Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/3245/2022

JTAPI/531/2023 du 11.05.2023 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMENDE;PROPORTIONNALITÉ;TRAVAUX DE CONSTRUCTION
Normes : LCI.137; LCI.151; RChant.333; CP.49
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3245/2022 LCI

JTAPI/531/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 mai 2023

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Joël CHEVALLAZ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA, inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 23 juillet 2008, a pour but « mandats et travaux d'architectures, d'engineering, d'ingénieurs civils et d'urbanisme ainsi qu'études techniques s'y rapportant ».

2.             À teneur de l’avis d’ouverture de chantier du 26 mars 2021, des travaux liés à l'autorisation de construire DD 1______, sis sur la parcelle n° 2______ de la commune de B______, à l'adresse rue du C______ 3______, ont débuté le 26 avril 2021.

Le mandataire était A______ SA, soit pour elle Monsieur D______ en sa qualité d'architecte mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ).

3.             Le 31 mars 2022, un inspecteur du département du territoire (ci-après : DT ou le département) a procédé à un contrôle sur ce chantier.

4.             Selon le rapport d'enquête du 11 avril 2022, établi suite à ce contrôle, le chantier précité ne se déroulait pas dans le respect des dispositions prévues par le règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03), notamment ses art. 1, 3 al. 1 et 7 al. 1 :

-          la distance entre l'échafaudage et la façade était supérieure aux 30 cm autorisés, mettant ainsi en danger les ouvriers, ce qui contrevenait à l'art. 112 RChant ;

-          la configuration du pont de couvreur n'était pas respectée, ce qui contrevenait aux art. 41 al. 2 let. e et 59 de l'ordonnance sur la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans les travaux de construction du 29 juin 2005 (Ordonnance sur les travaux de construction, OTConst - RS 832.311.141) ;

-          l'échafaudage au droit du pignon de la toiture était absent, mettant ainsi en danger les ouvriers et le public de la parcelle voisine, ce qui contrevenait aux art. 55 al. 1 let. a et 92 RChant.

Des photographies du chantier étaient annexées au rapport d'enquête.

5.             Par courrier du 20 avril 2022, le département a interpellé A______ SA quant aux faits constatés. Quand bien même une situation conforme au droit avait été rétablie, un délai de dix jours pour se prononcer lui a été imparti.

6.             Par courrier électronique du 21 avril 2022, A______ SA a transmis le courrier du DT à E______ SA, avec F______ SA en copie. Cela faisait des semaines qu'elle l'informait que l'échafaudage n'était pas conforme. Durant les séances de chantier, elle avait, à plusieurs reprises, fait part de son mécontentement à ce titre. Il était inadmissible en tant que direction de chantier d'arriver à ce stade. Des mesures nécessaires pour pallier aux manquement devaient être prises, à défaut de quoi, et en fonction de ses discussions avec l'inspecteur du DT, la fermeture du chantier serait prononcée.

7.             Par courrier du 22 avril 2022, A______ SA a expliqué au département que son mandat d'architecte se limitait à l'étude du projet, l'établissement du dossier complet et l'obtention de l'autorisation de construire ainsi qu'à l'établissement de plans. En sa qualité de MPQ, elle avait comme seul autre mandat « la direction architecturale, sans surveillance de chantier ». La responsabilité des travaux de construction avait été adjugée à l'entreprise F______ SA, en sa qualité d'entreprise générale totale liée contractuellement avec chacun des propriétaires et agissant comme maître d'ouvrage. Ainsi, elle n'avait aucun droit de décision quant à la réalisation du projet de construction et au choix des entreprises mandataires adjudicataires, et ne pouvait être tenue responsable des manquements relevés. Suite au courrier du département, bien qu'elle n'était pas responsable, vu de la gravité des faits constatés, elle avait immédiatement interpellé les personnes concernées.

A cet égard, elle a produit une copie de son courrier électronique du 21 avril 2022 adressé à E______ SA, en sa qualité de direction des travaux, avec F______ SA en copie.

8.             Par décision du 1er septembre 2022, le département a infligé une amende de CHF 1'000.- à A______ SA, soit pour elle M. D______, en sa qualité de personne morale chargée de la surveillance des travaux au sens de l'art. 1 al. 2 RChant. Le montant de l'amende tenait compte de la gravité tant objective que subjective du comportement tenu (dossier d'infraction n° I/4______).

9.             Par acte du 3 octobre 2022, A______ SA, sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

Le département avait mal constaté les faits. Elle n'avait agi qu'en qualité de direction architecturale, chargée d'établir les plans de construction et d'adjuger la réalisation des travaux à une entreprise générale. Son intervention durant la phase de réalisation des travaux se limitait à une supervision de la concordance de l'exécution des travaux avec la conception architecturale de base. F______ SA avait été mandatée en qualité d'entreprise générale, laquelle avait sous-traité les tâches de direction des travaux et de surveillance du chantier à E______ SA. Partant, la surveillance du chantier incombait à F______ SA et E______ SA, ces deux sociétés étant les seules à disposer d'un pouvoir d'instruction envers la société d'échafaudages pour l'obliger à corriger l'installation de l'échafaudage. Partant, c'était à tort que l'autorité intimée l'avait considéré comme étant une personne morale chargée de la surveillance des travaux. Enfin, malgré ses interpellations au sujet de la non-conformité de l'échafaudage, E______ SA n'avait pas fait figurer ce point dans les procès-verbaux de chantier.

Elle a produit un bordereau de pièces.

10.         Le 5 décembre 2022, le département a transmis son dossier d'infraction accompagné de ses observations, concluant au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

La recourante était clairement une participante à l'acte de construire, ce qui se reflétait notamment par sa présence aux réunions de chantier lors desquelles elle avait d'ailleurs informé, durant plusieurs semaines, les autres acteurs du chantier que l'échafaudage n'était pas conforme. Elle avait en outre procédé elle-même à l'adjudication des travaux à une entreprise générale et employait le terme de MPQ en charge du projet, soit la personne en charge de la direction des travaux selon l'art. 6 al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), concevant dès lors une responsabilité en raison de ce statut. Par conséquent, c'était à juste titre qu'elle avait été sanctionnée par une amende, ayant toléré, sur une certaine durée, la présence d'un échafaudage non conforme. En constatant que la non-conformité de l'échafaudage perdurait, elle aurait dû prendre une mesure active pour remédier à la situation, voire mettre un terme à son mandat, du moins en tant que MPQ et personne en charge de la direction des travaux. Enfin, le montant de l'amende se situait dans le bas de la fourchette des amendes possibles et s'avérait être la plus faible infligée dans cette affaire, étant précisé que trois autres sociétés avaient également été amendées (une à un montant de CHF 3'000.- et deux à un montant de CHF 2'000.-), reflétant parfaitement la responsabilité secondaire de la recourante par rapport aux autres sociétés dont la passivité justifiait une sanction plus élevée.

11.         Le 17 janvier 2023, dans le délai prolongé par le tribunal, la recourante, sous la plume de son conseil, a répliqué. Selon la répartition concrète des responsabilités sur le chantier, la surveillance de l'exécution des travaux incombait uniquement à F______ SA et E______ SA. Elle avait néanmoins pris des mesures actives pour remédier à la situation. Elle avait en particulier régulièrement rappelé à l'entreprise générale et à la direction des travaux que l'échafaudage devait être conforme aux normes. A cet égard, elle s'était assurée auprès de la direction des travaux du suivi des modifications demandées par l'inspecteur du département. Après réception du courrier du 20 avril 2022, elle avait immédiatement informé F______ SA et E______ SA envisager la fermeture du chantier en cas de discussion négative avec l'inspecteur du département. Ce n'était que parce que l'inspecteur avait lui-même pris l'initiative de suspendre les travaux liés à l'échafaudage après leur entretien téléphonique qu'elle n'avait pas pu prendre cette mesure elle-même. En tout état et dans ces circonstances, le montant de l'amende litigieuse était disproportionné, notamment en comparaison avec les amendes infligées aux autres sociétés concernées.

12.         Par duplique du 10 février 2023, le département a persisté dans ses conclusions et déterminations. Le fait que la recourante était en mesure d'ordonner la fermeture du chantier et de prendre des mesures actives démontrait son rôle prépondérant dans le déroulement global du chantier et confirmait sa capacité à jouer un rôle actif (directement ou indirectement) dans le rétablissement d'une situation conforme. La « supervision de la concordance de l'exécution des travaux », tel qu'avancé par la recourante, impliquait également que des travaux n'aient pas à être effectués tant qu'un échafaudage nécessaire à ce titre n'était pas strictement conforme au RChant et autres prescription en la matière. De plus, le MPQ assumait non pas la « direction architecturale du chantier », notion qui n'était pas connue de la loi, mais bien la direction des travaux conformément à l'art. 6 al. 1 LCI. La recourante était ainsi un acteur incontournable du chantier, avec une capacité d'influer sur son déroulement, respectivement sa conformité au RChant, étant toutefois précisé qu'elle n'avait jamais été considérée comme ayant un rôle prépondérant dans l'infraction constatée, de sorte que l'amende prononcée à son encontre était la plus modérée en comparaison avec le montant des autres amendes infligées. Enfin, concernant le montant de l'amende, il était rappelé que la non-conformité de l'échafaudage avait non seulement mis en danger les ouvriers présents sur le chantier, mais également les utilisateurs de la parcelle adjacent (absence d'échafaudage au droit du pignon de la toiture), les photographies du dossier attestant de la présence d'une terrasse voisine à proximité immédiate du chantier.

13.         Le détail des pièces et des écritures sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             À titre préalable, la recourante sollicite sa comparution personnelle, ainsi que l'audition de M. D______ et de ses employés, Madame G______ et Monsieur H______, afin de témoigner en particulier du fait que la recourante était chargée de la direction architecturale du projet et que F______ SA était chargée de la direction des travaux.

4.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

5.             Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l’instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1).

6.             Toutefois, ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).

7.             En l'espèce, la recourante a eu l’occasion de s’exprimer par écrit à plusieurs reprises durant la présente procédure et celle devant le département, d’exposer son point de vue et de produire toutes les pièces qu’elle estimait utiles à l’appui de ses allégués, sans qu'elle n'explique quels éléments la procédure écrite l’aurait empêchée d'exprimer de manière pertinente et complète. L’autorité intimée a également répondu à son recours, se prononçant sur les griefs qu’elle estimait pertinents pour l’issue du litige et la recourante s'est vue octroyer la possibilité de répliquer, ce qu'elle a fait. Le dossier comporte en outre tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige. S'agissant des explications qui découleraient de l'audition des personnes concernées, elles ne reflètent quoi qu'il en soit qu'une appréciation – au demeurant erronée – sur le rôle et la responsabilité que la recourante avait par rapport au chantier. Il n’y a dès lors pas lieu de procéder à la comparution personnelle de la recourante et aux auditions qu'elle sollicite.

8.             La recourante ne conteste ni les faits constatés lors de la visite effectuée le 31 mars 2022 par l'inspection des chantiers et relatés dans le rapport du 11 avril 2022, ni que ces faits constituent des infractions aux art. 1 et ss du RChant, en particulier ses 55 al. 1 let. a, 92 et 112, ainsi qu'aux art. 41 al. 1 et 2 let. e, 46 al. 2 et 59 OTConst.

9.             En revanche, elle conteste sa responsabilité. Elle fait en particulier valoir que son mandat ne s'étendait pas à l'exécution des travaux ni à la surveillance du chantier, la responsabilité des infractions reprochées incombant exclusivement à F______ SA et E______ SA. Elle considère en outre qu'en ayant instruit les entreprises quant à leurs devoirs de respecter les règlements en vigueur en matière de sécurité sur les chantiers, puis en ayant immédiatement réagi, dès le signalement des irrégularités, en interpellant les entreprises compétentes pour mettre en œuvre les mesures de sécurité requises, elle avait respecté toutes ses obligations et n'avait commis aucune faute. Enfin, elle conteste le montant de l'amende de CHF 1'000.- infligée à son encontre.

10.         Il convient dans un premier temps d'examiner, si, comme le soutient la recourante, l'amende litigieuse ne serait pas justifiée dans son principe.

11.         De façon générale, la police des constructions institue un système d'autorisation dans lequel les architectes mandataires jouent un rôle central. Ainsi prévoit-elle que toute demande d'autorisation doit être établie et signée par une personne inscrite au tableau des MPQ (art. 2 al. 3 LCI).

Aux termes de l’art. 6 LCI, la direction des travaux dont l’exécution est soumise à autorisation de construire doit être assurée par un mandataire inscrit au tableau des MPQ, dont les capacités professionnelles correspondent à la nature de l’ouvrage. Demeurent réservées les constructions ou installations d’importance secondaire, qui font l’objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire (al. 1). Le mandataire commis à la direction des travaux en répond à l’égard de l’autorité jusqu’à réception de l’avis d’extinction de son mandat (al. 2).

12.         Conformément à l’art. 151 LCI, le Conseil d’État fixe par règlements les dispositions relatives à la sécurité et la salubrité des constructions et installations de tout genre, qu’elles soient définitives ou provisoires (let. c), à la sécurité et à la prévention des accidents sur les chantiers (let. d).

13.         La prévention des accidents sur les chantiers et les mesures à prendre pour assurer la sécurité des travailleurs, du public, des ouvrages et de leurs abords sont réglées par les dispositions du RChant (art. 1 al. 1 RChant).

14.         En tant qu'elles ne sont pas déjà incorporées dans son texte, les ordonnances du Conseil fédéral sur la prévention des accidents, au nombre desquelles figure notamment l'OTConst (cf. art. 1 OTConst), en font partie intégrante (art. 2 al. 1 RChant).

15.         Tous les participants à l'acte de construire, démolir, transformer, entretenir, c'est-à-dire toutes les personnes exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil, ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet et les personnes chargées de la surveillance des travaux, notamment pour le compte des bureaux d’ingénieurs, d’architectes, des entreprises générales et des coordonnateurs de sécurité et de santé, sont tenus de se conformer aux prescriptions légales sur la prévention des accidents sur les chantiers (art. 1 al. 2 RChant).

16.         Le travail doit s'exécuter en prenant, en plus des mesures ordonnées par le règlement, toutes les précautions commandées par les circonstances et par les usages de la profession (art. 3 al. 1 RChant).

17.         De façon générale, sur un chantier, les installations et autres aménagements doivent être étudiés de manière à permettre l’application de toutes les mesures de sécurité et de protection de la santé (art. 7 al. 1 RChant).

Les contrôles de l'administration ne libèrent pas les intéressés de leurs obligations et de leur responsabilité (art. 331 RChant).

18.         La chambre administrative et le tribunal accordent généralement une valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017 ; ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 ; ATA/902/2016 du 25 octobre 2016 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par les agents du DT, qui sont des fonctionnaires ayant mandat de veiller à l’application de la loi dans l’exercice de leurs activités (cf. ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017 ; ATA/573/2017 du 23 mai 2017).

19.         Selon l'art. 333 RChant, tout contrevenant aux dispositions du RChant est passible des peines prévues par la LCI (voir aussi ATA/611/2004 du 5 août 2004, consid. 12 ; ATA/640/1999 du 2 novembre 1999, consid. 4a).

Est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant aux règlements et arrêtés édictés conformément à l'art. 151 LCI, respectivement aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (art. 137 al. 1 let. b et c LCI et art. 334 RChant).

Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité et les cas de récidive (art. 137 al. 3 LCI). Si l'infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en commandite, d'une société en nom collectif ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom, la personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondant solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu'il n'apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (art. 137 al. 4 LCI).

20.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 4 ; ATA/206/2020 du 25 février 2020, consid. 4b ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020, consid. 7b). En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y a en effet lieu de faire application des dispositions générales (art. 1 à 110) du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

La punissabilité du contrevenant exige que celui-ci ait commis une faute. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) ; ATA/206/2020 précité, consid. 4c ; ATA/13/2020 précité, consid. 7c et les références citées).

21.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/206/2020 précité, consid. 4c ; ATA/13/2020 précité, consid. 7c et les références citées).

22.         En l'espèce, la recourante fait valoir qu'elle n'était chargée ni de la direction des travaux ni de l'exécution du chantier, ces tâches ayant été confiées à une entreprise générale.

Elle ne saurait être suivie. En effet, dans le cadre des travaux de construction autorisés, la recourante a agi en qualité de MPQ aux yeux du département, ce qu'elle reconnaît et qui ressort d'ailleurs également de l'avis d'ouverture de chantier. Il sera rappelé qu'en cette qualité, la recourante était chargée de la surveillance des travaux y relatifs, de sorte qu'elle ne peut se défausser de sa propre responsabilité sur ceux qu'elle choisit pour accomplir des tâches soumises à cette responsabilité. Elle répond donc envers les autorités des manquements dans la direction de la réalisation des travaux et des violations des dispositions rappelées ci-dessus.

Le fait d'avoir averti ses interlocuteurs, à savoir F______ SA et E______ SA, des irrégularités constatées n'est d'aucun secours pour la recourante, laquelle, active à Genève depuis de nombreuses années, et donc particulièrement aguerrie à la législation en matière de constructions, savait que les mesures de sécurité et de protection de la santé devaient être respectées afin de prévenir des accidents sur les chantiers Si l'on peut imaginer des situations limite où le MPQ exerce avec diligence ses responsabilités et ne parvient pourtant pas à faire exécuter ses ordres, de telle sorte que sa faute peut être remise en cause, la présente affaire ne peut être assimilée à une telle situation, puisque la recourante a eu connaissance des manquements plusieurs semaines avant son interpellation par l'autorité intimée, ce qui aurait dû l'amener à ordonner la fermeture du chantier. Elle est restée responsable du non-respect de ses instructions à partir du moment où elle a laissé cet état de fait perdurer, la sécurité des ouvriers étant concrètement menacée pendant ce temps. Ainsi, le comportement, à tout le moins passif, qu'elle a adopté à cet égard apparaît clairement fautif.

Dans ces conditions, le principe de l'amende est fondé.

23.         Reste à examiner si sa quotité respecte le principe de proportionnalité.

24.         L’amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014), lequel, notamment, exige un rapport raisonnable entre le but visé par la mesure et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

L’amende doit faire l’objet d’une évaluation globale, dans laquelle l’autorité administrative qui sanctionne - partant le juge qui contrôle sa décision - doit prendre en compte, dans un calcul d’ensemble, la nature, la gravité et la fréquence des infractions (ATA/978/2015 du 22 septembre 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/558/2013 du 27 août 2013), ainsi que les éléments liés à la culpabilité et les circonstances personnelles de l’auteur, dont ses capacités financières (ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 ; Günter STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht - Allgemeiner Teil II : Strafen und Massnahmen, 2ème éd., 2006, p. 75 § 75 ; Sandro CHIMICHELLA, Die Geldstrafe in Schweizer Strafrecht, 2006, p. 39).

25.         À titre exemplatif, la chambre administrative a confirmé une amende de CHF 5'000.- infligée à deux MPQ pour des travaux effectués en hauteur par des ouvriers avec des garde-corps manquants, en mauvais état ou incomplets et un risque de chute supérieur à 2 m, ainsi que pour avoir terminé le chantier dans l’irrespect de l’ordre d’arrêt de chantier (ATA/440/2019 du 16 avril 2019).

Elle a également confirmé une amende de CHF 6'000.- envers un MPQ présentant déjà cinq antécédents qui avait laissé travailler des ouvriers sur un échafaudage non conforme, présentant un vide supérieur à 30 cm et une hauteur de chute supérieure à 2 m (ATA/559/2021 du 25 mai 2021).

26.         En l'espèce, les manquements reprochés à la recourante se rapportent à des règles essentielles visant à assurer la sécurité d'un chantier aux fins de prévenir des risques d'accidents potentiellement très graves pour les ouvriers y travaillant, ainsi que pour le public. À teneur des éléments au dossier, la recourante est active depuis de nombreuses années dans le domaine du bâtiment, étant inscrite au registre du commerce depuis 2008.

Il ressort par ailleurs des explications du DT que celui-ci a tenu compte la responsabilité secondaire de la recourante. Enfin, cette dernière ne fait pas état de difficultés pécuniaires particulières l'empêchant de s’acquitter d’un tel montant, au demeurant modeste par rapport à la fourchette fixée par l’art. 137 al. 1 LCI.

Au vu de l’ensemble des circonstances, le tribunal retiendra qu’en fixant le montant de l'amende à CHF 1'000.-, le département a fait une application mesurée du principe de la proportionnalité.

27.         En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

28.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2020 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 1er septembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Saskia RICHARDET VOLPI et Diane SCHASCA, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière