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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/587/2022

JTAPI/982/2022 du 21.09.2022 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL);ZONE AGRICOLE
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/587/2022 LCI

JTAPI/982/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 septembre 2022

 

dans la cause

 

A______ Sàrl et Monsieur B______, représentés par Mes Lucile BONAZ et Pierre GABUS, avocats, avec élection de domicile

contre

Madame C______ et Messieurs D______, E______, F______ et G______

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

ATELIER D'ARCHITECTE H______


EN FAIT

1.             Depuis le 12 juin 1990, l’hoirie I______ (soit Madame C______ et Messieurs D______, E______, F______ et G______, ci-après l’hoirie) est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de J______, située en zone agricole.

2.             A______ Sàrl a pour but social la vente de bois de feu pour cheminées, travaux forestiers, élagage, taille de formation des grands arbres, abattages dangereux et difficiles, transports de bois et copeaux, et mise à disposition des entreprises privées et commerciales de chauffeurs poids lourds, cars.

Monsieur B______ est l’associé gérant de A______ Sàrl avec signature individuelle.

3.             Depuis le 1er juin 2011, la parcelle n° 1______ fait l’objet d’un bail à ferme agricole au bénéfice de A______ Sàrl.

4.             Il ressort d’un constat (I/2______) établi le 20 février 2020 par un collaborateur du département du territoire (ci-après : DT ou département) sur la parcelle n°1______, la présence de divers dépôts et entreposages ainsi que de ruches et d’un poulailler. Des photographies ont été réalisées.

5.             Par courriers recommandés séparés du 25 juin 2020 à chaque membre de l’hoirie, le DT a transmis le constat (I/2______) du 20 février 2020, listant toutes les constructions, installations et aménagements qui avaient été érigés sans autorisation, soit le dépôt de bennes à plusieurs dimensions, le dépôt de conteneurs, l’installation d’une machine à copeaux et d’une génératrice pour l’alimenter, une grue auto-montante, les dépôts de bois de feux et de scierie, le dépôt de machines de jardinage et déforestation, l’entreposage de compost et assimilable, le dépôt de copeaux de bois, l’entreposage d’une structure métallique d’une serre, des ruches, un vieux poulailler d’environ 20 m2 et une barrière. Il a joint les photographies réalisées.

Cette situation était susceptible de constituer une infraction et un délai dix jours leur était accordé pour faire valoir leurs observations et explications quant aux faits constatés.

6.             Par courrier du 4 juillet 2020, M. B______ a transmis des observations, précisant que M. D______, en sa qualité de bailleur, lui avait demandé de les transmettre suite au courrier du 25 juin 2020.

La parcelle n° 1______ avait accueilli une pépinière durant trente-cinq ans et, depuis 1999, elle était louée à son entreprise A______ Sàrl : il y exerçait une activité de « forestier-bûcheron » qui générait des déchets plus ou moins valorisables (billes de chêne ou de bois « nobles » sciées, autres essences conditionnées en bûches de chauffage ou transformées en copeaux). Ceux-ci étaient acheminés par différents transporteurs au moyen de bennes.

À la suite de vols et de déprédations, le « petit » matériel professionnel avait dû être entreposé dans des emplacements clos, notamment des containers, pour la sécurité de l’entreprise. Dans le même but, le dispositif de fermeture du chemin (la barrière) avait été installé selon l’autorisation et les directives du service des routes pour limiter l’accès au lieu. La structure métallique avait été offerte par le domaine des K______ et devait servir à abriter le bois. S’agissant des ruches, elles s’inscrivaient dans une volonté de préserver la biodiversité et étaient entretenues par un apiculteur compétent. Enfin, un litige l’opposait au propriétaire du poulailler qui devait, depuis un an, le démontrer. Un courrier de mise en demeure lui avait été envoyé ce jour.

En 2005, son entreprise était la première entreprise genevoise de sa branche à être certifiée FSC (accréditation qui s’inscrivait dans un projet de développement et valorisation du bois indigène) et elle avait été lauréate du prix du développement durable de l’Etat de Genève en présentant sa création, soit un crible dont la spécificité était de permettre six granulométries différentes.

7.             Par courrier recommandé du 27 août 2020 à M. B______ (avec copie à chaque membre de l’hoirie), le DT lui a ordonné de rétablir une situation conforme au droit en évacuant, dans un délai de trois mois, les différents éléments dûment listés et présents sur la parcelle n° 1______ (I/2______), à savoir l’évacuation de bennes à plusieurs dimensions, l’évacuation de conteneurs, l’évacuation de la machine à copeaux et génératrice pour l’alimenter, l’évacuation de la grue auto-montante, l’évacuation des dépôts de bois et feux de scierie, l’évacuation de dépôt de machines de jardinage et de déforestation, l’évacuation de l’entrepôt de compost ou assimilable, l’évacuation du dépôt de copeaux de bois, l’évacuation de la structure métallique d’une serre, la suppression et l’évacuation du poulailler, la suppression et l’évacuation de la barrière et la remise en état du terrain naturel, une fois la suppression des points précités effectués.

Un reportage photographique de la remise en état devait parvenir dans le même délai.

La question de la sanction administrative portant sur la réalisation des travaux sans droit ferait l’objet d’une décision séparée à l’issue du traitement du dossier I/2______, raison pour laquelle elle restait expressément réservée.

Par ailleurs, il lui était loisible de déposer une requête en autorisation de construire afin d’essayer de légaliser la présence de l’une ou l’autre des installations et/ou constructions visées.

8.             Par courrier recommandé du 7 septembre 2020 au DT, M. B______ a indiqué qu’il entreprendrait toutes les démarches pour mettre en conformité les installations énumérées dans le courrier du 27 août 2020 (I/2______).

Il demandait un délai supplémentaire pour le dépôt de sa demande d’autorisation. Les intérêts des membres de l’hoirie I______ divergeaient et un accord n’avait pas encore été trouvé.

9.             Le 19 février 2021, le département a infligé une amende de CHF 500.- à M. B______ (I/2______).

10.         Il lui a infligé une nouvelle amende de CHF 1'000.- le 23 avril 2021.

11.         Le 30 juin 2021, l’ATELIER D’ARCHITECTE H______ a déposé une demande d’autorisation de construire définitive (DD 3______), portant sur la mise en conformité de diverses constructions et installations sur la parcelle n° 1______ de la commune de J______, sise en zone agricole.

12.         Lors de l’instruction du dossier, plusieurs instances de préavis ont émis un préavis négatif, soit:

-          la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) qui a, dans ses préavis défavorables des 8 juillet et 3 novembre 2021, considéré que les constructions et installations n’étaient pas conformes aux art. 24 ss de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et 20 et 27 ss de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), et que le dossier était incomplet car l’extrait du plan cadastral manquait ;

-          l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) qui a, dans ses préavis défavorables des 23 juillet et 22 novembre 2022, considéré qu’au regard des art. 16a LAT, 34 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) et 20 LaLAT, les aménagements proposés n’étaient pas conformes à la zone, le projet consistant en la mise en conformité de différentes construction et installations visant la valorisation du bois ;

-          l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) qui a, dans ses préavis défavorables des 28 août et 25 novembre 2021, considéré que l’activité n’était pas conforme à la zone.

Ces préavis ont été transmis le 24 août 2021 avec un délai pour produire les pièces manquantes, notamment un extrait de plan cadastral

Les autres préavis étaient favorables.

13.         ATELIER D’ARCHITECTE H______ a notamment transmis au DT, le 31 octobre 2021 un « plan d’état des lieux » établi par L______.

14.         Le DT a refusé de délivrer l’autorisation de construire sollicitée (DD 3______) par sa décision du 18 janvier 2022.

15.         Le 4 février 2022, il a confirmé à M. B______ son ordre de remise en état du 27 août 2020 (I/2______) vu sa décision du 18 janvier 2022. Il lui a octroyé un nouveau délai de nonante jours pour procéder à l’évacuation des différents éléments réalisés sans droit et pour fournir un reportage photographique attestant de la remise en état.

16.         Par acte du 17 février 2022, sous la plume de leur conseil, A______ Sàrl et M. B______ (ci-après : les recourants), ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision du 18 janvier 2022 du DT concluant, préalablement à l’octroi d’un délai supplémentaire afin de compléter leur recours et, principalement, à l’annulation de la décision et à l’octroi de l’autorisation de construire sollicitée. L’audition des parties était demandée.

17.         Dans leur acte complémentaire du 18 mars 2022, les recourants ont intégralement persisté dans leur conclusions prises dans leur recours du 17 février 2022. L’audition des parties était toujours sollicitée, ainsi que celle de M. H______. Ils ont produit un chargé de pièces.

Les trois conditions des art. 34 al. 4 OAT et 20 al. 1 LaLAT étaient réunies.

Tout d’abord toutes les installations étaient conformes au but de l’exploitation, c’est-à-dire une activité liée à l’exploitation du bois qui contribuait à l’horticulture productrice, à l’exception de la grue qu’ils étaient prêts à enlever. Les palissades, les clôtures et les barrières d’accès étaient manifestement indispensables à l’organisation de la parcelle pour préserver le site des personnes non autorisées et de le démarquer. Les containers, la machines à copeaux de bois et le local d’affutage étaient nécessaires au but de la parcelle même et les containers servaient de stockage au bois coupé, pour le préserver des intempéries. La machine à copeaux était protégée par une structure métallique sur laquelle reposaient des tôles ondulées servant de couverture pour la pluie. Le local d’affutage était en réalité un container posé sur des cales en bois, totalement amovibles. Le reste des installations servait à l’exploitation durable de la découpe de bois et dans une logique écoresponsable, le bois ne pouvant être scié était transformé sur place en copeaux. La production de déchets de bois était quant à elle destinée à l’horticulture.

Par ailleurs, aucun intérêt prépondérant ne s’opposait à l’implantation desdites installations à l’endroit prévu, car celles-ci allaient dans le sens d’une réhabilitation de l’énergie tirée de la biomasse, notablement moins polluante que celle liée à l’énergie fossile.

Enfin, il était prévisible que l’exploitation subsiste à long terme, l’activité étant déjà implantée depuis des décennies.

De plus, la demande d’autorisation ne visant pas une nouvelle construction ou installation et n’ayant pas non plus pour objet un changement d’affectation - l’activité de M. B______ n’ayant pas changé depuis qu’il exploitait la parcelle -, les art. 24 LAT et 27 LaLAT étaient inapplicables.

Le 14 mai 2021, l’architecte avait fourni au dossier tous les plans de la parcelle avec des numéros correspondant aux installations présentes. Pour le surplus, ils se référaient à l’extrait du plan cadastral produit en annexe du recours.

La décision violait le principe de l’égalité de traitement. De nombreuses entreprises, notamment paysagistes, se trouvaient dans la même situation, étant précisé que leur activité ne correspondait ni à une activité agricole ni à une activité purement industrielle. Leur activité n’avait jamais posé le moindre souci, depuis plusieurs décennies, bien au contraire. S’étant basés sur un avis très favorable de la chambre genevoise de l’agriculture de 1993 concernant deux autres de leurs parcelles à M______, ayant le même but que la parcelle n° 1______, ils avaient toujours considéré que leur activité était conforme à la zone. Dans ce courrier, la chambre rappelait que l’exploitation forestière était une activité économique appartenant au secteur primaire, donc très proche de l’agriculture. L’exploitation forestière permettait de cultiver et de mettre en valeur des espèces végétales et, à cet effet, le même type d’équipement que pour une activité agricole pouvait être utilisé. Elle reconnaissait que la forêt genevoise était un secteur qui ne disposait pas (ou peu) d’installations spécifiques, notamment il n’existait pas de lieux de stockage suffisants et leur projet s’inscrivait dans le sens d’une meilleure mise en valeur de ce produit primaire, précisant avoir reçu plusieurs prix de l’écologie.

Pour terminer, ils estimaient que la décision attaquée violait le principe de la bonne foi dès lors qu’ils avaient reçu durant de nombreuses années des assurances de l’autorité sur le fait que l’exploitation de la parcelle n° 1______ était conforme à la zone agricole et ne posait aucun problème particulier.

18.         Dans ses observations du 25 avril 2022, le DT a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision du 18 janvier 2022. Il a produit son dossier.

Tant l’OCAN que l’OAC et l’OU avaient constaté la non-conformité de l’activité et des installations des recourants à la zone agricole. Leur activité ne pouvait être assimilée à de l’horticulture productrice, car seule l’horticulture productrice tributaire du sol de façon prépondérante pouvait être qualifiée de conforme à l’affectation de la zone. Or, il était manifeste que les recourants ne faisaient pousser aucune plante ni ne les repiquaient ; le bois transformé par les recourants ne provenait pas de la parcelle litigieuse. Dès lors, le rapport au sol faisait défaut et l’ensemble des constructions et installations de l’entreprise ne pouvaient s’implanter en zone agricole.

Le courrier du 7 avril 1993 de la chambre genevoise de l’agriculture (actuellement Agrigenève) portait sur un projet différent, à savoir la réaffectation d’un dépôt qui n’avait plus d’utilisation agricole et qui pouvait a priori bénéficier du changement d’affectation autorisé. Or, la procédure litigieuse avait pour objet une construction nouvelle, car aucune autorisation de construire n’avait été délivrée pour l’activité d’exploitation de bois ainsi que pour les différentes constructions et installations présentes sur la parcelle. Tel que relevé par l’OCAN, l’affectation de la parcelle avait été modifiée, passant entre 2005 et 2009, d’une activité de pépinière à une activité de transformation de bois.

Dans la mesure où l’exploitation litigieuse n’était pas une exploitation agricole ou horticole, elle ne pouvait pas prendre place en zone agricole et les recourants ne pouvaient bénéficier d’une autorisation pour les installations et constructions litigieuses.

La demande de régularisation portait par ailleurs sur des constructions et installations nouvelles qui avaient été réalisées sans aucune autorisation. Or, rien n’imposait que l’activité soit déployée sur cette parcelle. Les conditions d’une dérogation fondée sur les art. 24a à 24e LAT n’étaient pas remplies.

Le dossier d’autorisation fourni ne contenait pas d’extrait cadastral. Tant les plans de la parcelle numérotés, que le « Plan d’état des lieux au 1 :500 » mentionné par les recourants ne correspondaient pas au plan cadastral pourtant nécessaire lors du dépôt d’une requête en autorisation de construire.

Les recourants soutenaient que le principe de l’égalité de traitement avait été violé. Or, l’activité de paysagiste était différente de celle qui était exercée par les recourants et les constructions et installations destinées à fournir des activités de service, telles que des services horticoles ou de paysagisme, n’étaient pas conformes à l’affectation de la zone agricole.

Enfin, contrairement à ce que les recourants exposaient, leur activité avait posé souci depuis des années et un dossier d’infraction I/4______ avait été ouvert, car plusieurs éléments avaient été réalisés ou étaient en travaux sans autorisation de construire sur une autre parcelle. Le 27 janvier 2021, le DT avait rendu une décision de refus d’autorisation de construire portant sur la mise en place d’une citerne à gaz enterrée, et ordonné la remise en état (I/4______) de la parcelle par l’évacuation de différentes installations. Les recourants avaient agi devant le tribunal qui avait déclaré le recours sans objet s’agissant de la décision de refus d’autorisation de construire, dans la mesure où ils y avaient renoncé, et rejeté s’agissant de la décision de remise en conformité au droit. Un recours avait été formé mais la procédure était suspendue en raison d’une requête en autorisation de construire visant à régulariser l’infraction (I/4______).

19.         Par réplique du 3 juin 2022, les recourants ont intégralement persisté dans leurs conclusions.

L’argument du DT visant à dire que le rapport au sol de l’activité faisait défaut était sans objet. Le fait que la loi mentionne « l’exploitation de surfaces proches de leur état naturel », montrait que l’activité ne devait pas nécessairement produire des denrées agricoles traditionnelles, un bénéfice écologique suffisait. Ainsi, tant les activités tributaires du sol que les activités non tributaires du sol pouvaient revêtir un but agricole ou horticole.

Leur exploitation était une activité écoresponsable qui contribuait à la préservation du bois genevois et toutes les installations de bois allaient dans le sens d’une réhabilitation de l’énergie tirée de la biomasse. Cette démarche avait d’ailleurs été saluée et récompensée plusieurs fois en 2005.

Leur activité était dès lors conforme à la zone agricole et ils s’engageaient à démonter la grue et enlever les bennes déposées sur la parcelle.

Pour déjouer leur bonne foi, le DT énonçait que leurs activités sur d’autres parcelles posaient des soucis depuis de nombreuses années en expliquant les étapes d’une procédure parallèle en cours, ce qui revenait à préjuger une situation en se prévalant d’une procédure qui n’était pas terminée.

Le courrier de la chambre genevoise de l’agriculture de 1993 validait expressément leur activité sur une autre parcelle. L’activité qu’ils déployaient sur la parcelle litigieuse étant sensiblement la même que celle des autres parcelles concernées par ledit courrier, ils pensaient de bonne foi pouvoir l’exercer.

Ils demandaient enfin à bénéficier du même traitement que l’ensemble des paysagistes du canton afin de continuer librement leur activité écologique. Il était notoire que les paysagistes ne répondaient pas strictement aux champs d’application de la zone agricole ; néanmoins, l’OAC tolérait largement leurs activités sans les sanctionner. Dans ces circonstances et dans le respect de l’égalité de traitement, la décision litigieuse n’apparaissait absolument pas fondée.

20.         Dans sa duplique du 27 juin 2022, le DT a persisté dans les conclusions prises dans ses précédentes observations.

La réplique formulée par les recourants n’apportait pas d’éléments nouveaux, ces derniers tentaient de substituer leur propre appréciation à celle effectuée par les instances de préavis.

Le renforcement et la création de surfaces proches de l’état naturel intervenait comme mesure permettant d’atteindre la compensation écologique, qui était un terme générique désignant des mesures servant au maintien et au rétablissement de la fonction des milieux naturels ainsi qu’à leur mise en réseau, principalement dans des régions où l’exploitation du sol était intensive ou à forte densité de population. Les activités des recourants n’avaient clairement pas cette vocation, bien au contraire.

Quant au lien au sol, s’il relevait qu’autant les activités tributaires du sol que les activités non tributaires du sol pouvaient revêtir un but agricole ou horticole, le mode de production pouvait être décisif lorsqu’il s’agissait de déterminer la conformité à la zone agricole (spéciale ou non) d’une construction ou d’une installation. Or, l’activité des recourants ne pouvait être assimilée à de l’horticulture productrice car le bois qu’ils transformaient ne provenait pas de la parcelle litigieuse et le rapport au sol faisait manifestement défaut. Ainsi, l’ensemble de leurs constructions et installations ne pouvait s’implanter en zone agricole.

Aucune des conditions permettant d’autoriser des constructions et installations servant à la production d’énergie à partir de biomasse n’était alléguée, respectivement remplie.

S’agissant de l’égalité de traitement, il fallait se référer à la procédure d’infraction qu’il avait dû mener (I/4______) et relever que des installations avaient été érigées par les recourants sur une autre parcelle sans autorisation de construire. Concernant les explications du courrier de la chambre genevoise d’agriculture, celle-ci n’était clairement pas l’instance à même de délivrer les autorisations de construire.

Enfin, l’affirmation selon laquelle l’autorité intimée tolérerait les paysagistes qui ne répondaient pas strictement aux champs d’application de la zone agricole ne reposait sur aucun élément et était erronée. L’activité de paysagiste était différente de celle exercée par les recourants et les constructions et installations destinées à fournir des activités de service, telles que des services horticoles (horticulture non productrice) ou de paysagisme, n’étaient pas conformes à la zone agricole.

21.         Le détail des pièces sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Les recourants sollicitent leur comparution personnelle ainsi que l’audition d’un témoin, celle de M. H______.

4.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

Toutefois, le droit d’être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l’issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion. Ce refus d’instruire ne viole le droit d’être entendu des parties que si l’appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d’arbitraire (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_ 576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1). Par ailleurs, ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement ou d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).

5.             En l’espèce, les recourants requièrent leur audition afin d’exposer l’historique de la parcelle litigieuse, le but de leur exploitation ainsi que les raisons pour lesquelles ils ont de bonne foi procédé à une telle activité. De plus, ils sollicitent l’audition de M. H______, architecte ayant déposé le 30 juin 2021 la demande d’autorisation de construire DD 3______, pour attester que l’extrait du plan cadastral avait été annexé à la demande de régularisation.

Le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tels qu’ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l’autorité intimée, pour statuer sur le litige en toute connaissance de cause, de sorte qu’il apparaît inutile à la résolution du présent litige de procéder à la comparution des recourants. En tout état, ces derniers ont eu la possibilité de faire valoir leurs arguments, dans le cadre de leur recours puis de leur réplique, et de produire tout moyen de preuve utile en annexe de leurs écritures. Ils n’expliquent pas quels seraient les éléments qu’ils n’auraient pas pu exprimer de manière pertinente et complète dans le cadre de la procédure écrite. Par ailleurs, l’absence de plan cadastral dans le dossier d’autorisation de construire a pu être réparé au cours de la présente procédure puisqu’il a été produit : l’audition de M. H______ sur ce point n’est dès lors pas nécessaire.

Dans ces circonstances, il ne sera pas donné suite aux requêtes de mesures d’instruction tendant à la comparution personnelle des recourants ainsi qu’à l’audition de M. H______, en soi non obligatoires.

6.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA). Il n'en résulte toutefois pas que l'autorité est libre d'agir comme bon lui semble, puisqu'elle ne peut pas faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATA/366/2013 du 11 juin 2013 consid. 3a et la référence citée).

7.             Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue que les instances de recours ne peuvent annuler la décision du département que si celle-ci emporte une violation de la loi ; si plusieurs interprétations sont soutenables, le juge n'a pas à substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité de première instance (ATA/629/2008 du 16 décembre 2008, consid. 11).

8.             Les recourants arguent que les installations et constructions litigieuses, dédiées à leur activité d’exploitation de bois, sont conformes à la zone agricole.

9.             Les zones agricoles servent à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l'équilibre écologique ; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole et comprennent, d'une part, les terrains qui se prêtent à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice et sont nécessaires à l'accomplissement des différentes tâches dévolues à l'agriculture et, d'autre part, les terrains qui, dans l'intérêt général, doivent être exploités par l'agriculture (art. 16 al. 1 LAT). Il importe, dans la mesure du possible, de délimiter des surfaces continues d'une certaine étendue (art. 16 al. 2 LAT). Dans leurs plans d'aménagement, les cantons tiennent compte de façon adéquate des différentes fonctions des zones agricoles (art. 16 al. 3 LAT).

Le législateur précise la notion d’« agriculture » en parlant d’exploitation agricole et d’horticulture productrice. Ce qui relève de l’agriculture se trouve défini à l’art. 3 de la loi sur l'agriculture du 29 avril 1998 (LAgr - RS 910.1) et à l’art. 34 OAT, mis en concordance avec le précédent (production de denrées se prêtant à la consommation et à la transformation de la culture de végétaux et de la garde d’animaux de rente ; traitement, stockage et vente de produits ; exploitation de surfaces proches de leur état naturel).

10.         L’art. 16a LAT régit uniquement la conformité des constructions et installations à la zone agricole. Est conforme à la zone ce qui correspond à l’affectation prévue. La preuve de cette conformité doit être apportée pour chacune des constructions et installations envisagées (nouveau bâtiment, transformation, annexe, changement d’affectation, etc..). Enfin, un projet non conforme à l’affectation de la zone peut être admissible à titre exceptionnel en vertu des art. 24 à 24e ou de l’art. 37 LAT ((RUCH/MUGLI in Commentaire pratique LAT : construire hors zone à bâtir, 2017, art. 16a, p. 69).

Selon l'art. 16a al. 1 LAT, sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice. Cette notion de conformité peut être restreinte en vertu de l'art. 16 al. 3 LAT.

Il ressort des distinctions faites à l’art. 16a al. 1 LAT que seules peuvent être considérées comme partout conformes à l’affectation de la zone agricole les constructions et installations destinées à l’exploitation tributaire du sol. La dépendance à l’égard du sol signifie que ce dernier est indispensable en tant que facteur de production ou qu’un lien suffisamment étroit existe avec le sol (art. 37 al. 2 OAT). Sont considérées comme tributaires du sol les grandes cultures et les cultures maraîchères dans leur forme traditionnelle ainsi que la production de lait et de viande sur les propres terres de l’exploitation et à partir de celles-ci. Aussi, seule l’horticulture productrice tributaire du sol de façon prépondérante peut être qualifiée de partout conforme à l’affectation de la zone. Est réputée conforme à l’affectation de la zone l’horticulture qui, par son mode d’exploitation et ses besoins en surfaces, est comparable à une utilisation agricole du sol et qui présente un rapport suffisamment étroit avec l’exploitation du sol naturel. Sont notamment visés les établissements pratiquant l’horticulture en pleine terre et qui font pousser les plantes en serre avant de les repiquer en plein champ. La pratique n’exige pas une dépendance totale de l’exploitation à l’égard du sol. C’est pourquoi la conformité à l’affectation de la zone est aussi accordée aux constructions et installations dont la production est « principalement » tributaire du sol, ou de « façon prépondérante ». Ne tombe pas sous le coup de l’art. 16 al. 1 let. a LAT l’horticulture qui relève, non pas de l’exploitation agricole, mais du secteur de la constructions (activité de jardinier-paysagistes) (RUCH/MUGGLI, op. cit., art. 16a, p. 79 ss et art. 16,p. 53).

L’art. 16a al. 1bis LAT prévoit que les constructions et installations nécessaires à la production d'énergie à partir de biomasse ou aux installations de compost qui leur sont liées peuvent être déclarées conformes à l'affectation de la zone et autorisées dans une exploitation agricole si la biomasse utilisée est en rapport étroit avec l'agriculture et avec l'exploitation.

11.         En droit genevois, selon l'art. 20 al. 1 LaLAT, la zone agricole est destinée à l’exploitation agricole ou horticole. Ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à cette activité et aux personnes l’exerçant à titre principal (let. a), respectent la nature et le paysage (let. b) et respectent les conditions fixées par les art. 34 ss OAT (let. c).

12.         Selon l'art. 34 al. 1 OAT, sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui servent à l'exploitation tributaire du sol ou au développement interne, ou qui sont - dans les parties de la zone agricole désignées à cet effet conformément à l'art. 16a al. 3 LAT - nécessaires à une exploitation excédant les limites d'un développement interne et qui sont utilisées pour : la production de denrées se prêtant à la consommation et à la transformation et provenant de la culture de végétaux et de la garde d'animaux de rente (let. a) ; l'exploitation de surfaces proches de leur état naturel (let. b).

Sont en outre conformes à l'affectation de la zone les constructions et installations qui servent à la préparation, au stockage ou à la vente de produits agricoles ou horticoles (art. 34 al. 2 OAT) : si ces derniers sont produits dans la région et que plus de la moitié d'entre eux proviennent de l'exploitation où se trouvent lesdites constructions et installations ou d'exploitations appartenant à une communauté de production (let. a) ; si la préparation, le stockage ou la vente ne revêt pas un caractère industriel (let. b); si l'exploitation où se trouvent lesdites constructions et installations conserve son caractère agricole ou horticole (let. c).

Sont enfin conformes à l'affectation de la zone les constructions qui servent au logement indispensable à l'entreprise agricole, y compris le logement destiné à la génération qui prend sa retraite (art. 34 al. 3 OAT).

Une autorisation ne peut être délivrée (art. 34 al. 4 OAT) que si la construction ou l'installation est nécessaire à l'exploitation en question (let. a), si aucun intérêt prépondérant ne s'oppose à l'implantation de la construction ou de l'installation à l'endroit prévu (let. b), s'il est prévisible que l'exploitation pourra subsister à long terme (let. c).

En exigeant que la construction soit nécessaire à l'exploitation en cause, l'art. 34 al. 4 let. a OAT (qui reprend la condition posée à l'art. 16a al. 1 LAT) entend limiter les constructions nouvelles à celles qui sont réellement indispensables à l'exploitation agricole ou viticole afin de garantir que la zone agricole demeure une zone non constructible. La nécessité de nouvelles constructions s'apprécie en fonction de critères objectifs. Elle dépend notamment de la surface cultivée, du genre de cultures et de production (dépendante ou indépendante du sol), ainsi que de la structure, de la taille et des nécessités de l'exploitation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_266/2013 du 9 octobre 2013 consid. 3.1.1 ; 1C_22/2012 du 30 août 2012 consid. 3.2 et les références). En définitive, ces constructions doivent être adaptées, notamment par leur importance et leur implantation, aux besoins objectifs de l'exploitation en cause (ATF 133 II 370 consid. 4.2 ; 129 II 413 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_266/2013 du 9 octobre 2013 consid. 3.1.1). Le fait qu'une construction ou une installation soit nécessaire à l'exploitation agricole s'entend comme le fait qu'elle lui soit indispensable (Alexander RUCH, Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 2010, ad art 16a n° 15).

13.         La jurisprudence a ainsi eu l'occasion de préciser que les bâtiments d’exploitation agricoles – par exemple les étables, les granges, les silos ou les remises – sont considérés comme conformes à l’affectation de la zone si leur implantation à l’endroit choisi est indispensable à l’exploitation rationnelle du sol et s’ils ne sont pas surdimensionnés (ATF 132 II 10 consid. 2.4 p. 17; 118 Ib 335 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_74/2016 du 12 septembre 2016, consid. 2.1; 1C_892/2013 du 1er avril 2015 consid. 3.1; 1C_647/2012 du 3 septembre 2014 consid 11 ; 1C_266/2013 du 9 octobre 2013 consid. 3.1). En d'autres termes, les constructions et installations qui n’ont pas de lien fonctionnel direct avec une exploitation agricole ou horticole tributaire du sol de façon prépondérante ne sont en principe pas autorisées en zone agricole (Message du Conseil fédéral relatif à une révision partielle de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 mai 1996, p. 4 ; ATF 120 Ib 266).

14.         Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT). L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

15.         A Genève, selon l'art. 1 al. 1 let. a LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail. Aucun travail ne doit être entrepris avant que l’autorisation n'ait été délivrée (art. 1 al. 7 1ère phrase LCI).

16.         Les constructions édifiées dans la zone agricole au sens des art. 20 à 22 LaLAT sont soumises à ces dispositions et à celles applicables à la 5ème zone au sens de la LCI (art. 82 al. 1 LCI). En cas d'application des art. 34 à 38 et 40 OAT, le département ne peut délivrer une autorisation qu'avec l'accord, exprimé sous forme d'un préavis, du département chargé de l'agriculture.

17.         Selon le système prévu par la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif et l’autorité reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (ATA/699/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/653/2014 précité consid. 9 ; ATA/51/2013 du 21 janvier 2013).

Néanmoins, lorsque la consultation d'une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/699/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/956/2014 du 2 décembre 2014 ; ATA/902/2004 du 16 novembre 2004).

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des entités ayant formulé un préavis dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation, pour autant que l'autorité inférieure ait suivi l'avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7e ; ATA/86/2015 du 20 janvier 2015; ATA/956/2014 du 2 décembre 2014).

18.         En l’espèce, il n’est pas contesté que la parcelle litigieuse n° 1______ se situe en zone agricole. L’activité de la recourante consiste notamment en la vente de bois de feu pour cheminées, travaux forestiers, élagage, taille de formation des grands arbres, abattages dangereux et difficiles, transports de bois et copeaux et mise à disposition des entreprises privées et commerciales de chauffeurs de poids lourds, cars. Sur la parcelle n° 1______, elle n’exploite pas les arbres qui s’y trouvent mais procède à la découpe de bois provenant d’autres parcelle et au stockage sur place. Par ailleurs, les installations dont la mise en conformité était demandée dans la requête en autorisation de construire n’avaient jamais été précédemment autorisées par le département.

Les recourants estiment que toutes les installations présentes sur la parcelle, à l’exception de la grue qu’ils sont prêts à enlever, répondent au critère de nécessité à l’horticulture productrice.

Or, comme l’a retenu à juste titre le département, les recourants ne font pousser aucune plante ou ne procèdent pas à du repiquage de végétaux. Ils n’exploitent en aucune façon le sol de la parcelle. Ladite parcelle était utilisée comme pépinière avant que l’activité de transformation de bois ne débute il y a une quinzaine d’années. Ainsi, la dépendance à l’égard du sol, qui signifie que ce dernier est indispensable en tant que facteur de production ou qu’un lien suffisamment étroit existe avec le sol, fait défaut.

Dès lors, l’exploitation des recourants n’est pas une exploitation agricole ou horticole, elle ne peut pas prendre place en zone agricole, et partant les conditions de l’art. 34 al. 4 OAT ne sont pas remplies.

Les recourants indiquent que leurs installations litigieuses iraient dans le sens d’une réhabilitation de l’énergie tirée de la biomasse, notablement moins polluante que celle de l’énergie fossile. Toutefois, comme cela ressort des conditions spécifiques de l’art. 16a al. 1bis LAT, la production d’énergie à partir de biomasse n’est pas une activité agricole proprement dite. La biomasse utilisée doit, d’une part, avoir un lien étroit avec l’agriculture en tant que telle et, d’autre part, avec l’exploitation où est sise la construction ou l’installation. Ainsi, une certaine part de la biomasse doit être issue de l’agriculture. L’exploitation des recourants n’étant pas une exploitation agricole, il n’est dès lors pas possible de retenir que leur activité irait dans le sens d’une réhabilitation de l’énergie tirée de la biomasse.

Enfin, les recourant ne peuvent tirer aucun profit du courrier de la chambre genevoise d’agriculture de 1993 qui, d’une part, traite de l’utilisation d’un hangar existant sur une autre parcelle et, d’autre part, n’est ni une instance de préavis ni une autorité à même de délivrer une autorisation de construire.

C’est donc à juste titre que le département, se fondant sur les préavis défavorables de l’OCAN, de la DAC et de l’OU, a refusé de délivrer l’autorisation de construire.

19.         Les recourants estiment qu’une dérogation fondée sur les art. 24 LAT et 27 LaLAT ne serait pas nécessaire, car leur demande d’autorisation a pour objet une demande de régularisation et non une nouvelle construction ou installation.

La structure des dérogations est la suivante, on distingue tout d’abord entre les dérogations ordinaires (art. 24 LAT) et les dérogations facilitées (art. 24a à 24e LAT).

Relèvent des dérogations ordinaires, les dérogations accordées aux projets de construction dont l’implantation est imposée par leur destination. En vertu de l'art. 24 LAT, en dérogation à l'art. 22 al. 2 let. a LAT des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si : l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination (let. a) et qu’aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (let. b).Ces deux conditions sont cumulatives (ATF 124 II 252 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_618/2014 du 29 juillet 2015 consid. 4.3) et doivent être examinées séparément (ATF 138 II 570 consid. 4).

Relèvent des dérogations facilitées, les dérogations qui portent en règle générale sur un bâtiment existant et en permettent le changement d’affectation, la transformation, l’agrandissement, la reconstruction.

De façon générale, l'implantation d'une construction est imposée par sa destination lorsqu'un emplacement hors de la zone à bâtir est dicté par des motifs techniques, des impératifs liés à l'exploitation d'une entreprise, la nature du sol ou lorsque l'ouvrage est exclu de la zone à bâtir pour des motifs particuliers. Il suffit que l'emplacement soit relativement imposé par la destination : il n'est pas nécessaire qu'aucun autre emplacement n'entre en considération ; il doit toutefois exister des motifs particulièrement importants et objectifs qui laissent apparaître l'emplacement prévu comme plus avantageux que d'autres endroits situés à l'intérieur de la zone à bâtir (ATF 136 II 214 consid. 2.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_877/2013 du 31 juillet 2014 consid. 3.1.1). L'examen du lieu de situation imposé par la destination apparaît incomplet lorsqu'aucune solution alternative ni aucun emplacement alternatif n'ont été débattus (ATF 136 II 214 consid. 2.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_877/2013 du 31 juillet 2014 consid. 3.1.1). L'application du critère de l'art. 24 let. a LAT doit être stricte, dès lors qu'il contribue à l'objectif de séparation du bâti et du non-bâti (ATF 124 II 252 consid. 4a ; 117 Ib 270 consid. 4a, 379 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_877/2013 du 31 juillet 2014 consid. 3.1.1). Seuls des critères objectifs sont déterminants, à l'exclusion des préférences dictées par des raisons de commodité ou d'agrément (ATF 129 II 63 consid. 3.1 ; 124 II 252 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.98/2005 du 19 février 2007 consid 3.1).

20.         En l’espèce, comme déjà relevé, les constructions et installations présentes sur la parcelle n’ayant jamais fait l’objet d’une autorisation de construire, et bien qu’elles semblent exister sur la parcelle depuis de nombreuses années, elles doivent être considérées comme nouvelles.

L’activité déployée sur la parcelle a été modifiée entre 2005 et 2009, passant d’une pépinière à une exploitation de transformation de bois.

Rien n’impose que l’activité litigieuse des recourants soit déployée sur la parcelle n° 1______, car la préservation de la zone agricole s’y oppose. Ainsi, les constructions et installations dont la régularisation a été demandée ne respectent pas les conditions des art. 24 LAT et 27 LaLAT et aucune dérogation ne peut être accordée sur la base des art. 24a à 24e LAT, car il est manifeste qu’aucun état de fait de ce catalogue exhaustif d’exceptions n’est ici réalisé.

Les recourants ne peuvent ainsi bénéficier d’aucune de ces dérogations.

21.         Les recourants estiment que le principe de l’égalité de traitement a été violé.

22.         Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 144 I 113 consid. 5.1.1 ; 143 I 361 consid. 5.1 ; 142 V 316 consid. 6.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3).

23.         En l’espèce, il a été démontré que l’activité déployée par les recourants n’est pas conforme à la zone agricole. Par ailleurs, l’activité de paysagiste, à laquelle il comparent leur propre activité, est différente ; dès lors que les recourants comparent deux activité différentes, il est normal que leur situation ne soit pas traitée de manière semblable.

Par ailleurs, selon les éléments du dossier, une procédure serait en cours concernant les installations et constructions de la parcelle n° 5______ sur laquelle est situé le siège de la recourante, lesquelles ne seraient pas conforme à la zone. On peine à comprendre pourquoi le principe de l’égalité de traitement serait violé du fait de l’existence de cette autre procédure, laquelle concerne une autre parcelle et visiblement d’autres constructions, même si elle est également utilisée par la recourante.

24.         Au vu de ce qui précède, le principe de l’égalité de traitement n’a pas été violé.

25.         Les recourants estiment enfin avoir transmis au département tous les documents nécessaires à l’instruction de leur demande d’autorisation de construire.

26.         Selon l’art. 9 al. 2 let. b du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01), Il y a lieu de joindre à la demande d’autorisation de construire définitive un extrait du plan cadastral conforme aux alinéas 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance fédérale sur la mensuration officielle, du 18 novembre 1992, obtenu soit sur le guichet cartographique de la mensuration officielle, soit auprès d'un ingénieur-géomètre officiel. Sur ce plan, la nouvelle construction doit être figurée et cotée par rapport aux limites de propriété, avec des niveaux aux angles des constructions, des coupes de principe sur la construction projetée, et l'indication des gabarits théoriques, de telle sorte qu'il soit facile de déterminer ses relations avec les voies les plus proches (publiques ou chemins privés) et les propriétés limitrophes sur une profondeur de 15 m au moins, en indiquant les constructions existantes et, le cas échéant, les distances aux lisières forestières, au lac et aux cours d'eau. Sont également précisés : les emplacements de stationnement, l'aménagement des accès, les raccordements à la voie publique, les sens de circulation prévus, ainsi que les raccords aux canalisations d'évacuation existantes, les bâtiments encore non cadastrés ou qui ne nécessitent pas de cadastration, éventuellement à conserver ou à démolir, et les arbres à abattre (10 ex.). La signature du plan cadastral par un ingénieur-géomètre officiel est obligatoire, sauf lorsque l'objet de la demande porte uniquement sur la transformation, la rénovation ou le changement d'affectation d'une construction.

27.         En l’espèce, le dossier d’autorisation de construire produit par le département dans le cadre de la présente procédure ne contient pas d’extrait cadastral tel que requis par l’art. 9 al. 2 let. a RCI, mais un « plan d’état des lieux » établi par L______, lequel avait été transmis au département à sa demande. C’est donc à juste titre que le DT a retenu que tous les documents utiles n’avaient pas été transmis.

Ce plan a une nouvelle fois été produit dans le cadre de la présente procédure : aucun autre plan n’a été par la suite établi correspondant à la demande du département.

28.         Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le département a refusé de délivrer l'autorisation querellée, tous les griefs devant être rejetés.

29.         Le recours sera dès lors rejeté.

30.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 février 2022 par A______ Sàrl et Monsieur B______ contre la décision du département du territoire du 18 janvier 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Patrick BLASER et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière