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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/12487/2021

ACJC/161/2024 du 12.02.2024 sur JTBL/611/2022 ( OBL ) , RENVOYE

Recours TF déposé le 15.03.2024, rendu le 03.04.2024, IRRECEVABLE, 4A_161/2024, 4A_161/24
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12487/2021 ACJC/161/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 12 FEVRIER 2024

 

Entre

Monsieur et Madame A______ et B______, domiciliés ______ [GE], appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 22 août 2022, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

Madame C______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Stéphanie NUNEZ, avocate, Esplanade de Pont-Rouge 4, case postale, 1212 Genève 26.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/611/2022 du 22 août 2022, communiqué aux parties par pli du même jour, le Tribunal des baux et loyers a constaté que la requête en fixation judiciaire de loyer introduite par A______ et B______ était constitutive d'un abus de droit (ch. 1 du dispositif), a débouté en conséquence les précités des fins de leur requête (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu que la bailleresse n'avait pas signé la formule officielle d'avis de fixation du loyer, ce qui constituait un vice de forme, qu'elle échouait en outre à prouver avoir remis ladite formule aux locataires, que le contrat de bail était ainsi partiellement nul s'agissant du montant du loyer. Les locataires commettaient un abus de droit en utilisant la procédure de requête en fixation judiciaire du loyer de façon contraire à son but, partant, ils devaient être déboutés de leurs conclusions.

B. a. Par acte adressé le 22 septembre 2022 à la Cour de justice, A______ et B______ (ci‑après : les locataires ou les appelants) forment appel contre ce jugement.

Ils concluent, préalablement, à ce que la Cour constate la violation de leur droit d'être entendus, principalement, à ce qu'elle annule le jugement et renvoie la cause au Tribunal pour instruction complémentaire et nouvelle décision, subsidiairement, constate la nullité du loyer s'agissant de l'appartement de 5 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis no. ______, rue 1______, [code postal] Genève, dès le 1er octobre 2019, fixe le loyer de l'appartement litigieux à 24'000 fr. l'an dès le 1er octobre 2019, et condamne la bailleresse à rembourser le trop-perçu de loyer correspondant.

b. Dans sa réponse du 18 octobre 2022, la bailleresse conclut à la confirmation du jugement entrepris.

c. Avec leur réplique, les locataires ont produit une copie du procès-verbal d'audience des débats de la procédure en évacuation introduite par la bailleresse à leur encontre, accompagnée du jugement du Tribunal des baux et loyer du 24 novembre 2022. Se basant sur ces nouvelles pièces, les locataires allèguent désormais payer la somme de 968 fr. par mois correspondant au loyer mensuel admis par eux dans la présente procédure.

Au surplus, ils persistent intégralement dans leurs conclusions.

d. La bailleresse a dupliqué en persistant dans ses conclusions. Elle a notamment souligné que les époux A______/B______ n'étaient pas à jour dans le règlement du loyer qu'ils admettent devoir à C______ à hauteur de 968 fr. et ceci, au moment du dépôt de ladite duplique.

e. Le 30 janvier 2023, faisant usage de leur droit de réplique inconditionnel, les locataires se sont brièvement déterminés sur la duplique de leur partie adverse et ont produit un justificatif de paiement en faveur de C______ d'un montant de 968 fr. correspondant au loyer du mois de janvier 2023.

f. Par pli recommandé du 13 février 2023, la bailleresse a produit un courrier du 29 juin 2021 de l'ASLOCA adressé aux époux A______/B______ évoquant notamment le dépôt de la requête en fixation judiciaire du loyer déposée le même jour. Elle allègue en avoir pris connaissance le 13 février 2023 à l'occasion de sa consultation, dans les locaux de l'Office cantonal des poursuites, des dossiers relatifs aux saisies opérées contre les précités, "conformément à la décision rendue le 19 janvier 2023 par la Chambre de surveillance des Offices des poursuite et faillites". Un exemplaire de cette décision ainsi qu'une confirmation de la cheffe dudit Office ont été également produits.

Par courrier du 27 février 2023, les locataires se sont déterminés sur le contenu des nouvelles pièces produites par la bailleresse sans se prononcer quant à leur recevabilité. Ils ont relevé en particulier que "par le dépôt de la requête en fixation judiciaire du loyer, il s'agissait d'anticiper le motif d'une prochaine résiliation de bail, vu l'argument de la compensation découlant directement de cette requête et invoqué dans la procédure de contestation de la résiliation".

g. Par avis du 30 août 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Le 23 septembre 2022, la bailleresse, qui, par avis officiel du 27 juillet 2022, avait résilié le bail la liant aux appelants pour le 31 août 2022 pour défaut de paiement, a déposé devant le Tribunal une requête en protection des cas clairs (art. 257 CPC) enregistrée sous n° C/2______/2022, concluant à l'évacuation des locataires.

Ceux-ci ont conclu à l'irrecevabilité de la requête au motif que le cas n'était pas clair et que l'état de fait était litigieux, notamment en raison de la présente procédure en fixation judiciaire du loyer.

Par jugement JTBL/887/2022 du 24 novembre 2022, le Tribunal a déclaré la requête irrecevable.

Par arrêt ACJC/389/2023 du 20 mars 2023, la Cour de justice a admis l'appel de la bailleresse, annulé le jugement querellé et ordonné aux locataires d'évacuer immédiatement l'appartement litigieux. La Cour a notamment retenu que A______ savait, dès juin 2020 au plus tard, que le loyer pouvait être affecté d'un vice de forme. Or, les locataires avaient attendu novembre 2021 pour agir en fixation judiciaire du loyer, après avoir appris que la bailleresse entendait résilier leur bail; ils s'étaient intentionnellement abstenus de faire valoir le vice sur-le-champ afin d'en tirer avantage par la suite, commettant ainsi un abus de droit manifeste.

Par arrêt 4A_195/2023 du 24 juillet 2023, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par les époux A______/B______. L'argumentation avancée par les recourants qui consistait à dire que le vice de forme (nullité du loyer initial faute de formule officielle) était propre à ébranler la conviction du juge, raison pour laquelle ce dernier aurait dû sanctionner la requête par l'irrecevabilité eu égard aux conditions d'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs (art. 257 al. 1 CPC), ne convainquait pas. Les locataires n'avaient pas taxé d'arbitraire la constatation selon laquelle ils connaissaient au plus tard dès le mois de juin 2020 l'impact potentiel de l'absence de formule officielle de fixation du loyer. Ainsi, ils n'avaient pas agi en fixation judiciaire du loyer dans un délai raisonnable. Ce comportement poursuivait selon toute évidence un but autre que celui de corriger un loyer prétendument abusif, à savoir certainement celui de demeurer le plus longtemps possible dans l'appartement querellé, sachant que la bailleresse leur avait indiqué vouloir vendre l'appartement et résilier leur contrat. Cette attitude était constitutive d'un abus de droit manifeste. L'état de fait n'étant pas litigieux et la situation juridique étant claire, la procédure de protection dans les cas clairs prévue à l'art. 257 CPC était applicable.

D. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 30 septembre 2019, C______ a remis à bail à A______ un appartement de 5 pièces situé au 4ème étage de l'immeuble sis 1______ no. ______.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de deux ans et quinze jours, du 1er octobre 2019 au 15 octobre 2021; il se renouvelait ensuite tacitement d'année en année, sauf résiliation signifiée trois mois avant l'échéance.

Le loyer annuel, charges comprises, a été fixé initialement à 51'000 fr., soit 4'250 fr. par mois.

b. Selon avenant daté du même 30 septembre 2019, le loyer mensuel était réduit à 3'789 fr. durant les travaux de rénovation de l'enveloppe du bâtiment alors en cours dans l'immeuble et ce afin de tenir compte, pour solde de tout compte et de toutes prétentions, des désagréments et nuisances liés à ces travaux. Le locataire renonçait d'ores et déjà à toutes prétention supplémentaire en lien avec ce chantier.

c. Un état des lieux d'entrée a été établi le 30 septembre ou le 1er octobre 2019.

d. Début octobre 2019, le contrat de bail et l'avenant, établi en deux exemplaires, ont été signés par A______. Le nom de l'épouse du locataire, B______, figure au bas de la dernière page du contrat sous la rubrique "le ou la conjoint(e) / la ou le colocataire"; cette dernière n'a pas signé le bail.

e. Les parties divergent quant à la question de savoir si un avis de fixation du loyer lors de la conclusion d'un nouveau bail a été remis ou non au locataire.

f. Seuls quatre mois de loyer ont été acquittés.

g. A une date indéterminée, voulant vendre l'appartement, la bailleresse a annoncé au locataire, "par politesse", qu'elle souhaitait résilier le bail. A______ lui a fait savoir qu'il souhaitait acheter l'appartement, mais qu'il n'y était pas encore prêt. La bailleresse avait d'autres acquéreurs en vue, de sorte que le locataire devait lui signaler au plus vite ses intentions. Elle attendrait la fin du contrat.

h. Par requête expédiée le 29 juin 2021 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyer, le locataire et son épouse ont conclu principalement à la fixation du loyer de l'appartement litigieux à 24'000 fr. dès le 1er octobre 2019.

i. Par proposition de jugement du 23 septembre 2021, la Commission de conciliation a fixé le loyer de l'appartement litigieux à 2'780 fr. par mois, charges comprises, dès le 1er octobre 2019, condamné la bailleresse à la restitution du trop-perçu de loyer et réduit en conséquence la garantie de loyer.

j. Par acte du 13 octobre 2021, la bailleresse s'est opposée à la proposition de jugement précitée; elle a par ailleurs transmis à la Commission de conciliation une copie d'un avis de fixation du loyer, dont elle a allégué qu'il avait été remis au locataire le 30 septembre 2019 à l'occasion de la signature du contrat de bail. L'exemplaire en sa possession avait été dûment signé par le locataire et il était probable que la mention du lieu et de la date avaient été ajoutés par ce dernier. L'original de ce document était tenu à disposition du Tribunal.

Une seule signature figure au bas de l'avis susmentionné, soit selon elle, celle de A______, ce que celui-ci conteste.

k. Une autorisation de procéder a été délivrée aux locataires le 21 octobre 2021 et l'affaire a été portée devant le Tribunal le 22 novembre 2021.

Les époux A______/B______ ont conclu, préalablement, outre à l'établissement d'un calcul de rendement et à la production des pièces y relatives, à la production par la bailleresse de l'original de l'avis de fixation du loyer et à la réalisation d'une expertise de graphologie pour déterminer si la signature et l'écriture dudit avis étaient celle de A______ ou celle de B______ et, principalement, à la fixation du loyer de l'appartement à 11'616 fr. par an, charges comprises, dès le 1er octobre 2019, au remboursement du trop-perçu de loyer (soit 73'112 fr. au 30 novembre 2021) et à la réduction de la garantie de loyer.

l. Le 21 janvier 2022, la bailleresse a mis en demeure le locataire et son épouse de lui verser 90'720 fr. correspondant à 24 mois d'arriérés de loyer (28 mois du 1er octobre 2019 au 31 janvier 2022, sous déduction de quatre mensualités versées) ou de consigner le montant contesté et verser le montant admis dans un délai de 30 jours, faute de quoi le bail serait résilié.

m. Dans sa réponse du 4 février 2022, la bailleresse a conclu, sous suite de frais et dépens, principalement, à ce que la procédure soit limitée à la question de la validité de la notification de l'avis de fixation du loyer et à ce que la demande soit déclarée irrecevable et, subsidiairement, à ce qu'un délai lui soit accordé pour produire les pièces nécessaires au calcul de rendement et au rejet de la demande.

n. Par ordonnance du 9 février 2022, le Tribunal, se référant notamment à la production de l'original de l'avis de fixation de loyer, a limité la procédure à la question de la validité du loyer au regard du respect des formes prévues par l'art. 269d CO, convoqué les parties aux débats principaux et ordonné la comparution personnelle de celles-ci.

A l'audience du Tribunal du 29 mars 2022, les parties se sont prononcées sur les mesures d'instruction et ont persisté dans leurs conclusions dans le cadre des premières plaidoiries. Sur quoi, le Tribunal a ordonné l'audition des parties, puis de témoins.

Par appréciation anticipée des preuves, il a renoncé à ordonner l'expertise graphologique requise par les époux A______/B______, clôturé l'administration des preuves et remis la cause à plaider oralement.

o. A teneur du procès-verbal de l'audience du Tribunal du 28 juin 2022, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, sur quoi la cause a été gardée à juger.

Dans la décision attaquée, le Tribunal a résumé les plaidoiries des parties en ces termes : "la partie bailleresse […] a plaidé l'abus de droit de la part des demandeurs à se prévaloir de l'éventuelle nullité du loyer, dans la mesure où la procédure initiée tendait à détourner l'institution de son but, l'action ayant été introduite uniquement en raison de l'information donnée par la bailleresse quant à sa volonté de vendre l'appartement et alors que les demandeurs ne se sont jamais acquittés des loyers depuis le début du bail, à l'exception de quatre mensualités. Les demandeurs ont contesté tout abus de droit et persisté dans leur demande".

 

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Pour le calcul de la valeur litigieuse devant l'instance d'appel, seules sont déterminantes les dernières conclusions prises devant la juridiction de première instance, peu importe le montant que celle-ci a finalement alloué (arrêts du Tribunal fédéral 5D_13/2017 du 4 décembre 2017 consid. 5.2 et 5A_261/2'13 du 19 septembre 2013 consid. 3.3; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd., 2019, n. 13 ad art. 308). Cela implique de tenir compte de toutes les modifications de conclusions, à la hausse ou à la baisse, intervenues en première instance, sans appliquer l'art. 227 al. 3 CPC par analogie, ni se fonder sur l'enjeu de l'appel pour l'appelant (arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois 101 2012-142 du 19 mars 2013 consid. 1b; Heinzmann / Chabloz, Compendium de procédure civile, n° 985).

La valeur litigieuse correspond à la différence entre le montant annuel du loyer initial tel que fixé dans le contrat de bail et le montant requis par les appelants, sans les charges, multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2012 du 6 décembre 2012 consid. 1.1).

1.2 Dans leurs dernières conclusions prises en première instance, les appelants ont conclu à la fixation judiciaire du loyer à 11'616 fr. par année, charges comprises, dès le 1er octobre 2019, sous réserve d'amplification en fonction du résultat du calcul de rendement, de même qu'au remboursement par la bailleresse du trop-perçu de loyer correspondant (soit 73'112 fr. au 30 novembre 2021).

Dans leurs conclusions en appel, ils ont restreint leurs prétentions. En effet, ils ont sollicité la fixation judiciaire du loyer à 24'000 fr. l'an dès le 1er octobre 2019, sans mentionner les charges, ainsi que le remboursement du trop-perçu de loyer correspondant. En tout état de cause, qu'il s'agisse ou non d'une modification des conclusions digne d'être prise en considération dans le calcul de la valeur litigieuse, celle-ci dépasserait largement les 10'000 fr. requis à l'art. 308 al. 2 CPC de sorte que la voie de l'appel est ouverte à cet égard.

1.3 Selon l'art. 311 al. 1 et 2 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier.

L'appel a été interjeté dans les délais et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. b, 311 al. 1 et 313 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Tant les appelants que l'intimée ont produit de nouvelles pièces.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let.  a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 5A_790/2016 du 9 août 2018 consid. 3.1; Jeandin, op. cit., n. 6 ad art. 317 CPC).

Pour faire état de novas improprement dits ou faits et moyens de preuves antérieurs à la décision querellée, il appartient au plaideur de démontrer devant l'instance d'appel qu'il a fait preuve de la diligence requise; il doit ainsi exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas été produit en première instance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_334/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, les appelants ont produit sans retard des faits et moyens de preuve nouveaux à proprement dit (vrais nova). Quoiqu'il en soit de leur pertinence, ceux-ci sont recevables.

2.3 En ce qui concerne les nouvelles pièces produites par l'intimée, celles-ci ont été déposées aussitôt que l'intimée a été autorisée à y avoir accès de sorte qu'elles sont recevables sous cet angle. Les locataires n'en ont d'ailleurs pas contesté la recevabilité, bien qu'il s'agisse d'un échange intervenu entre eux-mêmes et leur mandataire, soumis à des restrictions de production. Cet aspect ne sera pas examiné plus avant dès lors que ces pièces ne sont pas déterminantes au vu de ce qui va suivre. La question de leur recevabilité ne sera dès lors pas tranchée.

3. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir violé l'art. 125 CPC ainsi que leur droit d'être entendus en ne leur donnant pas l'occasion de faire valoir leurs moyens de preuve, en fait et en droit, sur la question de l'abus de droit, laquelle n'aurait pas fait l'objet du procès.

3.1 Le Tribunal peut notamment limiter la procédure lorsqu'il s'agit de trancher une question préjudicielle qui peut permettre de mettre un terme au procès, qui débouchera alors sur une décision finale ou incidente (Haldy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 5 ad art. 125).

3.2 A teneur de l'art. 53 al. 1 CPC, les parties ont le droit d'être entendues. Cette disposition reprend la formule générale de l'art. 29 al. 2 Cst. La jurisprudence développée par le Tribunal fédéral en relation avec la norme constitutionnelle doit aussi être prise en compte pour l'interprétation de cette disposition (arrêts du Tribunal fédéral 5A_465/2014 du 20 août 2014 consid. 5.1; 5A_805/2012 du 11 février 2013 consid. 3.2.3; 5A_109/2012 du 3 mai 2012 consid. 2.1; 5A_31/2012 du 5 mars 2012 consid. 4.3 et les références).

Le droit de réplique est une composante essentielle de cette garantie fondamentale. Il est absolu et ne trouve de limitation que dans l'abus de droit. De ce droit inconditionnel découle un devoir inconditionnel du tribunal de donner la possibilité à chaque partie de se déterminer sur toute prise de position, tant factuelle que juridique, que celle-ci contiennent ou non des nouveaux éléments de faits ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer le jugement à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; ATF 139 II 489 consid. 3.3).

Quant aux modalités d'exercice de ce droit, la partie qui estime nécessaire de se déterminer par rapport à une prise de position qui lui a été transmise doit en principe immédiatement déposer une détermination ou requérir la possibilité d'en déposer une (Bohnet François, le droit de réplique en procédure civile, in: Bohnet François (éd.), Le droit de réplique, Bâle / Neuchâtel 2013, p. 157). L'immédiateté de cette réaction est relative et doit être appréhendée à la lumière du cas d'espèce. Ainsi, lorsqu'une partie souhaite se déterminer par écrit, après avoir été notifiée par correspondance, sur une pièce nouvellement versée à la procédure, le Tribunal fédéral a estimé qu'il ne fallait pas partir du principe qu'une partie avait renoncé à faire usage de son droit de réplique tant qu'un délai d'au moins 10 jours ne s'était pas écoulé (arrêt du Tribunal fédéral 5D_112/2013 du 15 août 2013 consid. 2.2.3).

Le droit d'être entendu est un grief de nature formelle dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond, même si cette violation n'a pas d'incidence effective sur la décision (ATF 141 V 495 consid. 2.2; 140 I 99 consid. 8). Il convient d'examiner ce grief avant tout autre (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1; 124 I 49 consid. 1). L'admission du grief conduit au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision (ATF 134 III 379 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 5D_19/2018 du 14 février 2018 consid. 2.2).

3.3 Selon l'art. 52 CPC, quiconque participe à la procédure doit se conformer aux règles de la bonne foi.

Cette obligation vaut pour les parties comme pour le juge; elle concrétise le droit à un procès équitable et le droit à l'égalité des armes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_319/2021 du 18 juillet 2022, consid. 2.1).

3.4 En l'espèce, il est constant que le Tribunal a limité la procédure à la question de la validité du loyer au regard du respect de formes prévues par l'art. 269d CO.

Cela étant, il a, à lire ce qu'il a fait figurer dans la partie en fait de la décision entreprise, admis que l'intimée plaide la question de l'abus de droit, laquelle excédait le cadre des débats qu'il avait lui-même fixé, sans porter au procès-verbal la moindre mention de cette situation singulière.

Bien plus, il a ensuite retenu l'argument ainsi plaidé, pour faire droit aux conclusions de l'intimée.

Les appelants ne contestent pas avoir pu se déterminer sur la question de l'abus de droit, dans leur propre plaidoirie, de sorte que leur droit d'être entendu n'a pas été violé sous cet angle.

C'est le principe de la bonne foi qui commandait au Tribunal de ne pas retenir d'arguments fondés sur des faits excédant les limites de la procédure telles qu'annoncées, en application de l'art. 125 CPC, aux termes de son ordonnance du 9 février 2022. S'ils entendaient s'engager dans cette voie, il aurait appartenu aux premiers juges de rapporter l'ordonnance susmentionnée et d'élargir formellement la procédure à la question nouvellement évoquée; les parties auraient ainsi été en mesure de former des allégués et de proposer des moyens de preuve, aux fins de bénéficier d'un procès équitable.

Il s'ensuit que la décision entreprise sera annulée. La cause sera renvoyée au Tribunal, qui, dans le respect du principe de la bonne foi, instruira la question de l'abus de droit soulevée par l'intimée.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 22 septembre 2022 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/611/2022 rendu le 22 août 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/12487/2021.

Au fond :

Annule ce jugement.

Renvoie la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Serge PATEK, Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.