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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3600/2021

JTAPI/1078/2021 du 22.10.2021 ( MC ) , ANNULE

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.76a.al3.letc; LEI.76a.al4; LEI.80.al6.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3600/2021 MC

JTAPI/1078/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 octobre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Pascal AEBY, avocat, avec élection de domicile

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______1998, est originaire d'Algérie.

2.             Il a été condamné le 24 février 2021 par le Staatsanwaltschaft Zurich-Sihl à une peine privative de liberté de 20 jours, avec sursis pendant trois ans, pour entrée illégale, et le 9 mars 2021 par le Ministère public de Genève à une peine privative de liberté de 90 jours, avec sursis pendant trois ans, pour entrée illégale, séjour illégal, vol et dommage à la propriété.

3.             Le 28 avril 2021, dans le cadre du protocole d'identification des mineurs non accompagnés suivis par le service de protection des mineurs (SPMi), il s'est présenté au poste de police de Lancy-Onex. Suite à des contrôles, il s'est avéré qu'il avait menti sur son âge au SPMi en se déclarant mineur non accompagné en situation de détresse, afin de toucher indument des prestations sociales destinées exclusivement aux mineurs, pour un montant total de CHF 405.-. Il a déclaré être arrivé en Suisse environ deux mois plus tôt en train, en provenance d'Autriche, dans le but de travailler. Il avait perdu son passeport durant son périple entre la Turquie et la Grèce. Par la suite, il s'était rendu en Roumanie, puis en Autriche. Il n'avait ni famille, ni attache particulière en Suisse et était démuni de tous moyens de subsistance. Il ne voulait pas retourner dans son pays.

Il a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

4.             Par ordonnance pénale du 29 avril 2021, le Ministère public l'a reconnu coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a al. 1 et 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende et une amende de CHF 500.-, tout en révoquant les deux sursis qui lui avait été accordés les 24 février et 9 mars 2021.

5.             Le même jour, il a été placé en détention administrative par le commissaire de police pour une durée de sept semaines sur la base de l'art. 76a al. 3 let. a LEI notamment. Il avait préalablement déclaré être opposé à son renvoi vers la Roumanie ou vers l'Autriche, préférant rester en Suisse.

6.             Le 30 avril 2021, il a été auditionné dans le cadre d'une procédure Dublin. Il a notamment indiqué qu'il avait déposé une demande d'asile en Autriche en novembre 2020, laquelle avait été rejetée. Il refusait de retourner en Roumanie, suite aux violences qu'il avait subies et où il avait été forcé de donner ses empreintes. En revanche, il était d'accord d'être renvoyé en Autriche.

7.             Par acte du 7 mai 2021, déposé au greffe du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), il a, sous la plume d'un conseil, sollicité l'examen de la légalité et de l'adéquation de sa détention administrative.

Il était désormais conscient du fait qu'il ne pouvait pas demeurer en Suisse et ne s'opposait pas à ce que son transfert vers la Roumanie ou l'Autriche soit ordonné. Il était disposé à coopérer avec les autorités. Le 28 avril 2021, il s'était d'ailleurs rendu spontanément au poste de police et avait collaboré à son identification. S'il était remis en liberté, il pourrait solliciter une aide urgente, de sorte que le risque de réitération de l'obtention illicite d'une aide sociale pouvait être écarté. Dans ce cadre, il bénéficierait d'un logement, d'un accès à de la nourriture et des soins de santé, dans l'attente d'une décision de reprise en charge de la Roumanie ou de l'Autriche et de son transfert. Le risque de nouveaux troubles à l'ordre public, particulièrement faible, pouvait être écarté par une assignation à un territoire. Compte tenu de la peine menace figurant à l'art. 119 LEI, une telle mesure serait suffisante pour éviter tout risque de fuite.

En outre, l'ordre de mise en détention n'indiquait rien à propos des démarches entreprises en vue de son transfert, de sorte que le principe de diligence n'était pas respecté.

Enfin, la durée de la détention administrative était disproportionnée.

Les conditions de l'art. 28 al. 2 du Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (Règlement Dublin III) n'étaient pas remplies, tout comme celles de l'art. 76 al. 1 let. b LEI, de sorte que l'ordre de mise en détention devait être annulé et sa mise en liberté ordonnée.

8.             Par de courriel du même jour, le commissaire de police a transmis son dossier au tribunal. Il lui a également adressé la fiche EURODAC attestant de la demande d'asile déposée en Autriche par M. A______, ainsi que son audition par les services de police le 30 avril 2021. Le dossier était par ailleurs transmis au secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM), afin qu'il soit statué sur la compétence de la Suisse quant à l'examen de la demande de protection internationale déposée par ce dernier dans l'espace Dublin.

9.             Le 10 mai 2021, le commissaire de police a transmis ses observations au tribunal.

La détention administrative était proportionnée. Lors de son arrestation, le 28 avril 2021, M. A______ avait déclaré avoir traversé plusieurs pays européens, être démuni de moyens financiers, de documents d'identité ou d'adresse fixe. Il était dès lors évident qu'il n'avait aucune attache avec le canton de Genève, ne pouvait bénéficier d'aucun appui ou soutien, sauf de la part d'organisations caritatives, et demeurait capable de se déplacer à son gré à travers l'espace Schengen. Dans ces circonstances, seule une détention administrative était apte à garantir sa présence au moment où il devrait être transféré dans un état Dublin. Le principe de célérité était également respecté, car les services de police avaient immédiatement procédé à son audition, conformément à ce que prévoyait l'art. 5 du règlement Dublin III, pour permettre au SEM de soumettre à l'Autriche ou à la Roumanie une demande de reprise en charge selon la procédure prévue aux art. 23 ss du règlement Dublin III.

Enfin, la durée de la détention était également proportionnée, car l'état Dublin requis disposait d'un délai de deux à quatre semaines pour répondre à la demande de reprise en charge de la Suisse, puis le SEM devrait pouvoir rédiger sa décision selon l'art. 64a LEI et la notifier à M. A______, étant rappelé qu'une fois la décision notifiée, l'étranger serait placé en détention administrative pendant encore six semaines, comme le prévoyait l'art. 76a al. 3 let. c LEI, pour permettre aux autorités cantonales d'organiser un transfert vers l'état Dublin déclaré compétent. En conséquence, la demande de mise en liberté de ce dernier était clairement infondée et devait être rejetée.

10.         M. A______ a répliqué le 10 mai 2021. L'argument du commissaire de police relatif à l'absence de ses moyens financiers ou d'adresse fixe n'était pas pertinent, puisqu'il entendait solliciter l'octroi de prestations d'aide d'urgence s'il était mis en liberté. S'agissant essentiellement de prestations en nature, soit un logement dans un lieu d'hébergement collectif, de nourriture, la mise à disposition de vêtements et d'articles d'hygiène de base, ainsi que les soins de santé indispensables, il se trouverait, le cas échéant, dans un lieu déterminé.

Aucune information n'était fournie par l'autorité sur les démarches qui auraient été réalisées depuis le 29 avril 2021. De ce silence, il convenait d'inférer qu'aucune démarche n'avait été entreprise plus de dix jours après le prononcé de l'ordre de mise en détention. L'absence d'information sur l'existence ou l'inexistence de mesures concrètes afin de procéder à son transfert constituait une violation du principe de diligence

11.         Par jugement du ______ 2021 (JTAPI/______), le tribunal a confirmé l'ordre de mise en détention du commissaire de police.

Une décision relative à la responsabilité du traitement de la demande d'asile de M. A______, apparemment déposée en Autriche, était en cours de préparation par le SEM, étant observé que l'entretien individuel prévu par l'art. 5 du Règlement Dublin III avait déjà eu lieu.

Il ressortait par ailleurs du dossier que, depuis son arrivée en Suisse en février 2021, ce dernier avait fait l'objet de trois condamnations pénales. Ainsi, notamment, en mentant sur son âge, se faisant passer pour mineur, il s'était rendu coupable d'obtention illicite d'une prestation d'une assurance sociale ou de l'aide sociale et, surtout, avait été condamné pour vol, infraction qualifiée de crime. Cet élément concret permettait à lui seul de craindre qu'il entende se soustraire à l'exécution de son renvoi. À cela s'ajoutait que, lors de son audition du 29 avril 2021 devant la police, il s'était déclaré opposé à son renvoi de Suisse. Ce n'avait été que le 30 avril 2021, au cours de la procédure Dublin, après avoir répété catégoriquement son refus d'être renvoyé en Roumanie, qu'il s'était déclaré d'accord avec un renvoi vers l'Autriche, puis dans le cadre de sa demande au tribunal visant sa mise en liberté, qu'il avait affirmé ne plus s'opposer à son renvoi, en Autriche ou en Roumanie. Ces déclarations fluctuantes ne pouvaient que susciter des doutes quant à sa réelle intention de collaborer avec les autorités en vue de l'exécution de son renvoi.

Au vu de ces éléments, un pronostic défavorable quant à l'existence de garanties suffisantes qu'il se conformerait à son obligation de quitter la Suisse, dont l'exécution répondait à un intérêt public certain, pouvait donc être formulé, les autorités suisses devant par ailleurs pouvoir s'assurer du fait qu'il quitterait bien le pays. Le risque qu'il disparaisse sans que l'on pût vérifier son départ pour le pays responsable du traitement de sa demande d'asile apparaissait ainsi suffisamment élevé, de sorte que toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devrait monter dans l'avion ou prendre un autre moyen de transport devant le reconduire dans l'État Dublin chargé de sa prise en charge, étant notamment observé qu'à teneur du dossier, il ne disposait pas de moyens de subsistance et n'avait ni lieu de séjour, ni attache en Suisse.

Les conditions prévues par l'art. 76a al. 1 et 2 LEI étaient donc réunies et la détention conforme au principe de proportionnalité.

Par ailleurs, la durée de la détention décidée par l'officier de police (soit sept semaines) respectait le cadre légal fixé par l'art. 76a al. 3 let. a LEI et était adéquate pour assurer l'exécution du renvoi. Cette durée demeurait quoi qu'il en soit relative, puisque, compte-tenu des démarches en cours, il était tout à fait possible que la décision du SEM pût intervenir dans un délai plus court.

Enfin, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi avaient été entreprises sans tarder, notamment par l’entretien individuel tenu le 30 avril 2021 en application de l’art. 5 du règlement Dublin III, ainsi que par la transmission du dossier au SEM, pour qu'il statue.

12.         Par décision du 18 mai 2021, notifiée le 21 mai suivant, le SEM a ordonné le renvoi de M. A______ à destination de la Roumanie et chargé le canton de Genève de procéder à l'exécution de cette mesure [le dossier ne contient pas une copie de cette décision].

13.         Le 21 mai 2021, le commissaire de police a émis un nouvel ordre de mise en détention administrative, fondé sur l'art. 76a al. 1, 2 let. b et h et 3 let. c, pour une durée de six semaines à l'encontre de ce dernier. Cet acte fait état de la décision précitée du SEM.

14.         Le 9 juin 2021, M. A______ a refusé de se soumettre au test PCR-COVID requis en vue de monter à bord du vol de ligne réservé en sa faveur à destination de Bucarest en date du 11 juin 2021, conduisant ainsi à l'annulation de ce vol.

15.         Il a ensuite refusé de monter à bord d'un nouveau vol prévu le 25 juin 2021 à la même destination, dans lequel il aurait dû prendre place avec une escorte policière.

16.         Le 30 juin 2021, sa détention administrative a pris fin (art. 80a al. 7 let. c LEI), dans la mesure où il a été transféré à la prison de Champ-Dollon pour y purger les peines privatives de liberté dont il avait fait l'objet.

17.         Remis en liberté le 16 octobre, il s'est vu notifier un nouvel ordre de mise en détention administrative, à nouveau émis en application de l'art. 76a al. 1, 2 let. b et h et 3 let. c LEI et pour une durée de six semaines.

Préalablement, il avait déclaré qu'il s'opposait à son retour en Roumanie, précisant qu'il n'avait pas de conseil.

18.         Par courrier recommandé du 19 octobre 2021, il a sollicité du tribunal que celui-ci examine la légalité et l'adéquation de sa détention. Cet acte est dépourvu de motivation.

19.         A réception de ce courrier, le 21 octobre 2021, et après s'être vu transmis la décision litigieuse et le dossier du commissaire de police, le tribunal a invité le conseil de M. A______, désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au lendemain à 10h.

20.         Par courrier adressé ce jour par courriel au tribunal à 9h38, ce dernier a conclu à la mise en liberté immédiate de M. A______, subsidiairement à ce qu'il soit renoncé à sa mise en détention administrative, au profit d'autres mesures moins coercitives, plus subsidiairement à ce qu'il soit sursis « au jugement contrôlant les ordres de mises en détention administrative pris par les commissaires de police les 21 mai et 16 octobre 2021 », plus subsidiairement encore à ce que la durée de sa détention soit limitée à une semaine.

Celui-ci s'opposait à son « expulsion » et à sa mise en détention administrative.

Le dossier ne permettait pas, en l'état, d'examiner la légalité de la décision de renvoi prise à son égard, partant de confirmer un ordre de mise en détention à son encontre. En effet, la décision du SEM du 18 mai 2021 n'y figurait pas. Or, l'existence d'une décision de renvoi était fondamentale et indispensable à l'examen d'une mise en détention administrative. En outre, aucune pièce au dossier n'étayait et prouvait que M. A______ était « soumis » à une procédure Dublin ou que les circonstances dans lesquelles ce dernier se serait opposé à son renvoi en Roumanie ne seraient pas justifiables, notamment au vu des circonstances dans ce pays. Ainsi, en l'état du dossier, une confirmation de l'ordre de mise en détention administrative, a fortiori pour une durée de plusieurs semaines, serait constitutive d'une violation de droit matériel, faute de pouvoir vérifier si les conditions du renvoi (art. 69 LEI) et à la mise en détention administrative de M. A______ (art. 76a LEI) étaient respectées. En outre, l'absence de ces pièces essentielles constituait une violation grave du droit d'être entendu de ce dernier, qui se retrouvait dans l'impossibilité de pouvoir se défendre convenablement « face à un événement aussi important que son propre renvoi ».

En tout état, l'exécution dudit renvoi s'avérait impossible pour des raisons juridiques ou matérielles au sens de l'art. 80a al. 7 let. a LEI. En effet, il était notoire que le système d'asile roumain était affecté de nombreux dysfonctionnements (il a produit à ce sujet un article du journal « Le Temps » du 7 octobre 2021). Il avait d'ailleurs indiqué avoir subi des violences durant son séjour en Roumanie et s'être vu forcé de donner ses empreintes. Par ailleurs, ce pays était actuellement en état de crise sanitaire dû à la pandémie de Covid, de sorte que son renvoi était inexigible. Enfin, il ne disposait d'aucun papier d'identité, ce qui rendait l'exécution de cette mesure impossible.

Dans ces conditions, son renvoi en Roumanie serait en particulier constitutif d'une violation de l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), des art. 7 et 10 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et de l'art. 3 par 2 al. 2 du Règlement Dublin III.

EN DROIT

1.             Le tribunal est, de façon générale, compétent pour procéder à l'examen de la légalité et de l'adéquation de la détention administrative décidée par le commissaire de police en vue du renvoi ou de l'expulsion d'un étranger (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l'art. 80a al. 3 LEI, la légalité et l'adéquation de la détention ordonnée dans le cadre d'une procédure Dublin sont examinées, sur demande de la personne détenue, au terme d'une procédure écrite par une autorité judiciaire, cet examen pouvant être demandé à tout moment.

La LaLEtr, qui n'a pas été mise en jour suite à l'adoption et l'entrée en vigueur des art. 76a et 80a LEI, ne définit pas la compétence et ne détermine plus précisément pas la procédure applicable dans les cas de figure envisagés par ces dispositions. Il ne fait néanmoins pas de doute - et a déjà été amis à de nombreuses reprises - que la compétence du tribunal est donnée s'agissant des demandes formées par les personnes détenues sur la base de l'art. 76a LEI (cf. not. JTAPI/456/2021 du 11 mai 2021 ; JTAPI/803/2019 du 6 septembre 2019 ; JTAPI/720/2018 du 27 août 2018 ; JTAPI/13172018 du 13 février 2018 ; cf. aussi not. ATA/903/2021 du 3 septembre 2021 et ATA/557/2017 du 16 mai 2017).

3.             En l'espèce, M. A______ a dûment requis du tribunal qu'il contrôle la légalité et l'adéquation de sa détention et a pu exposer ses motifs, par écrit, par l'intermédiaire d'un conseil désigné d'office conformément à la loi.

4.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de la personne concernée (cf. art. 9 al. 3 LaLEtr).

5.             Le juge de la détention, dans le contrôle de celle-ci, doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi ou d'expulsion existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière (cf. ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 7 ; 2C_173/2014 du 17 février 2014 consid. 3.1 ; 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 ; ATA/184/2017 du 15 février 2017 consid. 6). Les objections y relatives doivent être invoquées et examinées par les autorités compétentes lors des procédures ad hoc et ce n'est que si une décision de renvoi ou d'expulsion apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu'il est justifié de lever la détention en application de l'art. 80 al. 6 LEI (ou 80a al. 7 LEI), car l'exécution d'un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_383/2017 du 26 avril 2017 consid. 3 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 7).

6.             Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il est admissible qu'un étranger libéré d'une première détention administrative soit détenu une nouvelle fois en vue de son renvoi ou de son expulsion dans le cadre de la même procédure ; il faut toutefois qu'un changement déterminant des circonstances permette de le justifier (ATF 140 II 1 consid. 5.2 et les arrêts cités ; arrêts 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.3 ; 2C_700/2015 du 8 décembre 2015 consid. 4.1 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 3.1 ; cf. aussi arrêt 2C_135/2019 du 18 novembre 2019 consid. 2.1, non publié in ATF 145 II 313), comme la survenance d'un nouveau motif de détention ou la disparition de l'impossibilité dont était affecté le renvoi ou l'expulsion (arrêt 2A.211/2003 du 5 juin 2003 consid. 3.2). Tel peut par exemple être le cas si l'étranger part dans la clandestinité après la libération de sa première détention (cf. ATF 121 II 110 consid. 2d). Est aussi envisageable la situation où l'autorité a levé une première détention administrative, dès lors que l'exécution du renvoi de l'étranger, en soi possible, n'apparaissait plus comme vraisemblable dans un délai utile ; en tant que les causes pour la mise en détention de l'étranger persistent, cette même autorité peut ordonner la réincarcération de celui-ci si le renvoi s'avère par la suite à nouveau vraisemblable dans un délai raisonnable (ATF 140 II 1 consid. 5.2 in fine ; arrêts 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.3 ; 2C_700/2015 du 8 décembre 2015 consid. 4.1 ; cf. aussi arrêts 2C_634/2020 et 2C_635/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.8).

7.             En l'occurrence, la détention administrative de M. A______ a automatiquement été levée le 30 juin 2021, car il devait subir des peines privatives de liberté résultant de décisions pénales ; les circonstances quant à son statut en Suisse n'ayant pas changé à l'issue de ces peines, il pouvait, sur le principe, être une nouvelle fois placé en détention administrative en vue de l'exécution de son renvoi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2016 du 23 décembre 2016 consid. 3).

Les motifs légaux ayant conduit à sa mise en détention administrative (art. 76a al. 2 let. b et h LEI) sont les mêmes que ceux que le tribunal a examinés - et dont il a reconnu le bien-fondé - dans son jugement du ______ 2021, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir, ce d'autant plus que M. A______, assisté d'un conseil, ne les remet pas en cause.

8.             A teneur de l'art. 76a al. 3 let. c LEI, à compter du moment où la détention a été ordonnée, l'étranger peut être placé ou maintenu en détention pour une durée maximale de six semaines pour assurer l'exécution du renvoi entre la notification de la décision de renvoi ou d'expulsion ou après l'expiration de l'effet suspensif d'une éventuelle voie de droit saisie contre une décision de renvoi ou d'expulsion rendue en première instance et son transfert dans l'État Dublin responsable.

Cette durée de six semaines est calquée sur l'art. 28 par. 3 du Règlement Dublin III (cf. not. ATA/903/2021 du 3 septembre 2021 consid. 5 ; Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, n. 26 ad art. 76a p. 812), qui dispose :

« Le placement en rétention est d’une durée aussi brève que possible et ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises avec toute la diligence voulue jusqu’à l’exécution du transfert au titre du présent règlement.

( )

Lorsqu’une personne est placée en rétention en vertu du présent article, son transfert de l’État membre requérant vers l’État membre responsable est effectué dès qu’il est matériellement possible et au plus tard dans un délai de six semaines à compter de l’acceptation implicite ou explicite par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou à compter du moment où le recours ou la révision n’a plus d’effet suspensif conformément à l’article 27, paragraphe 3.

Lorsque l’État membre requérant ne respecte pas les délais de présentation d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge ou lorsque le transfert n’intervient pas dans le délai de six semaines visé au troisième alinéa, la personne n’est plus placée en rétention ».

9.             Pour calculer la durée totale d'une détention ordonnée en vertu du droit des étrangers, y compris les détentions régies par l'art. 76a LEI, (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 33 ad art. 76a p. 816), il faut, en cas de détentions multiples, additionner les durées de détention d'une seule et même procédure de refoulement. En revanche, si la décision de mise en détention intervient dans le cadre d'une nouvelle procédure indépendante des procédures antérieures, les délais légaux recommencent à courir et une détention est à nouveau admissible pour la durée maximale prévue. Il a notamment été jugé qu'il y avait une nouvelle procédure de refoulement lorsqu'une procédure antérieure s'est achevée par un renvoi ou une expulsion réussie ou par un départ volontaire de l'étranger et que, par la suite, celui-ci revient en Suisse et doit être à nouveau renvoyé ou expulsé (cf. ATF 145 II 313 consid. 3.1.2).

10.         En l'occurrence, M. A______ a été détenu administrativement sur la base de l'art. 76a al. 3 let. c LEI du 21 mai au 29 juin 2021, soit six semaines moins deux jours. Le commissaire de police n'était donc pas fondé à émettre un nouvel ordre de mise en détention d'une durée supplémentaire de six semaine en application de cette disposition. Dans la mesure où la mise en détention décidée le 16 octobre 2021 a trait à la même procédure de refoulement, la durée de la mesure ne pouvait en effet tout au plus n'être que de deux jours. Or, dite durée est aujourd'hui largement échue.

11.         A teneur de l'art. 76a al. 4 LEI, si une personne refuse de monter à bord d'un véhicule en vue de l'exécution d'un transfert vers l'Etat Dublin responsable ou empêche le transfert de toute autre manière par son comportement (ce qui a été le cas en l'occurrence), elle peut être placée en détention afin de garantir l'exécution du transfert, pour autant que les conditions de sa mise en détention en vertu de l'al. 3 let. c ne soient plus remplies (ce qui est aussi le cas en l'occurrence) et qu'il n'existe pas d'autre mesure moins contraignante susceptible de conduire à l'objectif visé. La détention ne peut durer que jusqu'à ce qu'un nouveau transfert soit possible, mais sa durée ne peut excéder six semaines. Avec l'accord de l'autorité judiciaire, elle peut être prolongée pour autant que la personne concernée persiste à refuser de modifier son comportement. La durée maximale de cette détention est de trois mois.

Cette disposition légale prévoit une durée (pouvant aller jusqu'à trois mois) de détention supplémentaire non prévue par l'art. 28 du Règlement Dublin III ou dans une autre disposition des Accords de Dublin. Elle ne saurait être appliquée sans violer les engagements pris par la Suisse lors de son adhésion auxdits Accords, ce que le tribunal, faisant sienne la position exprimée dans ce sens par la doctrine (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 7 et 30 s ad art. 76a p. 802 et 814 s. et les auteurs cités ; cf. aussi les divers auteurs mentionnés au consid. 4.4 de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_549/2021 du 3 septembre 2021) a déjà admis (JTAPI/352/2021 du 4 avril 2021 consid. 14 ; JTAPI/1/2019 du 1er janvier 2019 consid. 10), étant relevé que cette question a été soumise au Tribunal fédéral, tout récemment encore, lequel a considéré, dans les cas d'espèce concernés, qu'elle pouvait demeurer indécise (cf. arrêt 2C_549/2021 du 3 septembre 2021 consid. 4.4 et l'arrêt cité).

12.         Il résulte de ce qui précède que l'ordre de mise en détention litigieux, qui, depuis le 18 octobre 2021, ne peut plus reposer sur l'art. 76a al. 3 let. c LEI, ni être fondé sur l'art. 76a al. 4 LEI, est contraire au droit, de sorte qu'il doit être annulé et que la mise en liberté de M. A______ doit être ordonnée. Partant, il n'y a pas lieu d'examiner les différents griefs formulés par le conseil de ce dernier dans ses observations déposées ce jour.

13.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M.  A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             annule l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police 16 octobre 2021 à l’encontre de Monsieur A______;

2.             lève la détention de Monsieur A______ et ordonne sa mise en liberté immédiate ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10, rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

 

Genève, le 22 octobre 2021

 

Le greffier