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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1471/2023

JTAPI/1180/2023 du 30.10.2023 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : REGROUPEMENT FAMILIAL
Normes : LEI.43.al1; LEI.47.al4; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1471/2023

JTAPI/1180/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 octobre 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, agissant en son nom et au nom de sa fille mineure Madame B______, représentés par Me Marco ROSSI, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______,, né le ______ 1978, est ressortissant d'Égypte.

2.             Selon un extrait de naissance égyptien daté du 2 janvier 2022, Madame B______, née le ______ 2005 au Caire, ressortissante égyptienne, est la fille de M. A______ et de Madame C______, elle aussi ressortissante égyptienne.

3.             M. A______ est arrivé à Genève le 20 décembre 2003. Le 2 mars 2004, il s'est vu délivrer une autorisation de séjour, puis, le 4 février 2010, une autorisation d'établissement toujours en cours de validité.

4.             Par formulaire M adressé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 21 février 2022, il a demandé le regroupement familial en faveur de Mme B______, précisant qu'elle était arrivée à Genève le 3 janvier 2022. Il a joint à cette demande, notamment, la traduction datée du 14 février 2022 d'une déclaration notariée effectuée le 13 février 2022 par laquelle la mère de Mme B______ déclarait autoriser sa fille à partir en Suisse pour y résider avec son père, expliquant qu'elle était souvent en conflit avec sa fille et n'était plus en mesure de la prendre en charge, notamment en raison du fait qu'elle était dans la phase de l'adolescence.

5.             Par courrier du 7 décembre 2022 adressé à l'OCPM, M. A______ a expliqué que sa fille résidait en Égypte avant sa venue en Suisse et qu'elle y poursuivait ses études scolaires et habitait avec sa mère. Sa fille était venue directement d'Égypte à Genève. Il a annexé à son courrier la traduction en date du 6 décembre 2022 d'une attestation d'inscription légalisée, datée du 5 janvier 2022, émanant de la direction de l'éducation d'D______, à teneur de laquelle l'intéressée était inscrite en deuxième année secondaire pour l'année scolaire 2021/2022, en section littéraire.

6.             Par courrier du 5 janvier 2023, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de rejeter la demande de regroupement familial et lui a imparti un délai pour exercer son droit d'être entendu.

7.             Sous la plume du conseil qu'il s'est constitué à cet effet, il s'est prononcé le 3 février 2023. C'était pour des raisons familiales majeures qu'il avait sollicité le regroupement familial. Auparavant, il avait vécu pendant de nombreuses années avec son épouse, Madame E______, dont il était en train de divorcer actuellement. Il avait eu avec elle trois enfants, nés en 2012, en 2014 et en 2019, de sorte qu'il n'était alors pas en mesure d'accueillir sa fille aînée. D'autre part, jusqu'en février 2022, il n'était pas question que cette dernière vienne vivre en Suisse avec son père, puisque c'était sa mère qui en avait la garde en Égypte. Ce n'était qu'à la fin du mois de janvier 2022, alors que Mme B______ se trouvait en Suisse pour rendre visite à son père, que ce dernier avait réalisé qu'un important conflit opposait sa fille et la mère de cette dernière, qui n'était plus en mesure de prendre en charge l'enfant. C'était pour cette raison que la mère de Mme B______ avait fait une déclaration notariée autorisant l'enfant à habiter en Suisse avec son père. Mme B______ était scolarisée à Genève, bénéficiait d'une assurance-maladie et était hébergée et entretenue par son père, sans avoir besoin de faire appel à l'aide sociale. Elle parlait français et était parfaitement intégrée dans son école, ainsi qu'à Genève. Ce n'était donc aucunement pour des motifs économiques, mais en raison d'une réelle nécessité familiale, qu'il s'était vu contraint de solliciter un regroupement familial en faveur de sa fille.

8.             Par décision du 15 mars 2023, l'OCPM a rejeté la demande de regroupement familial et a prononcé le renvoi de Suisse de Mme B______. La demande de regroupement familial en faveur de Mme B______, qui allait avoir 18 ans le 7 juillet 2023, avait été déposée hors du délai légal et aucune raison familiale majeure ne justifiait un regroupement familial différé. S'agissant de la prise en compte de l'intérieur supérieur des enfants, sous l'angle des dispositions internationales en la matière, il apparaissait que Mme B______ était arrivée en Suisse alors qu'elle était âgée de 17 ans. Bien qu'elle soit adolescente, elle était encore en train de fréquenter des classes d'accueil et de développement, de sorte que sa réintégration dans son pays d'origine ne devrait pas lui poser des problèmes insurmontables.

9.             Par acte du 27 avril 2023, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant principalement à son annulation et préalablement à son audition, ainsi qu'à celle de Mme B______.

En raison des très forts liens familiaux qui le liaient à sa fille et que cette dernière avait également noué avec ses demi-frères et sœurs vivant à Genève, les membres de la famille devaient bénéficier du respect de leur vie privée et familiale. Mme B______ partageait le même domicile que son père depuis plus d'un an et voyait régulièrement ses demi-frères et sœurs, qu'elle considérait comme ses frères et sœurs à part entière. L'OCPM n'avait pas examiné le dossier avec toute la bienveillance et l'humanité requise et n'avait pas tenu compte de l'intérêt supérieur de Mme B______ à pouvoir demeurer auprès de son père, vu les risques de fuite si elle devait retourner auprès de sa mère et vu le fait que son développement harmonieux ne serait plus garanti dans ce cas. Elle avait le droit d'être protégée par son père et de bénéficier des soins adéquats que ce dernier voulait lui apporter.

10.         Par écritures du 30 juin 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Mme B______ avait toujours vécu dans son pays natal auprès de sa mère, séparée de son père avec lequel elle n'avait d'ailleurs jusqu'ici aucun lien, ni avec ses demi-frères et sœurs. Les tensions avec sa mère ne constituaient pas en soi un changement notable de sa situation personnelle. Le défaut de prise en charge adéquate de l'adolescente, qui serait majeure d'ici très peu de temps, n'avait pas été suffisamment démontré. Il ne semblait pas qu'elle avait besoin d'un encadrement particulier.

11.         M. A______ a répliqué par écritures du 10 août 2023, reprenant en substance ses explications précédentes.

12.         Par courrier du 4 septembre 2023, l'OCPM a indiqué n'avoir pas d'observations complémentaires à formuler

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Préalablement, le recourant demande que le tribunal procède à son audition ainsi qu'à celle de sa fille.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références).

Il comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

5.             Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; 1C_212/2018 du 24 avril 2019 consid. 4.1).

6.             En l'espèce, on ne voit pas ce que la procédure écrite aurait empêché le recourant d'exprimer de manière complète au sujet de la situation de sa fille. Il a donné de manière circonstanciée les explications permettant de comprendre les motifs de la requête qu'il avait adressée à l'autorité intimée, ainsi que ceux pour lesquels il s'oppose à la décision litigieuse. Le fait que, lors d'une audience, lui-même ou sa fille puissent donner au tribunal davantage de détails sur la mésentente entre cette dernière et sa mère, ne changerait rien au fait que cette circonstance n'est de toute manière pas propre à constituer une raison familiale majeure justifiant un regroupement familial différé, ainsi qu'on va le voir ci-après.

7.             Il ne se justifie donc pas de procéder à son audition ainsi qu'à celle de sa fille, étant précisé que l'art. 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996 – Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), qui garantit à l'enfant capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, ne lui confère pas le droit inconditionnel d'être entendu oralement et personnellement dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant. Il garantit seulement qu'il puisse faire valoir d'une manière appropriée son point de vue, par exemple dans une prise de position écrite de son représentant (ATF 136 II 78 consid. 4.8 ;124 II 361 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_356/2014 du 27 août 2014 consid. 4.1 ; ATA/26/2017 du 17 janvier 2017 consid. 3d).

8.             Il convient à présent d'examiner le fond du litige.

9.             Selon l'art. 43 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation d’établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité aux conditions suivantes:

a. ils vivent en ménage commun avec lui;

b. ils disposent d’un logement approprié;

c. ils ne dépendent pas de l’aide sociale;

d. ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile;

e. la personne à l’origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (LPC)70 ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial.

Selon l'art. 47 al. 1 LEI, le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de 12 ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de 12 mois. L'al. 3 de la même disposition prévoit que les délais commencent à courir, pour les membres de la famille d’étrangers, lors de l’octroi de l’autorisation de séjour ou d’établissement ou lors de l’établissement du lien familial (let. b). Passé ce délai, le regroupement familial différé n’est autorisé que pour des raisons familiales majeures. Si nécessaire, les enfants de plus de 14 ans sont entendus (art. 47 al. 4 LEI).

10.         Selon le texte clair de l'art. 47 al. 1 LEI, le délai est respecté si la demande de regroupement familial est déposée avant son échéance. Comme le délai dépend de l'âge de l'enfant, le moment du dépôt de la demande est également déterminant à ce dernier égard (ATF 136 II 78 consid. 3.4).

Le Tribunal fédéral a précisé que même si le législateur a voulu soutenir une intégration des enfants le plus tôt possible, les délais fixés par la loi sur les étrangers ne sont pas de simples prescriptions d'ordre, mais des délais impératifs, leur stricte application ne relevant dès lors pas d'un formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2015 du 23 juillet 2015 consid. 2.3).

À teneur des dispositions transitoires, les délais prévus par l’art. 47 al. 1 LEI commencent à courir à l'entrée en vigueur de la loi, le 1er janvier 2008, dans la mesure où l'entrée en Suisse ou l'établissement du lien familial sont antérieurs à cette date (art. 126 al. 3 LEI).

Celles-ci peuvent être invoquées, selon l’art. 75 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), lorsque le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse. C'est notamment le cas lorsque des enfants se trouveraient livrés à eux-mêmes dans leur pays d'origine (par exemple en cas de décès ou de maladie de la personne qui en a la charge, ATF 126 II 329). Dans ce contexte, c'est l'intérêt de l'enfant et non les intérêts économiques, comme la prise d'une activité lucrative en Suisse, qui prime (cf. Message concernant la loi sur les étrangers FF 2002 p. 3549 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_887/2014 du 11 mars 2015 consid. 3.1 et référence).

Il ressort du ch. 6 "Regroupement familial" des directives et commentaires édictés par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) dans le domaine des étrangers (ci-après : directives LEI) que, dans l'intérêt d'une bonne intégration, il ne sera fait usage de l'art. 47 al. 4 LEI qu'avec retenue (cf. ch. 6.10.3 ; état au 1er janvier 2019). Selon la volonté du législateur, l'octroi d'une autorisation en vue de regroupement familial, lorsque la demande déposée en ce sens intervient en dehors des délais prévus à cet effet, doit rester l'exception et ne pas constituer la règle (cf. notamment arrêts du TF 2C_781/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.2; 2C_767/2015 du 19 février 2016 consid. 5.1.1).

11.         D’après la jurisprudence rendue sous l'empire de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE – RS 1 113), applicable au nouveau droit (ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 in fine), le regroupement familial partiel différé est soumis à des conditions strictes. Il suppose la survenance d’un changement important des circonstances, notamment d'ordre familial, rendant nécessaire la venue de l'enfant en Suisse, comme par exemple une modification des possibilités de sa prise en charge éducative à l'étranger (ATF 136 II 78 consid. 4.1) ; les motifs (et les preuves) susceptibles de justifier le regroupement familial tardif d'un enfant sont soumis à des exigences d'autant plus élevées que l'enfant est avancé en âge, a vécu longtemps séparé de son parent établi en Suisse et a accompli une partie importante de sa scolarité dans son pays d'origine (ATF 136 II 78 consid. 4.1 ; 133 II 6 consid. 3.1 et 3.3 ; 130 II 1 consid. 2 ; 124 II 361 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_544/2007 du 7 décembre 2007 consid. 4.1). Lorsque le regroupement familial est demandé à raison de changements importants des circonstances à l'étranger, notamment dans les rapports de l'enfant avec le parent qui en avait la charge, il convient d'examiner s'il existe des solutions alternatives permettant à l'enfant de rester où il vit; cet examen sera d’autant plus important s’il s’agit d’adolescents (ATF 133 II 6 consid. 3.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_905/2015 du 22 décembre 2015 consid. 4.2; 2C_438/2015 précité consid. 5.1). D'une manière générale, plus le jeune a vécu longtemps à l'étranger et se trouve à un âge proche de la majorité, plus les motifs propres à justifier le déplacement de son centre de vie doivent apparaître sérieux et solidement étayés.

Par ailleurs, la reconnaissance d’un droit au regroupement familial suppose que le parent établi en Suisse ait maintenu avec ses enfants une relation familiale prépondérante en dépit de la séparation et de la distance (ATF 133 II 6 consid. 3.1 ; ATA/495/2017 du 2 mai 2017 consid. 6a). On peut notamment admettre qu’il y a une relation familiale prépondérante entre les enfants et le parent vivant en Suisse lorsque celui-ci a continué d’assumer de manière effective pendant toute la période de son absence la responsabilité principale de leur éducation, en intervenant à distance de manière décisive pour régler leur existence sur les questions essentielles. Pour autant, le maintien d'une telle relation ne signifie pas encore que le parent établi en Suisse puisse faire venir ses enfants à tout moment et dans n'importe quelles conditions. Il faut, comme dans le cas où les deux parents vivent en Suisse depuis plusieurs années séparés de leurs enfants, réserver les situations d’abus de droit, soit notamment celles dans lesquelles la demande de regroupement vise en priorité une finalité autre que la réunion de la famille sous le même toit. Par ailleurs, indépendamment de ces situations d’abus, il convient, surtout lorsque la demande de regroupement familial intervient après de nombreuses années de séparation, de procéder à un examen d’ensemble des circonstances portant en particulier sur la situation personnelle et familiale de l’enfant et sur ses réelles possibilités et chances de s’intégrer en Suisse et d’y vivre convenablement. Pour en juger, il y a notamment lieu de tenir compte de son âge, de son niveau de formation et de ses connaissances linguistiques. Un soudain déplacement de son centre de vie peut en effet constituer un véritable déracinement pour lui et s’accompagner de grandes difficultés d’intégration dans le nouveau cadre de vie ; celles-ci seront d’autant plus probables et potentiellement importantes que son âge sera avancé (ATF 133 II 6 consid. 3.1.1 ; ATF 129 II 11 consid. 3.3.2).

Il s'agit en outre d'éviter que des demandes de regroupement familial soient abusivement déposées en faveur d'enfants qui sont sur le point d'atteindre l'âge de travailler, le but visé en premier lieu, dans ces cas, n'étant pas une vie familiale, mais un accès facilité au marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2C_532/2012 consid. 2.2.2).

Ainsi, le regroupement familial ne saurait être motivé principalement par des arguments économiques (meilleures perspectives professionnelles et sociales en Suisse) ou par la situation politique dans le pays d’origine (directives LEI, ch.. 6.10.4).

Au surplus, le parent qui requiert le regroupement familial doit disposer de l'autorité parentale ou au moins du droit de garde sur l'enfant (ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 p. 290; cf. aussi arrêt 2C_793/2011 du 22 février 2012 consid. 2.4 et les références). En effet, le regroupement familial doit être réalisé en conformité avec les règles du droit civil régissant les rapports entre parents et enfants et il appartient aux autorités compétentes en matière de droit des étrangers de s'en assurer (ATF 136 II 78 consid. 4.8). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cet examen doit se faire sur la base des pièces produites, étant rappelé que le parent qui sollicite le regroupement familial avec son enfant est tenu de collaborer à la remise des documents permettant d'établir l'existence d'un droit à vivre avec ce dernier en Suisse sous l'angle du droit civil (cf. arrêt du TF 2C_132/2011 du 28 juillet 2011 consid. 6.2.1).

12.         Le fait de placer les autorités devant le fait accompli en faisant venir ses enfants avant l'obtention de l'autorisation nécessaire est un comportement qui ne doit pas être favorisé. Il convient dès lors de se montrer strict. Il n'est ainsi pas exclu que si un parent fait venir clandestinement un enfant en Suisse, alors que celui-ci résidait auparavant à l'étranger, l'intérêt public à ne pas encourager ce type de comportement puisse l'emporter sur l'intérêt au regroupement familial partiel en Suisse (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2012 du 13 février 2013 consid. 4.5.2 ; cf. aussi arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1419/2015 du 11 février 2016 consid. 8.2.1). Le parent doit ainsi s'attendre à ce que les autorités se préoccupent davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; 111 Ib 213 consid. 6b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 ; 1C_269/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.1 et les références citées).

13.         Les raisons familiales majeures pour le regroupement familial différé doivent être interprétées d’une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale (art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_781/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.2; 2C_438/2015 du 29 octobre 2015 consid. 5.1 ; 2C_1129/2014 du 1er avril 2015 consid. 3.2 ; 2C_1013/2013 du 17 avril 2014 consid. 3.1).

Aux termes de l'art. 8 § 1 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue un droit d'entrée et de séjour en Suisse, ni non plus, pour un étranger, le droit de choisir le lieu de domicile de sa famille (cf. ATF 142 II 35 consid. 6.1; 139 I 330 consid. 2). Ainsi, lorsqu'un étranger a lui-même pris la décision de quitter sa famille pour aller vivre dans un autre État, ce dernier ne manque pas d'emblée à ses obligations de respecter la vie familiale s'il n'autorise pas la venue des proches du ressortissant étranger ou la subordonne à certaines conditions (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C 1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.1 et 2C 1075/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1). Une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 § 1 CEDH est possible aux conditions de l'art. 8 § 2 CEDH. La question de savoir si, dans un cas d'espèce, les autorités compétentes sont tenues d'accorder une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence (cf. ATF 137 I 284 consid. 2.1 et les références citées). S'agissant d'un regroupement familial, il convient notamment de tenir compte dans la pesée des intérêts des exigences auxquelles le droit interne soumet celui-ci (cf. ATF 137 I 284 consid. 2.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.1 et 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.1). Il n'est en effet pas concevable que, par le biais de l'art. 8 CEDH, un étranger qui ne dispose, en vertu de la législation interne, d'aucun droit à faire venir sa famille proche en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées par les art. 42 ss LEI ne soient réalisées (arrêts 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.1;

La jurisprudence relative à l'art. 8 CEDH dans le cadre du regroupement familial partiel relève que le parent qui a librement décidé de venir en Suisse et d'y vivre séparé de sa famille pendant de nombreuses années ne peut normalement pas se prévaloir d'un droit au regroupement familial en faveur de ses enfants restés au pays lorsqu'il entretient avec ceux-ci des contacts moins étroits que l'autre parent ou les membres de la famille qui en prennent soin, et qu'il peut maintenir les relations existantes (ATF 133 II 6 consid. 3.1.2 p. 10 et les arrêts cités; ATF 2C_941/2010 du 10 mai 2011).

Néanmoins, un droit au regroupement familial partiel ne doit pas être d'emblée exclu, même s'il est exercé plusieurs années après la séparation de l'enfant et son parent établi en Suisse et si l'enfant est alors déjà relativement avancé en âge. Ainsi, le Tribunal fédéral a admis des demandes de regroupement familial (différé) en faveur d'adolescents ou d'enfants proches de la majorité lorsque des motifs importants imposaient une modification de leur prise en charge éducative (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2A.123/1999 du 26 juillet 1999 et 2A.340/2000 du 27 octobre 2000). La jurisprudence ne pose aucune règle rigide en la matière, mais invite au contraire, dans la ligne de la pratique de la Cour européenne des droits de l’homme, à procéder à un examen individuel de chaque cas d'espèce. L'appréciation doit se faire sur la base de l'ensemble des circonstances et tenir particulièrement compte de la situation personnelle de l'enfant (liens familiaux et sociaux et possibilité de prise en charge éducative dans son pays), de ses chances d'intégration en Suisse (compte tenu notamment de son âge, de son niveau scolaire et de ses connaissances linguistiques), du temps qui s'est écoulé depuis la séparation d'avec son parent établi en Suisse, de la situation personnelle de celui-ci (notamment aux plans familial et professionnel) et des liens qui les unissent l'un à l'autre. On peut ainsi admettre qu'il y a une relation familiale prépondérante entre l'enfant et le parent vivant en Suisse lorsque celui-ci a continué d'assumer de manière effective pendant toute la durée de son absence la responsabilité principale de son éducation au point de reléguer le rôle de l'autre parent à l'arrière-plan. Si tel est le cas, il y a lieu d'examiner les possibilités et chances de l'enfant de s'intégrer en Suisse (ATF 133 II 6 consid. 3.1.1).

Les relations visées à l'art. 8 CEDH sont avant tout celles qui existent entre époux, ainsi que les relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 127 II 60 consid. 1d/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_952/2016 du 10 octobre 2016 consid. 3.1 ; 2C_251/2015 du 24 mars 2015 consid. 3).

14.         En l'espèce, le tribunal relèvera d'emblée que l'objet du litige ne permet pas de tenir compte du simple souhait du recourant et de sa fille, aussi compréhensible soit-il, de demeurer réunis en Suisse. En effet, cette question ne pourrait être examinée que dans le cadre d'un regroupement familial déposé dans les délais prévus par l'art. 47 al. 1 LEI, tandis que le regroupement familial différé prévu par l'art. 47 al. 4 LEI oblige à ne prendre en considération que des raisons qui, selon la jurisprudence rappelée plus haut, trouvent essentiellement leur source dans le pays où vivait jusque-là la personne pour laquelle le regroupement est sollicité. De la même manière, le fait que la fille du recourant se sente déjà bien intégrée en Suisse et ne souhaite pas retourner en Égypte n'est pas un critère entrant en ligne de compte dans l'application de l'art. 47 al. 4 LEI, mais cas échéant dans le cadre de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, lequel n'est pas invoqué par le recourant et ne trouve de toute manière pas application en l'espèce, vu son caractère extrêmement restrictif.

L'unique motif invoqué par le recourant à l'appui de sa requête de regroupement familial consiste dans la mésentente qui s'est instaurée entre sa fille et la mère de cette dernière, qui avaient jusque-là toujours vécu ensemble. Le recourant a précisé à cet égard que cette mésentente était liée à la phase difficile de l'adolescence de sa fille. À l'évidence, compte tenu de la jurisprudence citée plus haut, qui rappelle que les raisons familiales majeures de l'art. 47 al. 4 LEI doivent être admises avec retenue et que les motifs susceptibles de justifier le regroupement familial tardif d'un enfant sont soumis à des exigences d'autant plus élevées que l'enfant est avancé en âge, a vécu longtemps séparé de son parent établi en Suisse et a accompli une partie importante de sa scolarité dans son pays d'origine, le seul fait que la mère de l'enfant connaisse en l'espèce des difficultés au moment où celle-ci traverse la période de l'adolescence ne saurait être pris en considération au titre de raisons familiales majeures, ce d'autant que la fille du recourant, qui a désormais atteint ses 18 ans, sortira prochainement de l'adolescence.

Le tribunal ajoutera que s'il fallait admettre comme motif de regroupement familial différé la crise de l'adolescence et les difficultés qui peuvent en découler entre l'enfant et le parent gardien, le caractère restrictif de l'art. 47 al. 4 LEI deviendrait en réalité un moyen extrêmement simple et répandu d'obtenir ce regroupement.

15.         Au vu de ce qui précède, il apparaît que le refus du regroupement familial était parfaitement justifié et la décision litigieuse sera confirmée sur ce point.

16.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

17.         Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1; cf. aussi not. ATA/954/2018 du 18 septembre 2018 consid. 9).

18.         En l'espèce, dès lors qu'elle a refusé de délivrer une autorisation de séjour pour regroupement familial à la fille du recourant, l'autorité intimée devait en soi ordonner le renvoi de Suisse de cette dernière en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, aucun élément ne laissant pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

19.         Intégralement infondé, le recours sera donc rejeté.


 

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-.

21.         Le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

22.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

23.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 avril 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 15 mars 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière