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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1198/2022

JTAPI/1152/2022 du 01.11.2022 ( LCR ) , REJETE

recours terminé sans jugement

Descripteurs : PERMIS DE CONDUIRE;EXPERTISE;CANNABIS;DÉPENDANCE(MALADIE)
Normes : LCR.14.al1; LCR.16d.al1; LCR.17.al3; Cst.5; REmOCV.48
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1198/2022 LCR

JTAPI/1152/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er novembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2000, est titulaire d’un permis de conduire à l’essai pour la catégorie B, délivré le 1er mars 2021 et valable jusqu’au 17 janvier 2024.

2.             Le 7 juin 2021 à 17h45, M. A______ a été interpellé par le Corps des gardes-frontières (ci-après : le CGFR) au volant du véhicule immatriculé 1______ et soumis à un test salivaire qui s’est révélé négatif. Toutefois, lors de son audition, il a déclaré consommer entre dix et quinze grammes de haschich par jour. Ces faits ont été portés à la connaissance de l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV).

3.             Par courrier du 14 juin 2021, l’OCV a informé M. A______ que les faits du
7 juin 2021 pouvaient aboutir à une mesure administrative telle qu’un avertissement, un retrait de permis de conduire ou une interdiction de piloter un véhicule à moteur. Un délai de quinze jours lui était imparti pour faire part de ses observations.

4.             M. A______ s’est déterminé par courriel du 24 juin 2021. Il avait été arrêté le
7 juin 2021 par le CGFR en possession de 400 gr de haschich destinés à sa consommation personnelle et à la vente. Ce jour-là, tout comme à chaque fois lorsqu’il conduisait, il n’avait pas consommé de drogues, ni bu de l’alcool. Quand il sortait en soirée, il prenait un « UBER ». A une seule reprise il avait pris le volant après avoir consommé du cannabis mais, dans la mesure où à cette occasion il était quatre heures du matin et qu’il devait faire un court trajet, il avait considéré ne pas prendre un gros risque. Il avait essayé depuis deux ans et à de nombreuses reprises de ne plus fumer, mais n’avait réussi à tenir que durant « un certain temps ». Ses problèmes avec la justice l’avaient grandement motivé à ne plus fumer du tout. Il avait réduit sa consommation à un jour sur deux et uniquement le soir. Enfin, le collègue avec lequel il avait été interpellé le 7 juin 2022, était venu pour fumer à sa place afin de vérifier la qualité. S’il n’avait pas été consciencieux, il aurait lui-même fumé « la marchandise » et pris ensuite le volant.

5.             Par décision du 13 juillet 2021, l’OCV a ordonné à M. A______ de se soumettre à une expertise réalisée par un médecin de niveau 4 et visant à évaluer son aptitude à la conduite. S’il ne donnait pas suite aux requêtes et convocations des experts, son permis de conduire serait retiré pour une durée indéterminée.

6.             En date du 10 mars 2022, le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : le CURML) a rendu son rapport d’expertise médicale d’aptitude à la conduite.

L’évaluation de l’aptitude à la conduite de M. A______ avait été effectuée sur la base des informations contenues dans le dossier de l’OCV, l’entretien médical et l’examen physique de M. A______ du 3 janvier 2022, le résultat des analyses toxicologiques, les renseignements obtenus auprès du médecin traitant de ce dernier ainsi que la discussion au sein de l’équipe de l’unité de médecine et psychologie du trafic (ci-après : UMPT) sous la supervision du médecin responsable de l’UMPT.

Sur le plan médical, il était possible de retenir un état de santé compatible avec les exigences requises pour les conducteurs des véhicules à moteur du premier groupe. Sur le plan addictologique en lien avec la consommation d’alcool, les analyses toxicologiques effectuées permettaient de retenir une abstinence durant les trois mois précédent le prélèvement. Quant aux substances illicites et notamment le cannabis, M. A______ avait relaté une abstinence dès le
27 septembre 2021. Lors de l’expertise, il avait fait part d’une consommation occasionnelle et ponctuelle de LSD, cocaïne, champignons hallucinogènes et ecstasy. Toutefois, là aussi, les analyses toxicologiques du 3 janvier 2022, n’avaient pas mis en évidence la présence de ces substances.

M. A______ avait indiqué avoir compris la nécessité de respecter la législation routière en lien avec la consommation de produits stupéfiants illicites et avait tiré les leçons des évènements. Cependant, il était à relever que l’abstinence vis-à-vis du cannabis illégal était très récente alors que ce produit avait été consommé de manière régulière durant plusieurs années. De même, il y avait eu par le passé, consommation occasionnelle de différentes substances illicites dont le LSD, la cocaïne, les champignons hallucinogènes et l’ecstasy. Sa situation scolaire et professionnelle était incertaine. Or, il avait déclaré au cours de l’expertise avoir augmenté ses consommations de cannabis et débuté la vente de ce produit lors d’une période de sa vie durant laquelle il n’avait pas d’activité quotidienne structurante et s’ennuyait. S’agissant du test CUDIT-R, il avait pour objectif un dépistage rapide des troubles de l’usage du cannabis au cours des six derniers mois. Il portait sur les symptômes de dépendance, les modalités d’usage de ce produit, les conséquences sociales et la motivation de l’usager à arrêter ou diminuer sa consommation. Pour ce test, M. A______ avait cumulé un total de sept points alors que le score de six points avait été retenu par les scientifiques pour pouvoir parler d’un trouble de l’usage du cannabis. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il était important que M. A______ reste abstinent vis-à-vis de toute substance illicite, y compris le cannabis illégal, pour une période de douze mois à partir du moment où il retrouverait le droit de conduire les véhicules à moteur. Il était ainsi possible de conclure qu’il pouvait être considéré comme apte à la conduite des véhicules du premier groupe aux conditions suivantes :

- maintient d’une abstinence stricte et complète à l’égard de tout produit stupéfiant illicite, le cannabis illégal y compris, pour une durée de douze mois au minimum, vérifiée par des analyses toxicologiques effectuées sur des récoltes d’urine une fois par mois durant douze mois au minimum ;

- transmission des résultats des analyses à l’autorité cantonale compétente, l’UMPT étant chargée d’informer celle-ci du respect de l’abstinence à l’égard des produits stupéfiants illicites ;

- si les analyses toxicologiques ne confirmaient pas l’abstinence à l’égard des produits stupéfiants illicites, M. A______ devait alors être considéré comme inapte à la conduite des véhicules du premier et deuxième groupe et soumis à une nouvelle expertise médicale de son aptitude à la conduite.

7.             Par décision du 14 mars 2022, l’OCV a levé sa mesure du 13 juillet 2021 ordonnant une expertise visant à évaluer l’aptitude de M. A______ à la conduite aux conditions mentionnées dans le rapport d’expertise du CURML du 10 mars 2022.

8.             Par acte du 13 avril 2022, M. A______ a formé recours par devant le tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) contre la décision du
14 mars 2022 concluant à son annulation. Le rapport d’expertise du 10 mars 2022 avait mis en évidence le fait qu’aucune trace de substances illicites n’avait été détectée dans les échantillons prélevés. Dans sa décision, l’OCV ne fournissait aucun élément matériel pour conclure à une consommation de stupéfiants avérée. L’obligation de se rendre mensuellement durant une année au centre UMPT était disproportionnée. En effet, ce suivi était trop important eu égard au risque nul de consommation de stupéfiants de sa part. De plus, ce suivi constituait une atteinte trop importante à sa liberté de mouvement.

9.             Par courrier du 8 juin 2022, M. A______ a complété son recours et apporté des informations complémentaires. Le CURML avait eu recours au test CUDIT-R pour évaluer d’éventuels troubles de l’usage du cannabis. Toutefois, ce test n’était pas de nature à pouvoir conclure à la présence de troubles en lien avec la consommation de cannabis. Ce test ne devait pas être considéré comme un élément pertinent d’autant plus que les tests CAST et ALAC, auxquels il s’était également soumis, n’avaient pas indiqué de problèmes en lien avec la consommation de cannabis. Ainsi, trois tests différents avaient été menés, deux présentant des résultants non-concluants et un des résultats non-adaptés aux cas de faible consommation de sorte que le CURML était dans l’impossibilité d’établir un quelconque trouble en lien avec la consommation de cannabis.

S’agissant du coût de l’expertise médicale, il était très élevé et insupportable compte tenu de son absence d’activité professionnelle. Cette charge financière constituait une sanction supplémentaire qui venait s’ajouter à l’obligation d’analyse.

Quant à la durée de la période d’abstinence, en raison de la fréquence des tests à effectuer, elle apparaissait trop importante et incisive à sa liberté de mouvement. Enfin, sa consommation de cannabis s’était arrêtée le 27 septembre 2021 tel que montré par les analyses effectuées par le CURML le 15 février 2022. Ainsi, si la condition de l’abstinence durant douze mois devait être maintenue, elle devait prendre fin le 27 septembre 2022.

10.         L’OCV a répondu au recours le 16 juin 2022 et déposé son dossier.

Il persistait dans les termes de la décision querellée. Le Dr B______, co-auteur du rapport d’expertise du 10 mars 2022, avait été interpellé sur la teneur du courrier de M. A______ du 8 juin 2022 et avait confirmé ses conclusions.

11.         Il ressort du dossier que suite à la demande de l’OCV, le 16 juin 2022, le
Dr B______ a pris position sur le courrier de M. A______ du 8 juin 2022. Ce dernier s’était présenté au rendez-vous pour l’expertise avec une abstinence au cannabis relativement récente. Lors de cet entretien, il avait également annoncé une ancienne consommation d’autres stupéfiants illicites. Le questionnaire CUDIT-R qu’il mentionnait dans son courrier n’était pas le seul argument qui les avait amenés à conclure à la poursuite de l’abstinence à l’égard des produits stupéfiants. Il comprenait que M. A______ pouvait être contrarié par les frais générés par la mesure et était prêt à rentrer en matière sur cet aspect. Il n’était en revanche pas disposé à rentrer en matière sur la mesure en tant que telle et confirmait les conclusions de l’expertise.

12.         M. A______ n’a pas répliqué dans le délai fixé par le tribunal.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (ar.t 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             En l’espèce, le recourant conteste la décision de l’OCV en tant qu’elle subordonne le maintien de son droit de conduire aux conditions fixées dans le rapport d’expertise du CURML du 10 mars 2022. Il estime que sa dépendance aux produits stupéfiants n’était pas avérée et qu’aucune substance illicite n’avait été trouvée dans les échantillons prélevés.

5.             Selon l’art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l’art. 14 al. 2 LCR, celui qui remplit notamment les conditions suivantes : il a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b) et il ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c).

6.             Si l’aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1). Un examen d'aptitude est en particulier ordonné, selon l'art. 15d al. 1 let. b LCR, lorsqu'un conducteur a circulé sous l’emprise de stupéfiants ou transporté des stupéfiants qui altèrent fortement la capacité de conduire ou présentent un potentiel de dépendance élevé.

7.             Aux termes de l’art. 16d al. 1 LCR, qui met en œuvre les principes posés aux articles 14 al. 2 et 16 al. 1 LCR, ainsi qu'à l’art. 30 de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51), le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée notamment à la personne qui souffre d’une forme de dépendance la rendant inapte à la conduite (let. b).

8.             Est tenu de s'abstenir de conduire quiconque n'en est pas capable, parce qu'il est surmené, sous l'effet de l'alcool, d'un médicament, d'un stupéfiant ou pour toute autre raison (art. 2 al. 1 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 - OCR - RS 741.11).

9.             La consommation de cannabis, même si elle n'est qu'occasionnelle et ne porte que sur de faibles quantités, est susceptible d'altérer l'aptitude à conduire. Il peut, par exemple, en résulter une diminution de l'acuité visuelle dynamique, un allongement du temps de réaction, une altération de la capacité de coordination ou encore une diminution de la précision des automatismes de conduite. Parmi les erreurs de conduite typiques, on peut citer les difficultés à tenir sa ligne, l'éloignement de sa voie de circulation, la mauvaise appréciation des manœuvres de dépassement, la confusion entre limites extérieures et intérieures de la route, l'augmentation de la fréquence des collisions et les excès de vitesse (ATF 130 IV 32 consid. 5.2 ; 124 II 559 consid. 3c/aa et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_41/2019 du 4 avril 2019 consid. 2.1 ; 6A.84/2003 du 27 janvier 2004 consid. 3.1.2).

Cela étant, selon la jurisprudence, une consommation régulière, mais contrôlée et modérée de haschisch ne permet pas à elle seule de conclure à l'inaptitude à conduire (ATF 130 IV 32 consid. 5.2 ; 127 II 122 consid. 4b ; 124 II 559 consid. 4d et e ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_41/2019 du 4 avril 2019 consid. 2.1). La consommation de stupéfiants est considérée comme une dépendance aux drogues, au sens des dispositions précitées, lorsque sa fréquence et sa quantité diminuent l'aptitude à conduire et qu'il existe un risque majeur que l'intéressé se mette au volant d'un véhicule dans un état qui, partiellement ou de manière durable, compromet la sûreté de sa conduite et ne permet plus d'assurer la sécurité de la circulation (cf. ATF 129 II 82 consid. 4.1 ; 127 II 22 consid. 3c ; 124 II 559 consid. 3d ; 120 Ib 305 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 1C_328/2013 du 18 septembre 2013 consid. 3.1 ; 1C_282/2007 du 13 février 2008 consid. 2.1). Ainsi, un défaut d'aptitude à conduire peut être admis lorsque la personne considérée n'est plus capable de séparer de façon suffisante sa consommation de cannabis et la conduite d'un véhicule automobile, ou s'il y a un risque important qu'elle conduise un véhicule automobile sous l'effet aigu de cette drogue (ATF 129 II 82 consid. 4.1 ; 127 II 22 consid. 3c ; 124 II 559 consid. 3d ; arrêts du Tribunal fédéral 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3b). En d'autres termes, ces conditions sont remplies lorsque le consommateur n'est plus en mesure de s'abstenir lorsqu'il doit conduire (cf. ATF 127 II 122 consid. 3c ; 124 II 559 consid. 3d et 4e ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 1C_328/2013 du 18 septembre 2013 consid. 3.1 ; 1C_282/2007 du 13 février 2008 consid. 2.1 ; 6A.84/2003 du 27 janvier 2004 consid. 4.1 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3b). Il convient ainsi d'analyser les habitudes de consommation de l'intéressé, notamment la fréquence, la quantité et les circonstances. Il faut également tenir compte de l'éventuelle absorption d'autres substances stupéfiantes et/ou d'alcool, ainsi que de la personnalité du consommateur, en particulier en ce qui concerne l'abus de drogues et son comportement en tant que conducteur (ATF 128 II 335 consid. 4b ; 124 II 559 consid. 4e et 5a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_41/2019 du 4 avril 2019 consid. 2.1 ; 1C_618/2015 du 7 mars 2016 consid. 2 ; 1C_282/2007 du 13 février 2008 consid. 2.2).

10.         Comme évoqué plus haut, si des indices concrets soulèvent des doutes quant à l'aptitude à la conduite de la personne concernée, un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un médecin et/ou un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un psychologue du trafic doivent être ordonnés (art. 28a al. 1 OAC ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_41/2019 du 4 avril 2019 consid. 2.1 ; 1C_76/2017 du 19 mai 2017 consid. 5) et le permis de conduire doit alors en principe être retiré par mesure de précaution, conformément à l'art. 30 OAC (ATF 125 II 396 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_41/2019 du 4 avril 2019 consid. 2.1 ; 1C_144/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.3 ; 1C_434/2016 du 1er février 2017 consid. 2.1 ; 1C_404/2007 du 7 mars 2008 consid. 2.4 ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5e), quitte à ce que l'autorité rapporte ensuite cette mesure s'il s'avère, après expertise, qu'elle n'était pas justifiée (ATF 125 II 396 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_219/2011 du 30 septembre 2011 consid. 2.2-2.4 ; 1C_420/2007 du 18 mars 2008 consid. 3.4 ; 1C_404/2007 du 7 mars 2008 consid. 2.4 ; 6A.17/2006 du 12 avril 2006 consid. 3.2 ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

11.         Selon l'art. 17 al. 3 LCR, le permis de conduire retiré pour une durée indéterminée peut être restitué à certaines conditions après expiration d'un éventuel délai d'attente légal ou prescrit si la personne concernée peut prouver que son inaptitude à la conduite a disparue.

12.         La décision de retrait de sécurité du permis de conduire constitue une atteinte grave à la sphère privée de l'intéressé ; elle doit donc reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes, l'autorité compétente devant, avant d'ordonner un tel retrait, éclaircir d'office la situation de la personne concernée (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 133 II 384 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_557/2014 du 9 décembre 2014 consid. 3 ; 1C_819 du 25 novembre 2013 consid. 2), le pronostic devant être posé sur la base des antécédents du conducteur et de sa situation personnelle (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 125 II 492 consid. 2a).

13.         L'expertise d'aptitude en matière de circulation routière constitue une mesure d'instruction et a pour but d'établir, à l'intention de l'autorité, une base de décision suffisante. L'autorité et le juge ne peuvent s'écarter des conclusions de l'expertise sans motifs valables et sérieux (ATF 132 II 257 consid. 4.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2014 précité consid. 3). Lorsque les conclusions médicales paraissent insuffisantes ou lacunaires sur des points fondamentaux, le juge se doit de les faire compléter (ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 ; 118 Ia 144 consid. 1c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2008 du 23 février 2009 consid.  2.2; Cédric MIZEL, op. cit., n. 19.6.2 p. 150).

S'agissant de la valeur probante d'un rapport médical, la jurisprudence applicable en LCR retient qu'il importe en particulier que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées, au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 351 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 1C_242/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.2 ; 1C_557/2014 précité consid. 4).

14.         Les exigences liées à la mise en œuvre d'un examen d'aptitude ne sont pas les mêmes que celles prévalant en matière de retrait préventif, même si, en pratique, les deux mesures vont, dans un premier temps du moins, souvent de pair (cf. ATF 125 II 396 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 ; 1C_404/2007 du 7 mars 2008 consid. 2.4). Alors que l'ouverture d'une enquête peut être ordonnée en présence d'indices suffisants pour que se pose la question de l'aptitude à conduire (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1), une décision de retrait préventif du permis de conduire suppose, quant à elle, l'existence de « doute sérieux » sur l'aptitude de conduire de l'intéressé (art. 30 OAC). A l'inverse, une clarification de l'aptitude intervient généralement sans retrait préventif lorsqu'il n'existe pas de danger immédiat pour la circulation routière (arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 et la référence citée ; cf. aussi arrêt 1C_593/2012 consid. 3.3).

15.         En définitive, il appartient à l’autorité cantonale d’apprécier dans chaque cas d’espèce si le principe de la proportionnalité autorise un retrait préventif ou s’il commande d’y renoncer en considérant qu’il paraît peu vraisemblable que le conducteur présente un danger particulièrement important et menaçant pour les autres usagers de la route (ATA/390/2018 du 24 avril 2018 consid. 3b ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5d et les références citées).

16.         En l’espèce, l’expertise du 10 mars 2022 a été ordonnée par l’OCV dans sa décision du 13 juillet 2021, qui n’a pas été contestée par le recourant. La décision querellée concerne le maintien de son droit à la conduite, subordonné à la condition d’une abstinence stricte et complète à l’égard de tout produit stupéfiant illicite, le cannabis illégal y compris, pour une durée de douze mois minimum.

Cette décision repose entièrement sur les conclusions du rapport d'expertise du CURML du 10 mars 2022, aux termes duquel ses auteurs ont considéré que le recourant était apte à la conduite des véhicules s’il observait une abstinence stricte et complète à l’égard de tout produit stupéfiant vérifiée au moyen d’analyses toxicologiques effectuées une fois par mois durant douze mois minimum.

17.         Cette expertise a été réalisée par l'unité de médecine et psychologie du trafic du CURML. Sous l'égide de praticiens spécialisés dans leur domaine d'expertise, les examens médicaux nécessaires à l'appréciation du cas ont été effectués (test capillaire, analyse de l'urine et entretien psychologique), les informations pertinentes ont été recueillies, notamment au cours de l'entretien personnel avec le recourant, une anamnèse et une histoire circonstanciée de la consommation d'alcool et de drogues de l'intéressé ont été établies, l'appréciation médicale du cas a été exposée et discutée par les experts et ces derniers ont motivé les conclusions auxquelles ils ont abouti. L'expertise menée apparaît dès lors conforme aux exigences de la jurisprudence sur le plan de la méthode de mise en œuvre.

18.         Les experts sont parvenus à leurs conclusions en prenant notamment en compte le fait que l’abstinence vis-à-vis du cannabis illégal était très récente alors que ce produit avait été consommé de manière régulière durant plusieurs années. De même, ils ont indiqué la nécessité de prendre en considération le fait qu’il y avait eu par le passé une consommation occasionnelle de différentes substances illicites dont le LSD, la cocaïne, les champignons hallucinogènes et l’ecstasy. La situation scolaire et professionnelle de recourant, considérée à juste titre comme incertaine, a également été prise en considération. En effet, le recourant avait expliqué aux experts avoir augmenté ses consommations de cannabis et débuté la vente de ce produit lors d’une période de sa vie durant laquelle il n’avait pas d’activité quotidienne structurante et s’ennuyait. Les résultats du test CUDIT-R avaient été analysés sur la base d’études scientifiques. Le recourant avait obtenu un score de sept points ce qui plaidait en faveur d’un trouble de l’usage du cannabis. Enfin, invité par l’OCV à se déterminer sur les arguments avancés par le recourant dans son courrier du 8 juin 2022, le Dr B______ a expressément précisé dans son courriel du 16 juin 2022, qu’il maintenait les conclusions de l’expertise et que le questionnaire CUDIT-R ne représentait pas le seul argument qui avait amené les experts à préconiser l’abstinence à l’égard des stupéfiants.

19.         Par conséquent, l'expertise était un moyen d'instruction propre à évaluer l'aptitude à la conduite du recourant et a été menée conformément aux exigences jurisprudentielles. Elle a conclu à son aptitude à la conduite sous conditions. Le recourant n'ayant pas démontré en quoi les conclusions de l'expertise seraient inexactes, le tribunal n'a aucun motif de s'en écarter. Le premier grief doit ainsi être rejeté.

20.         Le recourant estime ensuite que le test CUDIT-R n’était pas de nature à pouvoir conclure à la présence de troubles en lien avec la consommation de cannabis et qu’il ne devait pas être considéré comme un élément pertinent.

21.         À nouveau, le Dr B______ a indiqué que le test CUDIT-R n’était pas le seul élément qui avait été pris en considération pour conclure à l’abstinence totale à l’égard des stupéfiants. De même, le recourant n'apporte aucun élément démontrant que les sources et méthodes scientifiques employées par les experts ne seraient pas pertinentes. Il se contente de substituer son appréciation à celle des experts. Ce procédé ne peut être suivi. Pour le surplus, il lui était loisible, s’il le souhaitait, de verser au dossier d’autres éléments concrets permettant d'envisager qu'il serait réellement en mesure de s'abstenir de consommer des drogues, par exemple un rapport médical établi par son médecin-traitant ou un spécialiste en addictologie ou encore une contre-expertise. Le grief doit ainsi être rejeté.

22.         Dans un autre grief, le recourant estime la durée de la période d’abstinence trop longue et trop incisive à sa liberté de mouvement. De même, les coûts du suivi seraient trop élevés eu égard à sa situation économique.

23.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 49 consid. 9.1 et les références citées ; 126 I 219 consid. 2c).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 ; 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/779/2018 du 24 juillet 2018 consid. 7).

24.         En l'espèce, l'OCV, qui a suivi la procédure prévue par la loi et la jurisprudence rappelée ci-dessus avant de rendre sa décision, a fondé celle-ci sur les conclusions du rapport d'expertise du 10 mars 2022.

25.         Les experts expliquent dans leur expertise, de manière parfaitement claire et convaincante, les raisons pour lesquelles ils ont posé la condition, dans le cas particulier du recourant, d'une abstinence stricte à tout produit stupéfiant illicite durant une période de douze mois. Le Dr B______, co-auteur dudit rapport a par ailleurs confirmé sa position dans son courriel du 16 juin 2022. Ainsi, les exigences posées dans la décision querellée sont conformes aux recommandations émises dans le rapport du CURML. Elles sont adéquates et proportionnées s'agissant de faire le point sur l'aptitude du recourant à la conduite automobile étant précisé que ce dernier ne s’est pas vu retirer son permis de conduire et pourra conduire des véhicules durant toute la période probatoire.

26.         Le recourant ne fait quant à lui que substituer sa propre appréciation à celle de l'expert et de l'autorité intimée s'agissant de l'opportunité et de la proportionnalité d'une telle mesure. Dans ces conditions, le tribunal parvient à la conclusion que l'autorité intimée n'a pas procédé à une application incorrecte de la loi ou, d'une autre manière, excédé son pouvoir d'appréciation en suivant la position des experts et, en particulier, en reprenant les conditions auxquelles ils subordonnaient le maintien du droit de conduire du recourant dans la décision querellée. Les conditions posées apparaissent au demeurant parfaitement proportionnées et adéquates au vu de l'historique du dossier de l'intéressé.

27.         S’agissant des coûts du suivi de la mesure, selon l'art. 45 du règlement sur les émoluments de l’office cantonal des véhicules (REmOCV - H 1 05.08), qui traite de la question des frais et émoluments afférents aux décisions relatives aux conducteurs et aux véhicules, "les frais d’examens médicaux et d’expertises sont à la charge de l’administré".

28.         On observera que cette règle, tout à fait claire et univoque, n'est pas complétée par une disposition équivalente à l'art. 48 RemOCV, qui, s'agissant des émoluments, prévoit que, sur requête de la personne dépourvue de ressources suffisantes, ceux-ci peuvent être remis partiellement ou totalement, de sorte que l'OCV ne dispose pas de la faculté d'y renoncer à ce sujet (cf. T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011 nos 500 ss p. 166 ss). En soi, cela s'explique par le fait que les frais d'expertise en question et le suivi sont perçus par une entité tierce, rattachée aux Hôpitaux universitaires de Genève, en application du règlement qui lui est propre (cf. art. art. 2 et art. 9 al. 1 let. d du règlement du Centre universitaire romand de médecine légale, site de Genève - RCURML - K 1 55.04).

29.         Dans ces conditions, les coûts de l’expertise et du suivi de la mesure sont certes conséquents, mais, juridiquement parlant, ce point doit néanmoins céder le pas à l'intérêt public supérieur que vise la mesure nécessaire à garantir la sécurité routière. En définitive, le recourant n'aura pas d'autre choix que de solliciter une éventuelle remise et/ou des facilités de paiement auprès de l'UMPT elle-même étant précisé que le Dr B______ a indiqué dans son courriel du 16 juin 2022 qu’il était disposé à entrer en matière sur cette question.

30.         Dépourvu de motif valable, le recours sera rejeté et la décision attaquée, qui ne prête pas flanc à la critique, confirmée.

31.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 13 avril 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 14 mars 2022  ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Endri GEGA

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière