ouverte côté cour et fermée au nord et à l’est par une palissade de planches, qui surplombait le mur et se prolongeait jusqu’au bâtiment A398. Un local, « sous forme de boîte en bois », avait été monté sous la partie nord du couvert. Côté cour, deux platanes centenaires venaient s’imbriquer dans la toiture. La cour, fermée par un portail en bois, était souvent occupée par des véhicules en stationnement.

Édifié en 1830 et inséré dans un tissu urbain constitué entre 1792 et 1811, ce site avait traversé deux siècles avec une permanence exceptionnelle, tant au niveau de la famille propriétaire que de celui de l’affectation et du maintien des bâtiments. Sa préservation était d’autant plus remarquable qu’elle se situait dans un lieu historique de Carouge qui avait subi de grands chamboulements au milieu du XXème siècle. L’îlot méritait toute l’attention d’un site historique particulièrement bien préservé qui était un véritable témoignage du passé industriel de Carouge. Sa restauration indispensable et sa réhabilitation dans le secteur tertiaire devaient se faire avec le plus grand respect de son expression architecturale ; soit, le maintien des bâtiments dans leur gabarit, la conservation et la restauration des structures porteuses, du système constructif des façades et des charpentes. La cour, encombrée de cabanes en bois et de véhicules en stationnement, méritait aussi une revalorisation à la hauteur de sa qualité.

13) Par jugement du 4 octobre 2017, le TAPI a rejeté le recours.

La parcelle concernée étant incontestablement située dans la zone protégée du vieux Carouge, les art. 94 ss LCI étaient applicables.

Le préavis obligatoire de la CMNS, auquel la jurisprudence accordait un poids prépondérant, apparaissait déterminant et fondé. Dès lors que M. SCHLAEPFER avait refusé de produire un projet modifié dans le sens souhaité par la CMNS, sans s’en expliquer, et omis de produire les compléments requis par la police du feu et le SABRA, le DT, devant constater qu’il avait failli à son devoir de collaboration, ne pouvait que statuer en l’état du dossier et donc lui opposer un refus. Même si les pièces produites tardivement par M. SCHLAEPFER avec son recours pouvaient permettre à la police du feu et au SABRA de finaliser leur analyse du dossier et émettre un préavis, il fallait retenir que le projet ne respectait pas les dispositions légales et réglementaires sur lesquelles la CMNS avait fait porter son examen.

14) Par acte du 2 novembre 2017, M. SCHLAEPFER a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant principalement à son annulation et à ce que le DT soit invité à lui délivrer l’autorisation de construire DD 108'530-1. Préalablement, il sollicitait la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties et un transport sur place.

En n’ordonnant pas d’audience de comparution personnelle des parties ni de transport sur place, le TAPI avait violé son droit d’être entendu.

Sa demande DD 108'530 restait fidèle au patrimoine historique bâti, en préservant « sa morphologie originale avec une cour arborée », gardant à l’identique le gabarit des bâtiments existants avec une isolation thermique sauvegardant la cheminée historique. Si les modifications requises par la CMNS pouvaient être envisagées concernant le bâtiment A398, une révision de l’aménagement du bâtiment A397 n’avait en revanche aucun sens. Le maintien du plancher supérieur existant impliquerait des ouvertures dans le toit, type velux ou lucarnes, alors que l’architecte avait veillé à garder la toiture originale. La distribution verticale par la pose d’escaliers « entre fermes en duplex » conduirait à diviser le bâtiment A397 et à réduire sa surface utile par la diminution du vide d’étage. Enfin, une charpente centenaire remarquable, n’ayant jamais connu le chauffage depuis sa construction, ne serait plus « froide ».

Il n’était pas contesté que les art. 94 à 104 LCI étaient applicables in casu. Les bâtiments A397 et A398 devaient être considérés comme faisant partie de la catégorie B au sens de l’art. 4 du règlement du vieux Carouge. Le DT s’était rallié au préavis de la CMNS sans en étudier le contenu et en omettant de constater que la CMNS avait accepté de baisser le niveau dans le bâtiment A398 et l’avait refusé dans le bâtiment A397, alors que tous les autres préavis étaient favorables. La demande DD 108’530 sauvegardait pourtant « tous les éléments de la substance architecturale », contrairement au projet de modifications proposé par la CMNS. La façade actuelle du bâtiment A397 n’avait rien à voir avec celle d’origine construite vers 1830. Ainsi, son architecte avait disposé une nouvelle façade en tenant compte des exigences obligatoires actuelles en termes d’isolation. L’« intérêt public pass[ait] après l’intérêt privé s’agissant du niveau de premier étage du bâtiment A397 dans la mesure où […] la cheminée historique, le volume, le gabarit et le toit recouvert de tuiles plates [restaient] comme d’origine ».

15) Le 14 novembre 2017, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

16) Par courrier du 7 décembre 2017, la commune de Carouge a relevé l’importance du maintien du gabarit et se référait à l’OPS et à la CMNS pour les mesures de conservation du patrimoine.

17) Dans ses écritures responsives du 11 décembre 2017, le DT a conclu au rejet du recours en persistant dans ses précédents développements et ceux du TAPI.

M. SCHLAEPFER n’apportait aucun nouvel élément de fait et persistait à ne pas vouloir donner suite à la demande d’un nouveau projet formulée par la CMNS.

Compte tenu des mesures prises par la CMNS et du contenu du dossier remis au TAPI, il n’était aucunement nécessaire de procéder à d’autres mesures d’instruction pour trancher le litige. Le droit d’être entendu de
M. SCHLAEPFER n’avait pas été violé. Contrairement aux allégations de
M. SCHLAEPFER, la CMNS expliquait les raisons des différences de niveaux entre les deux bâtiments. En considérant dans son préavis notamment que les façades des bâtiments et les ouvertures externes auraient dû être revues et la structure porteuse interne mieux préservée afin de conserver le plus possible la riche et rare expression architecturale du bâtiment, la CMNS avait procédé à une correcte application des dispositions visées. Quant au principe de la proportionnalité, le fait de refuser le projet proposé était propre et nécessaire à empêcher l’atteinte au patrimoine qu’il générerait. Le simple intérêt privé de M. SCHLAEPFER et la commodité que constituait l’ajout d’un niveau pour ce dernier, devait céder le pas devant l’intérêt public primordial poursuivi par l’ensemble des dispositions relatives à la protection du patrimoine.

18) Le recourant n’ayant pas formulé d’observations dans le délai imparti, les parties ont été informées le 16 avril 2018 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 149 LCI).

2) Préalablement, le recourant sollicite un transport sur place et la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties.

a. Le droit d’être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d’avoir accès au dossier, celui de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées).

Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2) ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/356/2016 du 26 avril 2016).

Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. En l’occurrence, le recourant a eu diverses occasion de s’exprimer par écrit au cours de la procédure, que ce soit au stade de l’instruction de sa demande d’autorisation de construire par le département ou devant les juridictions. Il a également pu produire toutes pièces utiles, dont un dossier de photographies des lieux. Pour sa part, l’intimé à produit la totalité de son dossier, comprenant tous les plans y relatifs, de même que le rapport historique du 15 novembre 2016, que le recourant avait la possibilité de consulter. Les éléments principaux de ce dernier document figuraient également dans le préavis de la CMNS, laquelle avait également effectué un transport sur place le 2 février 2016, en présence du recourant et du mandataire de celui-ci. À cela s’ajoute que, contrairement à l’objet de la demande DD 108’528, il ne s’agit pas ici de déterminer la nature d’une construction, mais d’appliquer des dispositions légales particulières et des considérations techniques, déterminant de manière précise les aménagements admis en matière de protection du patrimoine. En ces circonstances, il apparaît donc que la chambre administrative dispose d’un dossier complet lui permettant de se prononcer sur les griefs soulevés par le recourant en toute connaissance de cause.

Il ne sera dès lors pas donné suite aux requêtes d’instruction.

3) Le litige porte sur le refus de l’intimé de délivrer l’autorisation de construire DD 108'530-1 au recourant, la question étant de savoir si le projet litigieux satisfait aux dispositions légales applicables en l’occurrence compte tenu des spécificités des bâtiments concernés érigés sur une parcelle située dans le vieux Carouge.

4) a. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700).

b. L’art. 22 LAT soumet l’octroi d’une autorisation de construire aux conditions que la construction ou l’installation soit conforme à l’affectation de la zone et que le terrain soit équipé (al. 2), et réserve les autres conditions posées par le droit fédéral et le droit cantonal (al. 3).

5) a. En vertu de l’art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (let. b), démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c), modifier la configuration du terrain (let. d).

b. Les demandes d’autorisation sont adressées au département
(art. 2 al. 1 LCI), qui les soumet, à titre consultatif, au préavis des communes, des départements et des organismes intéressés. L’autorité de décision n’est pas liée par ces préavis. Les communes et toutes les instances consultées formulent leur préavis dans un délai de trente jours à compter de la date d’enregistrement de la demande. Passé ce délai, le département peut statuer, considérant que le défaut de réponse équivaut à une approbation sans réserve (art. 3 al. 3 LCI).

c. L’art. 9 RCI décrit les plans et documents qu’il y a lieu de joindre à la demande.

Le département peut demander des renseignements ou des plans complémentaires, la modification de plans, la constitution de servitudes et des calculs statiques (art. 13 al. 4 RCI).

6) La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu’elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi, conformément à l’art. 22 LPA. Le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits comprend en particulier l’obligation de celles-ci d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015).

L’art. 24 LPA énonce que l’autorité peut inviter les parties à la renseigner, notamment en produisant les pièces en leur possession ou à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet (al.1). L’autorité apprécie librement l’attitude d’une partie qui refuse de produire une pièce ou d’indiquer où celle-ci se trouve. Elle peut ainsi le cas échéant déclarer irrecevables les conclusions des parties qui refusent de produire les pièces et autres renseignements indispensables pour que l’autorité puisse prendre sa décision (al. 2).

En cas d’absence de production des documents nécessaires, le risque de se voir reprocher son défaut de collaboration dans une procédure régie par la maxime inquisitoire existe (ATF 130 II 425 consid. 6.6).

7) a. En matière d’aménagement, les zones à protéger comprennent les localités typiques, les lieux historiques et les monuments naturels ou culturels (art. 17 al. 1 let. c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700).

Les zones protégées constituent des périmètres délimités à l’intérieur d’une zone à bâtir ordinaire ou de développement et qui ont pour but la protection de l’aménagement et du caractère architectural des quartiers et localités considérés (art. 12 al. 5 LaLAT).

Dans le canton de Genève, les zones de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications, du vieux Carouge, les ensembles du XIXème et du début du XXème siècle, le secteur Rôtisserie-Pélisserie, ainsi que les villages protégés font l’objet de dispositions particulières incluses dans la LCI (art. 28 LaLAT).

est désignée comme zone à protéger au sens de l’art. 17 LAT, la zone du vieux Carouge, selon les articles 94 à 104 LCI (art. 29 al. 1 let. e LaLAT).

b. L’aménagement et le caractère architectural historique du centre de la ville de Carouge (vieux Carouge) doivent être préservés. Les dispositions de la loi sur l’énergie du 18 septembre 1986 (LEn - L 2 30) demeurent réservées (art. 94 al. 1 LCI). L’architecture, notamment le volume, l’échelle, les matériaux et la couleur des constructions doivent s’harmoniser avec le caractère du vieux Carouge (art. 94 al. 2 LCI). Il en est de même des enseignes, attributs de commerce, panneaux, réclames, vitrines mobiles et autres objets soumis à la vue du public (art. 94 al. 3 LCI).

c. Les demandes d’autorisation, à l’exception de celles instruites en procédure accélérée, sont soumises aux préavis de la commune de Carouge et de la CMNS (art. 96 al. 1 LCI). Les préavis sont motivés (art. 96 al. 3 LCI).

La CMNS est compétente pour donner son avis sur des projets régis par la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS – L 4 05) ou situés dans des zones protégées (art. 83 et ss LCI ; MGC 2005-2006/V A 3505 ; ATA/61/2015 du 13 janvier 2015 consid. 3f).

d. Les art. 97 et ss LCI prévoient de dispositions spéciales applicables pour la zone du vieux Carouge relatives aux alignements (art. 97 LCI), au gabarit des constructions (art. 98 LCI), aux toitures (art. 99 LCI), aux lucarnes (art. 100 LCI), aux distances de limites de propriété (art. 101 LCI), aux vides d’étages (art. 102 LCI), à l’aménagement et l’assainissement des îlots (art. 103 LCI) et aux subventions (art. 104 LCI).

Le règlement du vieux Carouge complète ces dispositions (art. 1), étant précisé que les compétences de la commission du vieux Carouge ont depuis lors été reprises par la CMNS avec l’entrée en vigueur le 18 mai 2010 de la loi n° 10’463 du 19 mars 2010 modifiant la LCI.

Ainsi, après consultation de la commission du vieux Carouge et de la Ville de Carouge, le département fixe, dans chaque cas particulier, les conditions relatives notamment : aux alignements sur cour, aux césures entre bâtiments, aux façades, aux toitures, aux structures intérieures et à l’accès des cours (art. 3 let. a) ; à l’aménagement des espaces publics (art. 3 let. b). L’art. 9 est réservé.

Concernant les bâtiments maintenus (art. 4), le plan de site n° 27’383 susvisé désigne les bâtiments qui sont maintenus en raison de leur intérêt architectural ou historique (art. 4 al. 1). Un bâtiment maintenu, de la catégorie A, ne peut faire l’objet que de travaux d’entretien ou de transformation utiles à une amélioration des locaux, dans l’esprit de la conservation du bâtiment (art. 4 al. 2). Un bâtiment maintenu, de la catégorie B, peut être transformé si les éléments intéressants de sa substance architecturale sont sauvegardés (art. 4 al. 3). L’aménagement des combles reste possible, aux conditions de l’art. 171 LCI (art. 4 al. 4).

La limite de gabarit de hauteur des constructions est déterminée par les plans annexés au plan n° 27'383 susvisé, qui fixent le nombre de niveaux éclairés sous corniche, et indiquent la position de celle-ci ainsi que la silhouette du bâtiment.

Quant à l’esthétique des bâtiments, en règle générale, l’expression du découpage parcellaire est maintenue (art. 6 al. 1). Les matériaux et teintes doivent être en harmonie avec ceux des constructions existantes. Le département peut exiger la présentation d’échantillons (art. 6 al. 2). Les murs sont crépis selon les règles de l’art (truelle et taloche). L’application des crépis à la machine est exclue. En règle générale, on exécutera un crépi au mortier de chaux et ciment (art. 6 al. 3).

Pour préserver l’aspect du paysage des toitures, l’aménagement de plus d’un niveau dans les combles est interdit (art. 7 al. 1). En règle générale, les toitures doivent être recouvertes de tuiles plates (art. 7 al. 2).

Le rez-de-chaussée des immeubles est, en principe, destiné à des activités artisanales et commerciales (art. 8 al. 1). Les étages de bâtiments sont principalement destinés à l’habitation (art. 8 al. 2).

Le DT peut subordonner la délivrance de l’autorisation de construire à l’adoption préalable, pour chaque ensemble, îlot, rue ou place, d’un plan de site de détail. L’art. 39 LPMNS est applicable (art. 9).

Si les circonstances le justifient et que cette mesure ne porte pas atteinte au but général visé, le DT, après consultation de la commune et de la commission du vieux Carouge, peut déroger aux dispositions du règlement du vieux Carouge (art. 10).

8) a. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (ATA/51/2013 du 21 janvier 2013 novembre 2011 et les références citées). Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/417/2009 précité).

b. Lorsque la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l’appréciation qu’est amenée à effectuer l’autorité de recours (ATA/126/2013 du 26 février 2013). La CMNS se compose pour une large part de spécialistes, dont notamment des membres d’associations d’importance cantonale, poursuivant par pur idéal des buts de protection du patrimoine (art. 46 al. 2 LPMNS). À ce titre, son préavis est important (ATA/126/2013 précité).

c. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de
celles-ci (ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 9d et les références citées). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/373/2016 précité). De même, s’agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d’examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/373/2016 précité).

9) En l’espèce, il n’est pas contesté que les parcelles concernées par le projet litigieux, en particulier la parcelle n° 2’921, sont situées dans la zone protégée du vieux Carouge, de catégorie B, de sorte que les dispositions spécifiques des art. 94 ss LCI et le règlement vieux Carouge leur sont applicables. Les bâtiments A397 et A398 qui y sont construits sont de catégorie B.

Tirant argument du fait que tous les préavis demandés étaient favorables, à l’exception de ceux de la police du feu, du SABRA et de la CMNS, le recourant fait valoir que sa demande DD 108’530 respectait le patrimoine historique bâti, en conservant le gabarit des bâtiments existants et sauvegardant la cheminée historique. Selon lui, si les modifications requises par la CMNS pouvaient être envisagées pour le bâtiment A398, elles n’avaient en revanche aucun sens pour le bâtiment A397. Le département s’était rallié à la position de la CMNS sans en étudier le contenu.

Il est vrai qu’hormis la police du feu, le SABRA et la CMNS, toutes les instances appelées à préaviser le projet litigieux s’y sont montrées favorables. Les deux premières n’ont pas été en mesure de se prononcer, le recourant n’ayant pas remis les documents nécessaires en temps utile, malgré plusieurs rappels. Par ailleurs, tant la DGAN que la commune de Carouge ont néanmoins relevé que des travaux de grande importance ne pouvaient avoir lieu à proximité des platanes centenaires, sous peine de risquer de porter atteinte à leur survie. De plus, la commune de Carouge a également exprimé le souhait que les vides d’étages soient augmentés par l’annexion des combles dans l’espace chauffé et que les proportions de l’ancienne façade soient mieux préservées afin de conserver l’unicité de cet îlot. Ainsi, elle demandait une exécution respectueuse du patrimoine en concertation avec l’OPS, ainsi qu’un choix des matériaux et des couleurs en accord avec la CMNS. L’aval de la commune de Carouge, de même que celui de la DGAN, ne sauraient donc être considérés comme pleinement accordés sans que leurs conditions ou souhaits ne soient satisfaits, d’autant moins que le préavis de la CMNS est ici obligatoire.

En se fondant sur les éléments constatés sur place le 2 février 2016, en présence du recourant et de son architecte, ainsi que l’évolution historique de l’îlot, la CMNS les a invités à produire un nouveau projet, celui soumis ne pouvant être autorisé. Après un examen minutieux de celui-ci, elle était en effet parvenue à la conclusion que les aménagements intérieurs et extérieurs devaient être revus afin de préserver ce site historique, tout en acceptant la revitalisation de celui-ci par la réhabilitation des bâtiments en ateliers de type tertiaire. Elle a énuméré précisément les points devant être changés concernant les planchers des bâtiments A397 et A398, les façades et la charpente de ceux-ci, la circulation verticale, les séparations anciennes, la distribution des ouvertures et le revêtement de la cour. Contrairement aux allégations du recourant, il ne s’agissait pas uniquement de conserver la cheminée historique, le volume, le gabarit et le toit recouvert de tuiles plates, mais aussi d’autres éléments afin de garantir la cohérence historique de l’ensemble, ce que, par exemple, une isolation périphérique masquant les façades en les recouvrant ne permettait pas.

En dépit de ces recommandations basées sur des considérations documentées et étayées, le recourant a simplement persisté dans un refus catégorique de recherche d’une solution concertée tendant à la préservation de ces bâtiments. Il n’a ainsi pas non plus satisfait à son devoir de collaboration. Le recourant n’a pas expliqué dans quelle mesure les demandes de la CMNS ne seraient pas réalisables ni compatibles avec les activités envisagées. À cet égard, il n’incombe pas aux juridictions administratives d’analyser en détail, point par point, sa position, alors qu’il n’a pas présenté des éléments un tant soit peu précis et documentés permettant de le faire.

Les nouveaux arguments, non documentés, qu’il avance dans le cadre de la présente procédure ne permettent au demeurant pas de suivre une approche différente. Il est notamment erroné de prétendre, sans preuve, que la façade du bâtiment A397 n’aurait aucune valeur patrimoniale pour être différente de celle construire en 1830, alors que le rapport historique du 15 novembre 2016 indique que sa structure avait été conservée. Contrairement à ce qu’il prétend, aucune des mesures requises par la CMNS ne faisait référence à la création d’ouvertures dans le toit, celle-ci demandant uniquement des ouvertures maintenant des éléments verticaux.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que les premiers juges ont à bon droit retenu qu’en se fondant sur le préavis obligatoire, revêtant un caractère déterminant, de la CMNS, seule instance à même de se prononcer sur les questions d’ordre patrimoniales, et compte tenu de la défaillance du recourant à son devoir de collaboration, l’intimé n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation.

10) En tout point infondé, le recours doit être rejeté.

11) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 décembre 2017 par Monsieur Jean-Daniel SCHLAEPFER contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 octobre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur Jean-Daniel SCHLAEPFER un émolument de CHF 700.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur Jean-Daniel SCHLAEPFER, au département du territoire - OAC, à la Commune de Carouge, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :