Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/264/2024 du 23.04.2024 ( AVS ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/1900/2023 ATAS/264/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 23 avril 2024 Chambre 15 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION
| intimée |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1951, bénéficie d’une rente AVS depuis fin 2015.
b. Par message du 9 mars 2021, l’administration fiscale cantonale a avisé la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la CCGC ou l’intimée) de ce que l’assurée avait réalisé en 2015 un revenu relatif à une activité indépendante à hauteur de CHF 1'330'676.-.
c. Sur la base de ces informations, la CCGC a, par courrier du 10 juin 2022, invité l’assurée à remplir sous 30 jours un questionnaire d’affiliation en tant qu’indépendante afin de déterminer son statut vis-à-vis des assurances sociales suisses.
d. L’assurée a répondu, le 6 juillet 2022, qu’elle s’étonnait de devoir s’inscrire comme indépendante alors qu’elle avait cessé toute activité lucrative lorsqu’elle avait renoncé à l’exploitation du B______. Elle sollicitait un délai complémentaire pour pouvoir compléter ses observations, dans la mesure où elle devait consulter le fiduciaire qui gérait sa « situation sociale et fiscale ».
e. Par pli du 31 août 2022, soit le dernier jour du délai complémentaire que lui avait octroyé la CCGC, l’assurée a complété ses observations, répétant qu’elle avait cessé toute activité lucrative en 2007. En 2014, elle avait effectué une opération immobilière ponctuelle sur la parcelle dont elle était copropriétaire à F______, et sur laquelle elle avait fait édifier plusieurs immeubles. Son époux et elle-même occupaient un appartement dans l’un des immeubles, les autres logements ayant soit été vendus, soit mis en location. Tous les revenus réalisés dans ce cadre avaient dûment été déclarés à l’AFC. Elle peinait cependant à comprendre qu’il puisse y avoir matière à déclaration et taxation sociale, vu qu’elle avait déjà atteint l’âge de l’AVS. Enfin, elle s’étonnait que la CCGC ait mis huit ans à la contacter depuis l’opération immobilière en question.
Elle sollicitait donc, avant toute détermination définitive, que la CCGC lui communique « toutes précisions utiles à ce sujet ».
f. La CCGC a répondu au courrier de l’assurée par pli prioritaire (courrier A) le 29 septembre 2022. Elle avait uniquement été informée par l’AFC en date du 9 mars 2021 du revenu d’indépendante obtenu par l’intéressée en 2015. Elle était légalement liée par les communications fiscales. Enfin, elle rappelait que les cotisations non fixées relatives au revenu d’une activité indépendante pouvaient être exigées jusqu’à un an après la fin de l’année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante était entrée en force.
Par conséquent, la CCGC était liée par la communication fiscale de l’AFC et était tenue de procéder à l’affiliation rétroactive de l’assurée. À défaut de transmission sous 30 jours du questionnaire d’affiliation du 10 juin 2022 et des justificatifs requis, la caisse serait contrainte de procéder à une affiliation d’office, laquelle pourrait faire l’objet d’une opposition.
B. a. Par courrier A du 22 novembre 2022, la CCGC a informé l’assurée que, faute de réponse de sa part au courrier du 29 septembre, elle avait procédé à l’affiliation d’office de l’assurée en tant que personne de condition indépendante pour ses revenus de l’année 2015. L’assurée disposait d’un délai de 30 jours pour s’opposer à cette décision.
b. Par décision parallèle du même jour, également envoyée par courrier A, la CCGC a fixé de manière définitive le montant pour 2015 des cotisations personnelles pour personnes exerçant une activité indépendante. Celui-ci s’élevait à CHF 136'251.85.
c. Le 3 janvier 2023, la CCGC a adressé à l’assurée un rappel de la facture du 22 novembre 2022, portant sur le montant de CHF 181'328.50.
d. Le 12 janvier 2023, l’assurée a fait part de son étonnement concernant le rappel du 3 janvier 2023, dans la mesure où elle était sans nouvelle de la CCGC « depuis des lustres ». Elle trouvait la situation totalement incompréhensible et ne s’expliquait pas pourquoi elle devrait cotiser à l’AVS alors qu’elle avait cessé toute activité lucrative depuis 2007. Elle attendait des précisions quant à la facture à laquelle le rappel faisait allusion avant de prendre conseil auprès d’une personne qualifiée pour ce type de problématique.
e. Le 18 janvier 2023, la CCGC a rappelé à l’assurée le contenu des courriers qu’elle lui avait adressés les 29 septembre et 22 novembre 2022, relevant que l’assurée n’y avait jamais répondu. Les rappels des 3 et 9 janvier 2023 avaient été envoyés automatiquement et un arrangement de paiement était possible.
f. Le 27 janvier 2023, l’assurée a insisté sur le fait qu’elle était restée sans nouvelle de la CCGC jusqu’au courrier du 18 janvier 2023. En particulier, elle n’avait jamais reçu le courrier explicatif du 29 septembre 2022 et continuait à ne pas comprendre pour quel motif elle devrait procéder rétroactivement à une affiliation. Elle précisait en outre : « selon ce que j’ai compris antérieurement, les prétentions de l’AVS, dans l’hypothèse que vous évoquez, se périment un an après la fin de l’année civile au cours de laquelle la taxation fiscale définitive est entrée en force. Il s’ensuit qu’il vous appartenait, le cas échéant, de m’adresser une taxation en bonne et due forme dans un délai échéant à fin décembre 2022. Comme je n’ai rien reçu, je considère, à regret [pour] vous, que vos prétentions sont de toute manière périmées ».
g. Le 2 mars 2023, la CCGC a accusé réception du courrier du 27 janvier 2023 qu’elle qualifiait d’opposition. Au terme d’un examen attentif du dossier, une décision susceptible de recours serait notifiée à l’assurée.
h. Le 8 mars 2023, l’assurée a relevé que, dans la mesure où elle n’avait jamais reçu de décision, son courrier ne pouvait être considéré comme une opposition. De son point de vue, les prétentions étaient périmées.
i. Par pli recommandé du 15 mars 2023, la CCGC a sollicité de l’assurée des informations complémentaires quant à l’acquisition du revenu d’indépendante relatif à 2015, constatant qu’au niveau des assurances sociales, l’intéressée n’était pas au bénéfice du statut de personne de condition indépendante durant la période précitée.
j. Le 21 avril 2023, l’assurée a réitéré qu’elle considérait les prétentions de la CCGC comme forcloses et qu’elle ne donnerait plus suite aux interpellations de la caisse qu’elle considérait comme du harcèlement. À toutes fins utiles, elle précisait que, pour ce qui était postérieur à 2015, les immeubles ayant fait l’objet de la promotion concernée étaient gérés par une régie de la place et que les revenus y relatifs figuraient à sa déclaration fiscale en tant que revenu de la fortune et non du travail.
k. Le 10 mai 2023, la CCGC a rendu une décision suite à l’opposition de l’assurée des 12 et 27 janvier 2023. L’opposition était considérée recevable quant à la forme mais était rejetée quant au fond, la décision de cotisations personnelles définitive établie le 22 novembre 2022 par la CCGC pour l’année 2015 reposant sur les chiffres indiqués par l’AFC, qui liaient la caisse.
C. a. L’assurée a recouru à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre cette décision le 6 juin 2023, concluant à son annulation et à la constatation que les prétentions de la CCGC relatives à 2015 étaient prescrites. L’intimée n’avait pas pris la précaution de notifier à la recourante une décision en temps utile et en bonne et due forme, de sorte qu’elle devait en assumer les conséquences. Elle avait failli en s’abstenant de notifier la décision de novembre 2022 par pli recommandé. La recourante n’avait jamais reçu cette décision, possiblement suite à un nouveau manquement de la Poste de Vésenaz. Deux courriers déposés à tort dans la boîte aux lettres de la recourante le 17 janvier 2023 étaient produits à titre d’exemple des dysfonctionnements réguliers dudit service postal.
b. Dans sa réponse du 30 août 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours et à la confirmation de ce que la recourante lui restait redevable d’un montant correspondant à CHF 181'328.50 à titre de cotisations d’indépendante pour l’activité lucrative déployée pendant l’année 2015.
La recourante avait bel et bien reçu le courrier du 29 septembre 2022. Après avoir pris connaissance de son contenu et en particulier de la portée de la partie relative à la prescription des prétentions, elle avait décidé de « faire la morte » jusqu’en 2023. Cela étant, les « propres mensonges de la recourante [qui] constituent la preuve incontestable de la notification de la décision de cotisation du 22 novembre 2022, qu’on ne peut donc que considérer comme valablement notifiée » au vu de la jurisprudence.
Il était invraisemblable que les documents préparés séparément à l’attention de la recourante aient pu ne pas être expédiés ou être égarés par deux fois. En outre, le fait que la recourante ait cité le contenu d’un courrier qu’elle prétend ne pas avoir reçu, permettait de douter de sa bonne foi. Enfin, il était suspect que l’intéressée se retrouve à invoquer la prescription des créances de cotisations, sans savoir ce que l’intimée lui réclamait, vu qu’elle n’aurait prétendument reçu aucune décision ni explication.
c. Le 7 novembre 2023, la recourante a persisté dans les termes de son recours.
d. Le 9 novembre 2023, l’intimée a produit un courriel du 1er novembre 2023 du « contact center » de la Poste, indiquant qu’elle avait pris contact avec le service de distribution de l’entreprise à Vésenaz, lequel lui avait confirmé qu’il n’y avait pas eu de problème de distribution dans la zone desservie entre le 15 septembre et le 30 novembre 2022.
e. Par observations du 2 janvier 2024, l’intimée a persisté dans les termes et conclusions de sa réponse.
f. Une audience de comparution personnelle des parties et d’enquête s’est tenue le 16 janvier 2024 par-devant la chambre de céans.
g. N’étant pas en charge de la fixation des cotisations, le représentant de l’intimée a indiqué ne pas être en mesure d’expliquer pourquoi la décision de la CCGC du 22 novembre 2022 indiquait que les cotisations sociales dues par la recourante s’élevaient à CHF 136'251.85 alors que le rappel du 3 janvier 2023 faisait état d’un montant de CHF 181'328.50. Il pensait que le montant exact était celui figurant dans la décision du 22 novembre 2022.
Concernant le courrier du 15 mars 2023 sollicitant des explications complémentaires au sujet du revenu 2015 de la recourante, il avait, à son avis, été adressé par le service pour relancer la procédure. Il s’agissait d’un courrier-type envoyé régulièrement lorsqu’une personne n’était pas affiliée en tant qu’indépendante et que l’intimée recevait des informations de l’AFC à teneur desquelles cette personne réalisait des revenus.
Quant à la décision initiale, elle n’avait pas été notifiée par pli recommandé. Les services de l’intimée envoyaient parfois des milliers de décisions par jour concernant la taxation des assurés. Cela coûterait ainsi trop cher de tout envoyer par recommandé, même si cela eût été préférable dans le cas d’espèce, vu le montant des cotisations fixé par dite décision. Il n’y avait cependant pas de grille des montants justifiant l’envoi de certaines décisions par recommandé et d’autres par pli simple. Les décisions étaient en règle générale envoyées par pli simple, mais il pouvait arriver que le service décide d’envoyer certaines décisions par recommandé, notamment lorsqu’il attendait des renseignements d’un assuré prétendant ne pas recevoir les courriers du service. Selon l’intimée, la procédure avait été menée en bonne et due forme et la décision avait été valablement rendue en 2022.
h. La recourante a pour sa part indiqué ne jamais s’être occupée de tout ce qui était administratif, tâche qu’elle avait laissée à son mari depuis leur mariage, 46 ans auparavant. C’était ainsi son époux qui pouvait répondre à toutes les questions de la chambre de céans à cet égard. C’était lui qui relevait le courrier et le traitait. C’était également lui qui avait rédigé tous les courriers du dossier que la recourante avait signés. La recourante n’avait personnellement pas de contacts avec le fiduciaire.
Concernant les dysfonctionnements allégués de la Poste de Vésenaz, elle a expliqué le cas de son beau-frère qui les avait accusés, à tort, elle et son mari, d’avoir reçu un colis pour son compte. Il avait fait un scandale à la Poste et attendu tous les matins le facteur qui en avait fait une dépression. Du fait de cette histoire, il y avait eu une perquisition dans les bureaux du mari de la recourante. Il était arrivé que les époux reçoivent des lettres qui ne leur étaient pas destinées. La recourante pensait que son mari les avait remises au facteur. Il était également arrivé à une autre occasion de ne pas recevoir un colis alors qu’elle était à la maison. Le facteur n’avait pas sonné, mais laissé un avis de passage. Son mari s’était alors rendu à la Poste de Vésenaz, mais le colis avait été transmis à celle de Cologny.
i. L’époux de la recourante, Monsieur C______ (ci-après : l’époux) a également été entendu à titre de renseignement, dans le cadre de l’audience d’enquêtes du même jour.
Dans le courrier du 10 juin 2022, il était fait mention d’un revenu de nature indépendante durant l’année 2015. Le mari de la recourante avait pensé qu’il s’agissait des loyers relatifs aux appartements créés à la suite de l’opération immobilière de 2015.
Durant l’été 2022 et en vue de répondre à l’intimée avant le délai fixé au 31 août 2022, il avait pris contact avec Monsieur D______, l’architecte, qui avait toutes les fonctions dans la promotion immobilière et qui était par ailleurs l’un de ses amis. Ils avaient discuté à plusieurs reprises durant l’été de ce dossier, sans que le mari de la recourante ne puisse vraiment comprendre pourquoi son épouse aurait dû s’affilier en tant qu’indépendante. Elle avait participé à cette unique promotion immobilière qui n’était pas son métier. À cette époque, D______ n’avait jamais évoqué la question de la péremption des prétentions de l’intimée.
Après leur réponse du 31 août 2022, les époux E______ n’avaient pas repris contact avec l’intimée. N’ayant pas reçu de réponse à leur lettre du 31 août 2022, ils avaient estimé que celle-ci avait clos l’affaire.
Ils n’avaient reçu ni le courrier explicatif de l’intimée du 29 septembre 2022 ni ceux de novembre 2022. Après le 31 août 2022, ils n’avaient rien reçu de l’intimée jusqu’au rappel du 3 janvier 2023. Il avait ainsi uniquement pris connaissance de la décision du 22 novembre 2022 lorsque leur avocat la lui avait présentée en janvier ou en février 2023.
Il ne savait pas comment expliquer ne pas avoir reçu les courriers de septembre et de novembre 2022. Ils avaient beaucoup de problèmes avec la Poste de Vésenaz. Il leur arrivait de recevoir des courriers destinés à d’autres personnes dans leur boîte aux lettres. Dans ces cas, l’époux les ramenait à la Poste pour qu’elle les redistribue, à moins qu’il s’agisse de courriers destinés à des voisins, auquel cas il les glissait dans leurs boîtes aux lettres. En novembre 2023, il attendait une lettre-colis d’Italie par recommandé. La Poste l’avait averti de la livraison par une application. Le facteur avait indiqué avoir sonné, mais son épouse était à la maison et il pensait dès lors que le postier n’avait pas sonné. Les facteurs étaient débordés. Le postier avait déposé un avis de passage. Une fois à l’office de Poste de Vésenaz où le colis aurait dû se trouver, la postière l’avait informé que le colis avait été déposé à Cologny. L’époux ne souhaitait pas fustiger la Poste, mais il y avait beaucoup d’erreurs.
C______ a ensuite expliqué que, dans le courrier du 12 janvier 2023, il avait manifesté que la situation le surprenait grandement, dans la mesure où il n’avait pas reçu de courrier de l’intimée depuis son propre courrier (signé par la recourante) du 31 août 2022 et faisait désormais face à un rappel de facture pour un montant important.
Concernant la problématique de la péremption de la créance de cotisations sociales dont il avait fait état dans le courrier du 27 janvier 2023, il a expliqué qu’après avoir reçu le courrier de l’intimée sollicitant le montant de CHF 180'000.-, il avait pris contact avec D______ qui était très surpris. Ce dernier l’avait rappelé quelques jours plus tard pour lui faire part d’un éventuel délai de « je ne sais pas comment on dit ». Il avait ensuite rédigé le courrier du 27 janvier 2023 en se fondant sur ce que lui avait indiqué l’architecte.
L’avocat de la recourante a précisé qu’il avait lui-même eu un contact avec C______, le 25 janvier 2023, pour d’autres dossiers en cours et qu’ils avaient dû discuter de ce délai de péremption ensemble. Il lui avait confirmé l’avis de D______.
Sur question du représentant de l’intimée, C______ a confirmé qu’il n’avait jamais eu connaissance du courrier du 29 septembre 2022. Son courrier du 27 janvier 2023, se référait aux informations reçues de son conseil et de D______ au sujet de la péremption des prétentions AVS.
j. Le 31 janvier 2024, l’intimée a confirmé que le montant réclamé à la recourante était bien celui de CHF 181'328.50 figurant dans la facture de cotisations personnelles du 22 novembre 2022. La différence avec le montant de CHF 136'251.85 figurant dans la « décision définitive pour l’année 2015 » également adressée à la recourante le 22 novembre 2022 s’expliquait par un calcul séparé des intérêts moratoires relatifs aux cotisations sociales pour personnes exerçant une activité lucrative indépendante.
En outre, l’intimée a expliqué que « selon la procédure usuelle au sein de l’OCAS, la décision d’affiliation de A______ était éditée de manière automatique par un logiciel spécifique et il est donc plus que probable que cette décision ait fait l’objet d’un envoi séparé. En ce qui concerne les décisions de taxation – décision de cotisation 2015, décision d’intérêts moratoires, et décision finale – elles sont générées par un logiciel comptable différent qui prévoit un envoi automatique séparé et aussi un envoi manuel groupé. Il n’est donc pas impossible que Madame ait pu recevoir 4 courriers distincts qui étaient partis de l’OCAS le 22 novembre 2022 ».
Ces éléments rendaient encore plus invraisemblable que les courriers se soient tous volatilisés. En outre, la recourante ayant clairement indiqué qu’elle ne s’occupait pas du courrier qui lui était personnellement adressé, elle ne pouvait affirmer que lesdits courriers ne lui étaient jamais parvenus.
k. Le 14 mars 2024, les parties ont persisté dans leurs positions respectives.
l. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans les formes et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le bien-fondé des décisions de cotisations rendues par l’intimée pour l’année 2014, singulièrement sur la prescription des prétentions de l’intimée.
3.
3.1 Selon l’art. 3 al. 1 LAVS, les assurés sont tenus de payer des cotisations tant qu’ils exercent une activité lucrative.
Les personnes sans activité lucrative sont tenues de payer des cotisations à compter du 1er janvier de l’année qui suit la date à laquelle elles ont eu 20 ans; cette obligation cesse à la fin du mois où les femmes atteignent l’âge de 64 ans, les hommes l’âge de 65 ans.
Une cotisation de 8.1% est perçue sur le revenu provenant d’une activité indépendante (art. 8 al. 1 LAVS).
Selon l'art. 17 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 31 octobre 1947 (RAVS ; RS 831.101), est réputé revenu provenant d’une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 9 al. 1 LAVS, tout revenu acquis dans une situation indépendante provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité, y compris les bénéfices en capital et les bénéfices réalisés lors du transfert d’éléments de fortune au sens de l’art. 18 al. 2 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, du 14 décembre 1990 (LIFD ; RS 642.11), et les bénéfices provenant de l’aliénation d’immeubles agricoles ou sylvicoles conformément à l’art. 18 al. 4 LIFD, à l’exception des revenus provenant de participations déclarées comme fortune commerciale selon l’art. 18 al. 2 LIFD.
L'art. 22 RAVS précise que l’année de cotisation correspond à l’année civile et que les cotisations se calculent sur la base du revenu découlant du résultat de l’exercice commercial clos au cours de l’année de cotisation et du capital propre investi dans l’entreprise à la fin de l’exercice commercial.
3.2 En vertu de l'art. 23 RAVS, les autorités fiscales cantonales se fondent sur la taxation passée en force de l'impôt fédéral direct pour établir le revenu déterminant le calcul des cotisations (al. 1). Les caisses de compensation sont liées par les données des autorités fiscales cantonales (al. 4). Elles le sont en principe également par les communications fiscales fondées sur des taxations d’office passées en force, bien que celles-ci soient moins précises que des taxations établies selon la procédure ordinaire, c’est-à-dire par rapport à des données concrètes (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 17/00 du 5 décembre 2000 consid. 2 ; RCC 1988 p. 321 et les références ; ATAS/775/2014 du 25 juin 2014 consid. 6).
D'après la jurisprudence, toute taxation fiscale est présumée conforme à la réalité; cette présomption ne peut être infirmée que par des faits. Dès lors que les caisses de compensation sont liées par les données fiscales et que le juge des assurances sociales examine, en principe, uniquement la décision de la caisse quant à sa légalité, le juge ne saurait s'écarter des décisions de taxations entrées en force que si celles-ci contiennent des erreurs manifestes et dûment prouvées, qu'il est possible de rectifier d'emblée, ou s'il s'impose de tenir compte d'éléments de fait sans pertinence en matière fiscale mais déterminants sur le plan des assurances sociales. À cet égard, de simples doutes sur l'exactitude d'une taxation fiscale ne suffisent pas. La détermination du revenu est, en effet, une tâche qui incombe aux autorités fiscales, et il n'appartient pas au juge des assurances sociales de procéder lui-même à une taxation. L'assuré doit donc faire valoir ses droits en matière de taxation - avec les effets que celle-ci peut avoir sur le calcul des cotisations AVS - en premier lieu dans la procédure judiciaire fiscale (ATF np H 87/06du 21 mars 2007 ; ATF 110 V 86110 V 86 consid. 4 et 370 s. ; 106 V 130106 V 130 consid. 1; 102 V 30102 V 30 consid. 3a ; VSI 1997 p. 26 consid. 2b et la référence).
4. À teneur de l'art. 16 al. 1 LAVS, les cotisations dont le montant n'a pas été fixé par voie de décision dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l'année civile pour laquelle elles sont dues ne peuvent plus être exigées, ni versées. S'il s'agit de cotisations visées notamment à l'art. 8 al. 1 LAVS, le délai n'échoit toutefois, en dérogation à l'art. 24 al. 1 LPGA, qu'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Par rapport au délai de l'art. 16 al. 1, 1ère phrase, LAVS, le délai d'une année de l'art. 16 al. 1, 2ème phrase, LAVS constitue un délai supplémentaire destiné à éviter que la caisse de compensation ne soit contrainte, pour interrompre le délai de prescription, de rendre une décision de cotisations avant que la taxation fiscale soit entrée en force (Michel VALTERIO, Droit de l'assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l'assurance-invalidité [AI], 2011, no 725, p. 214). La créance de cotisations, fixée par décision notifiée conformément à l'al. 1, s'éteint cinq ans après la fin de l'année civile au cours de laquelle la décision est passée en force (art. 16 al. 2 LAVS).
L'art. 16 al. 1 LAVS s'applique notamment à la situation dans laquelle une procédure pour soustraction d'impôt a été mise en œuvre (au sens des art. 175 ss de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 642.11]). Si des cotisations doivent être prélevées sur un revenu taxé dans une procédure pour soustraction d'impôt, le délai d'un an de l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS ne prend naissance qu'après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force (ATF 148 V 277 consid. 5.2; sur la simplification rédactionnelle de l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS, dans sa teneur en vigueur à partir du 1er janvier 2012 [suppression des termes « ou à la taxation consécutive à une procédure pour soustraction d'impôt »], voir arrêt 9C_736/2018 du 5 décembre 2018 consid. 2).
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral – ainsi que la doctrine –, le délai institué par l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS est, malgré la teneur de la disposition et celle de son titre marginal, un délai de péremption et non pas de prescription. L'organe d'exécution de l'AVS est déchu du droit de fixer les cotisations (« Festsetzungsverwirkung ») s'il ne rend pas une décision dans le délai prévu d'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force (ATF 148 V 277 consid. 4.1 et références citées).
La réglementation de la péremption du droit de fixer les cotisations en lien avec la taxation fiscale déterminante n'a pas été modifiée par l'entrée en vigueur de la LPGA. Sous l'angle de la « prescription » des cotisations, une dérogation à l'art. 24 al. 1 LPGA a été prévue à l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS (cf. ATF 146 V 1 consid. 8.1), tandis qu'en relation avec la restitution, une dérogation à l'art. 25 LPGA a été introduite à l'art. 16 al. 3 LAVS (cf. rapport cité, FF 1999 4168, 4224 ch. 52). Le législateur fédéral a ainsi maintenu une règle spéciale permettant à l'organe d'exécution de la LAVS, dans les situations mentionnées par l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS, de fixer les cotisations devant être déterminées en fonction de la taxation fiscale dans un délai qui dépend de la date de l'entrée en force de cette taxation.
5.
5.1 Le fardeau de la preuve de la notification d'une décision ou d'une communication de l'administration et de sa date incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que, si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 136 V 295 consid. 5.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2018 du 26 octobre 2018 consid. 5.2 ; ATA/461/2018 du 8 mai 2018), dont la bonne foi est présumée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1).
5.2 L'autorité qui entend se prémunir contre le risque d'échec de la preuve de la notification doit communiquer ses actes judiciaires sous pli recommandé avec accusé de réception (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; ATA/492/2018 du 22 mai 2018 consid. 4b). En tel cas, lorsque le destinataire de l'envoi n'est pas atteint et qu'un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l'envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n'a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3).
La prestation « Courrier A Plus » – « A+ » – offre également la possibilité de suivre le processus d’expédition du dépôt jusqu’à la distribution. Elle comporte également l’éventuelle réexpédition à une nouvelle adresse, ainsi que le retour des envois non distribuables. Lors de l’expédition par « Courrier A+ », l’expéditeur obtient des informations de dépôt, de tri et de distribution par voie électronique via le service en ligne « Suivi des envois ». Les envois « Courrier A+ » sont directement distribués dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire. En cas d’absence, le destinataire ne reçoit pas d’invitation à retirer un envoi dans sa boîte aux lettres (ATF 142 III 599 consid. 2.1 ; ATA/725/2018 précité consid. 2b). Ainsi, lorsqu’une décision est notifiée par courrier A+, à savoir un courrier prioritaire dont l’expéditeur peut connaître la date de la remise dans la boîte aux lettres ou la case postale grâce au service en ligne « Suivi des envois », sans que cette remise soit quittancée ou fasse l’objet d’une signature par le destinataire, le délai commence à courir dès ladite remise (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_198/2015 du 30 avril 2015 consid. 3 ; 2C_570/2011, 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.2 ; 2C_430/2009 précité consid. 2 ; ATA/1593/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3c ; ATA/222/2017 du 21 février 2017 consid. 4), y compris lorsque c’est un samedi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_198/2015 précité consid. 3).
Dans le cas du dépôt dans la boîte aux lettres ou dans la case postale d’un courrier A+, comme d’un avis de retrait d’un pli recommandé, une erreur dans la notification par voie postale ne saurait être d’emblée exclue. Pareille erreur ne peut toutefois pas non plus être présumée et ne peut être retenue que si des circonstances particulières la rendent plausible. L’allégation d’un justiciable selon laquelle il est victime d’une erreur de notification par voie postale et par conséquent sa bonne foi ne peuvent être prises en considération que si la présentation qu’il fait des circonstances entourant la notification en cause est concevable et repose sur une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.2 ; 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.3, et les références citées). La simple affirmation du recourant selon laquelle il a toujours pris en considération les avis de retrait et qu’il leur a donné suite en temps utile ne constitue pas une circonstance qui rend plausible une erreur de notification par voie postale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 précité consid. 5.2 ; ATA/725/2018 précité consid. 2c confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_799/2018 du 21 septembre 2018).
L'envoi sous pli simple ne permet en général pas d'établir que la communication est parvenue au destinataire (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; ATA/725/2018 du 10 juillet 2018).
La preuve de la notification peut toutefois résulter d’autres indices que des indications postales ou de l’ensemble des circonstances, par exemple d’un échange de correspondance ultérieur ou du comportement du destinataire ATF 142 IV 125, consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2018 consid. 5.2).
6.
6.1 En l’espèce, l’intimée a adressé ses courriers et décisions à la recourante par pli simple et non par courrier recommandé ou courrier A+. Elle n’est ainsi pas en mesure d’apporter la preuve formelle de la notification de ses envois des 29 septembre et 22 novembre 2022 ni ne peut indiquer la date à laquelle les notifications seraient intervenues.
En référence à l’arrêt 2C_250/2018 qu’elle cite, l’intimée considère cependant que la preuve de notification résulte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, en particulier des correspondances ultérieures et du comportement de la destinataire. Elle remet en question la bonne foi de la recourante.
La bonne foi étant cependant présumée, il convient d’examiner si les différents éléments et indices au dossier permettent de renverser cette présomption et d’inférer que la recourante a reçu les courriers des 29 septembre et 22 novembre 2022, bien qu’elle le conteste.
6.2 L’intimée soutient tout d’abord qu’il est invraisemblable que la recourante n’ait pas reçu les courriers déterminants des 29 septembre et 22 novembre 2022 alors qu’elle a reçu toutes les missives antérieures et postérieures à ceux-ci. Elle considère que la situation de fait est identique à celle visée dans l’arrêt 2C_250/2018, arrêt dans lequel le Tribunal fédéral aurait considéré qu’un tel cas de figure serait « pratiquement inconcevable ».
Si le Tribunal fédéral n’a pas lui-même qualifié la situation de « pratiquement inconcevable », ces termes étant ceux de la dernière instance cantonale, il a en revanche jugé que l’appréciation du Tribunal cantonal ne devait pas être qualifiée d’arbitraire, en soulignant qu’en dépit de l’insuffisance des critiques formulées par le recourant, l’on se trouvait face à un cas limite sous l’angle de l’interdiction de l’arbitraire, quand bien même l’arrêt querellé résistait à un tel grief. Notre Haute Cour a expliqué à cet égard que la possibilité de constater qu’un acte a été notifié sur la base de simples indices ne devait pas être admise trop facilement. Son application ne devait pas conduire à renverser la règle de base selon laquelle les autorités doivent en principe supporter les conséquences de l’absence de preuve directe de la notification d’une taxation et se fonder, dans une telle hypothèse, sur les déclarations du contribuable qui, à défaut, pourrait voir son droit de contester sa taxation vidé de son contenu. Ce n’est toutefois pas parce qu’une autre solution paraît concevable, voire préférable, qu'une décision est arbitraire (cf. ATF 144 III consid. 2 p. 146 ; 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 144) (arrêt 2C_250/2018 précité, consid. 5.6).
Ensuite, l’état de fait ayant conduit à l’arrêt 2C_250/2018 faisait état de douze envois par plis simples, soit six décisions de taxation postées à une date et six bordereaux d’impôt à une autre. Ce nombre de courriers est ainsi beaucoup plus important que celui dont il est question dans la présente procédure, qui est vraisemblablement de trois plis simples, soit un du 29 septembre et deux (les décisions) du 22 novembre 2022.
Si l’on ajoute au nombre limité des courriers concernés, le fait que certains dysfonctionnements de la Poste de Vésenaz ont été allégués et rendus vraisemblables, notamment par la production de deux courriers déposés à tort dans la boîte à lettre de la recourante le 23 janvier 2023 et par les déclarations détaillées du mari de la recourante, entendu à titre de renseignements, il n’apparaît pas inconcevable qu’aucun de ces trois courriers (dont deux envoyés le même jour) n’ait été distribué, voire même envoyé par l’intimée.
En effet, au-delà de la problématique des services postaux, se pose la question de la fiabilité des services de l’intimée dans l’envoi de correspondances par pli simple. Alors que dans la décision sur opposition du 10 mai 2023 et sa réponse au recours, l’intimée fait état (et produit à la procédure) seulement deux courriers qui auraient été envoyés à l’intéressée le 22 novembre 2022, elle indique, au stade de ses observations du 31 janvier 2024 qu’il n’est pas « impossible que Madame ait pu recevoir 4 courriers distincts qui étaient partis de l’OCAS le 22 novembre 2022 ». Dans ces mêmes observations, elle précise encore que « selon la procédure usuelle au sein de l’OCAS, la décision d’affiliation de Madame A______ est éditée de manière automatique par un logiciel spécifique et il est donc plus que probable que cette décision a fait l’objet d’un envoi séparé ». Le caractère approximatif de ces propos, cumulé au fait que l’intimée envoie parfois des milliers de décisions par jour en pli simple concernant la seule taxation des assurés (selon les propres dires de son représentant lors de sa comparution personnelle du 16 janvier 2024) et que les services postaux en général ne sont pas infaillibles, rendent plausibles qu’aucune des trois communications dont l’intimée entend se prévaloir ne soit parvenue à la destinataire.
6.3 Reste à examiner le comportement du destinataire de l’envoi, notamment les échanges de correspondance postérieurs à l’envoi, dont se prévaut l’intimée qui juge invraisemblable que la recourante soulève spontanément la prescription des prestations dans son courrier du 27 janvier 2023, sans qu’elle n’ait reçu et pris connaissance du courrier de l’intimée du 29 septembre 2022 qui indiquait expressément : « selon l’art. 16 alinéa 1 de la LAVS, le délai concernant les cotisations dont le montant n’a pas été fixé au sens de l’art. 8 al. 1 est d’un an après la fin de l’année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force ».
Cela serait d’autant moins crédible que, dans son courrier du 27 janvier 2023, la recourante ferait une allusion au courrier du 29 septembre 2022 vu qu’elle écrit « selon ce que j’ai appris antérieurement, les prétentions dans l’hypothèse que vous évoquez, se périment un an après la fin de l’année civile au cours de laquelle la taxation fiscale est entrée en force ». « Antérieurement » et « dans l’hypothèse que vous évoquez » constitueraient ainsi des références directes au courrier du 29 septembre 2022, unique occurrence de la problématique de la prescription dans les correspondances entre les parties.
La chambre de céans rappelle cependant que l’art. 16 al. 1 LAVS est une disposition légale, librement accessible par tout un chacun, et dont la recourante a pu prendre connaissance de multiples façons. Lors de son audition, l’époux de la recourante (qui se charge de tout l’administratif pour le couple) a expliqué avoir repris contact avec l’architecte en charge du projet immobilier de 2015 ainsi qu’avec son avocat, entre le courrier du 18 janvier 2023 de l’intimée à son épouse (pièce 14 rec.) et la réponse du 27 janvier 2023, dans laquelle la recourante invoque pour la première fois la prescription (pièce 15 rec.). Ce sont ces personnes qui lui auraient fait part, pour la première fois, de la problématique de la prescription. Son Conseil a d’ailleurs confirmé en audience avoir eu un entretien avec C______, le 25 janvier 2023, au sujet d’un autre dossier et avoir dû confirmer, lors de cet entretien, l’avis déjà émis par l’architecte au sujet du délai de péremption de la créance de l’intimée.
La recourante avait en outre déjà annoncé le 12 janvier 2023 qu’elle prendrait conseil auprès d’une personne qualifiée lorsqu’elle aurait des précisions de la part de l’intimée quant à la facture à laquelle le rappel du 3 janvier 2023 faisait référence (pièce 9 rec.). Elle n’avait par ailleurs pas invoqué la prescription dans ce courrier initial, sollicitant uniquement des explications relatives au rappel qui lui avait été adressé.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la recourante a pu invoquer la prescription sans pour autant avoir reçu, ni pris connaissance du courrier du 29 septembre 2023.
L’analyse par l’intimée du texte du courrier de la recourante du 27 janvier 2023 ne permet pas d’aboutir à une autre conclusion.
En effet, au vu de la chronologie du litige et de l’ensemble du texte du courrier litigieux, il ne peut être établi que la formule « selon ce que j’ai appris antérieurement » fasse référence à des informations qui lui auraient spécifiquement été communiquées par l’intimée. Cette formule peut tout aussi bien faire référence aux dires de l’architecte ou du Conseil consultés.
Quant à la locution « l’hypothèse que vous [l’intimée] évoquez », une analyse de l’entier du courrier où elle figure laisse apparaître que la recourante fait référence à sa situation globale vis-à-vis de la caisse. Dans la phrase précédente, elle utilise d’ailleurs, de manière plus limpide, la même tournure de phrase vu qu’elle stipule : « je ne suis pas rompue aux situations que vous évoquez, je ne comprends pas pour quel motif j’aurais à procéder à une affiliation aux assurances sociales depuis l’année 2015 » (cf. pièce 11 int.). La recourante a par ailleurs expressément indiqué, dans son courrier du 27 janvier 2023, que celui-ci était une réponse au pli de l’intimée du 18 janvier 2023 intitulé « votre situation vis-à-vis des assurances sociales » (cf. pièce 10 int.). La « situation » et les « hypothèses » auxquelles l’intéressée fait référence peuvent dès lors renvoyer directement à ce courrier. Compte tenu des explications fournies par la recourante dans ses écritures et par son époux en audience, les éléments soulevés par l’intimée ne suffisent pas à considérer que la recourante a bien reçu, en 2022, le courrier du 29 septembre 2022 de l’intimée évoquant la prescription.
Enfin, dans le cadre de l’examen global des circonstances, la chambre relève encore que, contrairement à ce qui prévalait dans l’arrêt 2C_250/2018, il ne peut être reproché à la recourante d’avoir d’emblée invoqué la prescription sans chercher à savoir pourquoi elle était soudain sommée de payer des cotisations individuelles à l’intimée (cf. consid. 5.5). Au contraire, dans ses courriers des 6 juillet 2022, 31 août 2022, 12 janvier 2023 et 27 janvier 2023 (cf. pièces 3, 5, 9, 11 int.), elle a toujours fait part de son incompréhension face aux prétentions de l’intimée. En particulier le 31 août 2022 (cf. pièce 5 int.), elle a expliqué de manière détaillée sa position et sollicité des explications complémentaires. Enfin, elle a réitéré sa demande de précisions « avant de prendre conseil auprès d’une personne qualifiée », le 12 janvier 2023, ce sans évoquer la prescription, alors que celle-ci était déjà acquise.
En résumé, faute d’un quelconque suivi d’envoi pour les courriers des 29 septembre et 22 novembre 2022, envoyés par plis simples et au vu des considérations qui viennent d’être développées, il existe un doute quant à la notification de ces courriers. L’intimée, qui doit supporter les conséquences de l'absence de preuve à cet égard, n’est ainsi pas parvenue à établir qu’elle a notifié à la recourante, avant le 1er janvier 2023, une décision relative à la fixation définitive de ses cotisations personnelles pour 2015. Elle n’a pas non plus été en mesure de renverser la présomption de bonne foi de la recourante concernant la non-réception des courriers des 29 septembre et 22 novembre 2022.
Partant, les prétentions de l’intimée relatives à 2015, faisant suite à la taxation fiscale définitive du 26 janvier 2021, communiquée par l’AFC à l’intimée le 9 mars 2021 (cf. pièce 1 int.) sont prescrites depuis le 1er janvier 2023 (l’art. 16 al. 1 LAVS), la décision du 10 mai 2023 y relative (qualifiée à tort de décision sur opposition par l’intimée) étant tardive.
7. Le recours est admis.
La recourante, représentée par un avocat et qui obtient gain de cause, se verra allouer un montant de CHF 3’500.- à titre de dépens.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet et annule la décision de l’intimée du 10 mai 2023.
3. Constate que les prétentions de l’intimée à l’encontre de la recourante, relatives à 2015 sont prescrites.
4. Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de CHF 3'500.- à titre de participation à ses frais et dépens.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Marine WYSSENBACH |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le