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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/869/2023

JTAPI/1217/2023 du 02.11.2023 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ESTHÉTIQUE;PERMIS DE CONSTRUIRE
Normes : LCI.15
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/869/2023 LCI

JTAPI/1217/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 novembre 2023

 

dans la cause

 

A______ et B______, représentées par Me Marc-Ariel ZACHARIA, avocat, avec élection de domicile

Mesdames C______ et D______ et Monsieur E______

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

COMMUNE DE F______


EN FAIT

1.             La société A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de F______ (ci-après: la commune), sise ______, chemin des G______.

Monsieur E______ et Madame D______ sont propriétaires de la parcelle n° 2______ de la commune, à l'adresse ______, chemin des G______.

Madame C______ est propriétaire de la parcelle n° 3______ de la commune, située ______, chemin des G______.

La société B______ est propriétaire de la parcelle n° 4______ de la commune, sise ______, chemin des G______.

Toutes ces parcelles sont situées en zone villa.

2.             Le 21 décembre 2021, A______ a déposé auprès du département du territoire (ci-après: le département) une demande d'autorisation de construire portant sur l'amélioration énergétique de villas mitoyennes, sises sur les parcelles nos 5______ et 6______ – devenues les parcelles nos 1______, 2______, 3______, 4______ – ainsi que la construction de deux nouvelles maisons contiguës. Toutes ces constructions devaient être mises au bénéfice d'un standard de très haute performance énergétique (THPE) pour un indice d'utilisation du sol correspondant à un taux de 30%. Cette demande a été enregistrée sous la référence APA 7______.

3.             Lors de son instruction, plusieurs instances de préavis ont été sollicitées, notamment :

-                 le 24 janvier 2022, la direction des autorisations de construire (ci-après: DAC) a requis la production de pièces complémentaires et la modification du projet, relevant notamment que le calcul des constructions de peu d'importance (ci-après: CDPI) devait être rectifié afin de prendre en compte les garages existants et que les CDPI devaient être modifiées, précisant que le couvert assurant la mitoyenneté entre villas devait toucher les constructions concernées (et être entièrement comptabilisé) ;

-                 le 8 février 2022, la commune a sollicité la poursuite de l'instruction, relevant notamment que la coordination avec la desserte future du plan localisé de quartier (ci-après: PLQ) « chemin des G______ – chemin du H______ » à l'étude par l'office de l'urbanisme (ci-après: OU) devait être démontrée, notamment en ce qui concernait le gabarit futur nécessaire aux chemins des G______ et du H______ ;

-                 le 21 février 2022, la commission d'architecture (ci-après: la CA) a requis la modification du projet. En l'état, elle était défavorable au projet qui ne tenait pas compte de l'état existant, tant sur la parcelle qu'au niveau du site. Elle demandait que l'implantation soit repensée afin de régler les problématiques de liaisons considérées comme anecdotiques et inappropriées, celles-ci venant péjorer la composition de l'ensemble ;

-                 le 17 mai 2022, le service des monuments et des sites (ci-après: SMS) a émis un préavis défavorable, relevant qu'une procédure d'inscription à l'inventaire des bâtiments et des parcelles concernés était en cours depuis 2018.

4.      Suite au dépôt d'une nouvelle version du projet le 27 juin 2021, les préavis suivants ont notamment été recueillis :

-                 le 7 juillet 2022, la DAC a requis la modification du projet afin d'éviter des jours ouvrants à proximité des limites de propriété, selon le dossier de mutation, ainsi que le croisement de vues entre villas, les fenêtres des cages d'escaliers et des salles de bain du premier étage des villas projetées devaient être translucides et fixes, relevant au surplus que les CDPI étaient respectées ;

-                 le 3 août 2022, le SMS a réitéré son préavis défavorable ;

-                 le 21 septembre 2022, l'OU a requis la modification du projet relevant notamment que, situé en vis-à-vis, le périmètre affecté à la zone de développement 3 faisait l'objet d'un projet d'aménagement du territoire en phase de développement et que le projet devait être modifié pour que les nouvelles constructions s'inscrivent dans l'alignement des constructions existantes ;

-                 le 28 septembre 2022, la commune a requis la poursuite de l'instruction, reprenant la teneur du préavis de l'OU du 21 septembre 2022.

5.      Suite au dépôt d'une nouvelle version du projet le 25 octobre 2022, de nouveaux préavis ont été recueillis :

-                 le 26 octobre 2022, faisant suite à ses deux précédents préavis, la DAC a requis la poursuite de l'instruction par la modification du projet ainsi que la production de pièces complémentaires. En cas de maintien du bâtiment n° 8______, faisant partie des démolitions autorisées dans le cadre de la M 9______, une demande complémentaire devait être déposée, vu la modification du programme. La contiguïté entre villas devait être assurée par une CDPI. Une pergola ne rentrait pas dans cette catégorie et son pourtour ne pouvait pas être assimilé à un couvert. Le projet devait être modifié en conséquence et le calcul des CDPI rectifié en prenant en compte les surfaces assimilables aux CDPI selon la directive portant sur ces constructions ; les balcons et avant-toits non saillants étaient à comptabiliser entièrement ;

-                 le 31 octobre 2022, l'OU a préavisé favorablement le projet, sans observation ;

-                 le 7 novembre 2022, le SMS a réitéré la teneur de ses préavis défavorables ;

-                 le 23 novembre 2022, la commune s'est prononcée favorablement au projet ;

-                 le 5 décembre 2022, le service des monuments et des sites a émis un nouveau préavis défavorable : vu la valeur « intéressant » attribuée aux villas sises ______ et ______, chemin des G______, par le recensement architectural mené en 2007, soit une valeur de mise sous protection ; vu la demande de l'association Patrimoine suisse Genève du 19 février 2018 d'inscrire à l'inventaire l'ensemble des villas sises ______, chemin des G______ ; vu le périmètre du projet de développement urbain du secteur (PLQ n° 10______) ; vu les préavis de la CMNS des 16 octobre 2018, 21 janvier 2020 et 12 mai 2020 demandant notamment le maintien des parcelles en pleine terre autour des villas (jardins) et le maintien des objets patrimoniaux situés hors périmètre du PLQ précité ; vu le préavis de consultation de la CMNS du 7 décembre 2021 émis dans le cadre du développement du PLQ précité ; vu les courriers relatifs à la procédure d'inscription à l'inventaire transmis au nouveau propriétaire des villas sises ______ à ______, chemin des G______ le 5 octobre 2022 ; considérant la qualité architecturale des villas en question, appartenant à l'ensemble réalisé en 1955 sur les plans de l'Atelier d'Architecture (François Maurice, Jean-Pierre Dom et Jean Duret) pour la société coopérative « Les G______ », ensemble de maisons familiales économiques destinées aux membres fondateurs de la coopérative (employés de I______), qui pouvaient être considérés comme l'illustration de l'architecture moderne à Genève dans la période d'après-guerre.

6.             Par courriers du 27 juin et du 25 octobre 2022, sur sollicitation du département, A______ lui a indiqué qu'elle maintenait son projet, précisant qu'à son avis, les éléments de liaison permettaient de garantir l'accès piéton de certaines villas à leur jardin et que l'implantation proposée lui paraissait cohérente avec la typologie du site et le maintien de l'existant.

7.             Par décision du 2 février 2023, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire APA 7______ au motif que la clause d'esthétique n'était pas respectée, vu les préavis de la CA du 21 février 2022, de la DAC du 26 octobre 2022 et du SMS du 5 décembre 2022. Cette décision faisait aussi référence à l'art. 58 al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

8.             Par acte du 6 mars 2023, sous la plume de son conseil, A______ (ci-après: la recourante) a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal), concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

Le préavis de la CA du 21 février 2022 ayant été qualifié par le département de « non requis » sur la plateforme AC-DEMAT, il apparaissait dépourvu de tout fondement et ne pouvait lui être opposable sous peine de violer son droit d'être entendu. En outre, le préavis du 26 octobre 2022 de la DAC ne lui avait jamais été communiqué, de sorte qu'elle n'avait jamais eu l'occasion de se prononcer sur son contenu.

Si les parcelles concernées avaient fait l'objet d'un recensement architectural, aucune décision de mise à l'inventaire n'avait été prise. Ces parcelles n'apparaissaient pas non plus sur la liste des immeubles et objets inscrits à l'inventaire. En outre, la demande de l'association Patrimoine suisse Genève datait du 19 février 2018, et le département aurait dû rendre une décision dans les dix-huit mois suivants, soit fin août 2019, ce qui n'avait pas été le cas.

Le PLQ n° 10______ n'existait pas et apparaissait en tout état contraire avec une mise à l'inventaire.

9.             Par courrier du 30 mars 2023, invitée par le tribunal à se déterminer, la commune a indiqué se rapporter aux observations faites dans le cadre de l'instruction du dossier d'autorisation de construire. Ses différents préavis émis étaient joints.

10.         Par courriers des 8 et 11 mai 2023, les autres propriétaires des parcelles concernées par le projet ont déclaré se rallier au recours de A______ et faire leurs ses conclusions.

11.         Le 12 mai 2023, le département a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

À titre liminaire, il relevait que la recourante ne critiquait pas les motifs l'ayant conduit à refuser l'autorisation de construire querellée.

Au fond, la CA s'était d'entrée de cause déclarée opposée au projet, lequel ne tenait pas assez compte de l'état existant, que cela soit au niveau de la parcelle ou du site. Elle avait également indiqué que, concernant la mitoyenneté proposée entre les anciennes et les nouvelles villas, celle-ci était non seulement anecdotique et inappropriée, mais qu'elle venait également péjorer la composition de l'ensemble, ce qui amenait à exiger de la requérante une réflexion sur l'implantation proposée. Il avait été d'entrée de cause informé par la recourante de ce qu'elle n'avait pas l'intention de suivre la position émise par la CA, de sorte que cette autorité n'avait plus à être consultée. Il était en revanche faux d'affirmer que l'indication « plus requis » sur la plateforme AC-DEMAT avait pour signification qu'il avait été renoncé au préavis émis par la CA.

Dans son dernier préavis, la DAC avait constaté que l'une des liaisons proposées était composée d'une pergola, ce qui n'était pas conforme à l'art. 58 al. 2 LCI. Si ce préavis n'avait certes pas été remis à A______ afin de se déterminer à son sujet, cela était dû au fait que vu les éléments en sa possession, notamment le préavis de la CA, le département avait considéré qu'il était en état de statuer sur la demande d'autorisation de construire.

S'agissant du préavis du SMS, le département n'avait fait qu'attirer l'attention de la recourante sur le fait que le SMS s'était opposé au projet, dans la mesure où il venait porter atteinte à la qualité architecturale des maisons existantes, pour lesquelles une requête de mise à l'inventaire était en cours d'instruction. À aucun moment les normes de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) n'avaient été mentionnées dans la décision contestée. Pour cette raison, les griefs de la recourante à ce sujet n'avaient pas à être examinés. Il en allait de même s'agissant du PLQ n° 10______, auquel il n'avait jamais été fait référence.

12.         Le 7 août 2023, la recourante a répliqué, persistant en substance dans ses conclusions et son argumentation.

Le département ne pouvait pas se baser sur un prétendu refus de suivre les positions émises par l'instance de préavis, alors qu'elle avait posé des questions de coordination qui n'avaient jamais trouvé de réponses, le département étant passé à côté de questions patrimoniales. La mention « plus requis » sur la plateforme AC-DEMAT ne pouvait être objectivement interprétée autrement que comme l'expression d'une renonciation au préavis de la CA.

Le dernier préavis de la DAC du 16 octobre 2022 ne lui avait jamais été transmis et ne lui était dès lors pas opposable. Si ce préavis lui avait été transmis, elle aurait procédé aux modifications requises et, le cas échéant, elle aurait pu étudier et proposer une solution alternative.

S'agissant de la pergola, la question des CDPI avait été tranchée favorablement et la surface totale de ces constructions n'excédait pas la limite de 8%.

D'un point de vue architectural, il était pertinent de maintenir la plus grande surface de façade possible pour garantir la pérennité du lieu et du concept de l'époque. Le projet tenait ainsi compte de l'existant, tant sur la parcelle qu'au niveau du site. Concernant le couvert de liaison entre les villas des parcelles nos 2______ et 1______, physiquement, c'était le même toit qui liait ces deux villas, mais sa portion reposant sur la parcelle n° 2______ avait été partiellement couverte afin de minimiser sa surface CDPI du fait de la nouvelle division parcellaire.

Le dernier dépôt des plans corrigés avait eu lieu le 25 octobre 2022. Le 26 janvier 2023, elle avait déposé une demande de décision au département, laquelle avait été finalement rendue le 2 février 2023. Cette proximité de dates et les nombreuses incohérences dans le dossier, notamment les changements d'approches non communiqués, en particulier s'agissant des CDPI, la référence à un PLQ inexistant et l'absence de réponse à des questions de coordination laissaient apparaître que le dossier n'avait pas été traité avec la diligence requise et son instruction inachevée. Enfin, rien n'indiquait pourquoi aucune dérogation concernant la pergola n'avait été envisagée.

13.         Le 30 août 2023, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.

Si des modifications avaient certes été apportées au projet, il était faux d'affirmer que le préavis de la CA avait été suivi d'effets, l'implantation des nouvelles constructions proposées n'ayant en effet jamais été revue, ce que permettait de constater l'ensemble des plans disponibles. De plus, dans les courriers du 27 juin et 25 octobre 2022, le MPQ de la recourante indiquait, après avoir apporté des clarifications, que le projet serait maintenu en l'état. Ses explications concernant le concept architectural permettaient de constater qu'il n'y avait pas de réelles intentions de sa part de mettre en œuvre les modifications demandées par la CA.

Par ailleurs, s'agissant de la contiguïté proposée, dès son premier préavis, la direction des autorisations de construire avait clairement fait savoir qu'était réputée être en ordre contigu l'édification de maisons réunies par un mur mitoyen ou par une CDPI. La recourante avait ainsi été en mesure d'apporter les corrections nécessaires dans le cadre de l'instruction du dossier, étant précisé que les derniers plans produits permettaient de constater que, du côté Sud, ce n'était qu'une pergola qui devait offrir la contiguïté désirée.

S'agissant des préavis du SMS, il ne les avait pas pris en considération dans le cadre de la décision de refus.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             La recourante fait tout d'abord valoir un grief de nature formelle lié à la violation de son droit d'être entendu. Elle prétend que le préavis de la CA du 21 février 2022, ayant été qualifié par le département de « plus requis » - et non pas de « non requis » -, aurait pour conséquence qu'il ne lui serait pas opposable et que le préavis de la DAC du 26 octobre 2022 ne lui aurait pas été transmis, l'empêchant de se déterminer à son sujet avant le prononcé de la décision querellée.

5.             Tel que garanti par les art. 29 al. 2 la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) - qui n’a pas de portée différente dans ce contexte - le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 I 484 consid. 2.1 ; 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_374/2018 du 15 août 2018 consid. 3.2 ; 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 4.1 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2 ; ATA/134/2015 du 3 février 2015 ; ATA/66/2015 du 13 janvier 2015).

Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 135 I 279 consid. 2.6.1 ; 135 I 187 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_529/2016 du 26 octobre 2016 consid. 4.2.1 ; 5A_681/2014 du 14 avril 2015 consid. 31 ; ATA/289/ 2018 du 27 mars 2018 consid. 2b). Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2).

Le contenu du droit d’être entendu et les modalités de sa mise en œuvre sont déterminés en premier lieu par les dispositions de droit cantonal de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 8C_615/2016 du 15 juillet 2017 consid. 3.2.1 et les références citées ; ATA/289/ 2018 du 27 mars 2018 consid. 2b). Il est concrétisé à l’art. 41 LPA, selon lequel les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision.

Le droit d’être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d’une décision qui touche sa position juridique. Il comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 138 II 252 consid. 2.2 ; 138 I 484 consid. 2.1 ; 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 4.1 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATA/778/2018 du 24 juillet 2018 consid. 3a et les références citées).

6.             La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2017 du 11 décembre 2018 consid. 3.2 ; 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1) En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).

7.             En l'espèce, s'agissant de la mention « plus requis » apparaissant sur la plateforme AC-DEMAT, celle-ci ne saurait avoir les effets que lui attribue la recourante. En effet, si la terminologie retenue exprime certes une idée de renonciation, il ne saurait cependant manifestement s'agir d'une renonciation à tout préavis de la CA, mais seulement d'une renonciation à exiger de cette instance qu'elle se prononce à nouveau sur le dossier, malgré les modifications apportées au gré des versions successives. De plus, il convient de garder à l'esprit que dans le système de la LCI, les préavis n'ont par principe qu'un caractère consultatif, hormis les cas où la loi exige la consultation de certaines instances de préavis (art. 3 al. 3 LCI). Dans cette mesure, si l'on peut reprocher à l'autorité un vice d'instruction dans le cas où elle ne recueillerait pas un préavis obligatoire de par la loi, on ne saurait par principe empêcher le département de recueillir des avis consultatifs non requis par la loi. En outre, il convient de prendre en compte que l'introduction de la plateforme AC-DEMAT a notamment pour objectifs de simplifier les démarches administratives pour les administrés et d'accroître la transparence quant à leur demandes d'autorisation de construire, ce qui amène à conclure, en toute logique, que les mentions indiquées sur cette plateforme présentent, avant tout, un caractère informatif et ne sauraient déployer des effets aussi contraignants que l'entend la recourante. Au surplus, le préavis de la CA du 21 février 2022 a été rendu dans le cadre de la procédure d'instruction et, à teneur du dossier, a été soumis à la recourante en date des 11 mars 2022, 28 mai 2022, 29 septembre 2022 afin de lui permettre de se déterminer à cet égard, ce qu'elle n'a fait dans aucun de ses courriers d'observations. La possibilité de faire valoir son droit d'être entendu au sujet de ce préavis lui a ainsi été offerte à plusieurs reprises, de sorte que l'on ne saurait ainsi admettre une violation de son droit d'être entendue sur cette base.

S'agissant de l'absence de transmission du dernier préavis de la DAC du 26 octobre 2022 avant le prononcé de la décision de refus, il convient de garder à l'esprit que selon les plans des différentes versions du projet, celui-ci n'a pratiquement pas évolué entre le dépôt de la première et de la dernière version, dès lors qu'à teneur du dossier, seuls des éléments mineurs ont été modifiés. À cet égard, l'implantation des éléments assurant la contiguïté n'a notamment jamais été modifiée, malgré les remarques de la CA émises à l'occasion de son préavis défavorable du 21 février 2021, la recourante ayant même expressément indiqué au département, par courriers des 27 juin et 25 octobre 2022, que le projet serait maintenu en l'état. Dans cette mesure, tout semble indiquer que même si le département avait transmis le préavis du 26 octobre 2022 avant le prononcé de la décision de refus, selon toute vraisemblance, cela n'aurait pas modifié l'issue de la procédure d'instruction, dès lors que l'implantation du projet, notamment au sujet des éléments assurant la contiguïté des villas, n'a jamais été modifiée malgré les demandes formulées par les différentes instances de préavis, notamment la CA, au long de l'instruction du dossier. Ainsi, l'absence de transmission du préavis de la DAC du 26 octobre 2022 n'a manifestement pas eu de conséquences sur l'issue de la procédure d'instruction. Quoi qu'il en soit, la recourante a été à même de formuler ses griefs à l'égard de la décision querellée, et notamment du dernier préavis de la DAC, en toute connaissance de cause devant le tribunal de céans, de sorte qu'une éventuelle violation de son droit d'être entendu aurait, de toute façon, été guérie.

Partant, le grief sera rejeté.

8.             La recourante conteste ensuite la décision de refus et sollicite son annulation. En particulier, elle critique l'appréciation architecturale du projet effectuée par la CA, la prise en compte des CDPI par la DAC, notamment l'absence de dérogation concernant la pergola, ainsi que le contenu du dernier préavis du SMS.

9.             En préambule, le tribunal constate que la décision litigieuse a été rendue sur la base de l'art. 15 LCI, et fait mention, dans son dispositif, également de l'art. 58 al. 2 LCI. En outre, si certes aucune référence à la LPMNS n'est expressément mentionnée à l'appui du refus, la décision litigieuse indique néanmoins de manière explicite qu'elle se base notamment sur les préavis de la CA du 21 février 2022, de la DAC du 26 octobre 2022 et du SMS du 5 décembre 2022, de sorte que le département ne saurait valablement affirmer que les éléments indiqués dans le préavis du SMS n'ont pas été repris à l'appui de la décision querellée. Cela étant, vu l'issue du litige, cette remarque est dépourvue de conséquence.

10.         Selon l'art. 15 al. 1 LCI, le département peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public (art. 15 al. 1 LCI).

Sa décision se fonde notamment sur le préavis de la CA ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la CMNS. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou ses services compétents (art. 15 al. 2 LCI).

11.         La clause d'esthétique de l'art. 15 LCI fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 4b ; ATA/155/2021 du 9 février 2021 consid. 6b).

12.         L'art. 15 LCI reconnaît au département un large pouvoir d'appréciation. Ce dernier n'est limité que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/1065/2018 du 9 octobre 2018 consid. 3e et la référence citée). Constitue un abus du pouvoir d'appréciation le cas où l'autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 précité ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 179).

13.         Comme indiqué plus haut, dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 6a et les références citées).

14.         Selon une jurisprudence bien établie, la juridiction de recours observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s’est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/896/ 2021 du 31 août 2021 consid. 4d ; ATA/155/2021 du 9 février 2021 consid. 7c et 10e).

15.         En l'occurrence, lors de l'instruction de la demande d'autorisation de construire, la CA a émis un préavis défavorable retenant que le projet ne tenait pas compte de l'état existant, tant sur la parcelle qu'au niveau du site, et que l'implantation devait être repensée afin de régler les problématiques de liaisons considérées comme anecdotiques et inappropriées, celles-ci venant péjorer la composition de l'ensemble. À cet égard, rien n'amène à penser que cette instance a émis un préavis fondé sur des motifs erronés ou contraires aux objectifs visés par la LCI, ce que la recourante ne prétend au demeurant pas. En outre, bien que rendu au sujet de la première version du projet, force est de constater que la substance de celui-ci, notamment au sujet de son implantation et de ses dimensions, n'a pas évolué, de sorte que l'avis de la CA reste manifestement valable pour toutes les versions subséquentes du projet, ce que la recourante ne conteste pas non plus.

En définitive, il appert que la recourante entend avant tout tenter de substituer sa propre appréciation subjective à celle de l'instance spécialisée, sans que rien ne permette de penser que le département, en se fondant sur le préavis de la CA, aurait fait un usage excessif ou abusif de son pouvoir d'appréciation en refusant de délivrer l'autorisation de construire querellée.

Partant, ce constat, à lui seul, est déjà suffisant pour rejeter le recours, dès lors que comme l'indique le texte clair de l'art. 15 LCI, le département se fonde sur l'avis de la CA pour rendre sa décision relative à cette norme, de sorte que la question de la contiguïté des villas projetée et celle de la validité du préavis du SMS peut souffrir de rester indécise. Au demeurant, le tribunal se contentera de relever que si dans son préavis du 7 juillet 2022, la DAC avait certes indiqué que les CDPI étaient respectées, à teneur des plans des versions subséquentes du projet produits, le toit de l'élément assurant la contiguïté au niveau de la parcelle n° 2______ a été partiellement ouvert, de sorte à lui donner a priori une apparence de pergola, raison pour laquelle le département a mis en question la conformité du projet à l'art. 58 al. 2 RCI, cette question pouvant, pour rappel, souffrir de rester indécise en l'espèce. À cet égard, le tribunal relèvera uniquement que dans le cadre de l’application de l’art. 3 al. 3 RCI au sujet des CDPI, la jurisprudence a déjà été amenée à préciser qu'un aménagement extérieur au sol, non couvert et sans émergence, ne constitue pas, à l’instar d’une pergola ou de surfaces aménagées au sol destinées au stationnement des véhicules, une CDPI (JTAPI/1383/2022 du 14 décembre 2022 consid. 33, repris par l’ATA/129/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). En outre, si la recourante critique le préavis du SMS du 5 décembre 2022 dans la mesure où il fait référence à une procédure d'inscription à l'inventaire en cours des parcelles litigieuses et prend en compte du projet de PLQ n° 10______, force est de constater que ce document ne se base pas uniquement sur ces éléments, mais aussi, notamment, sur une appréciation de la qualité d'ensemble architectural des villas en question, que la recourante ne critique pas.

Partant, le grief est écarté.

16.         Mal fondé, le recours est rejeté et la décision confirmée.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2023 par A______ contre la décision du département du territoire du 2 février 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Bénédicte MONTANT et Damien BLANC, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière