Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/4359/2022

JTAPI/1452/2022 du 23.12.2022 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.76.al1.letb; LEI.75.al1.letb; LEI.75.al1.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4359/2022 MC

JTAPI/1452/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 décembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Alain MISEREZ, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le 10 février 1992, est ressortissant de B______.

2.             A teneur de l’extrait de son casier judiciaire (état au 20 décembre 2022), il a été condamné à neuf reprises depuis 2018 pour des infractions au Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) (vol, violation de domicile), à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) (entrée et séjour illégal, non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée), et à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (possession et consommation de stupéfiants).

3.             Le 5 septembre 2018, le commissaire de police lui a fait une première interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de six mois, et le 7 octobre 2021, une deuxième interdiction pour une durée de vingt-quatre mois.

4.             Le 20 décembre 2018, M. A______ s'est vu notifier une interdiction d’entrée en Suisse prononcée par Secrétariat d’Etat aux migrations (ci-après : le SEM) et valable jusqu’au 19 décembre 2021. Cette mesure a été prolongée par le SEM jusqu'au 23 novembre 2024 et lui a été valablement notifiée le 25 novembre 2021.

5.             M. A______ a été renvoyé à trois reprises dans son pays d’origine, soit le 7 janvier 2019, le 21 septembre 2020 et le 2 décembre 2021.

6.             Il a également fait l’objet de quatre ordres de mises en détention administrative prononcées par le commissaire de police en application des art. 75 et 76 LEI afin d'assurer les renvois dans son pays d'origine des 7 janvier 2019 et 2 décembre 2021.

7.             De retour en Suisse, l'intéressé a été interpellé par la police genevoise le 13 janvier 2022 alors qu'il s'attardait inutilement sur la chaussée entre les automobiles et empêchait la circulation. Les recherches dans les bases de données de la police ont révélé qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, d'une interdiction de pénétrer à Genève, ainsi que d'un mandat d'arrêt genevois (quatre-vingt jours).

L'intéressé a expliqué oralement à la police être toxicomane et s'être fait des injections plus tôt dans la journée.

8.             Il a refusé de répondre à toutes les questions qui lui ont été posées lors de son interrogatoire au poste de police du même jour.

9.             Prévenu notamment d'infraction à la LEI (séjour illégal en Suisse et violation d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée), il a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

10.         Par ordonnance pénale du 14 janvier 2022, le Ministère public a condamné l’intéressé à une peine privative de liberté de six jours.

Il a ensuite été écroué à la prison de Champ-Dollon pour purger ses écrous judiciaires.

11.         Par jugement du 22 juin 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures a refusé d'accorder la libération conditionnelle de l'intéressé.

12.         Le 7 décembre 2022, le service de médecine pénitentiaire de Champ-Dollon a produit, à la demande de la police genevoise, le rapport médical dans le domaine du retour concernant M. A______. Ledit rapport faisait état notamment d'un anévrisme cérébral opéré le 30 août 2022.

13.         Le lendemain, les services de police genevois ont requis auprès de swissREPAT la réservation d'une place sur un vol à destination de B______ pour le 22 décembre 2022, date de fin de peine de M. A______.

14.         Le 12 décembre 2022, swissREPAT a informé les services de police que l’OSEARA (entreprise chargée par la Confédération pour l'évaluation médicale de l'aptitude au transport et l'accompagnement médical des rapatriements de personnes étrangères) avait émis une contre-indication absolue : la demande de réservation de vol devait être annulée.

L’OSEARA demandait des documents relatifs à l'opération intervenue le 30 août 2022 et souhaitait obtenir des informations supplémentaires au sujet d'un éventuel traitement à base de méthadone.

15.         Le 20 décembre 2022, l’OSEARA a interpellé les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) afin d’obtenir le rapport d’opération du 30 août 2022 (opération vasculaire du cerveau), le rapport de sortie et le dernier rapport de consultation neurochirurgicale concernant M. A______. Elle souhaitait également des clarifications concernant la prise de méthadone ou de Seresta.

16.         Le 22 décembre 2022, M. A______ a été libéré de détention pénale et remis en main des services de police.

17.         M. A______ a été entendu par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 22 décembre 2022 à propos de sa situation en Suisse. Il a indiqué être d’accord de collaborer à son renvoi.

18.         Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 22 décembre 2022, dûment notifiée, l’OCPM a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, en application de l’art. 64 LEI, et a chargé les services de police de procéder à l’exécution de cette mesure.

19.         Le 22 décembre 2022, à 16h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six semaines.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi en B______.

Le procès-verbal indiquait que la détention pour des motifs du droit des étrangers avait débuté le 22 décembre 2022 à 15h32.

L’OCPM précisait que les démarches relatives à l'organisation d'un vol seraient entamées dès que l’OSEARA aura déterminé les modalités du rapatriement aérien (vol non-accompagné ou vol avec escorte policière et médecin ainsi que les types de médicaments à remettre à l'intéressé).

20.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) le même jour.

21.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il était toujours d'accord de repartir en B______. Il a confirmé savoir faire l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse et d'une interdiction territoriale du canton de Genève valable encore à ce jour. Il n'avait ni lieu de résidence ni source de revenu à Genève. Il était revenu délibérément en Suisse en 2022 et avoir fait exprès de s'être fait arrêter par la police le 13 janvier 2022, sachant qu'il devrait subir une peine de prison et qu'il pourrait y être opéré gratuitement. Il s'était fait opérer d'une artère bouchée dans la tête. Il a précisé qu'en B______ il n'aurait pas eu accès à cette opération. Il ne s'opposait pas à sa détention administrative.

La représentante du commissaire de police a indiqué que si le renvoi devait se faire avec une présence médicale dans l'avion, le renvoi se ferait par vol avec une escorte policière. Si la présence d'un médecin n'était pas exigée le renvoi se ferait par vol simple. Les autorités n'avaient aucune information nouvelle concernant la demande de l'OSEARA de renseignements médicaux aux HUG. Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention pour la durée requise.

L'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, s’en est rapporté à justice quant au principe de sa détention ainsi qu'à sa durée.

 

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 22 décembre 2022 à 15h32.

3.            Le tribunal se prononce au terme d'une procédure orale (art. 9 al. 5 LaLEtr) ; il peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l'étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

5.            À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 LEI (let. b) ou elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement (let. c).

Une mise en détention est aussi possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

6.            La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

7.            En l’espèce, M. A______ fait l’objet d’une décision de renvoi prononcée par l’OCPM le 22 décembre 2022. Il fait également l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse valable jusqu’au 23 novembre 2023, qui lui a été notifiée le 25 novembre 2021. Il fait enfin l’objet d’une mesure d’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève valable jusqu’au 6 octobre 2023.

En étant revenu en Suisse et en se trouvant en tout cas sur le territoire genevois le 13 janvier 2022, lors de son interpellation par la police, il a clairement et délibérément violé ces deux interdictions.

Sa détention administrative est ainsi justifiée sur la base des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 cum 75 al. 1 let. b et c LEI, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si elle pourrait l’être également en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

L’assurance de son départ de Suisse répond en outre à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où M. A______ devra monter dans l’avion devant le reconduire en B______, étant relevé que l’intéressé n’a ni résidence fixe ni source légale de revenu en Suisse, n'étant venu dans ce pays que dans le but de se faire arrêter et incarcérer pour bénéficier d'une opération chirurgicale à laquelle il n'avait pas accès en B______. De plus, les autorités suisses doivent s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le territoire (cf. not. art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281). Dans son principe, sa mise en détention respecte donc aussi le principe de la proportionnalité.

8.            Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

9.            En l’espèce, les autorités ont entrepris toutes les démarches qu’elles pouvaient à ce stade et sont dans l’attente de l’accord des experts médicaux sur l’aptitude de l’intéressé à voyager. Une fois cette évaluation transmise, elles pourront, si M. A______ est apte au voyage, réserver une place sur un vol dont les modalités dépendront des besoins médicaux de l'intéressé.

10.        Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

11.        En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

12.        En l'espèce, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de six semaines, qui respecte en soi l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée au vu des démarches en cours et encore à entreprendre.

13.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 22 décembre 2022 à 16h00 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 1er février 2023 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière