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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2880/2022

JTAPI/963/2022 du 14.09.2022 ( MC ) , CONFIRME

recours terminé sans jugement

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.77
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2880/2022 MC

JTAPI/963/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 14 septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Marc-Philippe SIEGRIST, avocat

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1986, est originaire du Maroc.

2.             Le 5 octobre 2010, M. A______ a déposé une demande d'asile en Suisse, après avoir prétendu s’appeler B______ et être né en Algérie.

3.             Par décision du 7 décembre 2010, l’office fédéral des migrations, devenu depuis lors le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), n’est pas entré en matière sur cette demande, déniant à M. A______ la qualité de réfugié. Il a simultanément prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai de vingt-quatre heures suivant l’entrée en force de sa décision pour quitter le pays. Cette décision précisait que M. A______ s’exposait à des mesures de contrainte dans l’hypothèse où il ne partirait pas. Cette décision est entrée en force le 19 décembre 2010.

Le canton de Genève était tenu de procéder à l'exécution de cette décision.

4.             Entendu par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 24 janvier 2011, l’intéressé a indiqué qu’il avait bien compris la décision précitée et qu’il partirait dans trois ou quatre mois dans son pays d’origine, quel qu’il soit.

5.             Le même jour, soit le 24 janvier 2011, l’OCPM a demandé le soutien du SEM en vue de l’obtention de documents de voyage en faveur de M. A______.

6.             À nouveau entendu par l’OCPM le 31 janvier 2012, M. A______ a déclaré qu’il n’avait entrepris aucune démarche pour respecter son obligation d’organiser son retour, qu’il ne possédait aucun document d’identité en Suisse, qu’il n’avait pas la possibilité d’en obtenir de nouveaux de sa famille, mais qu’il se rendrait néanmoins à la Croix-Rouge pour organiser son départ. Il a notamment pris bonne note qu’il s’exposait à des mesures de contrainte dans l’hypothèse où il ne collaborerait pas à l’organisation de son renvoi.

7.             Le 13 février 2012, derechef auditionné par l’OCPM, M. A______ a indiqué ne pas s’être présenté à la Croix-Rouge et ne pas vouloir organiser son départ. Il a pris bonne note que son renvoi serait exécuté par les services de police au vu de son refus de collaborer et de respecter son devoir de quitter la Suisse.

8.             Le 7 septembre 2012, l’intéressé s’est rendu dans les locaux de l’OCPM pour se soumettre à une analyse de provenance effectuée par téléphone avec un expert « LINGUA », mandaté par le SEM.

9.             Le 11 octobre 2012, le SEM a sollicité de l’Ambassade du Maroc la délivrance d’un document de voyage en faveur de M.  A______, dont la nationalité marocaine avait été établie sans équivoque à la suite de l’expertise précitée, aux fins de procéder à son refoulement à destination de son pays d’origine.

10.         Le 21 janvier 2019, le SEM a sollicité de l’Ambassade du Maroc la délivrance d’un document de voyage en faveur de M.  A______.

11.         Le 13 octobre 2021, le SEM a informé l’OCPM du fait que l’intéressé avait été reconnu par les autorités marocaines comme étant leur citoyen sous l’identité de M. A______.

12.         Le 17 novembre 2021, l’OCPM a requis des services de police d'exécuter le renvoi de l'intéressé à destination du Maroc.

13.         Le 2 septembre 2022, les autorités marocaines ont délivré un laissez-passer valable durant un mois en faveur de M. A______, lequel a été inscrit par le police sur un vol à destination du Maroc, au départ de Genève, prévu le 14 septembre 2022.

14.         Le 13 septembre 2022, à 9h40, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de soixante jours sur la base de l’art. 77 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son retour au Maroc.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 9h00.

15.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour, par courriel, à 9h47.

16.         À réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______ désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 14 septembre 2022 à 17h00.

17.         Par courrier adressé par télécopie au tribunal dans le délai imparti, le conseil de M. A______ a présenté des observations. M. A______ ne souhaitait pas quitter la Suisse. Toutefois, s'étant présenté de son plein gré à la police, il n'avait pas tenté de fuir. La détention ordonnée ne respectait ainsi pas le principe de proportionnalité. Il concluait à son annulation, subsidiairement à la réduction de sa durée à une semaine.


 

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.

3.             Lorsque, comme en l'espèce, la détention est fondée sur l'art. 77 LEI, elle est soumise au contrôle de l'autorité judiciaire sous la forme de la procédure écrite en application de l'art. 80 al. 2 2ème phr. LEI, qui institue une exception au principe de l'oralité de la procédure institué par la loi (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Code annoté de droit des migrations, vol. II, Loi sur les étrangers, 2017, n. 30 ad art. 80 p. 869) n'impliquant pas le consentement de la personne détenue.

4.             Le tribunal statue ce jour dans le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le 13 septembre 2022 à 9h00, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées).

5.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

6.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

7.             En vertu de l'art. 77 al. 1 LEI précité, l'autorité cantonale compétente peut ordonner la détention d'un étranger afin d'assurer l'exécution de son renvoi ou de son expulsion aux conditions cumulatives (cf. ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 3a et la référence citée) suivantes : une décision exécutoire a été prononcée (let. a) ; il n'a pas quitté la Suisse dans le délai imparti (let. b) ; l'autorité a dû se procurer elle-même les documents de voyage (let. c).

Normalement, les autorités partent du principe que l’étranger dispose des documents de voyage ou se les procure lui-même. Si l’étranger a laissé entendre qu’il n’entreprendrait rien dans ce sens ou n’entreprend effectivement rien, ou s’il échoue dans ses efforts, elles deviennent actives. Lorsque, par la suite, elles parviennent à se procurer les documents nécessaires, la condition de l’art. 77 al. 1 let. c LEI est en principe remplie. Au regard de la détention selon l’art. 77 LEI, est décisif dans le comportement de l’étranger le fait qu’il n’ait pas quitté le pays dans le délai imparti et n'ait lui-même pas entrepris suffisamment de démarches pour obtenir des papiers au moment nécessaire. En revanche, si l’étranger échouait dans ses démarches malgré un comportement irréprochable, une détention ne se justifierait pas ; elle serait pour le moins disproportionnée, voire contraire à l’art. 5 CEDH. Cela étant, l’étranger devra au moins alléguer et rendre plausible qu’il avait tout entrepris en temps utile pour obtenir des papiers, s’il ne ressort rien du dossier à ce sujet. Pour le reste, d’autres éléments subjectifs ne sont pas exigés. Il n’est, entre autres, pas nécessaire qu’on puisse reprocher à l’étranger un manque de collaboration à l’obtention des papiers par les autorités, même si le titre de l’art. 77 LEI (« en cas de non-collaboration ») pourrait laisser entendre le contraire. La non-collaboration au sens de l’art. 77 LEI se résume au fait que l’étranger n’a pas ou pas suffisamment entrepris de démarches pour obtenir lui- même, à savoir sans le concours des autorités, les papiers indispensables à son départ de Suisse. Exiger une condition de non-collaboration supplémentaire rendrait l’art. 77 LEI superflu, étant donné qu’en cas de défaut de collaboration de la part de l’étranger, les motifs de détention de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 ou 4 LEI seraient (déjà) applicables. Ce qui est décisif est que l’étranger n’ait pas lui-même entrepris dans ce sens les démarches exigibles de sa part. Que suite à des démarches introduites par les autorités, il se laisse prendre en photo, signe des documents ou accepte d’aller au rendez-vous organisé par les autorités auprès de la représentation diplomatique de son pays n’exclut pas d’emblée la détention selon l’art. 77 LEI (cf. Grégor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 19 ad art. 77 p. 826).

8.             La durée de la détention ne peut excéder 60 jours (art. 77 al. 2 LEI) et les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 77 al. 3 LEI).

9.             Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 , 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

10.         En l'espèce, les trois conditions posées par l'art. 77 al. 1 LEI sont réunies. M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse définitive et exécutoire. Il n'a pas quitté le pays dans le délai qui lui avait été imparti. Enfin, n'ayant entrepris aucune démarche en vue de son départ - et ayant répété lors de son audition du 13 février 2012 ne pas vouloir organiser son départ -, les autorités cantonales ont dû se procurer elles-mêmes les documents de voyage. Les ayant obtenus, elles ont pu réserver une place sur un vol à destination du Maroc pour le 14 septembre 2022 au départ de Genève. Par conséquent, la détention administrative est fondée quant à son principe.

Les autorités ont par ailleurs entrepris toutes les démarches nécessaires en vue de l'exécution du renvoi sans tarder puisqu'elles ont obtenu une place sur un vol à destination du Maroc pour le 14 septembre 2022. Le principe de célérité est dès lors respecté.

Enfin, la durée de la détention de soixante jours respecte le cadre légal et n'apparait pas disproportionnée. Pour le surplus, compte tenu du refus de M. A______ de se soumettre à la décision de renvoi, ce qu'il a répété dans ses dernières observations, aucune autre mesure moins coercitive ne serait à même d'assurer la mise en œuvre de cette décision.

Les principes de la légalité et de la proportionnalité apparaissent ainsi respectés.

11.         Partant, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de soixante jours.

12.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 13 septembre 2022 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de soixante jours, soit jusqu'au 11 novembre 2022 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière