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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/3317/2021

ACJC/119/2023 du 30.01.2023 sur JTBL/9/2022 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3317/2021 ACJC/119/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 30 JANVIER 2023

 

Entre

 

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 12 janvier 2022, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile,

 

et

 

SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATIONS B______, sise ______, intimée, représentée par [la régie immobilière] I______, ______, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/9/2022 du 12 janvier 2022, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé notifié à A______ le 2 février 2021 pour le 31 mars 2021 concernant l'appartement de 4 pièces n° 1______ situé au 2ème étage de l'immeuble sis route 2______ no. ______ à C______ [GE] ainsi que la cave en dépendant (ch. 1 du dispositif), déclaré valable le congé notifié à A______ le 2 février 2021 pour le 31 mars 2021 concernant l'emplacement de parking extérieur n° 3______ sis route 2______ no. ______ à C______ (ch. 2), a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens, ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui, l'appartement, la cave et le parking susmentionnés (ch. 3), a transmis la cause, à l'expiration du délai d'appel, à la 7ème chambre du Tribunal des baux et loyers, siégeant dans la composition prévue à l'article 30 LaCC, pour statuer sur les mesures d'exécution sollicitées (ch. 4), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte expédié le 14 février 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation et conclut à ce que la Cour constate l'inefficacité, respectivement annule, les congés notifiés le 2 février 2021 pour le 31 mars 2021 s'agissant de l'appartement de 4 pièces au 2ème étage de l'immeuble sis route 2______ no. ______, [code postal] C______ et de la place de parking extérieure n° 3______ et, subsidiairement, renvoie la cause au Tribunal pour complément d'instruction et nouvelle décision, ordonne la production des procès-verbaux relatifs à la décision de résiliation des baux par la bailleresse et l'audition des témoins D______ et E______.

b. Dans sa réponse du 17 mars 2022, SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATIONS B______ conclut à la confirmation du jugement entrepris.

c. A______ a répliqué le 8 avril 2022 et SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATIONS B______ a dupliqué le 3 mai 2022, les parties persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Les parties ont été avisées le 4 mai 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. Le 27 septembre 2011, SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATIONS B______, propriétaire, d'une part, et A______ et F______, locataires, d'autre part, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 4 pièces n° 1______ situé au 2ème étage de l'immeuble sis route 2______ no. ______ à C______.

Les locaux étaient destinés à l'usage d'habitation et avaient pour dépendance une cave.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale d'une année et quinze jours, du 16 octobre 2011 au 31 octobre 2012, renouvelable ensuite tacitement d'année en année.

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé en dernier lieu à 9'216 fr., à partir du 1er juillet 2014.

Le montant des parts sociales à verser par les locataires s'élevait à 8'800 fr.

b. Par contrat du même jour, les locataires ont également pris à bail un emplacement de parking extérieur n° 3______, dont le loyer s'élevait à 396 fr. par année.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale d'une année et quinze jours, du 16 octobre 2011 au 31 octobre 2012, renouvelable tacitement d'année en année. Le préavis de résiliation était de trois mois.

c. En application de l'article 8 des statuts de la SOCIETE COOPERATIVE D'HABITATIONS B______, la qualité de membre de la Société coopérative se perd, pour les personnes physiques, par le décès, la démission ou l'exclusion et, pour les personnes morales, par la démission, l'exclusion ou leur dissolution. La qualité de membre est liée à un bail portant sur un logement de la coopérative. La résiliation du bail à loyer implique la perte de la qualité de membre.

L'exclusion peut être prononcée par le Conseil d'administration à la majorité des deux tiers des voix émises à l'égard de tout membre dont les agissements nuisent aux intérêts de la Société, qui ne se soumet pas aux statuts et règlements intérieurs ou de la maison, qui, par la moralité ou sa conduite, trouble d'une manière réitérée l'ordre public ou nuit aux relations de bon voisinage et à l'occupation normale des locaux ou qui ne tient pas ses engagements financiers envers la Société. Demeure réservé un droit de recours à l'Assemblée générale et au juge (art. 11 des statuts).

d. Par avenant du 26 juillet 2018, les contrats de bail se sont poursuivis au nom de A______. Il était prévu que ce dernier fasse le nécessaire pour que les parts sociales soient adaptées à cette modification, ce qui n'a jamais été fait.

e. Les contrats de bail ont été résiliés une première fois par la bailleresse par avis officiels du 27 décembre 2018 pour le 28 février 2019, pour non-paiement du loyer.

Une procédure en évacuation est actuellement pendante par-devant le Tribunal (cause C/4______/2019).

f. La faillite du locataire a été prononcée le 10 janvier 2020.

g. Le 20 février 2020, l'Office des faillites a informé la régie représentant la bailleresse de la faillite du locataire, précisant que l'administration de la faillite n'entendait pas entrer dans le contrat de bail et a fortiori fournir les sûretés prévues en application de l'article 266h al. 2 CO.

h. Le 21 juillet 2020, l'Office des faillites a demandé à la régie qu'elle le renseigne sur le nombre de parts sociales détenues par le locataire. Par ailleurs, l'art. 845 CO prévoyant que le droit de sortie d'un associé en faillite, ou dont la part devait être saisie, pouvait être exercé par l'administration de la faillite, la régie était invitée à procéder au versement du montant des parts du locataire d'ici au 14 août 2020.

i. Le 24 novembre 2020, l'Office des faillites a remis à la régie les quatre parts sociales originales d'une valeur de 8'800 fr. et l'a invitée à procéder au versement du montant des parts du locataire d'ici au 14 décembre 2020.

j. Par courrier recommandé et pli simple du 17 décembre 2020, la régie a informé le locataire que, l'Office des faillites ayant exercé le droit de sortie de ce dernier, ses parts sociales avaient été versées audit Office. Compte tenu de la situation du locataire, la bailleresse exerçait son droit à exiger des sûretés conformément à l'article 266h al. 1 CO. Un délai au 5 janvier 2021 était imparti au locataire pour fournir des sûretés de 10'098 fr., somme correspondant au montant des loyers bruts de décembre 2020 à octobre 2021, date de la prochaine échéance contractuelle. A défaut, elle l'informait que son bail serait résilié.

Une copie de ce courrier était adressée à l'Office des faillites.

k. Par courrier électronique du 18 décembre 2020, la régie s'est référée à un courrier électronique du locataire de la veille et lui a rappelé que le paiement de ses indemnités devait se faire avant le 10 de chaque mois.

Elle lui a transmis une copie de son courrier du 17 décembre 2020.

l. Le locataire a répondu le jour même, demandant à la régie, à la suite du courrier de cette dernière, si un arrangement était envisageable. Il devait rentrer en Suisse le 10 janvier 2021 et demandait à pouvoir passer dans les locaux de la régie.

m. Par pli du 23 décembre 2020, la régie a informé le locataire avoir appris de source sûre que, contrairement à ses affirmations, il ne se trouvait pas à l'étranger. Dès lors, le contenu de son courrier du 17 décembre 2020 était maintenu dans son intégralité.

n. Par courrier électronique du 28 décembre 2020, le locataire a réitéré sa demande de rendez-vous début janvier, dès son retour en Suisse.

o. Un entretien s'est déroulé le 12 janvier 2021 entre la régie et le locataire.

p. Par courrier du 19 janvier 2021, envoyé par recommandé, pli simple et courrier électronique, la régie a informé le locataire que la bailleresse ne souhaitait pas lui accorder un arrangement de paiement pour les sûretés réclamées de 10'098 fr. Un ultime délai au 26 janvier 2021 lui était imparti pour les constituer, faute de quoi son bail serait résilié en application de l'article 266h al. 2 CO.

q. Par avis officiel du 2 février 2021, la bailleresse a résilié les baux de l'appartement et du parking pour le 31 mars 2021 pour non-constitution des sûretés à la suite de la faillite du locataire. Il était précisé que ces résiliations s'entendaient sans préjudice de la résiliation pour défaut de paiement du 27 décembre 2018.

r. La faillite du locataire a été clôturée le 22 février 2021.

s. Lors de l'audience qui s'est tenue le 25 février 2021 devant le Tribunal dans le cadre de la procédure en évacuation (cause C/4______/2019), la bailleresse a accordé au locataire un délai d'épreuve de 10 mois. Si, dans ce délai, les indemnités courantes étaient régulièrement versées au plus tard le 10 de chaque mois pour le mois courant, la bailleresse s'engageait à remettre le bail en vigueur. Cet accord a été précédé par deux courriers de la régie des 12 et 22 février 2021, dans lesquels elle précisait que les congés extraordinaires du 2 février 2021 étaient en tout état maintenus.

t. Par requête du 23 février 2021, déclarée non conciliée à l'audience de la Commission de conciliation du 19 avril 2021 et portée devant le Tribunal le 19 mai 2021, le locataire a conclu principalement à la constatation de l'inefficacité des congés et subsidiairement à leur annulation, tant concernant l'appartement (cause C/3317/2021) que le parking (cause C/3318/2021).

Il a soutenu ignorer qu'un délai lui avait été imparti le 17 décembre 2020 pour fournir des sûretés de 10'098 fr. dans la mesure où, étant à l'étranger, il n'avait pas pu réceptionner son courrier. Le délai imparti par la bailleresse dans son pli du 19 janvier 2021 au 26 janvier 2021, soit cinq jours, était manifestement insuffisant et n'était pas conforme à l'article 266h CO. Par ailleurs, aucun délai n'avait été imparti à l'administration de la faillite pour que celle-ci fournisse des sûretés. La procédure de faillite avait en outre été suspendue faute d'actifs selon jugement du 19 mai 2020 relatif à la société G______ SNC EN LIQUIDATION, dont le locataire était l'associé. Enfin, le locataire n'avait pas été exclu de la Coopérative. Les congés étaient donc inefficaces. Ils étaient également contraires à la bonne foi, la bailleresse lui ayant accordé un délai d'épreuve de 10 mois dans le cadre de la procédure d'évacuation.

u. Par ordonnance du 17 juin 2021, le Tribunal a ordonné la jonction des causes C/3317/2021 et C/3318/2021 sous le numéro de cause C/3317/2021.

v. Dans sa réponse et demande reconventionnelle du 14 juillet 2021, la bailleresse a conclu à la validation des résiliations et à l'évacuation immédiate du locataire de l'appartement et du parking, avec exécution directe du jugement d'évacuation.

w. Par écritures du 16 septembre 2021, le locataire a conclu au rejet de la demande reconventionnelle.

x. Lors de l'audience du Tribunal du 16 novembre 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

La représentante de la bailleresse a exposé que le locataire payait son loyer par mois échus, en retard. L'arriéré s'élevait à un mois de loyer. La procédure en évacuation avait été introduite pour défaut de paiement avant la faillite du locataire. Ce dernier ayant mis son compte à jour, il s'était vu octroyer un délai d'épreuve. Dans l'intervalle, en juillet 2020, l'Office des faillites avait sollicité le versement des parts sociales, lesquelles lui avaient été remises en novembre 2020. Au vu de ces circonstances et dans la mesure où les sûretés n'avaient pas été avancées, la bailleresse souhaitait maintenir toutes les résiliations, craignant des problèmes financiers pour l'avenir. Il ressortait également du décompte des loyers que l'accord passé dans le cadre de la procédure en évacuation n'était pas respecté.

Le locataire n'avait toujours pas effectué les démarches pour mettre les parts sociales à son nom malgré les demandes en ce sens. L'Office des faillites avait par ailleurs demandé au locataire d'avertir la bailleresse de la procédure de faillite, ce qui n'avait pas été fait. Il avait également été difficile de retrouver les parts sociales. Ils avaient en outre constaté que le locataire mettait son appartement sur H______ [plateforme de réservation/location de logement], problème qui avait été réglé par la régie. La question de savoir si la bailleresse serait d'accord de reprendre le locataire comme sociétaire, dans l'hypothèse où les parts sociales étaient reconstituées, avait été soulevée au Conseil d'administration de la Coopérative, mais la réponse avait été négative. En effet, les statuts de la société permettaient d'exclure un membre qui ne répondait pas aux idéaux de la société coopérative. Or, le locataire n'était jamais présent aux assemblées générales, avait provoqué des problèmes de voisinage et la bailleresse n'était pas persuadée que l'appartement ne soit pas occupé par des tiers.

Interrogé, A______ a déclaré avoir été absent pour un voyage au Maroc du 12 décembre 2020 au 6 janvier 2021. A son retour, il avait eu un entretien avec la régie qui l'avait informé qu'un courrier lui avait été adressé pour lui demander de constituer des sûretés. Un délai de dix jours ou deux semaines lui était imparti pour verser ces sûretés. Il avait demandé s'il pouvait faire des versements en plusieurs fois mais cette proposition avait été refusée. Au jour de l'audience, il n'avait pas constitué de sûretés. Il a admis avoir reçu le courriel de la régie du 18 décembre 2020 auquel il avait répondu le jour même. Il avait eu connaissance du courrier du 17 décembre 2020 envoyé en annexe. L'Office des faillites l'avait averti qu'il souhaitait récupérer les parts sociales, mais le locataire n'avait pas été « vraiment au courant » que le versement avait été effectué avant de partir au Maroc. Il avait constitué une Sàrl dans le domaine du bâtiment et de la conciergerie en juillet 2021, mais il n'en tirait aucun revenu. A______ vivait avec l'aide de sa famille, n'avait pas de solution de relogement mais avait effectué des recherches et s'était inscrit auprès de régies.

A______ a contesté avoir sous-loué son appartement ou l'avoir proposé sur H______. Il n'avait jamais eu de problème de voisinage, à l'exception d'une fois récemment pour un problème de bruit le soir en raison du Ramadan. S'agissant des parts sociales, il avait dû attendre d'avoir un permis valable pour les mettre à son seul nom, ce qui avait pris du temps.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a clôturé l'administration des preuves et fixé aux parties un délai au 1er décembre 2021 pour le dépôt de leurs plaidoiries finales écrites.

y. Par écritures du 1er décembre 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions, A______ concluant plus subsidiairement à la production des procès-verbaux relatifs à la décision des résiliations de bail et à l'audition de témoins, arguant que les congés étaient un prétexte, dans la mesure où la bailleresse avait d'un côté octroyé un délai d'épreuve et, d'un autre, indiqué qu'elle souhaitait maintenir toutes les résiliations quand bien même les parts sociales étaient reconstituées. Le vrai motif du congé reposerait ainsi sur un sentiment d'animosité d'une ou de certaines personnes de la Coopérative à l'encontre du locataire.

La bailleresse a répliqué le 16 décembre 2021 et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel de l'appartement, charges non comprises, a été fixé en dernier lieu à 9'216 fr. et celui de la place de parking à 396 fr. Ainsi, la valeur litigieuse est manifestement supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.4 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est dès lors recevable à la forme.

2. L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir violé son droit à la preuve. Il lui reproche d'avoir refusé de procéder, par appréciation anticipée des preuves, à l'audition de D______ et E______, son ex-compagne, respectivement l'un de ses amis, appelés à témoigner à propos du voyage à l'étranger de ce dernier au moment de la fixation du délai de paiement et de sa situation financière. Il reproche également aux premiers juges de ne pas avoir accepté d'ordonner la production des procès-verbaux des séances de la société coopérative intimée lors desquelles sa résiliation de bail avait été actée. Il allègue que cette production serait nécessaire pour éclaircir le motif réel de la résiliation.

2.1 La preuve a pour objet les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC). Toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 al. 1 CPC).

Selon la jurisprudence, qu'il soit fondé sur l'art. 29 al. 2 Cst. ou sur l'art. 8 CC, lequel s'applique si les moyens de preuve sont invoqués en relation avec un droit subjectif privé découlant d'une norme de droit matériel fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 5A_726/2009 du 30 avril 2010 consid. 3.1), le droit à la preuve n'existe que s'il s'agit d'établir un fait pertinent, qui n'est pas déjà prouvé, par une mesure probatoire adéquate, laquelle a été régulièrement offerte selon les règles de la loi de procédure (ATF 135 I 187 consid. 2.2; 133 III 189 consid. 5.2.2, JdT 2007 I 197; 133 III 295 consid. 7.1, SJ 2007 I 513).

Le juge peut renoncer à une mesure d'instruction pour le motif qu'elle est manifestement inadéquateporte sur un fait non pertinent ou n'est pas de nature à ébranler la conviction qu'il a acquise sur la base des éléments déjà recueillis (arrêts du Tribunal fédéral 4A_452/2013 du 31 mars 2014 consid. 3; 5A_540/2012 du 5 décembre 2012 consid. 2.1; 5A_460/2012 du 14 septembre 2012 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, la question du voyage à l'étranger de l'appelant au moment de la fixation du délai de paiement n'est pas pertinente, notamment dans la mesure où il a eu connaissance de ce délai le lendemain de l'envoi dudit courrier et où un délai supplémentaire lui a de surcroît été accordé (cf. consid. 3.2 ci-dessous).

Quant à la situation financière de l'appelant, elle a été établie de manière précise par ses propres déclarations. Une situation financière difficile étant au surplus une condition d'application de l'art. 266h CO, elle ne saurait justifier l'octroi d'un délai plus long que celui accordé par la doctrine pertinente pour la constitution de sûretés (cf. consid. 3.1 ci-dessous), délai supplémentaire qui a été au demeurant accordé par l'intimée.

Enfin, aucun élément au dossier ne permet de retenir qu'il s'agirait d'un faux motif.

C'est dès lors à bon droit, sur la base des mesures d'instruction effectuées, soit l'interrogatoire des parties et les pièces produites, que le Tribunal a retenu qu'il s'estimait suffisamment renseigné pour établir les faits pertinents et que la production de pièces supplémentaires ou l'audition de témoins n'était dès lors pas utile.

2.3 Le droit à la preuve de l'appelant n'a ainsi pas été violé.

3. L'appelant fait également grief aux premiers juges d'avoir mal appliqué l'art. 266h CO, le délai de paiement qui lui avait été imparti le 17 décembre 2020 pour le 5 janvier 2021 étant insuffisant en raison de son absence à l'étranger et de son retour en Suisse le 10 janvier 2021.

3.1 En cas de faillite du locataire après la délivrance de la chose, l'art. 266h CO prévoit que le bailleur peut exiger que des sûretés lui soient fournies pour les loyers à échoir. A cet effet, il s'adresse par écrit au locataire et à l'administration de la faillite en leur fixant un délai convenable. Si les sûretés ne lui sont pas fournies dans ce délai, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat.

Le jugement prononçant la faillite doit être entré en force, mais la procédure de faillite ne doit pas être terminée. Les sûretés susmentionnées doivent couvrir le loyer et les frais accessoires jusqu'à l'échéance du contrat s'il est de durée déterminée ou jusqu'à la première échéance pour laquelle le congé ordinaire peut être donné s'il est de durée indéterminée (ACJC/763/2007 du 11 juin 2007 consid. 2; Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 919).

La demande de sûretés doit être faite par écrit et adressée au locataire ainsi qu'à l'administration de la faillite, à défaut de quoi le congé est inefficace et ne produit pas d'effet. Cela étant, lorsque l'administration de la faillite informe le bailleur qu'elle n'entend pas poursuivre le bail, le bailleur peut renoncer à la fixation du délai, car superflu (Burkhalter/Martinez-Favre, Commentaire SVIT du droit du bail, Lausanne 2011, p. 403). Si l'administration de la faillite manifeste clairement son refus d'entrer dans le bail, il serait excessif d'exiger qu'elle soit néanmoins interpellée (Bohnet/Carron/Montini, Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 13 ad art. 266h CO).

Quant au délai convenable pour fournir les sûretés, il doit s'apprécier selon les règles de la bonne foi, en fonction du cas d'espèce. Un délai d'une à trois semaines est en principe jugé comme tel, la fourchette la plus citée étant d'une à deux semaines. Si le délai fixé est objectivement trop court, le locataire et/ou l'administration de la faillite doivent protester auprès du bailleur et en demander la prolongation. Un délai trop court pourra toutefois être converti en un délai convenable si le locataire et/ou l'administration de la faillite s'exécute dans le délai jugé comme tel (Bohnet/Carron/Montini, op. cit., n. 15 ad art. 266h CO et réf. citées; Burkhalter/Martinez-Favre, op. cit., p. 403).

3.2 En l'espèce, l'intimée a adressé une demande de sûretés à l'appelant par courrier du 17 décembre 2020, tout en réservant une copie de ladite demande à l'Office des faillites, lequel lui avait déjà indiqué son refus d'entrer dans le bail. Cette manière de procéder est conforme aux principes susmentionnés.

S'agissant du délai accordé, il était fixé au 5 janvier 2021. L'appelant allègue ne pas avoir pu réceptionner ce courrier car il était à l'étranger jusqu'au 10 janvier 2021. Or, la demande de sûretés lui a également été envoyée par courrier électronique le 18 décembre 2020 et il a admis lors de l'audience du 16 novembre 2021 avoir reçu ledit courrier électronique et y avoir répondu le même jour.

Ainsi, la Cour retient, comme le Tribunal, que le délai accordé à l'appelant, de 18 jours (15 en retirant les jours fériés), respecte les conditions de l'art. 266h CO.

Au surplus, l'intimée lui a accordé une prolongation de délai au 26 janvier 2021, laquelle est demeurée sans suite.

Enfin, l'appelant n'a pas protesté à la réception de ce délai pour constituer les sûretés, se contentant de demander "une possibilité d'arrangement pour le bail" dans son courrier électronique du 18 décembre 2020.

Quant à la situation financière de l'appelant, ainsi que cela a déjà été rappelé, elle ne saurait être prise en considération en l'espèce dans la mesure où le but de l'art. 266h CO est précisément de pallier les risques liés à une situation financière difficile.

3.3 Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

4. L'appelant fait enfin grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 271 al. 1 CO. Il allègue que l'application de l'art. 266h CO est insuffisante pour juger de la validité du congé litigieux et que les premiers juges ont "ignoré" que l'intimée n'aurait pas accordé un délai suffisant à l'appelant pour constituer les sûretés, que l'intimée a accordé un délai d'épreuve de 10 mois dans une autre procédure en évacuation parallèle pour défaut de paiement et que la représentante de l'intimée lors de l'audience du 16 novembre 2021 nourrirait un sentiment d'animosité envers lui.

4.1 La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi. Lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2; 4A_290/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4.1).

La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

Les cas typiques d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO (ATF 120 II 105 consid. 3 p. 108; sur les cas typiques d'abus de droit : ATF 135 III 162 consid. 3.3.1 p. 169). Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF
136 III 190 consid. 2; 135 III 112 consid. 4.1; 120 II 31 consid. 4a). Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (ATF 135 III 112 consid. 4.1). Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsque sa motivation est lacunaire ou fausse (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 136 III 190 consid. 2;
135 III 112 consid. 4.1).

Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1) ou que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêts du Tribunal fédéral 4A_297/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.2; 4A_322/2007 du 12 novembre 2007 consid. 6).

4.2 Pour pouvoir examiner si le congé contrevient ou non aux règles de la bonne foi (art. 271 et 271a CO), il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur dans l'avis de résiliation (pour le cas où l'avis de résiliation n'est pas motivé, arrêt du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2) et si le motif est réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).

Si le bailleur fournit un faux motif à l'appui de la résiliation et qu'il n'est pas possible d'en établir le motif réel, il faut en déduire que le congé ne repose sur aucun motif sérieux ou en tout cas sur aucun motif légitime et avouable, ce qui justifie son annulation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.4.1).

4.3 En l'espèce, il a été retenu ci-avant que le délai accordé par l'intimée pour verser des sûretés était suffisant et qu'aucun élément au dossier ne permet de déceler une animosité de l'intimée ou de sa représentante envers l'appelant. Rien ne justifie d'y revenir une seconde fois dans le cadre de l'application de l'art. 271 al. 1 CO.

Quant au délai d'épreuve de 10 mois accordé à l'appelant dans la procédure parallèle pour défaut de paiement du loyer, il n'en résulte aucune attitude déloyale ou contradictoire de l'intimée. En effet, cette dernière, en accordant ledit délai, a systématiquement signalé à l'appelant que les résiliations de bail extraordinaires pour non-constitution des sûretés étaient en tout état maintenues et que le délai accordé n'avait pas d'influence sur elles.

4.4 Ainsi, les différents griefs de l'appelant concernant la violation de l'art. 271 al. 1 CO sont tous infondés et le jugement entrepris cela confirmé sur ce point également.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme
 :

Déclare recevable l'appel interjeté le 14 février 2022 par A______ contre le jugement JTBL/9/2022 rendu le 12 janvier 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/3317/2021-1-OSB.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTONIOZ et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. (consid. 1.2).