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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2850/2022

JTAPI/206/2023 du 21.02.2023 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : EXCÈS DE VITESSE;RETRAIT DE PERMIS;PERMIS DE CONDUIRE
Normes : LCR.16b.al2.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2850/2022 LCR

JTAPI/206/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 février 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1991, est domicilié en France.

2.             Le 8 janvier 2022, à 6h33, M. A______ a été contrôlé sur la route de Collex alors qu'il circulait au volant d'une voiture immatriculée 1______ (F) à une vitesse de 69 km/h alors que la vitesse autorisée était de 40 km/h. Le dépassement de la vitesse était de 24 km/h, marge de sécurité déduite.

3.             En date du 29 avril 2022, le service des contraventions du canton de Genève a transmis à l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) un extrait de l'ordonnance pénale prononcée le 21 avril 2022 à l'encontre de M. A______ suite à l'infraction susmentionnée, le condamnant, pour dépassement, de la vitesse maximale, à l'intérieur d'une localité (limitation de vitesse de 40 à 50 km/h inclus), de 21 à 24 km/h, à une amende de CHF 600.-.

4.             Par courrier du 25 juin 2022, l'OCV a écrit à M. A______ pour lui indiquer que les autorités de police avaient porté à sa connaissance l'infraction du 8 janvier 2022. Un délai de 15 jours lui était octroyé pour faire part de ses observations.

5.             M. A______ ne s'est pas déterminé.

6.             Par décision du 2 août 2022, l'OCV a prononcé une décision d'interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois, en raison d'un dépassement de la vitesse maximale autorisée en localité de 24 km/h, marge de sécurité déduite, le 8 janvier 2022.

Il s'agissait d'une infraction moyennement grave aux règles de la circulation routière. L'intéressé ne justifiait pas d'un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles au sens défini par la jurisprudence. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, la mesure ne s'écartait pas du minimum légal.

7.             Par acte du 6 septembre 2022, complété le 23 septembre 2022, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision de l'OCV précitée, concluant à son annulation, et subsidiairement, à ce qu'il soit autorisé à se rendre en véhicule dans le canton de Vaud afin d'exercer sa profession.

L'excès de vitesse était survenu alors qu'il venait d'arriver sur le territoire. Ne connaissant pas les réglementations spécifiques du pays et comme il faisait nuit et qu'il n'y avait pas de circulation, il avait cru que la vitesse était limitée à 70 km/h. Par ailleurs, en tant qu'infirmier au sein d'une entreprise de soins à domicile dans le canton de Vaud, lui interdire de conduire durant un mois équivalait à lui interdire d'exercer sa profession, mettant en péril l'équipe soignante qui peinerait à le remplacer, et pénalisant par voie de conséquence les patients.

Il a joint à son recours une copie de son contrat de travail.

8.             Le 9 novembre, l'OCV a transmis son dossier au tribunal, accompagné de ses observations. Il persistait dans les termes de sa décision, précisant que le recourant avait été condamné pour les faits en question par ordonnance pénale rendue par le service des contraventions en date du 21 avril 2022, laquelle était assimilée à un jugement entré en force.

9.             Le recourant n'a pas répliqué dans le délai imparti par le tribunal.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant fait valoir son ignorance de la réglementation suisse en matière de limitation de vitesse, le fait qu'il faisait nuit et qu'il y avait peu de circulation de sorte qu'il avait cru que la vitesse était limitée à 70 km/h sur le tronçon en question.

4.             Aux termes de l’art. 21 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable. Une erreur sur l’illicéité n’est pas encore réalisée lorsque l’auteur tient par erreur son comportement pour non punissable, mais seulement s’il ne sait pas et ne peut pas savoir qu’il se comporte de manière contraire au droit (ATF 138 IV 13 consid. 8.2 p. 27 = JdT 2012 IV 263 consid. 8.2 p. 276).

5.             En principe, l'autorité administrative statuant sur un retrait du permis de conduire est liée par les constatations de fait d'un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits. L'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 139 II 95 consid. 3.2 p. 101). Cela vaut non seulement lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d'une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés, mais également, à certaines conditions, lorsque la décision a été rendue à l'issue d'une procédure sommaire, même si la décision pénale se fonde uniquement sur le rapport de police. Il en va notamment ainsi lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu'il y aurait également une procédure de retrait de permis. Dans cette situation, la personne impliquée est tenue, en vertu des règles de la bonne foi, de faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure pénale, le cas échéant en épuisant les voies de recours à sa disposition. Elle ne peut pas attendre la procédure administrative pour exposer ses arguments (ATF 123 II 97 consid. 3c/aa p. 104; arrêts 1C_312/2015 du 1er juillet 2015 consid. 3.1; 1C_631/2014 du 20 mars 2015 consid. 2.1).

6.             En l'occurrence, le recourant a été condamné par ordonnance pénale du 21 avril 2022 pour infractions aux art. 27, 32 et 90 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), aux art. 4a et 5 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11) et à l'art. 22 de l'ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979 (OSR - RS 741.21) en raison d’un dépassement de la vitesse maximale autorisée de 24 km/h sur un tronçon où la vitesse était limitée à 40 km/h. Le prononcé pénal n'ayant pas été contesté, il n'est plus possible de revenir sur les faits constatés dans ce cadre dans la procédure administrative (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_312/2015 du 1er juillet 2015 consid. 3.2 ; ATA/70/2012 du 31 janvier 2012 consid. 3).

Dans ces conditions, le recourant n'est plus fondé à invoquer une erreur sur l'illicéité devant le tribunal de céans.

7.             Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d'ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n'est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière - LCR - RS 101).

8.             Pour déterminer la durée et s'il y a lieu de prononcer un retrait d'admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

9.             Selon l'art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d'autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée. Commet une infraction moyennement grave, selon l'art. 16b al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque. Commet en revanche une infraction grave, selon l'art. 16c al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque.

10.         De jurisprudence constante, les limitations de vitesse, telles qu'elles résultent de la loi ou de la signalisation routière, valent comme limites au-delà desquelles la sécurité de la route est compromise. Elles indiquent aux conducteurs les seuils à partir desquels le danger est assurément présent. Leur respect est donc essentiel à la sécurité du trafic. En la matière, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d'assurer l'égalité de traitement entre conducteurs. Ainsi, les seuils fixés par la jurisprudence pour distinguer le cas de peu de gravité, le cas de moyenne gravité et le cas grave tiennent compte de la nature particulière du danger représenté pour les autres usagers de la route selon que l'excès de vitesse est commis sur une autoroute, sur une semi-autoroute, sur une sortie d'autoroute, etc. (not. arrêt du Tribunal fédéral 1C_216/2009 du 14 septembre 2009 consid. 5.2 et les références citées).

Ainsi, le cas est objectivement grave, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes ou encore à la bonne réputation du conducteur, en présence d'un dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes, et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 consid. 3.2). Il est en revanche de moyenne gravité lorsque le dépassement de la vitesse autorisée est, respectivement, de 21 à 24 km/h (ATF 126 II 196 consid. 2a), de 26 à 29 km/h et de 31 à 34 km/h (ATF 128 II 131 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_708/2013 du 27 février 2014 consid. 3.2.2).

Cette jurisprudence ne dispense toutefois pas l'autorité de tout examen des circonstances du cas concret. En effet, il y a notamment lieu de rechercher si des circonstances particulières ne justifient pas de considérer néanmoins le cas comme plus grave ou, inversement, comme de moindre gravité. Dans cette mesure, une appréciation purement schématique du cas, fondée exclusivement sur le dépassement de vitesse constaté, violerait le droit fédéral (ATF 126 II 196 consid. 2a et la référence citée).

11.         Aux termes de l'art. 16b al. 2 let. a LCR, après une infraction moyennement grave, le permis de conduire est retiré pour un mois au minimum.

12.         Si des circonstances telles que la gravité de la faute, les antécédents ou la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile doivent être prises en compte pour fixer la durée du retrait, la durée minimale prévue par la loi ne peut pas être réduite (art. 16 al. 3 LCR).

La règle contenue dans cette disposition, qui rend désormais incompressibles les durées minimales de retrait des permis de conduire, a été introduite dans la loi par souci d'uniformité. Le législateur a ainsi entendu exclure expressément la possibilité ouverte par la jurisprudence sous l'ancien droit de réduire la durée minimale du retrait en présence de circonstances particulières, notamment en faveur de conducteurs professionnels (ATF 132 II 234 consid. 2.3.).

En d'autres termes, les besoins professionnels ne permettent de moduler la sanction que lorsqu'en fonction des circonstances, l'autorité envisage de prononcer un retrait du permis de conduire d'une durée supérieure au minimum légal. En revanche, tant que la durée du retrait ne s'écarte pas de ce minimum, les besoins professionnels ne peuvent avoir pour effet de réduire davantage la sanction (ATF 132 II 234 consid. 2.3).

13.         À teneur de l'art. 42 al. 1 de la convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 (RS 0.741.10), conclue à Vienne le 8 novembre 1968, entrée en vigueur pour la Suisse le 11 décembre 1992 et pour la France le 21 mai 1977, les parties contractantes ou leurs subdivisions peuvent retirer à un conducteur, qui commet sur leur territoire une infraction susceptible d'entraîner le retrait du permis de conduire en vertu de leur législation, le droit de faire usage sur leur territoire du permis de conduire, national ou international dont il est titulaire. Le droit suisse prévoit que l'usage d'un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s'appliquent au retrait du permis de conduire suisse (art. 45 al. 1 de l'ordonnance réglant l'admission à la circulation routière du 27 octobre 1976 – OAC – RS 741.51).

14.         Les règles et principes énoncés ci-dessus sont donc applicables mutatis mutandis à l'interdiction de faire usage du permis de conduire étranger, notamment français, sur le territoire suisse.

15.         En l'espèce, le dépassement de la vitesse maximale autorisée imputable au recourant est de 24 km/h à l'intérieur d'une localité, étant rappelé que les faits retenus par le juge pénal lient le tribunal comme vu plus haut, de sorte que l’infraction doit effectivement être qualifiée de moyennement grave au sens de l’art. 16b al. 1 let. a LCR en lien avec la jurisprudence en matière de dépassement de vitesse.

C'est ainsi à juste titre que le recourant a fait l'objet d'une interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse pour une durée d'un mois, en application des art. 16b al. 2 let. a LCR et 42 de la convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968, dans la mesure où l'OCV ne s'est pas écarté du minimum légal prévu par l'art. 16b al. 2 let. a LCR.

Devant impérativement se tenir à une telle mesure, l'OCV, qui ne pouvait prendre en considération ni les circonstances du cas d'espèce ni les besoins professionnels allégués par le recourant, a donc correctement appliqué les règles en vigueur et n'a pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation.

Les éléments que le recourant invoque en l'espèce (conduite de nuit, absence d’autres automobilistes) ne sont enfin pas de ceux qui permettraient de faire abstraction de la limitation de vitesse et de considérer l'infraction comme étant un cas de gravité légère (cf dans ce sens arrêt du Tribunal fédéral 1C_55/2014 du 9 janvier 2015, consid. 3.2 ; 1C_194/2009 du 11 septembre 2009, consid. 3.4)

Enfin, la législation suisse ne prévoit pas la possibilité d'autoriser une personne sous retrait de permis à conduire sur certaines parties du territoire.

16.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté et la décision de l'OCV confirmée.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d'un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 septembre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 2 août 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière