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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2954/2022

ATAS/782/2023 du 09.10.2023 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2954/2022 ATAS/782/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 octobre 2023

Chambre 6

 

 

En la cause

 

A______

représenté par CARITAS GENÈVE, soit pour lui Alexis PREITNER

 

 

recourant

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé), né le ______ 1975, de nationalité camerounaise, divorcé, est arrivé à Genève le 26 septembre 2001 et est au bénéfice d’un permis de séjour C délivré pour la première fois le 14 mars 2013. Il exerce la profession de chauffeur auxiliaire sur appel pour B______, au bénéfice d'un contrat de travail de durée indéterminée depuis le 2 octobre 2017. Le contrat ne garantit aucun minimum d’heures ni aucune régularité dans le travail et l'intéressé est libre de refuser ou d'accepter les missions qui lui sont proposées, ainsi que de se tenir à disposition de toute autre entreprise. Quant à la rémunération, elle dépend des services effectués durant le mois, selon les tarifs en vigueur le jour de la mission et est majorée de 8.33% d'indemnités vacances.

b. L'intéressé est le père de C______, D______, E______ et F______, nés respectivement les ______ 2007, ______ 2015, ______ 2016 et ______ 2019. Ses trois enfants cadets sont issus de sa relation actuelle avec Madame G______, née le ______ 1981, de nationalité camerounaise, qui est également la mère de H______, née le ______ 2010, issue d’une précédente union.

c. L'intéressé, sa compagne, leurs trois enfants communs et la fille de cette dernière vivent sous le même toit.

B. a. L’intéressé a déposé le 22 juin 2020 une demande auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) visant à l’octroi de prestations complémentaires familiales.

b. Par décision du 3 août 2020, le SPC a rejeté sa demande, considérant qu’il ne s’agissait pas d’une famille composée au moins d’un adulte et d’un enfant vivant à la même adresse.

c. L’intéressé a formé opposition le 12 août 2020, soulignant au contraire qu’il vivait avec ses trois enfants, sa fille aînée en droit de visite et la fille de sa compagne, à la même adresse selon l’Office cantonal de la population et des migrations.

d. Par décision du 31 août 2020, le SPC a rejeté l’opposition, au motif qu’aucun des cinq enfants ne vivait à l'adresse de l'intéressé.

e. L’intéressé, représenté par CARITAS GENÈVE, a interjeté recours le 1er octobre 2020 contre ladite décision.

f. Par arrêt du 24 février 2022 (ATAS/166/2022), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a admis le recours, annulé la décision du 31 août 2020 et renvoyé la cause au SPC pour examen des autres conditions, cas échéant, calcul des prestations dues et nouvelle décision.

g. L’intéressé s’est inscrit à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) le 13 septembre 2020, pour un taux d’activité de 100%, et un délai-cadre a été ouvert en sa faveur du 14 septembre 2020 au 13 décembre 2022.

h. Il a effectué des heures de travail pour B______, déclarées au titre de gain intermédiaire.

i. À la demande du SPC, la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) a indiqué, le 19 mai 2022, que le taux d’activité de l’intéressé était de 70,82%.

j. Par décision du 20 mai 2022, le SPC a refusé la demande de prestations de l’intéressé, au motif qu’il ne remplissait pas la condition d’une activité lucrative exercée au taux minimum de 90%.

k. Le 15 juin 2022, l’intéressé, représenté par CARITAS GENÈVE, a fait opposition à cette décision, en faisant valoir qu’il était au bénéfice d’indemnités de chômage pour un taux d’activité à 100% et travaillait en gain intermédiaire.

l. Par décision du 15 juillet 2022, le SPC a rejeté l’opposition, au motif que le taux d’activité de l’intéressé avant son inscription au chômage était de 70,82%, soit inférieur au taux minimum exigé de 90%.

C. a. Le 14 septembre 2022, l’intéressé, représenté par CARITAS GENÈVE, a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre de céans, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause au SPC pour nouveau calcul du taux d’activité, et à ce qu’il soit dit qu’il avait droit aux prestations complémentaires familiales. Le SPC s’était à tort fondé sur les heures effectuées durant les six mois précédant son inscription au chômage, alors qu’il convenait de prendre en compte les douze mois précédant la perte de son emploi, de sorte que son taux d’activité était d’au moins 90%.

b. Le 11 octobre 2022, le SPC a conclu au rejet du recours.

c. Le 5 décembre 2022, le recourant a répliqué, rappelant qu’il convenait de calculer son taux d'activité en se basant sur la moyenne des heures travaillées durant l'année précédant la perte de son emploi. Il fallait en outre prendre en compte un horaire de 40 heures de travail par semaine pour un taux de 100%, alors que la caisse se fondait sur un horaire hebdomadaire plus élevé ; de mars à mai 2020, il avait bénéficié de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail ; en juin 2020, en raison de la pandémie, il n’avait effectué que deux missions et aucune en juillet 2020.

d. Le 26 janvier 2023, le SPC a dupliqué, relevant que le taux de 90% n’était pas réalisé, que l’on se fonde sur les heures travaillées lors du dépôt de la demande de prestations, ou sur celles prises en compte pour le calcul des indemnités de chômage.

e. Sur question de la chambre de céans, le SPC a expliqué, le 28 février 2023, que la caisse avait calculé le taux d'occupation du recourant sur la base d'une règle de trois entre son gain assuré (fixé à CHF 4'228.- par mois, correspondant à la moyenne des salaires qu'il avait perçus les douze mois précédant le début du délai-cadre d'indemnisation) et le salaire minimum suisse d'un chauffeur de limousine, en CHF 5'970.-, selon le calculateur du secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO). La caisse n'avait en effet pu déterminer ni le nombre d'heures effectuées par le recourant, ni une tarification moyenne à l'heure pour convertir le salaire en nombre d'heures. Il convenait donc de s'en tenir au taux d'activité calculé par la caisse, le calculateur du SECO qu'elle avait utilisé se fondant sur les données de l'enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS).

f. Le 14 avril 2023, le recourant a relevé, concernant la méthode utilisée, que la caisse avait établi son calcul sur la base des salaires versés et non sur la base des heures qu'il avait effectuées, ce qui était contraire à la réglementation, et qu'il fallait ajouter les vacances qu'il avait prises durant la période de référence. Quant aux éléments de calcul, il fallait tenir compte des douze mois précédant sa perte d'emploi à la fin juin 2020, et non des douze mois précédant son inscription au chômage ; le montant retenu par la caisse ne correspondait en outre pas au salaire minimum de CHF 5'553.- prévu selon le tableau TA1_skill_level de l'ESS ; enfin, les salaires minimums de l'ESS étaient établis sur une base mensuelle de 40 heures par semaine sur 4 1/3 semaines, alors que la réglementation applicable tenait compte de 40 heures par semaine sur quatre semaines par mois, soit 160 heures par mois.

g. Le 4 mai 2023, le SPC a indiqué que l'intéressé travaillait toujours sur appel auprès du même employeur au moment de la perception des indemnités de chômage, de sorte que son cas n'était pas comparable à celui tranché par la chambre de céans dans un arrêt antérieur. Il n'était par ailleurs pas en mesure d'établir les heures de travail réalisées par l'intéressé, à l'instar de la caisse, car ces données n'étaient pas disponibles. Quant aux jours de vacances, ils étaient pris en compte dans le solde des jours sans contrôle du délai-cadre, mais aussi intégrés à l'évaluation des salaires selon l'ESS, de sorte qu'il était douteux que la jurisprudence citée par l'intéressé s'appliquât au cas d'espèce.

h. Le 19 juin 2023, la chambre de céans a entendu les parties.

i. Sur demande de la chambre de céans, B______ a indiqué, par courrier du 28 juin 2023, que la mention « Taux d'activité 100% » résultait du logiciel de paie précédent qui ne permettait pas d'indiquer un autre taux, mais que celui-ci était erroné. Elle a par ailleurs transmis les certificats de salaire du recourant des années 2017 à 2022, ses fiches mensuelles de salaire d'octobre 2017 à mai 2023 (hormis celle de février 2021) et les tableaux intitulés « relevés des services et frais chauffeurs » des mois correspondants (sauf celui d'avril 2021).

j. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) concernant les prestations complémentaires familiales au sens de l’art. 36A LPCC en vigueur dès le 1er novembre 2012.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les formes et les délais légaux, le recours est recevable (art. 43 al. 1 LPCC).

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations complémentaires cantonales familiales, et plus particulièrement sur l'examen de son taux d'activité.

3.             Le canton de Genève prévoit deux types de prestations sociales, en complément ou en marge des prestations complémentaires prévues par la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires, LPC - RS 831.30), ciblant deux catégories distinctes de bénéficiaires, à savoir d'une part les personnes âgées, les conjoints ou partenaires enregistrés survivants, les orphelins et les invalides – bénéficiaires pouvant prétendre le cas échéant au versement de prestations complémentaires cantonales (art. 1 al. 1 et 2 à 36 LPCC) – et d'autre part, les familles avec enfant(s) – bénéficiaires pouvant le cas échéant prétendre au versement de prestations complémentaires familiales (PCFam) (art. 1 al. 2, 36A à 36I LPCC ; ATAS/1195/2020 du 3 décembre 2020 consid. 5b ; ATAS/802/2019 du 9 septembre 2019 consid. 5).

Les PCFam ont été introduites à Genève depuis le 1er novembre 2012 (PL 10600 modifiant la LPCC du 11 février 2011). Elles visent une catégorie de bénéficiaires qui ne sont pas des rentiers AVS/AI, mais des familles pauvres dont les parents travaillent (Mémorial du Grand Conseil du 17 décembre 2009 et rapport de commission du 15 novembre 2010).

4.              

4.1 Selon l'art. 36A LPCC, ont droit aux PCFam les personnes qui, cumulativement : ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis cinq ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations (let. a) ; vivent en ménage commun avec des enfants de moins de 18 ans, respectivement 25 ans si l'enfant poursuit une formation donnant droit à une allocation de formation professionnelle (let. b) ; exercent une activité lucrative salariée (let. c) ; ne font pas l'objet d'une taxation d'office par l'administration fiscale cantonale, avec des exceptions possibles (let. d) ; et répondent aux autres conditions prévues par la LPCC (let. e) (al. 1). Pour bénéficier des prestations, le taux de l'activité lucrative mentionné à l'art. 36A al. 1 let. c LPCC doit être, par année, au minimum de 90% lorsque le groupe familial comprend deux personnes adultes (al. 4 let. b).

4.2 Selon l’art. 36A al. 5 LPCC, aux fins de la présente loi, les personnes qui touchent des indemnités en application de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0), sont assimilées aux personnes exerçant une activité lucrative.

Pour déterminer le taux d’activité de ces personnes, il convient de se baser sur la moyenne des heures travaillées pendant l’année précédant la perte de l’emploi et non pas sur celle des six mois précédant la perception des indemnités de l’assurance-chômage (ATAS/552/2013 du 23 mai 2013).

4.3 Selon l’art. 11 du Règlement relatif aux prestations complémentaires familiales, du 27 juin 2012 (RPCFam - J 4 25.04), le taux d'activité lucrative déterminant, exigé par l'art. 36A al. 4, de la loi, est calculé sur une base de 40 heures de travail par semaine (al. 1). Pour un contrat de travail de durée indéterminée, le taux d'activité en vigueur au moment du dépôt de la demande de prestations est déterminant (al. 2). Pour un contrat de travail de durée déterminée, lorsque les taux d'activité lucrative prévus à l'art. 36A al. 4 de la loi ne sont pas réalisés au moment du dépôt de la demande, le taux d'activité annualisé réalisé au cours des six mois qui précèdent la demande de prestations est pris en compte (al. 3). Le taux d'activité déterminé en vertu de l'al. 3 est valable jusqu'à l'échéance fixée dans le contrat de travail en vigueur au moment du dépôt de la demande. Dès l'entrée en vigueur d'un nouveau contrat de travail de durée déterminée, le taux est recalculé en application de l'al. 3 (al. 4).

5.             Le commentaire article par article du PL 10600 apporte les précisions suivantes :

« […] L'art. 36A al. 1, lettre c) LPCC pose l'exigence de l'exercice d'une activité lucrative salariée pour les ayants droit aux prestations, c'est-à-dire les adultes. Les personnes exerçant une activité à titre indépendant ne font pas partie du cercle des personnes visées.

Le taux d'activité minimal exigé selon la composition du groupe familial (alinéa 5) est fondé sur la définition reconnue par l'OFS, qui fixe à 90% le taux d'activité de référence d'un ménage dont les revenus du travail le placent en dessous du seuil de pauvreté. Pour ses besoins statistiques, l'OFS ne fait pas de distinction selon le nombre de personnes adultes actives dans le ménage. Pour déterminer le montant des prestations complémentaires familiales, il est en revanche nécessaire de fixer une exigence inférieure pour les ménages monoparentaux.

Le taux d'activité minimal exigé s'entend par année. Ainsi, en cas de contrat de travail à durée déterminée, l'annualisation de la durée du contrat permet de déterminer si la condition du taux d'activité minimal est remplie sur l'année (exemple : un contrat à durée déterminée de 6 mois à plein temps ouvre un droit aux prestations complémentaires familiales, pour une famille monoparentale, car il correspond à un taux d'activité annuel de 50%). Les prestations complémentaires familiales s'adressent à des familles dont la situation est relativement stable. Les personnes dont l'activité salariée est de très courte durée, fractionnée ou très irrégulière peuvent faire appel aux prestations d'aide sociale de l'Hospice général, mieux adaptées pour les personnes en continuels changements de situation économique.

Dans un souci d'égalité de traitement, le règlement du Conseil d'État précise que le taux d'activité se fonde sur une semaine de 40 heures de travail.

Les personnes au bénéfice d'indemnités de chômage ont également le droit aux prestations complémentaires familiales, dans la mesure où le taux d'activité antérieur répond aux exigences de l'alinéa 5 » (devenu al. 4 dans la loi) (PL 10600 pp. 30 et 31).

6.             S'agissant de la détermination du taux d'activité, dans un cas où l'intéressé était au bénéfice d'un contrat de travail de durée indéterminée à 90%, la chambre de céans a relevé qu'aucun élément ne permettait de suspecter que ce taux était fictif ou de complaisance, de sorte qu'il devait être admis, même si le contrat prévoyait une rémunération à l'heure, étant précisé que l'intéressé devait être à disposition de son employeur durant 36 heures par semaine (correspondant à un 90%) et que ce dernier devait le rémunérer à cette hauteur par le biais d'éventuels compléments de salaire, si les missions réalisées n'atteignaient pas 90% (ATAS/677/2018 du 14 août 2018 consid. 4c).

Dans un arrêt antérieur, la chambre de céans avait indiqué qu'il était douteux que l'intimé soit fondé à effectuer un calcul rétrospectif du taux d'occupation lorsque l'intéressé était au bénéfice d'un contrat de durée indéterminée, le taux d'activité valable au moment du dépôt de la demande étant déterminant selon l'art. 11 al. 2 RPCFam, et non celui ayant cours avant le dépôt de la demande. La seconde hypothèse présentait en outre l'inconvénient d'aboutir à des résultats sensiblement différents selon la période prise en considération et pouvait par ailleurs englober des périodes durant lesquelles l'intéressé ne pouvait travailler sans sa faute, telles des périodes de service militaire, d'incapacité de travail ou de vacances. Le résultat auquel avait abouti l'intimé ne tenait pas compte de ces périodes d'inactivité non fautive, de sorte qu'il ne paraissait pas représentatif de la réalité et ne pouvait prévaloir sur les indications ressortant du contrat de travail (ATAS/424/2018 du 22 mai 2018 consid. 12).

7.             Au demeurant, l’art. 36A al. 4 LPCC et l’art. 11 RPCFam n’ont pas connu de régime dérogatoire en raison des mesures sanitaires prises par les autorités pour lutter contre le Coronavirus (ATAS/932/2022 du 21 octobre 2022).

8.             Aux termes de l'art. 319 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), par le contrat individuel de travail, le travailleur s’engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l’employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d’après le temps ou le travail fourni (salaire aux pièces ou à la tâche) (al. 1). Est aussi réputé contrat individuel de travail le contrat par lequel un travailleur s’engage à travailler régulièrement au service de l’employeur par heures, demi-journées ou journées (travail à temps partiel) (al. 2).

Le travail sur appel proprement dit est une forme d'activité irrégulière comme le travail auxiliaire, dans laquelle le travailleur s'engage à exercer l'activité requise chaque fois que l'employeur fait appel à lui. Il n'est pas libre de refuser l'engagement et doit se tenir à disposition de l'employeur (Christian BRUCHEZ/Patrick MANGOLD/Jean Christophe SCHWAB, Commentaire du contrat de travail, 4ème éd., 2019, n. 16 ad art. 319 CO). À l'inverse, en cas de travail sur appel improprement dit, le travailleur n'a aucune obligation d'effectuer une prestation de travail ; sa prestation intervient plutôt par accord mutuel spécifique, les missions individuelles étant généralement fondées sur un accord-cadre dans lequel les conditions de travail sont uniformément réglementées (arrêts du Tribunal fédéral 4A_509/2009 du 7 janvier 2010 consid. 2.3 ; 4A_334/2017 du 4 octobre 2017 consid. 2.2 ; Aurélien WITZIG, Droit du travail, 2018, p. 184).

Dans un contrat de travail sur appel proprement dit, la prestation du travailleur ne comprend pas uniquement le travail effectué dans l'entreprise suite aux appels de l'employeur, mais également la disponibilité du travailleur à répondre à ces appels. Ce temps de disponibilité à l'extérieur de l'entreprise doit aussi être rémunéré, à un tarif néanmoins plus bas que celui de l'activité principale, fixé selon l'usage (art. 322 al. 1 CO), ou selon les règles de l'équité, à défaut de stipulation du montant de cette rémunération par le contrat de travail, une convention collective de travail ou un contrat-type de travail (ATF 124 III 249 = JdT 1999 I 275 ; Christian BRUCHEZ/Patrick MANGOLD/Jean Christophe SCHWAB, op. cit., n. 16 ad art. 319 CO).

Aucune rémunération n'est en revanche due lorsque le travailleur n'est pas obligé d'accepter l'appel de l'employeur, soit dans les cas de travail sur appel improprement dit (Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 4ème éd., 2019, p. 65 et les références).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.         En l'occurrence, il n'est pas contesté que la compagne du recourant ne travaille pas. Il s'agit donc de déterminer si le taux d'activité du recourant atteint 90%, ce taux étant requis lorsque le groupe familial est composé de deux personnes adultes, comme en l'espèce.

11.         À titre liminaire, il sied de souligner que le fait de reprendre le calcul du taux d'activité réalisé par la caisse de chômage et l'appliquer au domaine des PCFam n'est pas sans poser certains problèmes, comme le souligne à juste titre le recourant, et comme la chambre de céans l'avait déjà relevé dans un arrêt antérieur (cf. ATAS/552/2013 du 23 mai 2013 consid. 11).

En effet, d'une part, la caisse s'est fondée sur la moyenne des salaires perçus par le recourant pour fixer son gain assuré, ce qui, en l'absence d'un salaire horaire convenu dans le contrat de travail, n'est pas représentatif du nombre d'heures concrètes qu'il a effectuées. D'autre part, elle a comparé ce gain à celui issu du calculateur de salaire du SECO et déterminé le taux d'occupation sur cette base, en appliquant une règle de trois.

Par conséquent, alors que l'art. 11 al. 1 RPCFam se réfère à un nombre d'heures de travail par semaine, la méthode suivie en l'espèce ne se base pas sur les heures réalisées, mais sur des données financières. Elle ne peut dès lors être transposée pour la détermination du taux d'activité selon la LPCC, ce d'autant plus qu'elle dépend intrinsèquement du salaire comparatif choisi, qui peut varier en fonction de la source utilisée (dans le cas d'espèce, le salaire de CHF 5'970.- mentionné par la caisse – et dont l'exactitude ne peut être vérifiée à défaut d'indication des paramètres qu'elle a saisis dans le calculateur de salaire – est largement plus élevé que celui en CHF 4'901.- issu du tableau TA1_skill_level de l'ESS 2020, ligne 49-52, catégorie 1, pour les hommes).

Admettre une transposition du calcul opéré par la caisse de chômage reviendrait potentiellement à priver de prestations un travailleur dont le revenu est plus bas que la moyenne mais qui effectue le nombre d'heures requis par la loi, alors même que celle-ci avait pour but de soutenir les travailleurs pauvres, soit a priori ceux dont le salaire est précisément inférieur aux statistiques.

Calculer le nombre des heures travaillées par le recourant en fonction de sa rémunération est, en l'occurrence, d'autant moins adéquat que son salaire horaire varie en fonction du nombre de kilomètres de chaque transfert, plus la zone étant large, plus le salaire horaire étant élevé, comme il l'a expliqué lors de son audition personnelle devant la chambre de céans.

Pour ces raisons, le taux de travail calculé par la caisse – ou tout autre calcul basé sur la rémunération du recourant – n'est pas déterminant pour l'examen du droit aux PCFam.

Il n'y a cependant pas lieu de renvoyer la cause à l'intimé pour nouveaux calculs, tel que le requiert à titre principal le recourant, dans la mesure où les plannings de travail du recourant ont été produits dans le cadre de la présente procédure de recours. La chambre de céans est ainsi en mesure de se prononcer sur le fond de l'affaire.

12.   

12.1 La LPCC pose uniquement comme condition le fait que les personnes intéressées doivent exercer une activité lucrative salariée (art. 36A al. 1 let. c), à 40% par année au minimum lorsque le groupe familial comprend une personne adulte, respectivement à 90% lorsqu'il comprend deux personnes adultes (art. 36A al. 4). Elle ne définit pas de quelle manière se calcule le taux d'activité par année.

Quant au RPCFam, outre les hypothèses non pertinentes en l'espèce concernant les personnes au bénéfice d'indemnités journalières couvrant une perte de gain en cas de maladie, d'accident, de maternité, d'adoption ou de service (art. 10 et 12), il énonce que le taux d'activité lucrative déterminant est calculé sur une base de 40 heures de travail par semaine et que le taux d'activité en vigueur au moment du dépôt de la demande de prestations est déterminant, lorsque le contrat de travail est de durée indéterminée (art. 11 al. 1 et 2 RPCFam). Pour un contrat de travail de durée déterminée, lorsque les taux d'activité par la loi ne sont pas réalisés au moment du dépôt de la demande, le taux d'activité annualisé réalisé au cours des six mois qui précèdent la demande de prestations est pris en compte (art. 11 al. 3 RPCFam).

Concernant les travaux préparatoires à la LPCC, ceux-ci précisent qu'il convient d'annualiser le taux d'un contrat de travail de durée déterminée inférieure à une année. Est par ailleurs mentionné l'objectif de répondre aux besoins des familles dont la situation est relativement stable, celles dont l'activité salariée est très fluctuante et irrégulière devant être soutenues par l'aide sociale.

12.2 Comme mentionné dans l'ATAS/424/2018 du 22 mai 2018, il peut, d'un côté, paraître douteux de déterminer le taux de travail de la personne requérante sur la base de son taux d'occupation rétrospectif lorsqu'elle est engagée de manière indéterminée au moment de sa demande de prestations et si son contrat de travail prévoit un nombre d'heures. Une telle interprétation s'opposerait en effet au texte clair du règlement.

D'un autre côté, le souci de l'intimé de vérifier que la personne requérante remplit bien les conditions personnelles fondant le droit aux prestations – et donc examine concrètement son taux d'activité dans les cas atypiques – peut aussi paraître légitime, cet examen pouvant d'ailleurs aboutir à un résultat en faveur de l'intéressé lorsque les heures de travail réalisées excèdent celles convenues contractuellement.

12.3 Quoi qu'il en soit, dans le cas d'espèce, il sied de constater que le contrat de travail du recourant ne définit pas son taux d'occupation, celui-ci devant au contraire effectuer des missions sur appel. Par ailleurs, bien que les fiches de salaire portaient la mention d'un taux d'activité à 100% jusqu'au mois de décembre 2021, il ne peut en être inféré que le taux contractuel de travail était de 100%, le contrat ne garantissant aucun minimum d'heures de travail ou nombre de missions. Certes, le recourant a expliqué que la mention d'un taux d'activité à 100% signifiait qu'il devait se tenir à disposition de son employeuse à plein temps, ne pouvant en pratique travailler pour une autre entreprise. Néanmoins, une telle mise à disposition exclusive au profit de B______ contrevient expressément aux termes du contrat de travail ; elle ne signifie pas non plus que le recourant pouvait se prévaloir d'un droit à être occupé à plein temps par cette dernière (contrairement, par exemple, à la situation tranchée par la chambre de céans dans l'arrêt ATAS/677/2018 du 14 août 2018 qui concernait une personne dont l'employeur devait lui fournir du travail et la rémunérer à 90%, ce qu'il avait fait par des compléments de salaire). Du reste, B______ a indiqué que la mention d'un taux d'activité à 100% était une erreur du logiciel de paie utilisé, qui ne permettait pas d'afficher un autre taux, et que celui-ci était erroné.

Il découle de ce qui précède que, bien qu'au bénéfice d'un contrat de durée indéterminée, le taux d'activité du recourant ne peut être établi sur la base de l'art. 11 al. 2 RPCFam, s'agissant d'un travail sur appel ne garantissant pas un nombre minimum d'heures.

Reste à déterminer sur quelle base le taux d'occupation du recourant doit être fixé.

13.          

13.1 D'après le recourant, son taux d'activité devrait être établi en fonction de la moyenne des heures travaillées durant l'année précédant la perte de son emploi.

Il n'est pas certain que la solution adoptée dans l'ATAS/552/2013 du 23 mai 2013 puisse être transposée au cas d'espèce. En effet, lors du dépôt de la demande de PCFam, le 22 juin 2020, le recourant ne s'était pas encore annoncé auprès de l'OCE et ne touchait pas d'indemnités journalières. Sa situation n'était dès lors pas comparable à celle d'une personne au chômage, qui ne travaille pas, lors du dépôt de se demande de prestations complémentaires familiales.

13.2 Compte tenu de l'art. 36A al. 4 LPCC qui prescrit que le taux d'occupation doit atteindre les minimas requis sur une année, la question peut néanmoins se poser de savoir si, dans les cas comme en l'espèce, il s'agit, par application analogique de l'arrêt précité, de calculer le taux d'occupation en fonction, non pas du taux réalisé durant l'année qui précède la perte d'emploi, mais de celui qui précède la demande de PCFam, ou s'il s'agit de prendre en considération d'autres référentiels, dont par exemple le nombre d'heures réalisées depuis le début du contrat de travail et d'en tirer une moyenne.

13.3 Cette question peut néanmoins rester indécise en l'occurrence. En effet, dans tous les cas, les données fournies par B______ démontrent que le recourant n'a jamais atteint annuellement un taux de travail de 90% sur la base des missions qu'il a effectuées, depuis son engagement.

Selon les plannings transmis, le recourant a réalisé 279 heures et 45 minutes en 2017 (d'octobre à décembre), 1358 heures et 45 minutes en 2018, 1299 heures et 45 minutes en 2019, 591 heures et 30 minutes en 2020, 457 heures et 15 minutes en 2021, 1154 heures et 45 minutes en 2022 et 802 heures et 30 minutes de janvier à mai 2023. Si l'on calcule les heures de travail réalisées dans l'année qui précède le dépôt de la demande de prestations complémentaires familiales, soit du mois de juin 2019 au mois de mai 2020, l'on constate que le recourant a travaillé 1047 heures et 30 minutes. En tenant compte, comme le plaide le recourant dans son mémoire de recours, des heures de travail précédant la perte de son emploi (soit de septembre 2019 à août 2020), le total serait de 815 heures. Tous ces résultats – ainsi que la moyenne des heures réalisées depuis l'engagement du recourant – sont inférieurs au nombre d'heures requis pour aboutir à un taux d'occupation de 90%, calculé sur la base d'une semaine à 40 heures, et en tenant compte de quatre semaines de vacances, tel que prescrit par l'art. 329a CO, correspondant à 1728 heures par année (40 heures hebdomadaire x 48 semaines [52 semaines - 4 semaines de vacances] x 90% = 1728 heures).

La question de la prise en considération d'éventuelles incapacités de travail non fautives ne se pose par ailleurs pas en l'occurrence, compte tenu du fait que le recourant a déclaré ne jamais avoir eu d'absences pour maladie.

Il sied en outre de rappeler que l’art. 36A al. 4 LPCC, cum l’art. 11 RPCFam, n’a pas connu de régime dérogatoire en raison des mesures sanitaires prises par les autorités pour lutter contre le Coronavirus, de sorte que l'exigence d'un taux d'activité à 90% a continué de s'appliquer pendant la pandémie. Il ne ressort quoi qu'il en soit pas des plannings de travail que c'est en raison de la pandémie que le taux en question n'a plus été respecté par le recourant, car il ne l'atteignait déjà pas avant la crise de Coronavirus.

13.4 Par ailleurs, bien que le recourant a déclaré qu'il ne pouvait, dans les faits, refuser une mission confiée par son employeuse, les termes du contrat de travail ne permettent toutefois pas de qualifier la relation l'unissant à son employeuse de travail sur appel proprement dit. À teneur du contrat signé, le recourant pouvait au contraire se mettre à disposition de tout autre employeur et était libre de refuser ou d'accepter les missions confiées par B______. D'un point de vue juridique, la relation de travail constitue ainsi du travail sur appel improprement dit. Il en découle que le temps de mise à disposition de l'employeuse, à savoir le temps passé dans l'attente d'une nouvelle mission, ne doit pas être rémunéré. Cette disponibilité ne peut par conséquent être comptabilisée comme du temps de travail et servir à calculer le taux d'activité lucrative du recourant déterminant en matière de PCFam.

13.5 Enfin, les déclarations du recourant concernant le fait qu'il était selon lui employé à 100%, car seul le transfert d'un client était rémunéré, alors qu'il passait beaucoup de temps à aller chercher le véhicule, le préparer et le contrôler (essence, tachygraphe), à attendre les clients à l'aéroport, à ramener le véhicule, mais également dans le trafic, ne permettent pas de tenir pour établi, au niveau de la vraisemblance prépondérante, qu'il atteignait un taux d'activité de 90%. À défaut de tout élément qui permettrait d'objectiver et de quantifier le temps consacré à ces occupations, tels que par exemple des relevés personnels d'heures d'activité, il ne peut être retenu que le recourant a rendu vraisemblable qu'il travaille à 90%, ce d'autant plus que les plannings de l'employeuse aboutissent à des résultats relativement éloignés de ce taux.

Dans cette mesure, la décision de l'intimé lui refusant le droit à des PCFam est bien‑fondée.

14.         Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le