Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/18759/2022

ACJC/389/2023 du 20.03.2023 sur JTBL/887/2022 ( SBL ) , JUGE

Recours TF déposé le 31.03.2023, rendu le 15.08.2023, CONFIRME, 4A_195/2023
Normes : CPC.257
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18759/2022 ACJC/389/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 20 MARS 2023

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 24 novembre 2022, comparant par Me Stéphanie NUNEZ, avocate, esplanade de Pont-Rouge 4, case postale, 1212 Genève 26, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______ et Madame C______, domiciliés ______, intimés, tous deux représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/887/2022 du 24 novembre 2022, notifié aux parties le 5 décembre 2022, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré irrecevable la requête en évacuation et en exécution directe déposée le 23 septembre 2022 par A______ à l'encontre de B______ et C______ (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Le 15 décembre 2022, A______ a formé appel de ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule, condamne B______ et C______ à évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens, ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec eux, l'appartement de 5 pièces situé au 4ème étage de la rue 1______ no.______, à Genève, et l'autorise à requérir leur évacuation par la force publique dès l'entrée en force du jugement.

Elle a produit une pièce nouvelle.

b. B______ et C______ ont conclu à la confirmation du jugement querellé, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont été informées le 26 janvier 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. Les parties ont conclu le 30 septembre 2019 un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 5 pièces situé au 4ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no.______, [code postal] Genève.

Le loyer mensuel, charges comprises, a été fixé initialement à 4'250 fr.

Les parties divergent quant à la question de savoir si un avis de fixation du loyer lors de la conclusion d'un nouveau bail a été remis ou non aux locataires.

b. Par avenant du 30 septembre 2019, les parties sont convenues de réduire le loyer mensuel à 3'780 fr. durant les travaux de rénovation de l'enveloppe du bâtiment.

c. Le 22 novembre 2021, les locataires ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après : la Commission de conciliation), d'une requête en fixation judicaire du loyer et en remboursement du trop-perçu (C/2______/2021), concluant notamment à ce que le loyer soit fixé à 2'000 fr. par mois.

Il ressort des déclarations des parties et du jugement rendu par le Tribunal le 22 août 2022 dans cette procédure, que cette requête a été déposée par les époux B______/C______ à la suite de l'annonce par la bailleresse qu'elle souhaitait résilier le bail.

d. Par proposition de jugement du 23 septembre 2021, la Commission de conciliation a notamment fixé le loyer de l'appartement à 2'780 fr. par mois, charges comprises, dès le 1er octobre 2019.

Suite à l'opposition de A______ à cette proposition de jugement, l'autorisation de procéder a été délivrée aux locataires le 21 octobre 2021 et l'affaire a été portée devant le Tribunal le 22 novembre 2021. Les locataires ont conclu à ce que le loyer soit fixé à 968 fr. par mois dès le 1er octobre 2019.

e. Par avis comminatoires du 21 janvier 2022, la bailleresse a mis en demeure les locataires de lui régler dans les 30 jours le montant de 90'720 fr., à titre d'arriéré de loyers et de charges depuis le début du bail, soit 28 mois de loyer, sous déduction des quatre versements effectués les 29 octobre 2019, 10 décembre 2019, 10 janvier 2020 et 19 mai 2020.

Il était précisé que, dans la mesure où les locataires, dans le cadre de la procédure en contestation du loyer initial, admettaient devoir un montant de 11'616 fr. par an, charges comprises, dans leur demande du 22 novembre 2021, ils avaient le choix entre (a) verser l'intégralité des loyers échus en 90'720 fr. sur le compte de la bailleresse ou (b) consigner en justice le montant contesté et payer le montant admis.

A défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, le bail serait résilié conformément à l'art. 257d CO.

f. Par courrier du 25 février 2022, les locataires ont contesté être en demeure dans le paiement de leur loyer compte tenu du vice de forme qui affectait celui-ci, n'ayant pas fait l'objet d'un avis de fixation officiel lors de la conclusion du bail. En outre, ils compensaient d'éventuelles prétentions en paiement du loyer avec leurs propres créances découlant des graves défauts de la chose louée ayant impacté l'appartement.

g. Par avis comminatoires du 29 avril 2022, la bailleresse a mis en demeure les locataires de lui régler dans les 10 jours le loyer dû pour le mois de février 2022 ou le montant qu'ils admettaient et de consigner le solde.

h. Par avis comminatoires du 23 juin 2022, la bailleresse a mis en demeure les locataires de lui régler dans les 30 jours le montant de 109'620 fr., à titre d'arriéré de loyers et de charges depuis le début du bail, soit 33 mois de loyer, sous déduction des quatre versements effectués. A défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, le bail serait résilié conformément à l'art. 257d CO.

i. Par courrier du 22 juillet 2022, les locataires, se prévalant de la nullité du loyer en raison de l'absence de formule officielle et des défauts de la chose louée, ont à nouveau excipé de compensation. Cela étant, ils informaient la bailleresse avoir procédé le jour même, à bien plaire, au paiement de 16'824 fr. correspondant au loyer résultant de leurs conclusions en fixation judicaire du loyer, devant selon eux s'élever à 968 fr. par mois dès le 1er octobre 2019, sous déduction des loyers déjà réglés.

j. Par avis officiels du 27 juillet 2022, la bailleresse a résilié le bail pour le
31 août 2022 pour défaut de paiement.

k. Par jugement du 22 août 2022, le Tribunal, dans le cadre de la procédure C/2______/2021, a constaté que la requête en fixation judicaire de loyer introduite par les locataires était constitutive d'un abus de droit et les a déboutés des fins de leur requête. Il a considéré que la formule officielle ne comportait pas la signature de la bailleresse, ce qui constituait un vice de forme. Par ailleurs, il y avait tout lieu de penser que la signature figurant sur ladite formule était bien celle de B______, contrairement à ce que celui-ci affirmait, mais la bailleresse n'avait pas établi que l'exemplaire signé lui avait été effectivement remis. Le contrat était ainsi partiellement nul s'agissant du montant du loyer.

Les locataires commettaient cependant un abus de droit en invoquant cette nullité. Ils avaient intenté la procédure en contestation du loyer après avoir été informés par la bailleresse de son intention de résilier leur bail, alors même qu'ils ne s'étaient acquittés, depuis le début du bail, que de quatre mois de loyer, ayant par la suite stoppé tout versement sans aucun motif. Les locataires ne s'étaient pas plaints auprès de la bailleresse de l'état de l'appartement, n'avaient pas consigné le loyer, ni sollicité une réduction de loyer. Aucune compensation n'avait été alléguée et aucun paiement n'était intervenu depuis le début de la procédure, ne serait-ce qu'à concurrence du loyer sollicité, les locataires allant au contraire jusqu'à réclamer de la bailleresse la restitution d'un trop perçu à hauteur de 73'112 fr. dont le Tribunal peinait à comprendre le fondement. Il en découlait que l'intérêt des locataires à la procédure était de pouvoir bénéficier d'une période de protection afin d'éviter la résiliation ordinaire de leur bail, plutôt que de solliciter la fixation judiciaire d'un loyer dont ils ne s'acquittaient plus depuis près de deux ans et demi, demeurant ainsi dans le logement sans démontrer leur intention d'assumer, à tout le moins, un quelconque coût financier à leur charge.

Le 22 septembre 2022, les locataires ont appelé de ce jugement. La procédure est actuellement pendante par devant la Cour.

l. Le 23 septembre 2022, la bailleresse a déposé par devant le Tribunal une requête en protection des cas clairs, prenant les mêmes conclusions que celles figurant dans son appel (cf. supra let. B.a).

Elle a notamment déposé des photographies prises lors de l'état des lieux d'entrée, dont il ressort que l'appartement litigieux était en très bon état.

m. Lors de l'audience du Tribunal du 24 novembre 2022, B______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête au motif que le cas n'était pas clair et l'état de fait litigieux. Il n'avait plus payé les loyers car l'appartement était en chantier lors de leur emménagement et car il n'y avait pas d'avis de fixation du loyer initial. Le montant exigible pour la période en question avait été versé dans le délai comminatoire. Il n'avait plus rien payé depuis le 25 juillet 2022, mais il était d'accord de verser 968 fr. par mois dès août 2022 dans l'attente de l'issue de l'appel formé contre le jugement du Tribunal du 22 août 2022 dans la cause C/2______/2021. Il avait donné le matin même un ordre de virement pour 3'873 fr.

La bailleresse a persisté dans ses conclusions, précisant que l'arriéré se montait à 111'696 fr. L'existence de défauts n'était établie par aucune pièce produite et le loyer n'avait pas été consigné.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure sommaire en protection des cas clairs, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche le congé est également contesté, il y a lieu de prendre en compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage de l'objet se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 144 III 346 consid. 1.2, 1.21 et 1.2.2.3 in JdT 2019 II 235).

En l'espèce, les intimés ont contesté la validité du congé. Au vu du montant du loyer convenu de 3'780 fr., la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de 10 jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 311 et 314 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. 2.1 Dans le cadre d'un appel, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont alors recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits ne sont recevables que si la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et si elle les présente sans retard. Ainsi, ne sont pas recevables les contestations et objections que le locataire soulève pour la première fois en instance de recours, comme le fait qu'il a payé l'arriéré de loyer dans le délai de sommation de 30 jours (art. 257 d al. 1 CO) ou qu'il a obtenu du bailleur un sursis au paiement. Le locataire doit invoquer ces moyens de défense en temps utile, conformément au principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense, qui vaut aussi en procédure sommaire de protection dans les cas clairs, soumise à la maxime des débats. Tel est le cas de l'extinction de la dette ou de la compensation, faits destructeurs. Le fait que ces moyens de défense reposent sur des faits notoires ne dispense pas le locataire qui est assisté d'un avocat de les invoquer devant le premier juge (arrêt du Tribunal fédéral 4A_470/2022 consid. 4.1). 

En ce qui concerne les vrais nova, le requérant qui a succombé en première instance et a vu sa requête déclarée irrecevable ne peut pas produire en appel des pièces nouvelles, même s'il ne lui était pas possible de les produire devant le premier juge. Il lui est par contre loisible d'introduire une nouvelle fois sa requête en cas clair devant le premier juge. Cette interdiction ne saurait concerner la partie requise, qui n'a pas introduit la requête d'expulsion. L'art. 317 al. 1 CPC s'applique donc pleinement à la locataire qui a été attraite en première instance, par la requête en cas clair de la bailleresse (arrêt du Tribunal fédéral 4A_470/2022 consid. 4.1).

2.2 La pièce nouvelle produite par l'appelante, à savoir un relevé de compte daté de décembre 2022, est irrecevable, conformément à ce qui précède

3. Le Tribunal a retenu que la compensation invoquée par les intimés en lien avec de prétendus défauts de la chose louée n'était pas valable, dans la mesure où ceux-ci n'avaient pas procédé à la consignation du loyer. Par contre, "s'agissant de la compensation invoquée en lien avec la question de la nullité du loyer" la situation juridique n'était pas claire puisque la procédure à ce sujet était actuellement pendante devant la Cour. La demande était dès lors irrecevable.

L'appelante fait valoir que la position des intimés relève de l'abus de droit. Ils n'avaient jamais payé régulièrement le montant de 968 fr. par mois qu'ils reconnaissaient devoir. Leur requête en fixation du loyer avait été déposée suite à son annonce selon laquelle elle souhaitait vendre son appartement et résilier le bail. Les retards dans le paiement du loyer n'avaient aucun rapport avec l'avis de fixation sur loyer initial sur formule officielle, de sorte qu'une institution juridique était utilisée de manière contraire à son but, ce qui était inadmissible.

3.1
3.1.1
La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 141 III 23 consid. 3.2 et la référence citée). En vertu de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve doit être rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure pour les cas clairs est exclue et la requête irrecevable. A l'inverse, le cas clair doit être retenu lorsque sont émises des objections manifestement mal fondées ou inconsistantes sur lesquelles il peut être statué immédiatement. La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées. En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce, ce qui est notamment le cas lorsqu'il doit statuer sur la bonne foi (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2).

3.1.2 Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

L'action en contestation du congé formée par les locataires ne fait pas obstacle à l'action postérieure en expulsion selon l'art. 257 CPC, intentée par le bailleur (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1).

L'action en expulsion pour défaut de paiement du loyer au sens de l'art. 257d CO selon la procédure de protection dans les cas clairs présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO). Le tribunal saisi de la requête d'expulsion doit donc trancher à titre préjudiciel la question de la validité de la résiliation du bail, laquelle ne doit être ni inefficace, ni nulle, ni annulable (une prolongation du bail n'entrant pas en ligne de compte lorsque la résiliation est signifiée pour demeure conformément à l'art. 257d CO). Les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 141 III 262 consid. 3).

3.1.3 Selon l'art. 270 al. 2 CO, en cas de pénurie de logements, les cantons peuvent rendre obligatoire, sur tout ou partie de leur territoire, l'usage de la formule officielle mentionnée à l'art. 269d CO pour la conclusion de tout nouveau bail. Le canton de Genève a fait usage de cette possibilité.

Les parties peuvent en principe convenir librement du montant du loyer (art. 1 et 253 CO). Le droit privé ne prévoit pas un contrôle d'office par une autorité des montants convenus. En revanche, pour protéger les locataires contre les loyers abusifs, il est prévu que le locataire pourra saisir la commission de conciliation puis le juge pour contester le loyer initial ou une augmentation du loyer, ou pour demander une baisse de loyer, aux conditions fixées par les art. 269 à 270e CO. Il appartient au locataire de prendre l'initiative et l'autorité n'intervient pas d'office. Pour assurer la clarté de la situation juridique, un délai strict est imposé au locataire pour agir, faute de quoi il est réputé avoir accepté le loyer proposé et il est déchu du droit de le contester (art. 270 al. 1 et 270b al. 1 CO). La formule officielle a pour but d'informer le locataire de sa possibilité de saisir l'autorité de conciliation pour contester le montant du loyer, en lui fournissant toutes les indications utiles. Lorsque la formule n'a pas été employée pour un loyer initial alors qu'elle était obligatoire, ce vice n'entraîne pas la nullité du contrat de bail en tant que tel, mais influe seulement sur le montant fixé (ATF 124 III 62 consid. 2a p. 64; 120 II 341 consid. 5d p. 349). L'absence de notification sur formule officielle n'affecte donc ni la possibilité pour chacune des parties de résilier le contrat pour l'échéance, ni la convention des parties fixant la date à laquelle le loyer doit être versé. Le vice n'a de conséquence que pour le montant du loyer convenu. La formule officielle ayant un but d'information, le locataire ne doit pas être désavantagé du fait que cette dernière ne lui a pas été donnée; cependant, dès le moment où il a reçu les informations nécessaires, on doit en principe admettre
- conformément au mécanisme général en matière de contestation des loyers - qu'il doit agir sans retard (ATF 121 III 56 consid. 2c).

Le locataire, informé de l'absence de formule officielle, qui ne proteste pas dans un délai raisonnable, montre qu'il considère le loyer convenu comme non abusif et renonce à le contester devant l'autorité, validant ainsi le montant convenu et guérissant les effets du vice de forme (ATF 137 III 547 consid. 2.3).

A teneur de la jurisprudence, un vice de forme dans la notification du loyer initial entraîne la nullité du loyer fixé. Lorsque, dans cette hypothèse, le locataire a introduit une procédure judiciaire pour contester le loyer initial, il est en principe exclu qu'il tombe en demeure (art. 257d CO) jusqu'à la fixation judiciaire du loyer. Cela étant, l'éventuelle application de ces principes au cas d'espèce suppose que le vice de forme ne soit pas abusivement invoqué par les locataires (arrêt du Tribunal fédéral 4C.315/2000 du 5 février 2001 consid. a).

3.1.4 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Ce principe permet de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes, qui sont déterminantes. L'emploi dans le texte légal du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire. S'agissant de la nullité du loyer initial, l'abus de droit peut entrer en considération lorsque la partie a eu conscience d'emblée du vice de forme et qu'elle s'est abstenue intentionnellement de le faire valoir sur-le-champ afin d'en tirer avantage par la suite. Le fait de payer sans discuter pendant une vingtaine de mois un loyer surévalué par rapport aux critères contenus aux art. 269 ss CO et de s'inquiéter de cette situation à l'occasion d'un avis d'augmentation ne saurait, à lui seul, faire admettre que le locataire commet un abus de droit en arguant de la nullité du loyer initial. En revanche, le locataire qui soulève un tel vice de forme pour s'opposer à la résiliation immédiate du contrat et à son expulsion commet un abus de droit; admettre la nullité dans une procédure d'expulsion aurait pour effet de légitimer l'usage des locaux à titre gratuit et de priver le bailleur des droits découlant de l'art. 257d CO, ce qui détournerait le contrat de bail de son but (arrêt du Tribunal fédéral 4A_129/2011 du 28 avril 2011 consid. 2.3).

Dans une affaire qui présente de nombreuses similitudes avec le cas d'espèce, le Tribunal fédéral a retenu que le sous-locataire ne pouvait pas se prévaloir de l'absence d'accord entre les parties sur le montant du loyer pour se maintenir dans les locaux sans rien payer. L'indication d'un arriéré trop élevé dans l'avis comminatoire n'entraîne en particulier pas nécessairement l'inefficacité de cet avis; le locataire qui constate une erreur doit la signaler au bailleur, à défaut de quoi il ne mérite pas d'être protégé. Il en va de même de celui qui ne prend pas de mesures pour régler le montant qu'il estime exact. Dans l'hypothèse où aucun accord sur le montant du sous-loyer ne serait intervenu et donc, aucun contrat n'aurait été conclu entre les parties, le sous-locataire, occupant les locaux litigieux sans contrepartie, ne mérite pas davantage protection (arrêt du Tribunal fédéral 4A_550/2020 du 29 avril 2021 consid. 7.2).

3.2 En l'espèce, et sans préjudice de la décision qui sera rendue par la Cour dans le cadre de la cause C/2______/2021, il n'y a pas lieu de s'écarter des considérants du jugement du 22 août 2022 rendu par le Tribunal dans la cause précitée, selon lesquels les locataires commettent un abus de droit en invoquant la nullité partielle du contrat de bail.

Les locataires ont intenté la procédure en contestation du loyer après avoir été informés par la bailleresse de son intention de résilier leur bail, alors même qu'ils ne s'étaient acquittés, depuis le début du bail, que de quatre mois de loyer, ayant par la suite stoppé tout versement sans aucun motif. Il apparaît ainsi que leur intérêt à la procédure de fixation du loyer est de pouvoir bénéficier d'une période de protection afin d'éviter la résiliation ordinaire de leur bail, plutôt que de solliciter la fixation judiciaire d'un loyer dont ils ne se sont pas acquittés pendant plusieurs années, demeurant ainsi dans le logement sans démontrer leur intention d'assumer un quelconque coût financier à leur charge.

Le bail a débuté le 30 septembre 2019 et, au moment de l'envoi de la première mise en demeure de l'appelante, le 21 janvier 2022, seuls quatre mois de loyer avaient été réglés, soit les 29 octobre et 10 décembre 2019 et 10 janvier et 19 mai 2020. Les intimés n'ont ensuite plus rien payé jusqu'au 22 juillet 2022, date à laquelle ils se sont acquittés de 16'824 fr. correspondant à un montant de 968 fr. par mois dès le 1er octobre 2019.

Lors de son audition par le Tribunal dans le cadre de la présente cause, B______ a indiqué qu'il avait cessé de payer le loyer car, "quand il avait emménagé dans l'appartement il s'agissait d'un vrai chantier. Par ailleurs, il n'y avait pas d'avis de fixation du loyer initial".

Il ressort ainsi de ses déclarations que l'intimé était au courant du fait que le montant du loyer pouvait être affecté d'un vice de forme dès juin 2020 au plus tard, puisque les intimés ont cessé de payer le loyer à ce moment-là. Or, ceux-ci ont attendu novembre 2021 pour agir en fixation judiciaire du loyer, après avoir appris que l'appelante entendait résilier leur bail.

Ce délai excède largement le délai raisonnable pour contester le loyer devant l'autorité compétente fixé par la jurisprudence susmentionnée.

Il apparaît ainsi que les intimés, qui avaient conscience depuis juin 2020 de l'existence d'un éventuel vice de forme concernant le montant du loyer, se sont intentionnellement abstenus de le faire valoir sur-le-champ afin d'en tirer avantage par la suite, commettant ainsi un abus de droit manifeste.

L'on peut ainsi retenir, que, en renonçant à contester en temps utile le montant du loyer convenu, les intimés ont validé ledit montant, ce qui a guéri les effets du vice de forme.

Le fait que les intimés se soient acquittés, en juillet 2022, à savoir avant l'échéance du délai comminatoire, du montant de 968 fr. par mois correspondant au loyer qu'ils préconisaient dans le cadre de leur action en fixation de loyer, n'est pas déterminant, puisque cette somme ne correspond pas au loyer dû.

Le montant de 968 fr. de loyer mensuel pour l'appartement de 5 pièces occupé par les intimés, situé dans un quartier résidentiel de Genève, est clairement insuffisant. Les intimés le savaient d'ailleurs pertinemment puisque, dans leur action en fixation de loyer déposée par devant la Commission de conciliation, ils avaient conclu à ce que le loyer soit fixé à 2'000 fr. par mois. Le loyer arrêté par la Commission de conciliation dans sa proposition de jugement était quant à lui de 2'780 fr. par mois. Le montant de 968 fr. par mois, très largement inférieur aux chiffres précités, ne saurait être considéré comme une contre-partie acceptable pour l'occupation de l'appartement litigieux.

A cela s'ajoute que les intimés n'ont versé aucun montant à titre de loyer entre juillet 2022 et le 24 novembre 2022, jour de l'audience du Tribunal dans le cadre de la présente cause. Cette omission confirme l'existence d'un abus de droit manifeste de la part des intimés, qui persistent à se maintenir dans l'appartement de l'appelante, sans vouloir s'acquitter du coût y afférent.

Admettre la nullité dans la présente procédure d'expulsion aurait ainsi pour effet de légitimer l'usage des locaux par les intimés pendant plusieurs mois sans contrepartie adéquate et reviendrait à entériner un abus de droit de leur part.

Il résulte de ce qui précède que le non-paiement par les intimés du loyer convenu ne peut pas être justifié par une nullité partielle du contrat de bail.

Il n'est par ailleurs plus contesté à ce stade que les intimés ne sont pas légitimés à se prévaloir d'une réduction de loyer motivée par d'éventuels défauts de l'appartement loué, l'existence de tels défauts n'étant pas rendue vraisemblable et le loyer n'ayant pas été consigné.

L'appelante a dès lors valablement résilié le bail pour défaut de paiement du loyer avec effet au 31 août 2022.

Depuis cette date, les intimés ne disposent plus de titre valable les autorisant à utiliser les locaux loués, de sorte que leur évacuation doit être prononcée.

Les intimés n'ont pas requis l'octroi d'un sursis à l'évacuation, de sorte que celle-ci sera ordonnée avec effet immédiat.

Le jugement querellé sera modifié en ce sens.

4. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 15 décembre 2022 par A______ contre le jugement JTBL/887/2022 rendu le 24 novembre 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/18759/2022-6-SE.

Au fond :

Annule le jugement querellé et, statuant à nouveau :

Condamne B______ et C______ à évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens, ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec elles, l'appartement de 5 pièces situé au 4ème étage de la rue 1______ no.______, à Genève.

Autorise A______ à requérir l'évacuation par la force publique des précités dès l'entrée en force du présent arrêt.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.