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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3974/2021

JTAPI/866/2022 du 30.08.2022 ( LCR ) , REJETE

REJETE par ATA/11/2023

Descripteurs : VITESSE;RETRAIT DE PERMIS;RETRAIT DU PERMIS À TITRE PRÉVENTIF;EXPERTISE;COMPÉTENCE
Normes : OAC.45.ala
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3974/2021 LCR

JTAPI/866/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 août 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Albert REY-MERMET, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1973 habite en France au 1______ chemin des B______, 2______ C______. Il est titulaire d’un permis de conduire français.

2.             Par jugement du 4 juin 2021, le Tribunal de police l’a reconnu coupable de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière et l’a condamné à une peine privative de liberté de dix-huit mois, au bénéfice du sursis et en fixant le délai d’épreuve à deux ans.

3.             Par décision du 6 août 2021, l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a prononcé à l’encontre de M. A______ une interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse et d’un retrait de son permis de conduire à titre préventif, et cela pour une durée indéterminée. L’OCV lui a en outre fait obligation de se soumettre à une expertise visant à évaluer son aptitude caractérielle à la conduite par un psychologue du trafic (ch. 1b de la décision).

Les infractions retenues étaient une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation en participant à une course de vitesse et heurt d’un véhicule le ______ 2020 à 4h00, sur la route de D______ en direction de la douane de E______, au volant d’une voiture de police, avec sirène et feux bleus enclenchés lors d’un trajet non urgent. Par jugement du 4 juin 2021, le Tribunal de police l’avait condamné pour les mêmes faits.

L’examen du dossier et l’importance de l’excès de vitesse commis, considéré comme un délit de chauffard, impliquait un retrait et une interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse pour une durée de deux ans. Ces éléments incitaient l’OCV à émettre des doutes sérieux quant à l’aptitude caractérielle à la conduite des véhicules à moteur de M. A______. Une décision finale serait prise lorsque les questions relatives à son aptitude à conduire auraient été élucidées ou, en cas de non soumission à l’examen imposé, dans un délai de six mois.

4.             Par courriel du 10 août 2021 à l’OCV, M. A______ a confirmé ne pas être en mesure de déposer son permis de conduire suisse, n’en étant plus en possession depuis l’été 2010. En déménageant en France, il l’avait échangé contre un permis de conduire français.

5.             Par courrier du 3 novembre 2021 à l’OCV, M. A______ a indiqué que l’autorité suisse n’était pas compétente pour ordonner une expertise en Suisse visant à évaluer l’aptitude caractérielle à la conduite d’une personne non domiciliée en Suisse. Ainsi, il invoquait la nullité de la décision du 6 août 2021, moyen pouvant être soulevé en tout temps, ainsi que la suppression du ch.1 b. de la décision de l’OCV du 6 août 2021.

Pour le reste, il ne contestait pas la décision de l’OCV hormis la question de la durée de l’interdiction de circuler en Suisse pour une durée de deux ans, qu’il fallait encore confirmer.

6.             Par courrier recommandé du 12 novembre 2021, l’OCV a indiqué à M. A______ que la Suisse et la France étaient convenues que leurs subdivisions pouvaient retirer à un conducteur, qui commettait sur leur territoire une infraction susceptible d’entraîner le retrait du permis de conduire en vertu de leur législation, le droit de faire usage sur leur territoire du permis de conduire, national ou international, dont il est titulaire. Cette convention était en vigueur et applicable en Suisse et en France, il était titulaire d’un permis français et les faits qui lui étaient reprochés avaient été commis en Suisse. Dès lors, la mesure dirigée à son encontre devait être prononcée en vertu de la législation suisse sur la circulation routière.

Les faits commis le ______ 2020 correspondaient à une infraction grave constitutive d’un profond manque d’égards pour les autres usagers de la route et entraînant de sérieux doutes sur son aptitude à la conduite, lesquels ne pourraient être levés que par la réalisation d’une expertise visant son aptitude caractérielle à la conduite. L’OCV n’avait aucune marge d’appréciation, étant précisé qu’une expertise était ordonnée de par la loi pour les faits précités.

Au regard de tous ces éléments, ses griefs étaient rejetés et l’OCV entendait maintenir l’intégralité des termes de sa décision du 6 août 2021, laquelle était entrée en force.

7.             Par acte du 19 novembre 2021, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision de l’OCV du 6 août 2021, en concluant à la nullité du ch. 1b de la décision litigieuse ordonnant une expertise visant à évaluer son aptitude caractérielle à la conduite par un psychologue du trafic.

Il ne contestait pas l’interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse pendant une durée de deux ans. Toutefois, étant domicilié à l’étranger, il contestait l’obligation de se soumettre en Suisse à une expertise visant à évaluer son aptitude caractérielle à la conduite par un psychologue du trafic. Cette obligation ne reposait sur aucune base légale et était dès lors frappée de nullité.

Dans sa lettre du 12 novembre 2021, l’OCV se prévalait pour la première fois du droit conventionnel, mais en vain. Ce droit ne traitait que de la possibilité pour un Etat contractant de retirer au conducteur d’un autre Etat contractant le droit de faire usage du permis de conduire dont il était titulaire. En revanche, il n'était pas question d’éventuelles conditions auxquelles pourrait soumettre sur son propre territoire un Etat contractant ou ses subdivisions – soit la Suisse - un conducteur domicilié dans un autre Etat contractant pour l’utilisation du permis dont il est titulaire. Par ailleurs, les mesures que pouvait prendre une partie contractante à l’égard d’un conducteur étranger étaient prévues limitativement et l’obligation pour un conducteur étranger de se soumettre en Suisse à une expertise n’en faisait pas partie. C'était contre ce refus d'admettre la nullité de la décision du 6 août 2021 que son recours était dirigé.

8.             Par jugement du tribunal du 9 décembre 2021, le recours interjeté le 19 novembre 2021 a été déclaré irrecevable, faute d’avoir été interjeté dans le délai de trente jours contre la décision de l’OCV du 6 août 2021.

9.             Par acte du 14 janvier 2022, le recourant sous la plume de son conseil, a recouru contre ce jugement auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre). Il a principalement conclu à son annulation et au renvoi de la cause au tribunal.

10.         Par arrêt du 1er mars 2022 (ATA/3______), la chambre a annulé le jugement du tribunal du 9 décembre 2021 et lui a renvoyé la cause pour nouvelle décision.

Le tribunal ne pouvait déclarer irrecevable pour cause de tardiveté le recours de M. A______, car celui-ci avait précisé qu'il entendait recourir contre l'acte du 12 novembre 2021 par lequel l'OCV avait refusé d'admettre la nullité du ch. 1b de la décision du 6 août 2021, nullité qui pouvait être constatée en tout temps.

11.         Par courrier du 5 mai 2022 à l’OCV, le tribunal a indiqué à M. A______ qu'il reprenait l’instruction du recours du 19 novembre 2021 suite à l’arrêt de la chambre du 1er mars 2022. Il lui a imparti un délai au 6 juin 2022 pour communiquer ses observations et produire son dossier.

12.         Dans ses observations du 17 juin 2022, l’OCV a maintenu les termes de sa décision du 6 août 2021, laquelle était conforme à la loi et à la jurisprudence fédérale en matière de délit de chauffard. Il a produit le dossier administratif du recourant.

À titre liminaire, son courrier du 12 novembre 2021 ne semblait pas être une décision, en l’absence notamment de l’indication des voies de recours formelles.

Le recourant était titulaire d’un permis de conduire français et les faits qui lui étaient reprochés avaient été commis en Suisse. Ainsi, la mesure dirigée à son encontre devait être prononcée en vertu de la législation suisse sur la circulation routière.

Les faits commis le 1er mai 2020 correspondaient à une infraction grave constitutive d’un profond manque d’égards pour les autres usagers de la route. Ces faits entraînaient de sérieux doutes sur l’aptitude à la conduite du recourant, lesquels ne pouvaient être levés que par la réalisation d’une expertise visant à évaluer son aptitude caractérielle à la conduite. De plus, les faits n’étaient pas contestés par le recourant lui-même, lequel avait été déclaré coupable de violation grave des règles de la circulation routière par jugement du Tribunal de police le 4 juin 2021.

13.         Dans sa duplique du 11 juillet 2022, le recourant, sous la plume de son conseil, a conclu au constat de la nullité du ch. 1b de la décision de l’OCV du 6 août 2021, s’agissant de le soumettre à une expertise visant à évaluer son aptitude caractérielle à la conduite par un psychologue du trafic.

Tout d’abord, l’OCV avait déposé ses observations requises par le tribunal le 17 juin 2022 et n’avait manifestement pas respecté le délai imparti au 6 juin 2022. Ainsi, il fallait conclure à l’irrecevabilité de ces observations hors délai et écarter ses écritures et ses annexes du dossier.

Dans ses observations du 18 juin, l’OCV ne s’était pas déterminé sur la question la question de sa compétence pour décider de la mesure contestée, à savoir soumettre en Suisse un conducteur vivant à l’étranger à une expertise visant « à évaluer son aptitude caractérielle à la conduite par un psychologue du trafic ». En particulier, l’OCV n’avait cité aucune base légale qui fonderait cette prétendue compétence, pas plus qu’il ne se prononçait sur les moyens qu’il avait lui-même soulevés dans son recours au tribunal du 19 novembre 2021 et dans son recours à la chambre du 14 janvier 2022. Il s’agissait pourtant d’une question de droit que l’OCV devait examiner d’office. Toutefois, il avait manifestement renoncé à fournir des explications au sujet de sa compétence et partant il avait admis, du moins tacitement, qu’il ne l'avait pas.

14.         Dans sa duplique du 22 juillet 2022, l’OCV a maintenu les termes de sa décision du 6 août 2021, laquelle était conforme à la loi et à la jurisprudence fédérale en matière de délit de chauffard.

Tout d’abord, son courrier du 12 novembre 2021 ne lui semblait pas être une décision en l’absence notamment de la mention de voies de recours formelles.

Par ailleurs, le délai accordé au 6 juin 2022 par le tribunal correspondait à un délai d’ordre et non à un délai légal. Le non-respect de ce délai ne conduisait dès lors pas de facto à l’irrecevabilité des observations formulées en date du 17 juin 2022.

La convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 (RS 0.741.10) était en vigueur et applicable en Suisse et en France. Les faits qui étaient reprochés au recourant avaient été commis en Suisse et il était titulaire d’un permis de conduire français. Par conséquent, la mesure dirigée contre lui devait être prononcée en vertu de la législation suisse sur la circulation routière.

Les faits commis le 1er mai 2020 correspondaient à une infraction grave constitutive d’un profond manque d’égards pour les autres usagers de la route et entraînaient de sérieux doutes sur l’aptitude à la conduite du recourant, doutes ne pouvant être levés que par la réalisation d’une expertise visant à évaluer son aptitude caractérielle à la conduite.

Enfin, les faits n’étaient pas contestés par le recourant lui-même, lequel avait été déclaré coupable de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière par jugement du Tribunal de police du 4 juin 2021.

15.         Par écriture spontanée du 5 août 2022, le recourant, sous la plume de son conseil, s’est déterminé sur la duplique de l’OCV, reprenant ses précédentes conclusions.

16.         Tout d’abord, le délai fixé au 6 juin 2022 par le tribunal à l’OCV pour faire valoir ses observations devait être impérativement respecté. L’affirmation de l’autorité intimée revenait à dire qu’il avait « tout loisir d’agir quand bon lui semblait et qu’il aurait ainsi joui d’une marge de manœuvre laissée à son appréciation, ici de 11 jours ». Un tel raisonnement violait manifestement le droit cantonal. Ainsi, les observations et les pièces déposées le 17 juin 2022 par l’OCV étaient irrecevables et devaient être écartées du dossier. Il en allait à fortiori de même pour les déterminations sur le fonds de l’OCV dans sa duplique du 22 juillet 2022, dès lors qu’elles auraient déjà dû l’être pour le 6 juin 2022.

Pour le surplus, on ne pouvait que souligner l’acharnement de l’OCV, pourtant incompétent en la matière, à vouloir « mettre en doute » son aptitude à la conduite en oubliant que l’incident ayant conduit à la sanction non contestée, était son seul et unique en trente ans de conduite. De plus, il s’était immédiatement conformé à l’interdiction de conduire en Suisse pendant une période de deux ans, qui lui avait été faite

17.         Le détail des pièces sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Sur le plan formel, le recourant soutient que les observations et les pièces déposées par l’OCV le 17 juin 2022 et les déterminations de sa duplique du 22 juillet 2022 sont irrecevables, car cette autorité n’a pas respecté le délai octroyé par le tribunal au 6 juin 2022.

Cet argument est sans réelle portée, le tribunal appliquant le droit d'office (art. 69 al. 2 LPA) et, en particulier dans le cas d'espèce, devant décider, indépendamment même des conclusions des parties, si le ch. 1b de la décision du 6 août 2021 est nul.

Le tribunal tranchera donc cette question par lui-même, les écritures de l'autorité intimée n'ayant pas d'être prises en compte à cette fin.

4.             Sur le fond, il convient préalablement de relever que l'ATA/3______ rendu par la chambre administrative de la Cour de justice le 1er mars 2022 constate que l'acte expédié le 12 novembre 2021 par l'autorité intimée est une décision contre laquelle son destinataire pouvait recourir. Contrairement à ce que semble soutenir l'autorité intimée, il n'y a pas lieu de revenir sur ce constat, entré en force avec l'arrêt susmentionné. Au demeurant, le fait que cette décision du 12 novembre 2021 contienne des informalités (absence des voies et délais de recours) affecte uniquement sa validité formelle, mais non sa nature juridique.

5.             Le recourant estime que le point 1.b) de la décision du 6 août 2021 de l’OCV est nul, car cette autorité ne serait pas compétente pour l’obliger à se soumettre à une expertise au sens de l’art. 15d al. 1 let. c LCR.

6.             Comme relevé par la chambre administrative de la Cour de justice dans son arrêt du 1er mars 2022 rendu dans la présente procédure, la nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par l'ensemble des autorités étatiques (ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; 136 II 415 consid. 1.2 ; 132 II 342 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.2 ; 4A_142/2016 du 25 novembre 2016 consid. 2.2).

7.             Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui remplit les conditions suivantes :

-          il a atteint l’âge minimal requis (let. a) ;

-          il a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b) ;

-          il ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) ;

-          ses antécédents attestent qu’il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

8.             Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1), notamment en cas d'infractions aux règles de la circulation dénotant un manque d'égards envers les autres usagers de la route (art. 15d al. 1 let. c LCR). Selon l'art. 90 al. 3 LCR, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, notamment en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, est puni d'une peine privative de liberté d'un à quatre ans. L'alinéa 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée d'au moins 60 km/h, là où la limite était fixée à 80 km/h (art. 90 al. 4 let. c LCR; ATF 140 IV 133 consid. 3.2 p. 136).

En pareil cas, le permis de conduire est généralement retiré à titre provisionnel (retrait préventif selon l'art. 30 OAC de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51) jusqu'à ce que les clarifications soient exécutées (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1 ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5d et la référence).

Selon l'art. 30 OAC, le permis de conduire peut-être retiré à titre préventif en cas de doutes sérieux quant à l'aptitude à la conduite d'une personne. Cette disposition institue une mesure provisoire destinée à protéger les intérêts menacés jusqu'à l'issue de la procédure principale portant sur un retrait de sécurité. Vu l'importance du risque inhérent à la conduite des véhicules automobiles, il s'impose qu'un conducteur puisse se voir retirer son permis, à titre préventif, dès que des indices autorisent à penser qu'il représente un risque particulier pour les autres usagers de la route et font douter sérieusement de sa capacité à conduire. Une preuve stricte n'est pas nécessaire. En effet, si une telle preuve était apportée, c'est un retrait de sécurité qu'il y aurait lieu d'ordonner sans plus attendre. Au contraire, le retrait préventif intervient, par définition, avant que tous les éclaircissements nécessaires pour juger de la nécessité d'un retrait de sécurité aient été obtenus. Pour décider d'un retrait préventif, l'autorité doit donc se fonder sur les éléments dont elle dispose en l'état. La prise en considération de tous les éléments plaidant en faveur ou en défaveur de l'aptitude de l'intéressé à la conduite de véhicules automobiles interviendra à l'issue de la procédure au fond (cf. ATF 125 II 492 consid. 2b p. 495; arrêt 1C_514/2016 du 16 janvier 2017 consid. 2.2 ; arrêt 1C_154/2018 du 4 juillet 2018 consid. 4.2). 

Si des indices concrets soulèvent des doutes quant à l'aptitude à la conduite de la personne concernée, un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un médecin et/ou un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un psychologue du trafic doivent être ordonnés (art. 28a al. 1 OAC ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_41/2019 du 4 avril 2019 consid. 2.1 ; 1C_76/2017 du 19 mai 2017 consid. 5 ; cf. aussi ATF 139 II 95 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1). Plusieurs excès de vitesse massif (" délit de chauffard ") ou un autre comportement en matière de circulation routière qui se révèle être particulièrement dangereux et sans égard pour autrui peuvent constituer des indices suffisants pour une possible inaptitude à la conduite. On peut en déduire des motifs caractériels ou de santé psychique, qui justifient un retrait préventif du permis de conduire (cf. art. 90 al. 3 et 4 et 15d al. 1 let. c; arrêt 1C_658/2015 du 20 juin 2016 consid. 2). Même un premier excès de vitesse massif peut, dans certaines circonstances, faire douter de l'aptitude à la conduite, ce qui justifie un retrait préventif et une expertise psychologique (cf. notamment arrêts 1C_658/2015 précité consid. 2 et 3; 1C_604/2012 du 17 mai 2013 consid. 6.1 et 6.2 ; 1C_154/2018 du 4 juillet 2018 consid. 4.2). 

9.             À teneur de l’art. 42 al. 1 de la convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 (RS 0.741.10), conclue à Vienne le 8 novembre 1968, entrée en vigueur pour la Suisse le 11 décembre 1992 et pour la France le 9 décembre 1971, les parties contractantes ou leurs subdivisions peuvent retirer à un conducteur qui commet sur leur territoire une infraction susceptible d'entraîner le retrait du permis de conduire en vertu de leur législation, le droit de faire usage sur leur territoire du permis de conduire, national ou international dont il est titulaire.

L'art. 45 al. 1 OAC prévoit que l'usage d'un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s'appliquent au retrait du permis de conduire suisse (cf. ATA/23/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/591/2012 du 4 septembre 2012).

10.         En l’espèce, le recourant soutient que l’autorité suisse n’est pas compétente pour ordonner une expertise visant à évaluer l'aptitude caractérielle à la conduite par un psychologue du trafic concernant une personne domiciliée hors de suisse et disposant d’un permis de conduire étranger. Selon lui le ch. 1b de la décision du 6 août 2021 serait nul, car la convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 énumérerait de manière exhaustive à son art. 42 al. 1 let. a à d les mesures à disposition d'une partie contractante à l’égard d’un conducteur étranger. Or, l'expertise médicale litigieuse ne ferait pas partie de ce catalogue.

Cela étant, ainsi que cela ressort de son premier acte de recours du 19 novembre 2021, il ne conteste pas l’interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse pendant une durée de deux ans. Or, il ressort clairement des bases légales et de la jurisprudence citées plus haut que si des indices concrets soulèvent des doutes quant à l’aptitude à la conduite d’une personne, un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un médecin et/ou un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un psychologue du trafic, doivent être ordonnés et le permis retiré à titre préventif. Le recourant, qui est au bénéfice d’un permis de conduire français, a commis plusieurs excès de vitesse lors d’une course-poursuite à Genève. Son comportement est dès lors objectivement de nature à susciter des doutes sur son aptitude à la conduite, de sorte que, vis-à-vis d'un conducteur disposant d'un permis de conduire suisse, l'autorité intimée aurait été légitimée à ordonner une expertise visant à déterminer son aptitude caractérielle à la conduite de véhicules à moteur.

11.         La question de savoir si l'autorité intimée dispose de la même compétence vis-à-vis d'un conducteur titulaire d'un permis étranger et résidant qui plus est hors de Suisse doit être clairement tranchée de façon affirmative. En effet, l’examen médical litigieux a pour but de clarifier une question dont dépend la sécurité de la circulation routière en Suisse (indépendamment du fait que la sécurité routière hors de Suisse peut être affectée par le conducteur concerné pour les mêmes raisons). Cela signifie que toute personne qui entend conduire en Suisse est soumise, lorsque les conditions en sont données sur le plan du droit interne, à l'obligation de se soumettre à un tel examen, sous peine de se voir privée du droit de conduire sur le territoire suisse. Le fait qu'il s'agisse d'une personne domiciliée en Suisse ou ailleurs, titulaire d'un permis suisse ou étranger, ne change strictement rien à la nécessité de pouvoir, au besoin, faire expertiser l'aptitude de cette personne à la conduite, du moment que cette dernière prétend conduire sur le territoire suisse. La seule différence avec un conducteur domicilié à l'étranger et titulaire d'un permis étranger, c'est que l'autorité suisse n'est pas compétente pour ordonner le retrait de son permis. Elle peut en revanche prononcer l'interdiction d'en faire usage, conformément aux art. 42 al. 1 de la convention du 8 novembre 1968 et à l'art. 45 al. 1 OAC. La conséquence d'un refus de se soumettre à une expertise médicale est la même quel que soit le lieu de résidence de la personne concernée ou le permis national dont elle est titulaire, à savoir le maintien du retrait de permis, ou le maintien de l'interdiction de faire usage du permis étranger sur le territoire suisse.

L'incompétence de l'autorité suisse, selon la thèse défendue par le recourant, impliquerait qu'un conducteur domicilié à l'étranger et titulaire d'un permis étranger ne pourrait pas, en cas de doute, faire l'objet d'un constat de son inaptitude à la conduite par les autorités suisses et qu'il ne serait donc soumis qu'au risque d'une interdiction de nature admonestative, avec la possibilité de recommencer à conduire à Suisse au terme de la durée d'interdiction, malgré le danger potentiel qu'il ferait peser sur la sécurité routière en Suisse. Une telle solution, qui aboutirait à une situation arbitraire et dangereuse, n'est pas soutenable.

12.         Partant, la décision du 12 novembre 2021 est bien fondée et le ch. 1b de la décision du 6 août 2021 n'est pas nul.

13.         Mal fondé, le recours est rejeté.

14.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 350.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 19 novembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 12 novembre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière