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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/14418/2019

ACJC/249/2024 du 04.03.2024 sur JTBL/296/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 22.04.2024, 4A_230/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14418/2019 ACJC/249/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 4 MARS 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 26 avril 2022, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

 

et

CAISSE DE PREVOYANCE B______, sise ______, intimée, représentée par
Me Boris LACHAT, avocat, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/296/2022 du 26 avril 2022, reçu par A______ le 29 avril 2022, le Tribunal des baux et loyers a débouté le précité de ses conclusions [en contestation du loyer initial] (ch. 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte déposé le 30 mai 2022 à la Cour de justice, A______ (ci‑après : le locataire ou l'appelant) a formé appel contre ce jugement, sollicitant son annulation, et, cela fait, a conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour que, en substance, celui-ci ordonne des mesures d'instruction permettant un calcul de rendement. Subsidiairement, il a conclu à ce que la Cour procède elle-même aux mesures d'instruction sollicitées et, cela fait, dise que le loyer de l'appartement de trois pièces au 3ème étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______, à D______ [GE], est fixé à 965 fr. par mois, charges de chauffage/eau chaude non comprises, sous réserve d'amplification à la baisse en fonction du résultat du calcul de rendement, à ce que la garantie de loyer soit ramenée à 2'895 fr. et à ce que soit ordonnée la restitution du solde en sa faveur, à ce que la CAISSE DE PRÉVOYANCE B______ soit condamnée à rembourser le trop payé de loyer correspondant à 605 fr. multiplié par le nombre de mois écoulés depuis le 1er juin 2019, en sa faveur, avec intérêts à 5% l'an dès l'entrée en force de l'arrêt. Plus subsidiairement, il a pris les mêmes conclusions en fixation du loyer, mais sans mesures probatoires préalables.

b. Par réponse du 30 juin 2022, la CAISSE DE PRÉVOYANCE B______ (ci-après: la B______ ou la bailleresse ou l'intimée) a conclu à ce que la Cour de justice siège dans une composition ne comportant pas les magistrats ayant rendu l'arrêt ACJC/432/2021 du 12 avril 2021 (voir C.m infra), au déboutement de A______ de toutes ses conclusions dans la mesure de leur recevabilité, au rejet de l'appel dans la mesure de sa recevabilité, et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Par réplique du 15 juillet 2022, l'appelant a persisté dans ses conclusions.

d. Par arrêt ACJC/1617/2022 du 7 décembre 2022, la délégation des juges de la Cour de justice en matière de récusation, statuant sur requête de récusation, a rejeté la requête formée par la B______ [dans sa réponse du 30 juin 2022], et dit que la procédure était gratuite.

Par arrêt 4A_14/2023 du 9 mai 2023, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par la B______ contre l'arrêt précité.

e. La réplique de l'appelant du 15 juillet 2022 a été transmise à l'intimée par courrier du greffe de la Cour du 5 juin 2023.

Celle-ci a dupliqué par courrier du 3 juillet 2023, persistant dans ses conclusions.

f. Les parties ont été avisées le 29 août 2023 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. La B______ (alors CAISSE DE PRÉVOYANCE C______) allègue, sans produire de pièces, avoir acquis en 1987 un terrain de 33'038 m2 afin d'y construire 22'796 m2 de surface brute de plancher de logements, soit ______ bâtiments, dont l'immeuble sis no. ______, chemin 1______ à D______, dont elle est aujourd'hui propriétaire, selon l'extrait du Registre foncier.

Elle expose, sans produire de pièce à cet égard, avoir confié le mandat de pilotage de la construction à E______ SA le 20 juillet 1988.

b. Le locataire allègue que cet immeuble a été construit au début des années 1990, alors que la bailleresse soutient que la date de construction est antérieure au 1er juin 1989.

Selon un arrêté du Conseil d'Etat du 24 juin 1992 le projet de construction de l'immeuble a été soumis au régime de la zone 4B.

Le 19 août 1992, le Conseiller d'Etat en charge du Département des travaux publics répondait favorablement à l'architecte en charge du projet sis à D______ qui l'invitait à participer à la pose de la "première pierre".

L'ouverture du chantier a eu lieu le 8 octobre 1992 et la durée prévisible des travaux était de dix-huit mois.

Le Département des travaux publics a rendu un préavis d'habitabilité le 29 octobre 1993.

Les bâtiments faisant l'objet du bloc dans lequel se situe l'immeuble chemin 1______ no. ______ ont été cadastrés en février 1995.

Selon le site SITG du territoire genevois, le bâtiment date de l'"époque 1991-1995".

c. Selon arrêté du Conseil d'Etat du 4 février 1998 rendu sur une demande de subvention et d'exonération fiscale, le coût de construction des immeubles nos. ______ à ______, chemin 1______, comportant 485,5 pièces, s'est élevé à 49'550'000 fr, financé en totalité par des fonds propres. La date d'entrée moyenne des locataires s'est située en septembre 1994. Au 25 août 1997, le total des états locatifs s'élevait à 2'789'976 fr.

d. Par contrat du 20 mai 2019, A______ a pris à bail auprès de la B______ un appartement de trois pièces d'une surface d'environ 60 m2, situé en attique (3ème étage) de l'immeuble sis no. ______, chemin 1______ à D______.

Cet appartement, traversant, dispose de deux terrasses, d'une cuisine entièrement agencée et d'une cave.

L'avis de fixation du loyer, à 1'570 fr. net par mois, indique que le loyer s'élevait précédemment à 1'430 fr. par mois depuis le 1er août 2018 et que la majoration de loyer était justifiée par une adaptation aux loyers usuels dans le quartier.

Le montant de la garantie de loyer a été fixé à 4'710 fr.

A______ a pris possession du logement le 29 mai 2019.

e. Par requête du 26 juin 2019 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, A______ a contesté le loyer initial, et conclu à ce que le loyer mensuel net soit fixé à 1'000 fr., à ce que la garantie de loyer soit ramenée à 3'000 fr. et à ce que le trop-perçu lui soit remboursé. Il a sollicité préalablement l'audition d'un représentant de la bailleresse et un calcul de rendement.

Les parties n'étant pas parvenues à un accord, l'autorisation de procéder a été délivrée le 1er novembre 2019.

f. Par requête du 2 décembre 2019, le locataire a pris les mêmes conclusions que celles figurant dans sa requête de conciliation. Il a indiqué que la date de construction de l'immeuble se situait moins de 30 ans avant la conclusion du bail, de sorte qu'il convenait de procéder à un calcul de rendement.

g. Par réponse du 7 février 2020, la bailleresse s'est opposée à la requête. Elle a exposé qu'elle avait acquis le terrain concerné en 1987 et que le mandat de pilotage des travaux de construction avait été décerné le 20 juillet 1988. Cette dernière date était déterminante pour l'année de construction, de sorte que l'immeuble devait être considéré comme ancien. Il n'y avait ainsi pas lieu d'effectuer un calcul de rendement.

h. Par courrier du 13 février 2020, le locataire a maintenu que l'immeuble avait été construit après le 1er juin 1989, la date déterminante étant celle de la réception de l'ouvrage par son propriétaire, celui-ci n'étant en conséquence pas ancien au sens de la jurisprudence topique.

i. Dans une duplique du 28 février 2020, la bailleresse a persisté dans les termes et conclusions de sa réponse du 7 février 2020.

j. Dans une écriture spontanée du 11 juin 2020, le locataire a répété que l'immeuble n'était pas ancien, en se fondant sur l'arrêté du Conseil d'Etat du 24 juin 1992, le courrier du Conseiller d'Etat du 19 août 1992, la déclaration d'ouverture de chantier du 8 octobre 1992, le préavis d'habitabilité du 29 octobre 1993 et la mise au cadastre des immeubles en 1995.

k. Le 2 juin 2020, le Tribunal a procédé à l'audition des parties.

La représentante de la propriétaire, entendue en qualité de partie, a déclaré qu'elle ne connaissait pas la date exacte de la réception de l'ouvrage, malgré les recherches effectuées dans ses dossiers ni n'avait trouvé de récapitulatif des coûts de construction. La fusion intervenue entre [les caisses de prévoyance] I______ et J______ compliquait les choses. Il n'y avait pas eu de calcul de rendement. Les loyers avaient été fixés par rapport aux loyers usuels du quartier, puis augmentés de moins de 10% par rapport à celui de l'ancien locataire. Elle a contesté que l'immeuble ait moins de 30 ans.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a ordonné à la bailleresse de produire un extrait du Registre foncier avec la date de construction de l'immeuble et tous autres documents permettant de déterminer la date de construction ou de livraison de l'immeuble, ainsi que le nom de l'architecte. Il a réservé la suite de la procédure.

l. Par courrier du 30 septembre 2020 au Tribunal, la bailleresse a exposé qu'elle n'avait pas de pièces plus pertinentes que celles figurant déjà au dossier pour déterminer la date de construction ou de livraison de l'immeuble. L'architecte était F______.

m. Par ordonnance du 13 octobre 2020, le Tribunal a ordonné l'audition de F______.

Par courrier du 27 octobre 2020, le locataire a demandé au Tribunal de reconsidérer son ordonnance, l'audition de l'architecte paraissant inutile.

Par ordonnance du 24 novembre 2020, le Tribunal a annulé celle du 13 octobre 2020, et imparti un délai à la bailleresse pour produire un calcul de rendement, et un délai au locataire pour se déterminer sur ce calcul.

La B______ a recouru contre cette ordonnance auprès de la Cour de justice. Elle a reproché au Tribunal d'avoir retenu qu'il était nécessaire de procéder à un calcul de rendement, soutenant que la construction de l'immeuble précédait de plus de trente ans la conclusion du bail litigieux.

Le 11 février 2021, le Tribunal a ordonné la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé à la Cour.

Le recours a été rejeté par arrêt de la Cour ACJC/432/2021 du 12 avril 2021. La Cour a considéré que l'ordonnance entreprise était de nature à causer un préjudice difficilement réparable à la recourante de sorte que le recours était recevable. Sur le fond, elle a jugé que le Tribunal n'avait pas procédé à une application erronée du droit en considérant, au vu des éléments apportés au dossier par le locataire, que la construction de l'immeuble litigieux remontait à moins de trente ans avant le début du bail, de sorte que cet immeuble ne devait pas être considéré comme ancien selon la jurisprudence établie. C'était donc valablement que la bailleresse avait été invitée à fournir les éléments permettant de procéder à un calcul de rendement.

Par arrêt 4A_274/2021 du 6 octobre 2021, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté par la B______ contre l'arrêt précité. Il a considéré qu'il n'y avait eu aucune décision séparée du Tribunal, ni aucune décision définitive de la Cour au sujet de la qualification d'immeuble ancien ou non, ce qui rendait le recours irrecevable.

n. Par ordonnance du 14 octobre 2021, le Tribunal a repris la procédure et a fixé aux parties de nouveaux délais pour produire un calcul de rendement, respectivement se déterminer à ce sujet.

o. Aux termes d'un courrier reçu par le Tribunal le 10 novembre 2021, la bailleresse a considéré que la question de l'ancienneté ou non de l'immeuble n'avait pas été définitivement tranchée. Elle a persisté à soutenir que celui-ci était ancien et qu'elle ne se trouvait dès lors pas dans l'obligation de produire les pièces nécessaires à un calcul de rendement.

p. Par courrier parvenu au Tribunal le lendemain, le locataire a considéré que le refus de la bailleresse de produire les documents demandés masquait un rendement abusif. Il a sollicité que lesdits documents soient requis auprès de tiers à la procédure, soit en particulier la régie G______ et la fiduciaire H______.

q. Par ordonnance du 15 novembre 2021, le Tribunal a clôturé la phase d'administration des preuves.

r. Par écriture du 16 décembre 2021, A______ a conclu, préalablement, à ce que soit ordonnée la comparution personnelle d'un organe de la bailleresse, celui-ci devant déposer les pièces nécessaires au calcul de rendement ou identifier des tiers qui pourraient les détenir. Il a réitéré sa demande de production de documents par des tiers (ainsi identifiés), la régie et la fiduciaire.

Principalement, il a conclu à ce que le loyer net de l'appartement litigieux soit fixé à 965 fr. par mois, la garantie de loyer ramenée à 2'895 fr., avec restitution du solde, ainsi qu'au remboursement du trop-payé, soit 605 fr. par mois depuis le 1er juin 2019, avec intérêts à 5% dès l'entrée en force du jugement.

Le locataire a effectué un calcul de rendement net sur la base du coût de construction, de l'ISPC, d'un taux de rendement de 3.5% et de charges correspondant à 15% de l'état locatif pour obtenir le rendement admissible des immeubles concernés, avant de le ventiler sur la part de logements et par le nombre de pièces qu'ils contiennent. Le montant obtenu a été majoré de 10% pour tenir compte de la situation en attique du logement.

s. Par écriture du même jour, la B______ a persisté dans ses conclusions en déboutement de A______. Elle a considéré que, même à considérer que l'immeuble litigieux n'était pas ancien, il ne pourrait pas lui être reproché de n'avoir pas fourni les documents nécessaires au calcul de rendement. Elle n'était propriétaire de cet immeuble que depuis le 1er janvier 2014, suite à la fusion entre les deux caisses de prévoyance.

La bailleresse s'est référée aux statistiques, pondérées par les caractéristiques de l'appartement qu'elle a qualifié de superbe et qui était doté d'une situation exceptionnelle, de vastes pièces et de deux grandes terrasses, pour en conclure que le loyer litigieux n'était pas abusif.

t. Dans sa réplique du 21 décembre 2021, le locataire a fait grief à la bailleresse de ne pas avoir produit les documents portant notamment sur les frais de construction, les charges d'exploitation de l'immeuble pour les cinq dernières années, ainsi que sur l'état locatif. Il a contesté que l'appartement puisse être qualifié de superbe.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a d'abord retenu que les pièces dont la production était requise n'étaient en possession ni de la régie, ni d'un tiers pouvant être désigné par la propriétaire. Rien n'indiquait en outre que la fiduciaire détiendrait des documents liés à la construction et à la gestion de l'immeuble. La cause était en état d'être jugée sans mesure d'instruction supplémentaire.

A l'instar de ce que la Cour avait retenu dans son arrêt du 12 avril 2021, il convenait de retenir que la construction de l'immeuble était antérieure de moins de 30 ans à la date de début du bail. La bailleresse n'avait apporté aucun élément nouveau à cet égard depuis le rendu de l'arrêt. Le critère absolu du rendement net excessif était applicable. Au vu de l'absence de pièces suffisantes pour établir le rendement net, il convenait de se référer aux moyennes résultant des statistiques cantonales et communales, la question de la justification par la bailleresse de son défaut de production pouvant rester ouverte.

Le Tribunal a complété l'élément statistique résultant des baux les plus récents en procédant à une pondération avec les chiffres statistiques des baux en fonction notamment de la situation en attique de l'appartement litigieux. Le loyer n'était pas abusif.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

La valeur litigieuse correspond à la différence entre le montant annuel du loyer initial tel que fixé dans le contrat de bail et le montant requis par l'appelant, sans les charges, multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2012 du 6 décembre 2012 consid. 1.1).

1.2 En l'espèce, compte tenu de la différence entre le loyer annuel fixé par le bail et celui requis par l'appelant, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'intimée soutient que les conclusions nouvelles en fixation du loyer à 965 fr. par mois, et en réduction de la garantie bancaire à 2'895 fr. sont irrecevables, de même que les allégations nouvelles contenues dans l'acte d'appel.

2.1 La prise de conclusions nouvelles en appel n'est admise que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies et si ces conclusions reposent sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (art. 317 al. 2 CPC).

Les faits notoires ou notoirement connus du tribunal et les règles d’expérience généralement reconnues ne doivent pas être prouvés (art. 150 CPC).

Les faits notoires, qu'il n'est pas nécessaire d'alléguer ni de prouver, sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge, qu'il s'agisse de faits connus de manière générale du public ou seulement du juge. Pour être notoire, un renseignement ne doit pas être constamment présent à l'esprit; il suffit qu'il puisse être contrôlé par des publications accessibles à chacun (arrêt du Tribunal fédéral 4A_509/2014 du 4 février 2015 consid. 2.1 - 2.2, SJ 2015 I 385; ATF 135 III 88 consid. 4.1; 134 III 224 consid. 5.2).

L'ISPC est un fait notoire (arrêt du Tribunal 4A_415/2015 du 22 août 2016 consid. 3.6.2.).

2.2 En l'espèce, les conclusions prises par l'appelant devant la Cour sont identiques à celles formulées devant le Tribunal le 16 décembre 2021, de sorte qu'elles ne sont pas nouvelles et donc recevables. Les allégations contenues dans l'acte d'appel ne sont pas nouvelles et sont partant également recevables.

3. L'intimée, qui a obtenu entièrement gain de cause devant le Tribunal, soutient qu'elle n'était dès lors pas fondée à faire appel, quand bien même elle fait grief au premier juge d'avoir considéré que l'immeuble n'était pas ancien. Elle soutient que tel est le cas, de sorte qu'un calcul de rendement net ne pouvait être ordonné.

3.1.1 Lorsqu'une partie a obtenu gain de cause dans l'arrêt final, elle n'a pas d'intérêt à interjeter un recours principal contre celui-ci pour remettre en cause l'arrêt incident qui l'a précédé. Il s'ensuit qu'elle ne saurait être privée du droit d'invoquer ses arguments contre l'arrêt incident dans sa réponse au recours interjeté par sa partie adverse. Il ne s'agit pas là d'un recours joint, interdit par la loi
(ATF 134 III 332 consid. 2.5), puisque les conclusions de l'intimée ne touchent pas au dispositif de l'arrêt final attaqué, mais uniquement à ses motifs (à ceux qui sont contenus dans l'arrêt incident antérieur) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 1.2).

3.1.2 Dans l'examen de la conformité du loyer initial au regard des articles 269 et 269a CO, le cadre du débat judiciaire est fixé en premier lieu par la motivation donnée par le bailleur à une éventuelle majoration (Lachat/ Stastny, Le bail à loyer, Lausanne, 2019, p. 484).

Si le bailleur se prévaut du critère absolu des loyers usuels (art. 269a let. a CO), le locataire peut lui opposer le rendement exagéré des fonds propres investis (art. 269 CO), autre critère absolu. Ce dernier critère est prépondérant, sauf si l'on est en présence d'un immeuble dit "ancien" (ATF 139 III 13). Un immeuble est ancien lorsque sa construction ou sa dernière acquisition date de 30 ans au moins au moment du début du bail. Le délai de 30 ans commence à courir soit à la date de la construction de l'immeuble, soit à celle de sa dernière acquisition, et doit être échu au moment du début du bail (arrêt du TF 4A_400/2017 du 13 septembre 2018).

Pour les immeubles récents, le critère absolu du rendement net excessif a la priorité par rapport au critère absolu des loyers usuels dans la localité ou le quartier (ATF 124 III 310 consid. 2; 144 III 514 consid. 2.1 et les références citées).

3.2.1 En l'espèce, l'intimée a obtenu gain de cause sur le fond, mais critique les motifs de la décision, ce qu'elle est autorisée à faire dans le cadre de sa réponse à l'appel.

En effet, s'il devait être admis que l'immeuble est ancien, le raisonnement du Tribunal devrait être entièrement revu, en ce sens que le critère des loyers usuels du quartier serait applicable, étant cependant relevé qu'aucune des parties ne s'est prononcée sur ce mode de fixation.

S'agissant de la qualification de l'immeuble, la Cour ne saurait s'écarter des considérants de son arrêt du 12 avril 2021. Ainsi, au vu de la date d'affectation territoriale de la parcelle concernée (1992), de la date d'ouverture du chantier (1992), de celles de la délivrance du préavis d'habitabilité (1993) et de l'entrée en jouissance des locataires (1994) ainsi que de la cadastration de l'immeuble (1995), remontant à moins de trente ans avant l'entrée en vigueur du bail, l'immeuble n'est pas ancien au sens de la jurisprudence.

Le locataire était ainsi fondé à opposer à la bailleresse le critère absolu du rendement exagéré des fonds propres investis, et le Tribunal à ordonner un calcul du rendement net de la chose louée.

Le jugement querellé doit être confirmé sur ce point.

4. L'appelant fait grief au Tribunal de ne pas avoir ordonné l'audition d'un organe de la bailleresse, d'avoir mal apprécié le témoignage de l'employée de celle-ci, qui aurait dû être entendue comme témoin et non comme partie, de n'avoir pas requis la production de pièces par des tiers, d'avoir en conséquence clos prématurément l'administration des preuves, et d'avoir mal apprécié celles-ci, en retenant que la bailleresse n'était pas en possession des pièces permettant un calcul de rendement. Le Tribunal aurait dû considérer que celle-ci refusait de collaborer et en tirer les bonnes conséquences, à savoir procéder à un calcul de rendement sur la base des éléments en sa possession et de données abstraites, plutôt que se référer aux moyennes résultant des statistiques cantonales et communales pour fixer le loyer.

4.1.1 Toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 al. 1 CPC).

Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC).

Le juge est autorisé à effectuer une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles et, s'il peut admettre de façon exempte d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire offerte par une partie serait impropre à ébranler sa conviction, refuser d'administrer cette preuve (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 et 4.3.2;
130 III 734 consid. 2.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_397/2022 du 17 mai 2023 consid. 3.1.1; 5A_86/2016 du 5 septembre 2016 consid. 5.2.2).

L'autorité jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 142 III 413 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2017 du 10 juillet 2017 consid. 3.1.2).

Lorsqu’une personne morale est partie au procès, ses organes sont traités comme une partie dans la procédure d’administration des preuves (art. 159 CPC).

Sans avoir la qualité d'organes, en vertu de leurs pouvoirs de représentation, peuvent représenter la société en justice les fondés de procuration (art. 458 CO), qui sont inscrits au registre du commerce et n'ont pas besoin de pouvoir spécial pour plaider, à moins que leur procuration n'ait été restreinte (art. 460 al. 3 CO), ainsi que les mandataires commerciaux (art. 462 CO), qui ne sont pas inscrits au registre du commerce, à condition qu'ils aient reçu le pouvoir exprès de plaider (art. 462 al. 2 CO; dans ce sens déjà, pour la comparution à l'audience de conciliation: ATF 140 III 70 consid. 4.3 p. 72; cf. LEUCH/MARBACH/KELLERHALS/STERCHI, Die Zivilprozessordnung für den Kanton Bern, 5e éd. 2000, n° 1a ad art. 83 CPC/BE). Chacune des personnes habilitées à représenter la société en justice doit justifier de sa qualité et de son pouvoir en produisant soit un extrait du registre du commerce, soit l'autorisation qui lui a été délivrée pour plaider et transiger dans l'affaire concrète dont le tribunal est saisi (ATF 141 III 80 consid. 1.3).

Selon l'art. 160 al. 1 CPC, les parties et les tiers sont tenus de collaborer à l’administration des preuves. Ils ont en particulier l’obligation de faire une déposition conforme à la vérité en qualité de partie ou de témoin (let. a) et de produire les documents requis, à l’exception de la correspondance d’avocat, dans la mesure où elle concerne la représentation à titre professionnel d’une partie ou d’un tiers (let. b).

Si une partie refuse de collaborer sans motif valable, le tribunal en tient compte lors de l’appréciation des preuves (art. 164 CPC).

Les moyens de preuve sont le témoignage, les titres, l’inspection, l’expertise, les renseignements écrits, l’interrogatoire et la déposition de partie (art. 168 al. 1 CPC).

L’interrogatoire et la déposition d’une partie sont des moyens de preuve objectivement adéquats prévus par la loi (art.168 al. 1 lit. f CPC). Le juge forge sa conviction après une libre appréciation des preuves (art.157 CPC). Il en résulte l’interdiction de règles de preuves fixes. Il n’est dès lors pas admissible de dénier d’emblée toute valeur probante à un moyen de preuve donné, prévu par la loi (cf. ATF 84 IV 171 c. 2). Il en va ainsi aussi pour l’interrogatoire et la déposition des parties au sens de l’art. 168 al. 1 lit. f CPC. (...) Certes, dans le Message (p. 6934 s.) il est mentionné qu’en raison de la « partialité de leur auteur », la force probante des dépositions est « faible » et qu’elles « doivent être corroborées par un autre moyen de preuve ». Le juge ne peut néanmoins parvenir à la conclusion que la force probante de la déclaration faite par une partie « en sa propre faveur », prise isolément, doit in concreto être qualifiée de faible, que lorsqu’il a administré cette preuve (ATF 143 III 297).

4.1.2 En vertu de l'art. 270 al. 1 CO, le locataire peut contester le loyer initial qu'il estime abusif au sens des art. 269 et 269a CO. Selon l'art. 269 CO, le loyer est abusif lorsqu'il permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée et, selon l'art. 269a let. a CO, il est présumé non abusif lorsqu'il se situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier.

Le critère absolu du rendement net a la priorité sur celui des loyers usuels de la localité ou du quartier (ATF 124 III 310 consid. 2b p. 312), en ce sens que le locataire peut toujours tenter de prouver que le loyer permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif (art. 269 CO), et ce n'est donc qu'en cas de difficulté ou d'impossibilité de déterminer le caractère excessif du rendement net qu'il pourra être fait application du critère des loyers usuels de la localité ou du quartier (ATF 124 III 310 consid. 2b p. 312).

Pour les immeubles anciens, la hiérarchie des critères absolus est inversée: le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier l'emporte sur le critère du rendement net des fonds propres investis. Pour de tels immeubles, en effet, les pièces comptables nécessaires pour déterminer les fonds propres investis en vue de calculer le rendement net font fréquemment défaut ou font apparaître des montants qui ne sont plus en phase avec la réalité économique actuelle (ATF 147 III 14).

4.1.3 Selon la jurisprudence, il appartient au locataire qui conteste le loyer initial d'apporter la preuve que le loyer convenu procure au bailleur un rendement excessif. Toutefois, selon les principes généraux tirés des règles de la bonne foi, la partie qui n'a pas la charge de la preuve (soit le bailleur) doit néanmoins collaborer loyalement à l'administration des preuves et fournir les éléments qu'elle est la seule à détenir. Une violation de cette obligation ne doit pas être admise à la légère; elle suppose que le locataire se trouve dans l'impossibilité d'apporter lui-même la preuve et que la bonne foi impose au bailleur de collaborer. Les principes dégagés par la jurisprudence et rappelés encore récemment (ATF 142 III 568 consid. 2.1 p. 576; arrêts du Tribunal fédéral 4A_17/2017 du 7 septembre 2017 consid. 2.2 et les arrêts cités; 4A_461/2015 du 15 février 2016 consid. 3.2 et 3.3) peuvent être résumés comme suit:

En premier lieu, il s'agit de déterminer si les documents remis par les parties sont suffisants ou non pour calculer le rendement net. Si tel est le cas, c'est exclusivement sur cette base qu'il convient de déterminer si le loyer examiné est abusif au sens de l'art. 269 CO.

En deuxième lieu, si tel n'est pas le cas parce qu'aucun document n'est remis au juge ou que les documents fournis sont insuffisants, il faut distinguer selon que l'on peut ou non imputer cette carence au bailleur. Si le défaut de production du bailleur est justifié, il ne lui sera pas imputé dans l'appréciation des preuves. Le juge tiendra exclusivement compte des statistiques qui, faute de mieux, permettront d'établir le loyer admissible, le cas échéant en pondérant les chiffres en fonction des caractéristiques concrètes de l'appartement litigieux, du montant du loyer payé par le précédent locataire ou de l'expérience du juge.

En troisième lieu, si tel n'est pas le cas parce que le bailleur a, sans aucune justification, refusé ou négligé de produire les pièces comptables en sa possession, il faut distinguer en fonction des moyens de preuve à disposition du juge.

En l'absence de tout autre élément de preuve, le refus du bailleur pourra avoir pour conséquence de convaincre le juge de la fausseté complète ou partielle de ses allégations et, par conséquent, de l'amener à croire les indications du locataire.

Si, en revanche, il existe des données statistiques cantonales ou communales, le juge ne peut pas se baser sur le seul refus du bailleur, mais doit tenir compte de ces données dans le cadre de son appréciation globale des preuves. Ces statistiques, même si elles ne sont pas suffisamment différenciées au sens de l'art. 11 al. 4 OBLF, constituent, faute de mieux, un repère objectif pouvant être pris en compte pour fixer le loyer admissible; le cas échéant, il s'agira de pondérer les chiffres figurant dans ces statistiques en fonction des caractéristiques concrètes de l'appartement litigieux, du montant du loyer payé par le précédent locataire ou de l'expérience du juge (ATF 147 III 14 cons. 6.1 ss p. 21 s.).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a procédé à l'audition d'une représentante autorisée de la bailleresse, quand bien même celle-ci n'est pas inscrite au Registre du commerce. L'appelant ne s'est d'ailleurs pas opposé à ce que celle-ci soit entendue en qualité de partie. En tout état, le seul fait qu'elle ait été entendue en cette qualité ne suffit pas à mettre en doute la crédibilité de ses déclarations.

En n'ordonnant pas la production de pièces par des tiers, estimant que celle-ci serait inutile, le Tribunal n'a pas violé le droit à la preuve de l'appelant. En effet, compte tenu du temps écoulé depuis la construction de l'immeuble litigieux, il pouvait légitimement retenir que les pièces comptables nécessaires pour déterminer les fonds propres investis en vue de calculer le rendement net feraient défaut chez des tiers également.

Cela étant, il est constant que l'intimée n'a pas fourni les pièces permettant un calcul de rendement.

En sus du temps écoulé depuis la construction de l'immeuble, l'argument de l'intimée tiré de la fusion des caisses I______ et J______ et du changement de régie pour justifier de l'impossibilité de fournir toutes les pièces utiles à un calcul de rendement est crédible. Cela étant, les informations détaillées que celle-ci a données concernant les dates d'acquisition de terrain et du mandat de pilotage, ainsi que le peu de documents fournis alors qu'il s'agissait d'une opération de grande envergure, et qu'il pouvait être attendu d'elle, en sa qualité de caisse publique, qu'elle conserve les archives y relatives, laissent à penser qu'elle détient plus de pièces utiles qu'elle n'en a produit. En l'état actuel de la jurisprudence telle que mentionnée ci-dessus, cela ne permet cependant pas encore, comme le voudrait l'appelant, de simplement retenir les indications que celui-ci a données pour fixer le loyer admissible. En effet, dans la mesure où il existe des statistiques, il convient d'en tenir compte, comme l'ont justement fait les premiers juges. Il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur le calcul effectué par l'appelant.

Il résulte de ce qui précède que les griefs de l'appelant tirés de la violation du droit à la preuve ou de l'appréciation arbitraire des preuves sont infondés. Le Tribunal, sur la base des éléments recueillis, était fondé à clore l'administration des preuves, et, en l'absence de pièces suffisantes pour procéder à un calcul de rendement, indépendamment d'une faute de l'intimée (laquelle n'est par ailleurs pas manifeste), procéder à la détermination du loyer en recourant aux statistiques cantonales.

Les conclusions subsidiaires de l'appelant tendant à ce que la Cour procède elle-même à l'audition d'un organe de l'intimée ainsi qu'à un calcul de rendement doivent également être rejetées, par identité de motifs.

Dans la mesure où l'appelant ne remet pas en cause l'application faite par le Tribunal des statistiques, celle-ci sera confirmée, et les conclusions plus subsidiaires de l'appelant en fixation du loyer à 965 fr., sans motivation, rejetées.

Le jugement entrepris sera ainsi entièrement confirmé.

5. La procédure est gratuite (art. 22 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 30 mai 2022 par A______ contre le jugement JTBL/296/2022 rendu le 26 avril 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/14418/2019.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC, Madame Cosima TRABICHET-CASTAN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.