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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2448/2018

ATAS/1155/2022 du 21.12.2022 ( ARBIT ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 13.02.2023, rendu le 23.08.2024, REJETE, 9C_122/2023
En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2448/2018 ATAS/1155/2022

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 21 décembre 2022

 

En la cause

CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG

SUPRA - 1846 SA

CONCORDIA KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNG

AVENIR ASSURANCE MALADIE SA

KPT KRANKENKASSE AG

VIVAO SYMPANY AG

SWICA GESUNDHEITSORGANISATION

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA

INTRAS ASSURANCE-MALADIE SA

ASSURA-BASIS SA

VISANA AG

HELSANA VERSICHERUNGEN AG

AVANEX VERSICHERUNGEN AG

Toutes représentées par SANTÉSUISSE, sise Römerstrasse 20, SOLEURE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Olivier BURNET

 

demanderesses

contre

 

Monsieur A______, domicilié à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Olivier FRANCIOLI

 

 

 

défendeur

 


EN FAIT

1.             Titulaire d’un diplôme français d’infirmier, Monsieur A______ (ciaprès : le défendeur) exerce la profession d’infirmier indépendant dans le canton de Genève. à ce titre, il a exploité entre 2015 et 2017, en raison individuelle, le « Centre infirmier B______ », repris dès 2018 par la société anonyme éponyme.

2.             Par courrier du 29 décembre 2015, SANTÉSUISSE a averti l’intéressé que ses prestations remboursées en 2014 par l’assurance obligatoire des soins (ci-après : l’AOS) dépassaient le chiffre d’affaires annuel maximum possible d’un infirmier ambulatoire, soit, selon ses calculs, entre CHF 130'000.- et CHF 140'000.-.

3.             En juillet 2016, les parties ont conclu une transaction de rétrocession portant sur l’année 2014.

4.             Le 14 décembre 2017, une séance a eu lieu entre M. A______, assisté de deux avocats, et SANTÉSUISSE concernant notamment sa facturation pour l’année 2016.

A teneur du procès-verbal correspondant, le premier a expliqué que, contrairement aux autres infirmiers indépendants, il s’était positionné sur un créneau psychosocial et psychogériatrique. L’IMAD, dont lui-même était un ancien responsable, ne prenait pas de « patients psy ». Il travaillait de 7h à 21h, avec une pause entre 13h30 et 15h. En 2016, 50 à 55% de ses consultations avaient eu lieu au centre, le reste au domicile des patients. Depuis juillet 2016, il avait cessé de pratiquer des entretiens psychiatriques de groupe de six patients (séance de 45 minutes x 6). Il facturait le tarif le plus bas, soit le taux horaire de CHF 54.60 selon l’Ordonnance sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS RS 832.112.31)

De son côté, la représentante de SANTÉSUISSE a « réexpliqué » qu’en comparaison avec les médecins spécialisés en psychiatrie, rémunérés à raison de CHF 200.- de l’heure à Genève et dont le tarif « est divisé par le nombre de personnes participant » aux séances de couple ou de groupe, la méthode de facturation adoptée par M. A______ lui permettait de percevoir « plus de 60% de plus » que ces spécialistes. D’une manière générale, l’évaluation d’économicité des infirmiers indépendants se faisait sur la base d’un volume maximum facturable calculé en collaboration avec l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ci-après : l’ASI). L’organisation des locaux de l’intéressé lui permettait d’effectuer plusieurs perfusions en même temps « puisqu’il est ‘appelable’ immédiatement ; le reste de son activité relevait de la psychiatrie ».

A l’issue de cet entretien, M. A______ s’est engagé à fournir, jusqu’à fin janvier 2018, un relevé de sa facturation par jour de travail, reflétant le nombre et le type de positions en lien avec le nombre de patients, pour 2015 et 2016, relevé établi par la Caisse des médecins.

5.             Par courriel du 30 janvier 2018, et relance du 4 juillet suivant, SANTÉSUISSE a rappelé au défendeur qu’il s’était engagé à lui transmettre « des éléments pouvant justifier de son agenda et de sa facturation ».

L’intéressé n’a pas donné suite à ces demandes.

6.             Le 3 juillet 2018, une nouvelle séance, infructueuse, s’est tenue entre les parties.

7.             Le 13 juillet 2018 (timbre postal), les demanderesses, représentées par SANTÉSUISSE, ont déposé une demande en paiement, datée du 10 juillet, tendant à ce que le Tribunal arbitral des assurances (ci-après : le tribunal de céans) condamne M. A______ à leur rembourser, sous suite de frais et dépens, CHF 126'753.- à titre de prestations jugées non économiques pour l’année 2016, soit la différence entre le montant de CHF 318'561.- versé au défendeur au titre de l’AOS et le revenu annuel maximum de CHF 191'808.- que pouvait théoriquement réaliser un infirmier (cause enregistrée sous le n° A/2448/2018).

8.             Les données statistiques pour l’année 2016 avaient été traitées par SASIS SA le 17 juillet 2017, si bien que le délai de péremption d’un an prévu par l’art. 25 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) avait été respecté.

Les demanderesses ont calculé le revenu annuel maximum de CHF 191'808.- comme suit :

 

tarif horaire

heures

facturation

Montant horaire catégorie de soins selon l'art. 7a al. 1 let. a OPAS

79.80

20

1'596

Montant horaire catégorie de soins selon l’art. 7a al. 1 let. b OPAS

65.40

20

1'308

Montant horaire catégorie de soins selon l’art. 7a al. 1 let. c OPAS

54.60

20

1'092

Heures hebdomadaires en présence du patient

60

3'996

Revenu annuel maximum

48 semaines/an

191'808

 

Ce calcul prend en considération les exigences inhérentes à la profession d’infirmier (repos, formation continue, déplacements et travaux administratifs) et tient compte d’une durée de répartition moyenne de 1/3 pour l’évaluation, conseil et coordination (art. 7a al. 1 let. a OPAS), 1/3 pour les examens et traitements (art. 7 al. 1 let. b OPAS) et 1/3 pour les soins de base (art. 7 al. 1 let. c OPAS) (ci-après : tarifs A, B et C).

9.             Lors d’une audience du 9 novembre 2018, le tribunal de céans a tenté sans succès de concilier les parties.

10.         Dans sa réponse du 7 février 2019, le défendeur a conclu à l’irrecevabilité de la demande, respectivement à son rejet.

La demande était irrecevable ratione temporis, motif pris de l’absence de conciliation préalable devant un organe paritaire, prévue par les conventions administratives conclues entre les demanderesses et l’ASI –, procédure à laquelle il n’avait pas renoncé.

Sur le fond, sa pratique était particulière, car aucun autre infirmer à Genève ne disposait d’une infrastructure comparable à la sienne, qui lui permettait de recevoir ses patients directement dans ses locaux plutôt que de devoir se déplacer à leur domicile ; il pouvait ainsi consacrer plus de temps à prodiguer des soins en comparaison avec les autres infirmiers indépendants, dont le temps de déplacement entre le domicile ou le lieu d’hospitalisation de chaque patient représentait une partie non négligeable de leur journée de travail. Son infrastructure lui permettait de pratiquer des soins infirmiers (dont des perfusions) à plusieurs patients simultanément. Il débutait son travail entre 6h30 et 7h, prenait une pause de 30 à 60 minutes à midi et terminait son travail entre 19h et 19h30. Il lui arrivait fréquemment d’intervenir chez des patients plus tôt dans la matinée ou plus tard dans la soirée. Il travaillait régulièrement les samedis et les dimanches. En 2016, il n’avait pris aucune semaine de vacances. Madame C______, assistance administrative à plein temps, pouvait témoigner de son horaire de travail (Note du Tribunal : cette dernière est administratrice présidente de la société, avec signature individuelle, et par ailleurs épouse du défendeur : cf. allégation des demanderesses, non contestée, ci-dessous § 9).

La transaction intervenue en juillet 2016 pour l’année 2014 avait été obtenue par SANTÉSUISSE en raison du manque d’information dont il disposait à l’époque « sur les pratiques de SANTÉSUISSE » en matière de réclamation de rétrocession d’honoraires, et alors qu’il n’était pas assisté d’un avocat.

Selon les statistiques fournies par les demanderesses, en 2015, seuls quatre infirmiers indépendants exerçaient une activité à plein temps à Genève et seuls six infirmiers réalisaient un chiffre d’affaires supérieur à CHF 100'000.-. Les infirmiers indépendants exerçant une activité lucrative à plein temps n’étaient pas plus nombreux qu’en 2015. Contrairement à ces derniers, son revenu était amputé de charges importantes liées à l’infrastructure du centre.

Les prétentions des demanderesses étaient périmées, dès lors que SANTÉSUISSE avait dû avoir connaissance des statistiques de SASIS SA au moment de leur publication, à savoir, en principe, selon un arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/2016 du 12 décembre 2017 (concernant une infirmière exerçant à Genève), au mois de mai de l’année concernée, soit, en l’occurrence, plus d’une année avant le dépôt de la demande.

Les demanderesses n’avaient produit aucune facture prouvant qu’elles avaient effectivement versé des prestations relevant de l’AOS. Les « Daten-Pools » 2016 listant les assureurs ayant pris en charge des prestations LAMal cette année-là « étaient contestés ».

Les demanderesses n’avaient apporté aucun élément de preuve à l’appui de leurs prétentions, fondées uniquement sur un « calcul schématique » et un seuil théorique d’un chiffre d’affaires et d’un horaire hebdomadaire d’un infirmier indépendant à plein temps. Si, dans son arrêt 9C_778/2016 précité, le Tribunal fédéral avait validé cette méthode de calcul schématique, c’était toutefois uniquement sous l’angle restreint de l’arbitraire. Or ce mode de calcul était arbitraire et limitait de façon inadmissible sa liberté économique, puisqu’il était empêché de travailler plus de 60 heures par semaine et plus de 48 semaines par année. Il limitait également les prestations de soins, en partant du postulat que seules 20 heures leur étaient nécessairement consacrées. De plus, selon l’art. 7a al. 2 OPAS, le temps facturable n’était pas le temps effectif, mais le temps facturé selon les unités de temps définies par cette ordonnance, prévoyant au minimum 10 minutes par intervention et un arrondissement au montant supérieur pour correspondre à une unité de 5 minutes. De facto, il appliquait ainsi le projet e-Karus, soit le « Concept relatif à la structure tarifaire pour les soins ambulatoires et stationnaires dans les EMS, les organisations d’aide et de soins à domicile ainsi que pour le personnel infirmier », projet porté en particulier par SANTÉSUISSE. Le montant du revenu annuel maximum de CHF 191'808.- était aléatoire dès lors que, dans un courrier du 7 juillet 2017, SANTÉSUISSE avait retenu, pour l’année 2015, un montant, différent, de CHF 229'824.-. De surcroît, la structure de soins qu’il avait mise en place lui permettait de recevoir des patients directement dans ses locaux, - circonstance qui influait considérablement sur ses temps de déplacement -, et de déléguer les travaux administratifs à une assistante occupée à plein temps, qu’il devait rémunérer, contrairement aux autres infirmiers dont aucun ne disposait d’une telle assistance. Pour pouvoir comparer son revenu à celui des autres infirmiers, il convenait dès lors de déduire ces charges supplémentaires ainsi que les loyers des locaux et des appareils nécessaires. Sa pratique rendait ainsi inopérante la méthode schématique utilisée par les demanderesses.

A titre subsidiaire, le défendeur a offert de produire, sous forme caviardée, les pièces relatives à sa facturation et à sa comptabilité.

Le défendeur a encore requis la production par les demanderesses des informations relatives à la publication des données de SASIS SA et les informations dont disposait l’ASI « sur les infirmiers genevois et leur pratique ». En tant que de besoin, il a sollicité un délai raisonnable pour produire une liste de témoins (patients, infirmiers ou médecins) censés confirmer son emploi du temps et les particularités de sa pratique.

Il a enfin demandé la mise en œuvre d’une expertise analytique, « seul moyen de preuve pouvant éventuellement entrer en considération pour évaluer l’économicité de sa pratique, compte tenu des particularités de celle-ci ».

11.         Par réplique du 26 avril 2019, les demanderesses ont maintenu leurs conclusions.

Pour parvenir au gain annuel maximum réalisable pour 2015 (CHF 229'824.-), elles avaient pris, par gain de paix, le tarif horaire le plus élevé, soit CHF 79.80. Seuls deux infirmiers, dont le défendeur, avaient atteint, cette année-là, un montant versé au titre de l’AOS supérieur à CHF 267'000.-, tandis que le troisième infirmier n’avait perçu que CHF 177'660.-.

L’organisation professionnelle du défendeur relevait de son propre choix et ne l’autorisait pas à facturer de façon abusive.

Le « Daten-Pool » mentionnait expressément la liste des assureurs-maladie ayant pris en charge les notes d’honoraires du défendeur. Ce document constituait un élément de preuve reconnu par la jurisprudence du Tribunal fédéral, de sorte que le défendeur invoquait en vain l’absence de qualité pour agir et de légitimation active des demanderesses.

Le défendeur avait touché le plus de prestations en 2016 (CHF 318'561.15) alors qu’un second infirmier avait perçu CHF 249'651.15 et faisait également l’objet d’une procédure devant le tribunal de céans (Ndr : cette procédure a donné lieu à l’ATAS/440/2021 du 10 mai 2021, dans lequel le tribunal de céans a admis le bien-fondé de la demande ; cet arrêt est entré en force faute de recours au Tribunal fédéral).

Les conventions administratives n’avaient que pour objet de régler les processus administratifs applicables aux prestations ambulatoires et ne pouvaient être assimilées à des normes de droit fédéral. Au reste, la procédure de conciliation visée par ces conventions avait pour but de régler à l’amiable des litiges concernant la facturation d’un patient particulier, et non pas des questions générales relevant de la polypragmasie, laquelle nécessitait la mise en commun des remboursements de l’ensemble des assureurs-maladie. Soulevé trois mois après l’audience de tentative de conciliation du 9 novembre 2018, le moyen tiré d’une prétendue irrecevabilité de la demande, motif pris de l’absence préalable de tentative de conciliation, relevait de l’abus de droit. En dépit de la présente procédure judiciaire, rien n’aurait empêché les discussions transactionnelles de se poursuivre.

Les trois tarifs horaires susceptibles de s’appliquer pouvaient être partagés équitablement en trois tiers. Le travail hebdomadaire en présence du patient de 60 heures retenu était très large. Les demanderesses auraient pu appliquer l’autre mode de calcul retenu par le tribunal de céans dans un ATAS/776/2016 du 16 septembre 2016, mode plus favorable aux assureurs. En application de cet arrêt, la moyenne des montants remboursés aux infirmiers ayant obtenu un montant supérieur à CHF 100'000.- (en faisant abstraction des deux premiers, qui faisaient l’objet d’une procédure judiciaire en polypragmasie), soit CHF 129'893.28 [(108'562.30 + 126'145.50 + 154'972.05) : 3], moyenne augmentée de la marge de tolérance de 30% appliquée aux médecins (CHF 38'967.98), aurait permis de réclamer au défendeur CHF 149'699.89 (318'561.15 – 129'893.28 – 38'967.98), au lieu de CHF 126'753.-.

En raisonnant par l’absurde, soit en supposant que le défendeur travaillât 365 jours par an à raison de 10 heures par jour et au tarif le plus élevé de CHF 79.80, on obtiendrait un montant théorique maximal de CHF 291'270.-.

Le montant choisi de CHF 191'808.- était favorable au défendeur, puisqu’il permettait justement déjà de tenir compte des arrondis possibles en matière de facturation et de gain d’optimisation en termes d’efficacité. Sinon, SANTÉSUISSE se serait limitée à la méthode de calcul utilisée par le Tribunal arbitral dans son ATAS/776/2016 précité permettant de porter à CHF 168'861.26 (129'893.28 + 38'967.98) le seuil de revenu limite pour l’année 2016.

Le défendeur ne pouvait rien tirer du concept e-Karus, car ses interventions et factures étaient toujours plus élevées que le seul minimum facturable de 10 minutes. Il ressortait de sa grille de prestations (pièce 23, dem.) que le défendeur appliquait à tort un arrondi de 5 minutes à chaque acte effectué dans le cadre d’une même prestation, au lieu de l’appliquer seulement à chaque type de prestation (tarifs A, B ou C).

L’engagement de son épouse (Ndr : Mme C______) comme assistante administrative ou les multiples salles de consultation dont il disposait ne permettaient pas de justifier un prétendu gain d’efficacité, singulièrement son niveau de facturation extrême. La qualité des soins n’était pas remise en cause. Le tarif infirmier était un tarif au temps consacré au patient et le défendeur ne pouvait se consacrer à un patient en cours de perfusion s’il était en même temps en train d’effectuer des soins en faveur d’un autre patient, une prise en charge psychiatrique ou mettre en place une perfusion dans une autre salle.

Les demanderesses ont produit les documents suivants :

-       un courrier de SASIS SA du 17 juillet 2017 attestant que la communication à SANTÉSUISSE des données statistiques 2016 du défendeur était intervenue le 17 juillet 2017 ;

-       une liste nominative des infirmiers indépendants actifs dans le canton de Genève en 2016 établie par SANTÉSUISSE ;

-       une liste détaillée des prestations remboursées par l’AOS aux infirmiers du canton de Genève en 2016 établie par SANTÉSUISSE ;

-       une grille de prestations et positions correspondantes (A, B ou C) effectuées par le défendeur du 27 juin au 29 juin 2016 ;

-       deux notes d’honoraires des 29 juin 2016 et 3 janvier 2017 pour des traitements effectués du 31 mai au 17 juin 2016, respectivement du 2 au 21 décembre 2016.

Enfin, les demanderesses ont requis la production par la Caisse des médecins de l’extraction informatique de la facturation du défendeur pour l’année 2016 (dates, positions détaillées, quantité, numéro de patient, minutage, montants en CHF, etc ), permettant d’effectuer des tableaux croisés dynamiques Excel. Elles ont également requis la production de l’agenda professionnel, original, du défendeur relatif à l’année 2016.

12.         Par duplique du 28 juin 2019, le défendeur a persisté dans sa position.

Aucun autre infirmier à Genève n’avait suivi la formation spécifique permettant d’utiliser « le système clinique » mis en place par lui-même pour le suivi de ses patients et pour lequel il était spécifiquement formé, ni ne disposait d’une infrastructure telle que la sienne pour le mettre en œuvre. Grâce aux résultats obtenus, ses patients, en particulier celui concerné par la facture d’honoraires du 3 janvier 2017, présentaient un très faible taux d’hospitalisation et les gains en termes d’économicité étaient considérables.

Le courrier de SASIS SA du 17 juillet 2017 ne permettait pas de dire si les données du défendeur étaient ou non déjà disponibles pour SANTÉSUISSE ou les demanderesses à ce moment-là. Sur demande, ces données auraient pu être obtenues dès janvier 2017 au plus tard ; la formule utilisée pour établir les statistiques des médecins n’était pas nécessaire dans le cas d’un infirmier indépendant, puisqu’il suffisait d’additionner les chiffres fournis par les assureurs au 31 décembre 2016. Au demeurant, les éléments factuels sur lesquels se fondaient les reproches des demanderesses à cet égard ressortaient directement des factures concernées des 29 juin 2016 et 3 janvier 2017. Les demanderesses n’avaient pas établi quelles étaient les prétentions qui auraient nécessité de disposer des chiffres totaux facturés à l’AOS.

Par ailleurs, les prétentions de SUPRA-1846 SA, AVENIR ASSURANCE MALADIE SA et MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA, qui faisaient toutes parties du GROUPE MUTUEL (ci-après : GM), étaient périmées, puisque ce groupe compilait les chiffres fournis par ses membres en début d’année déjà -, comme cela ressortait d’un courrier du GM du 21 janvier 2019 (pièce 20, déf.).

Les montants facturés par le défendeur à ces trois assureurs pour l’année 2016 totalisaient CHF 198'970.- et dépassaient le « plafond » de CHF 191'808.- appliqué par les demanderesses. L’intégralité de la demande devrait être rejetée dès lors que les montants remboursés par les autres assureurs étaient largement inférieurs audit « plafond ».

Le groupe de comparaison n’était pas représentatif, car les infirmiers gagnant un revenu inférieur à CHF 155'000.- ne travaillaient pas à un taux d’occupation de 100%. La méthode de calcul dégagée de l’ATAS/776/2016 ne pouvait trouver application dès lors que le groupe de comparaison contenait les données d’infirmiers n’ayant pas un taux d’occupation de 100%. L’échantillon des infirmiers réalisant un revenu supérieur à CHF 100'000.- était de toute manière trop réduit.

Indépendamment de leur intitulé, les conventions administratives prévoyaient des mesures destinées à garantir le caractère économique des prestations au sens de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Le « Daten-Pool » ne constituait pas un moyen de preuve et les chiffres qu’il contenait ne correspondaient pas aux données du défendeur.

Ses mandats médicaux OPAS étaient régulièrement acceptés par les assureurs. Sa manière de facturer respectait scrupuleusement les prescriptions légales, réglementaires et professionnelles en la matière.

A titre de mesure d’instruction, le défendeur a en particulier requis la production de tout document permettant de vérifier le taux d’occupation des infirmiers du groupe de comparaison qui réalisaient des revenus inférieurs à CHF 155'000.-.

12.1 Le courrier du GM du 21 janvier 2019 précité est libellé comme suit :

« Votre facturation »

( )

« Suite à un contrôle de vos factures, les éléments suivants ont été relevés :

Nous avons constaté que les prestations que vous avez facturées aux assurances membres du Groupe Mutuel pour les années 2017 et 2018 sont disproportionnées en comparaison à une activité à plein temps d’un infirmier indépendant.

En vue de pouvoir éclaircir votre situation, nous vous saurions gré de bien vouloir nous décrire de manière très précise votre organisation.

Les prestations sont-elles effectuées par d’autres personnes et facturées sous votre n° RCC ? Si tel est le cas, nous vous invitons à nous communiquer leur nom, la manière dont leurs prestations sont facturées ainsi qu’une copie de leur contrat de travail.

Afin de compléter vos dossiers, nous souhaiterions obtenir votre réponse détaillée sur les questions soulevées ainsi que les documents demandés, d’ici le 11 février 2019 au plus tard ».

12.2 L’éventuelle réponse du défendeur ne figure pas au dossier.

13.         Les demanderesses se sont déterminées le 26 septembre 2019.

Lorsqu’un assureur-maladie se prononçait sur l’opportunité de tel ou tel traitement, il le faisait au cas par cas. Celui-ci n’était toutefois pas qualifié pour se déterminer sur l’économicité de la pratique globale de tel ou tel infirmier, puisqu’il ne disposait pas de l’ensemble des notes d’honoraires de ce dernier. Au demeurant, chaque facture individuelle de tout infirmier indépendant pourrait ne pas être contraire au principe de l’économicité, tandis que cela n’empêcherait pas l’ensemble de la pratique de cet infirmier de ne pas respecter ce principe.

Depuis plusieurs années, c’était toujours dans le courant du mois de juillet que le résultat du traitement des données était transmis à SANTÉSUISSE par SASIS SA. Ce n’était qu’à partir de cette date que SANTÉSUISSE, en sa qualité de représentante des assureurs-maladie, était en mesure de prendre connaissance des données de chaque fournisseur de prestation fournies à SASIS SA, respectivement que le délai de péremption commençait à courir. En l’occurrence, SANTÉSUISSE avait pris connaissance le 21 juillet 2017 des données spécifiques du défendeur pour 2016, comme cela résultait d’un document interne relatif à l’extraction desdites données (Ndr : ce document précise qu’il a été créé le 21 juillet 2017). Dans le cas des infirmiers, il n’existait pas de groupe de comparaison ni de statistiques, comme c’était le cas pour les médecins.

Le GM ne pouvait analyser l’ensemble des factures des assureurs et ne pouvait dès lors procéder à une analyse globale de la facturation du défendeur. Le GM, avec environ 25% de part de marché sur le canton de Genève, était néanmoins déjà arrivé aux mêmes conclusions s’agissant de la pratique non économique du défendeur pour les années 2017 et 2018.

Selon la jurisprudence, le « Daten-Pool » avait pleine valeur probante et indiquait valablement les divers montants pris en charge par chaque assureur listé.

A cet égard, les demanderesses ont joint un lot de « factures justificatives prouvant la valeur (de ce document) » concernant les prestations fournies par le défendeur en 2016.

14.         Dans ses déterminations du 17 janvier 2020, le défendeur a maintenu sa position.

Les assureurs avaient approuvé tous ses mandats OPAS et les avaient ainsi jugés conformes au principe de l’économicité.

Aucune disposition ne limitait le nombre d’heures de travail d’un infirmier indépendant.

Ce n’était pas seulement au moment de l’analyse globale effectuée par SANTÉSUISSE que les assureurs étaient en mesure de se déterminer sur le respect ou non du principe d’économicité. Ce n’était que pour des raisons de confort que SANTÉSUISSE déléguait également la compilation des données du défendeur à SASIS SA, ce qui retardait de plusieurs mois sa prise de connaissance. Comme l’avait relevé le tribunal de céans dans son ATAS/776/2016, le manque de diligence dont ferait preuve SANTÉSUISSE en demandant tardivement les statistiques ne serait jamais sanctionné si l’on se fondait uniquement sur la date à laquelle cette association en prendrait connaissance.

Un délai de plus de six mois pour demander à SASIS SA la transmission du résultat de l’addition des montants facturés était manifestement excessif. SANTÉSUISSE ne devait pas attendre que SASIS SA lui transmette spontanément les données le concernant, soit vraisemblablement en même temps que les données statistiques des médecins. GM pouvait parfaitement analyser l’ensemble des factures payées par les assureurs en 2016. Au demeurant, l’essentiel de ses patients était assuré auprès du GM, lequel lui avait payé CHF 198'970.- cette année-là. Il n’était pas nécessaire pour le GM de procéder à une analyse globale de sa pratique pour lui permettre de savoir que son chiffre d’affaires avait ainsi été plus élevé que le « plafond » arbitrairement fixé par les demanderesses à CHF 191'808.-.

A l’appui de cette écriture, le défendeur a produit six « formulaires OPAS » portant sur les périodes des 29 janvier 2015 au 29 avril 2016, 18 septembre 2016 au 18 décembre 2016, 18 août 2016 au 18 novembre 2016, 19 janvier 2015 au 19 avril 2016, 1er mars 2016 au 1er juin 2016 et 19 mai 2016 au 19 août 2016.

Il a également versé un courrier de la CSS ASSURANCE du 19 avril 2016 acceptant de prendre en charge « le même budget au temps consacré que nous vous avions confirmé par notre dernière décision du 02.03.2016. Nous prenons en charge 125,16 heures par trimestre dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins. Pour chaque prestation, nous pouvons comptabiliser le nombre d’heures suivant : Evaluation et conseils : 0,33 heures, Examens et traitements (soins) : 53,00 heures et Soins de base : 71,83 heures ».

15.         Dans leurs déterminations du 26 février 2020, les demanderesses ont fait valoir que les mandats OPAS ne constituaient pas ipso facto un blanc-seing permettant à tel ou tel fournisseur de prestations de ne pas respecter le principe d’économicité. Considérant que les journées ne faisaient que 24 heures et que les infirmiers ne pouvaient facturer que le temps passé auprès du patient, il n’était pas imaginable que le défendeur ait effectué toutes les prestations facturées à la charge de la LAMal à ses patients répartis dans 13 caisses maladies différentes. L’analyse globale de l’économicité de chaque fournisseur de soins n’était pas du ressort de chaque fournisseur, mais de SANTÉSUISSE, qui disposait de l’ensemble des données lui permettant de se déterminer sur la pratique du fournisseur concerné.

La répartition théorique en trois parties égales des trois catégories de tarif était favorable au défendeur.

A le suivre, le défendeur devrait travailler 15 heures par jour en tout, 48 semaines par an sans être malade ni suivre une quelconque formation continue, ce qui n’était pas admissible, dès lors qu’en sus de 60 heures par semaine en présence du patient, celui-ci devait passer du temps à traiter les aspects administratifs du dossier (facturation, demandes de mandats OPAS, correspondances avec les assurances, coordination avec les autres soignants, etc..), lesquels étaient toutefois déjà rémunérés par le forfait OPAS.

La transmission des données relatives aux fournisseurs de prestations par SASIS SA aux environs de la mi-juillet correspondait à une pratique bien établie. SANTÉSUISSE n’avait jamais cherché à retarder l’envoi de données par cette société. Sa bonne foi ne saurait être mise en doute.

Les infirmiers recevaient, en sus des montants versés par les assureurs-maladie, une participation de l’Etat de Genève au titre de financement résiduel prévu par la LAMal pour les prestations non couvertes par cette loi.

A cet égard, les demanderesses ont requis la production, par la Direction générale de la santé du canton de Genève (ci-après : DGS), d’un décompte indiquant la totalité des montants versés au défendeur pour son activité en 2016 au titre de financement résiduel.

16.         Dans ses observations du 15 juin 2020, le défendeur a maintenu sa requête tendant à la mise en œuvre d’une expertise analytique, afin de déterminer si le travail facturé par lui avait effectivement été réalisé.

Il fallait distinguer le cas des médecins, dont les chiffres faisaient l’objet de statistiques et étaient pondérés en fonction de nombreux facteurs, - ce qui pouvait expliquer un certain délai de traitement -, et le cas des infirmiers indépendants dont les chiffres pertinents pour le contrôle de l’économicité résultaient d’une simple addition des montants facturés à chaque assureur durant l’année concernée, chiffres qui pouvaient être connus dès la deuxième moitié du mois de janvier de l’année suivante. Les demanderesses ne pouvaient raisonnablement prétendre que plus de six mois étaient nécessaires pour effectuer une addition. En janvier 2017 au plus tard, les assureurs membres du GM savaient que le défendeur avait facturé en 2016 un montant de CHF 198'970.-, lequel dépassait le revenu maximal (arbitrairement) arrêté à CHF 191'808.- par les assureurs pour plafonner les honoraires annuels des infirmiers indépendants.

Le défendeur a joint un courrier de la DGS du 11 mars 2020, attestant qu’aucune procédure relative au financement résiduel cantonal des soins pour les années 2013 à 2018 n’avait eu cours ces années-là concernant son activité d’infirmier indépendant.

17.         Dans leurs observations du 8 juillet 2020, les demanderesses ont fait valoir que les mandats OPAS n’avaient aucun lien avec les problèmes d’économicité au sens de la LAMal. Chaque assureur se déterminait de cas en cas sur la prestation et ne pouvait se prononcer sur la totalité des actes facturés. Un certain laps de temps était nécessaire pour que toutes les factures soient collectées auprès des assureurs-maladie et agrégées par SASIS SA.

18.         Lors de l’audience de comparution personnelle du 4 décembre 2020, les parties ont maintenu leurs conclusions.

18.1     Les demanderesses ont fait valoir que, dans son courrier du 21 janvier 2019, le GM avait seulement émis une appréciation intermédiaire, qu’il entendait investiguer plus avant. A ce stade, le GM ne disposait pas d’éléments complets et n’était pas en mesure de chiffrer son dommage. Compte tenu de sa part de marché importante, le GM pouvait supposément se faire une idée générale d’une surfacturation probable en tenant compte des recommandations de l’ASI.

18.2     De son côté, le défendeur a exposé que l’élément d’appréciation invoqué par le GM consistait dans le volume des prestations facturées, ce qui induisait forcément qu’il connaissait les chiffres correspondants.

Sa facturation prétendument importante s’expliquait notamment par le type de patients qu’il suivait, soit des patients psychiatriques et gériatriques, qui nécessitaient une prise en charge au long cours. Cela nécessitait une alliance thérapeutique qui, par définition, nécessitait du temps pour créer une relation de confiance. Compte tenu de cette spécificité, les médecins lui adressaient un nombre important de patients. En octobre 2019, il avait réduit son volume de travail pour des raisons familiales. En 2016, il effectuait 12 à 13 heures par jour, 6 jours sur 7, voire 7 jours sur 7. Le matin, il se rendait au domicile de ses patients et l’après-midi, il se rendait au centre. Il disposait alors de quatre salles de soins (trois à la date de l’audience), ce qui lui permettait d’effectuer quatre perfusions simultanément, comme en système hospitalier. Il prenait en charge la série suivante de quatre patients l’heure suivante. Le temps comptabilisé pour une perfusion par patient correspondait au temps correspondant mentionné dans l’OPAS. En moyenne, une perfusion prenait entre 60 et 75 minutes par patient. Toutefois, comme il intervenait simultanément dans la même heure sur quatre patients différents, il facturait également ce temps-là pour les trois autres patients. Les soins ayant été bien effectués, il en réclamait le remboursement. Pour une heure de travail effective, il facturait ainsi 4h en tout au maximum, ce qui pouvait expliquer un volume de facturation plus élevé que les autres infirmiers, qui ne travaillaient pas dans un centre de soins. Par semaine, il pouvait ainsi perfuser deux séries de quatre patients par jour, soit environ huit à dix patients par jour. Ensuite, chaque patient devait être perfusé dix fois durant un laps de temps d’un mois. Cela correspondait à quatre-vingt à cent perfusions par mois. Cette manière de procéder était correcte, puisqu’elle correspondait à celle en vigueur dans un centre hospitalier en termes de surveillance des patients. En tous les cas, il convenait de tenir compte des charges qu’il supportait en lien avec la structure qu’il avait créée.

Jusqu’en juin 2019, il n’avait jamais demandé de financement résiduel au canton de Genève, dès lors qu’il n’était pas joignable 24h sur 24h, comme l’exigeait le Règlement genevois ad hoc.

18.3     De leur côté, les demanderesses ont rétorqué que le mode de procéder du défendeur ne correspondait pas à l’esprit du tarif, qui exigeait la présence continue de l’infirmier-ère auprès du patient pour une surveillance continue. En effet, pour les infirmières-ères à domicile, « en vue d’assurer cette présence », le tarif horaire était le même. L’analogie avec un centre hospitalier était inopérante, puisque les tarifs n’étaient pas les mêmes. Les soins avaient bien été fournis par le défendeur. Il s’agissait toutefois, selon le principe d’économicité, de faire bénéficier les assurés d’éventuelles économies qui découleraient d’une optimisation de la structure tarifaire, telle que l’organisation créée par celui-ci. Il s’agissait de réduire les coûts à la charge de l’assurance, et donc des assurés. Les charges d’exploitation du défendeur ne devaient pas être prises en compte dans le cadre de la LAMal. Dans une certaine mesure, elles étaient d’ailleurs déjà prises en compte dans le tarif appliqué aux infirmières indépendantes (achats de pansement, frais de déplacement et de téléphone, participation au loyer).

18.4     A l’issue de l’audience, le tribunal a accordé au défendeur un délai pour produire son agenda professionnel pour 2016 ainsi que le relevé correspondant établi par la Caisse des médecins. Il a également invité les demanderesses à expliciter certains calculs présentés dans leur réplique du 29 avril 2019.

19.         Par courrier du 1er février 2021, le défendeur a sollicité un délai supplémentaire pour produire son agenda professionnel. Après vérification, il s’avérait qu’un tel agenda n’existait pas en tant que document relié unique, mais devait être recomposé au moyen de différents documents, dont ses mandats OPAS. Vu son domaine de compétence, il traitait un nombre limité de patients auxquels il prodiguait des soins sur une base régulière, continue et prolongée. Les mêmes soins étaient prodigués, en sorte qu’il n’était pas nécessaire pour lui d’inscrire dans un agenda précisément et systématiquement chaque rendez-vous.

20.         Par courrier du 22 février 2021, les demanderesses ont fourni les précisions requises.

Le défendeur appliquait systématiquement par erreur un arrondi de 5 minutes à chaque acte faisant partie du tarif concerné. Il résultait en particulier de ses notes d’honoraires des 29 juin 2016 et 3 janvier 2017 que celui-ci surfacturait des actes simples qui ne nécessitaient pas de longues durées. Ainsi, du 2 au 17 juin 2016, le défendeur avait vérifié les signes vitaux (tension artérielle, pouls, température, respiration, poids) du patient selon l’art. 7 al. 2 let. b OPAS pendant 15 minutes et cela tous les jours. De même, il ressortait de la note d’honoraires du 3 janvier 2017 que le défendeur facturait ses prestations sans être au chevet du patient, ce qu’il avait lui-même implicitement admis lors de l’audience du 4 décembre 2020, en prétendant pouvoir bénéficier du système appliqué en milieu hospitalier. Or les prestations fournies par l’intéressé ne pouvaient être comparées à celles d’un hôpital.

21.         Par courrier du 22 mars 2021, le défendeur a sollicité une prolongation de délai pour se déterminer sur cette dernière écriture, motif pris qu’il devait reprendre l’examen des factures concernées et les mandats OPAS correspondants.

22.         Par envoi du 22 mars 2021, le défendeur a remis au Tribunal arbitral un relevé anonymisé des factures encaissées par patient pour l’année 2016, établi par la Caisse des médecins le 18 mars 2021, ainsi qu’un « calendrier 2016 ».

Il ressort dudit relevé que l’intéressé a encaissé, en 2016, CHF 309'664.35 correspondant à l’équivalent de 5'029,75 heures d’activité, soit respectivement 129,58 heures pour le tarif A, 2'942,08 heures pour le tarif B et 4'200,17 heures pour le tarif C.

Dans l’hypothèse où les demanderesses souhaiteraient obtenir des documents nominatifs, une procédure de levée du secret professionnel par devant « la commission du secret professionnel » devrait être introduite. L’ordre de production du tribunal de céans ne le relevait pas automatiquement de son secret professionnel institué par l’art. 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ou les art. 87 et 88 de la loi cantonale genevoise sur la santé (LS), dès lors que l’exception de l’art. 88 al. 2 LS n’était pas applicable à la présente procédure. La loi genevoise de procédure administrative ne l’obligeait apparemment pas non plus à renseigner l’autorité, dès lors qu’il n’avait pas lui-même introduit la procédure ni pris de conclusions indépendantes.

II ne disposait pas d’un agenda proprement dit pour 2016, aussi avait-il reconstitué un « calendrier 2016 » des patients auxquels il avait prodigué des soins durant cette période. Les chiffres indiqués dans la première colonne correspondaient au jour du mois concerné et les initiales mentionnées dans les autres colonnes correspondaient à celles des patients soignés ce jour-là. Il n’était pas possible de reconstituer son emploi du temps a posteriori de façon plus précise, sauf à devoir procéder à des recoupements et recherches dont la réalisation impliquerait une allocation de temps et de ressources manifestement disproportionnées. Cette année-là, il n’avait pas pris de vacances et avait prodigué des soins à ses patients psychiatriques également durant les week-ends.

23.         Dans ses déterminations du 9 avril 2021, le défendeur a contesté avoir indûment procédé à des arrondis dans sa facturation. Selon lui, les divisions des tarifs A, B et C en sous-catégories opérées dans ses factures l’avaient été exclusivement à des fins de transparence. Il appliquait le temps effectif pour chaque tarif lors d’une même intervention comme le précisait le concept e-Karus. Les assureurs contestaient désormais ses factures pour les besoins de la cause, alors qu’ils les avaient validées. Si l’on pouvait admettre que les assureurs ne pouvaient pas procéder à un contrôle préalable de chaque facture, et qu’ils étaient dès lors légitimés, sur le principe, à effectuer des contrôles a posteriori, ils n’en étaient pas pour autant légitimés à remettre en cause une méthode de présentation de la facturation utilisée pour toutes les factures d’un praticien plusieurs années après avoir pris en charge lesdites factures.

24.         Par courrier du 14 avril 2021, les demanderesses ont fait valoir que le « calendrier professionnel » pour 2016 avait été établi a posteriori par le défendeur si bien que sa valeur probante était douteuse. Il était invraisemblable que le défendeur ne disposât pas d’un agenda professionnel.

Il ressortait du relevé de la Caisse des médecins que, durant l’année 2016, les assureurs avaient versé au défendeur CHF 309'664.35. Puisque le canton de Genève avait également versé une participation de CHF 114'534.64, celui-ci avait réalisé un revenu total de CHF 424'198.99 cette année-là.

L’intéressé avait facturé un montant correspondant à 5'029,75 heures en 2016. A supposer qu’il eût travaillé les 366 jours de cette année-là (bissextile), cela impliquerait qu’il ait passé, chaque jour, 13,74 heures au chevet de ses patients, respectivement travaillé 97,72 heures par semaine. En admettant qu’il eût pris quatre semaines de vacances et qu’il eût travaillé 7 jours sur 7, il aurait encore prétendument travaillé 15 heures par jour.

A l’appui de leurs prétentions initiales, les demanderesses étaient parties de la fiction que les trois tarifs OPAS se répartissaient à raison d’un tiers chacun. Ce mode de calcul, beaucoup plus favorable, devait être corrigé, puisque le pourcentage de temps retenu pour chacune de ses prestations était, désormais, connu. En appliquant le nouveau pourcentage (A : 2,58% ; B : 58,49% et C : 38,93%) à une durée hebdomadaire de 60 heures, on obtenait un revenu hebdomadaire de CHF 3'694.03. Compte tenu de quatre semaines de vacances par an, c’était un revenu annuel maximum de CHF 177'313.45 (CHF 3'694.03 x 48 semaines) qu’il convenait de prendre en compte, au lieu de CHF 191'808.-. Le montant finalement réclamé pour l’année 2016 devait ainsi être porté à CHF 141'247.55 (318'561 - 177'313.45), au lieu de CHF 126'753.-.

Les demanderesses ont également requis du tribunal de céans d’ordonner au défendeur de produire son agenda professionnel 2016 original sous la menace de la peine d’amende prévue par l’art. 292 CP.

25.         Par courrier du 18 mai 2021, le défendeur a proposé de verser à la procédure une version nominative de son agenda reconstitué pour 2016, pour autant qu’il fût délié du secret professionnel par l’instance compétente, ainsi que les mandats OPAS anonymisés pour les soins fournis cette année-là. Il a contesté avoir perçu une participation CHF 114'198,99 en 2016 de la part du canton de Genève, comme l’avait d’ailleurs attesté la DGS dans son courrier du 11 mars 2020. Quatre patients étaient disposés à témoigner devant le tribunal de ce qu’il avait assuré un suivi chez eux 7 jours sur 7 jusqu’en octobre 2019. L’infrastructure de son centre lui permettait d’être auprès des patients sous perfusion durant toute la durée des soins. Il serait insoutenable de ne pas rémunérer certaines perfusions au prétexte qu’elles avaient été effectuées en simultané. Cela reviendrait à interdire indirectement à un infirmier indépendant de s’organiser comme il l’avait fait, puisqu’aucun infirmier ne pourrait raisonnablement vouloir louer des locaux pour permettre d’accueillir plusieurs patients uniquement aux fins de prodiguer des soins gratuitement, au bénéfice des assureurs. Certes, les éventuelles économies qui découleraient d’une optimisation de la structure tarifaire devraient bénéficier aux assurés. Cela ne devait toutefois pas aboutir à retenir que les perfusions en cause ne mériteraient aucune rémunération. Il appartenait au contraire aux demanderesses de démontrer que le système qu’il avait mis en place aurait permis des économies à reporter au bénéfice des assurés, et dans quelle mesure.

Le défendeur a joint à son envoi un courrier de Madame D______ du 5 février 2021 attestant en particulier que « Monsieur A______ s’occupe de moi depuis mars 2013 et il a (sic) passé tous les jours jusqu’au mois d’octobre 2019 ».

26.         Par courrier du 1er juin 2021, les demanderesses ont amplifié leur conclusion principale, concluant au paiement de CHF 149'699.85 pour l’année 2016, conformément au mode de calcul retenu dans l’ATAS/776/2016 précité, encore confirmé par l’ATAS/440/2021 précité. Subsidiairement, elles ont conclu au remboursement de CHF 126'753.-.

27.         Dans ses déterminations du 21 juin 2021, le défendeur s’est opposé à la modification des conclusions des demanderesses, motifs pris qu’une telle modification n’était pas prévue par la loi et que le tribunal de céans était au demeurant lié par les conclusions des parties.

En tout état, cette augmentation des conclusions des demanderesses était périmée, puisqu’elle était formulée plus d’une année après le dies a quo du délai de péremption, lequel aurait commencé à courir, à suivre les demanderesses, le 17 juillet 2017.

Il a en outre requis formellement la citation des témoins mentionnés dans son courrier du 18 mai 2021, afin de confirmer qu’il avait travaillé 7 jours sur 7 en 2016. Cette audition lui permettrait de justifier un volume de travail particulièrement important par rapport aux coûts moyens des autres infirmiers de son groupe de comparaison.

A cet égard, le défendeur a produit un courrier de Madame E______ du 11 mars 2021 attestant que celui-ci lui apportait un soutien indéfectible, la suivait quotidiennement depuis février 2013 jusqu’à ce jour, à sa grande satisfaction, et qu’il était venu à son domicile 7 jours sur 7 jusqu’en octobre 2019.

Les trois infirmiers retenus dans le groupe de comparaison avaient facturé un montant de plus CHF 100'000.- par an. Ce montant correspondait à environ 33 heures travaillées par semaine dans le cas d’un infirmier prenant cinq semaines de vacances par an et dix jours de congé durant les jours fériés. Il était dès lors parfaitement possible pour un infirmier de travailler beaucoup.

Il a également expliqué que le montant de CHF 114'198.99 figurant sur le relevé de la Caisse des médecins du 18 mars 2021 (cf. ci-dessus § 20) était une « simulation ». A cet égard, il a produit un courriel de la Caisse des médecins du 21 juin 2021 expliquant que le versement de la part cantonale via le canton de Genève n’était valable que depuis le 1er janvier 2019, mais que des infirmiers indépendants avaient demandé « une liste récapitulative des années précédentes, dans le but de voir s’ils pouvaient demander un rétroactif ».

Il a également versé un courrier d’une agence fiduciaire du 20 mai 2021 attestant qu’il avait réalisé un revenu net de CHF 164'737.16 en 2016. Si la demande en paiement devait être admise, cela reviendrait à le priver de quasiment tout revenu pour l’année 2016 (164'737.16 – 149'699.85 = 15'037.31), alors qu’il avait travaillé pratiquement tous les jours cette année-là.

28.         Dans leurs déterminations du 31 août 2021, les demanderesses ont en particulier fait valoir que la loi de procédure administrative genevoise n’interdisait pas l’augmentation de conclusions et que le « revenu du défendeur était très largement supérieur aux capacités humaines d’une personne », si bien que sa pratique transgressait les normes retenues dans les ATAS/776/2016 et ATAS/440/2021.

29.         Par courrier spontané du 15 septembre 2021, le défendeur a contesté avoir une capacité de travail surhumaine. Dans le domaine de la finance en particulier, certains jeunes banquiers pouvaient travailler jusqu’à 95 heures par semaine. Selon un article du « Financial Times » du 18 mars 2021, joint audit envoi, des négociations étaient en cours avec la direction de l’établissement concerné afin de plafonner à 80 le nombre d’heures par semaine. De nombreuses personnes travaillaient plus de 80 heures par semaine sur des périodes prolongées, en particulier les membres d’organes exécutifs cantonaux ou les dirigeants d’entreprise.

30.         Le 7 juillet 2020 (timbre postal), les demanderesses (Ndr : AVANEX a fusionné entretemps avec HELSANA) ont déposé une seconde demande en paiement, concluant à ce que le défendeur soit condamné, pour l’année 2018, à leur restituer CHF 246'804.95 « selon la méthode du chiffre d’affaires moyen + 30% », appliquée dans l’ATAS/776/2016.

Ce montant correspond à la différence entre les coûts totaux facturés par le défendeur en 2018 (CHF 302'001.10) et le revenu moyen de 105 infirmiers-ères ne faisant pas l’objet de demandes de rétrocession dans le canton de Genève, augmenté d’une marge de tolérance de CHF 30% (CHF 55'196.15) (= 42'458.58 + 30%).

Subsidiairement, elles ont requis le paiement de CHF 110'193.10, « selon le nombre d’heures théoriquement réalisable par un infirmier ». Ce montant représente la différence entre les coûts totaux facturés par le défendeur en 2018 (CHF 302'001.10) et un « montant théoriquement facturable » de CHF 191'808.-.

Ce dernier montant tient compte d’un horaire hebdomadaire de 60 heures et de 48 semaines de travail par an (englobant repos, formation continue, déplacements et administration) et d’une répartition moyenne des types de prestations fournies d’un tiers chacune. Il s’établit comme suit :

 

 

 

 

tarif horaire

heures

facturation

Montant horaire catégorie de soins selon l'art. 7a al. 1 let. a OPAS

79.80

20

1'596

Montant horaire catégorie de soins selon l’art. 7a al. 1 let. b OPAS

65.40

20

1'308

Montant horaire catégorie de soins selon l’art. 7a al. 1 let. c OPAS

54.60

20

1'092

Heures hebdomadaires en présence du patient

60

3'996

Revenu annuel maximum

48 semaines/an

191'808

 

A l’appui de leur demande, elles ont produit un courrier de SASIS SA du 17 juillet 2019 attestant que les statistiques du défendeur pour 2018 avaient été communiquées à SANTÉSUISSE le 17 juillet 2019.

Elles ont également sollicité la jonction de la cause avec la cause A/2448/18.

Cette cause a été enregistrée sous le n° A/2044/2020.

31.         Le 4 décembre 2020, le tribunal a procédé à une tentative de conciliation. Il a accordé aux parties un délai pour lui communiquer l’état d’avancement de leurs pourparlers extrajudiciaires. Le défendeur s’en est rapporté à justice quant à la demande de jonction des causes.

32.         Sans réaction des parties dans le délai imparti, le tribunal a prolongé d’office ledit délai au 15 mars 2021.

33.         Par courriers des 3 et 16 mars 2021, les demanderesses ont informé le tribunal que les pourparlers extrajudiciaires n’avaient pas abouti.

34.         Par acte déposé le 2 juillet 2021 (timbre postal), les demanderesses ont conclu à ce que le défendeur soit condamné, pour l’année 2019, à leur restituer CHF 123'243.80 « selon la méthode du chiffre d’affaires moyen + 30% », appliquée dans l’ATAS/776/2016.

Ce montant s’établit ainsi :

-     coûts totaux facturés par le défendeur : CHF 299'838.95

-     revenu moyen de 4 infirmiers ayant facturé

un montant supérieur à CHF 100’00.- : CHF 135'842.43

-     + marge de tolérance de 30% : CHF 176'595.15

-     différence (CHF 299'838.95 – CHF 176'595.15) : CHF 123'243.80

Les demanderesses ont précisé avoir eu connaissance des statistiques du défendeur pour l’année 2019, le 11 novembre 2020, date d’extraction du « Daten-Pool » de SASIS SA.

Subsidiairement, elles ont requis le paiement de CHF 122'575.30, « selon le nombre d’heures théoriquement réalisable par un infirmier ». Ce montant représente la différence entre les coûts totaux facturés par le défendeur en 2019 (CHF 299'838.95) et un « montant théoriquement facturable » de CHF 177'312.- (recte: CHF 177'264.-). Ce dernier montant tient compte d’un horaire hebdomadaire de 60 heures et de 48 semaines de travail par an (englobant repos, formation continue, déplacements et administration) et du taux d’activité afférent aux types de prestations fournies tel qu’il ressortait du relevé de la Caisse des médecins pour l’année 2016 produit dans la procédure A/2448/2018 (cf. ci-dessus § 20), à savoir 2,58% (évaluation, conseil et coordination), 58,49% (examens et traitements) et 38,93% (soins de base). Il s’établit comme suit :

 

 

tarif horaire

heures

facturation

Montant horaire catégorie de soins selon l'art. 7a al. 1 let. a OPAS

79.80

2

123

Montant horaire catégorie de soins selon l’art. 7a al. 1 let. b OPAS

65.40

35

2'295

Montant horaire catégorie de soins selon l’art. 7a al. 1 let. c OPAS

54.60

20

1'275

Heures hebdomadaires en présence du patient

60

3'693

Revenu annuel maximum

48 semaines/an

177'264

 

Elles ont également requis la production auprès de la Caisse des médecins du relevé des factures encaissées par le défendeur du 1er janvier au 31 décembre 2019, avec la répartition de ces montants par tarif, tout en se réservant, le droit de modifier leurs conclusions.

Cette cause a été enregistrée sous le n° A/2275/2021.

35.         Le 3 septembre 2021, le tribunal a procédé à une tentative de conciliation. A cette occasion, le défendeur s’est engagé à fournir jusqu’au 30 septembre 2021 le relevé de la Caisse des médecins concernant ses factures encaissées du 1er janvier au 31 décembre 2019.

Le tribunal a également imparti au défendeur un délai pour lui fournir son mémoire de réponse, ainsi qu’une reconstitution de la période de son agenda du 1er janvier au 30 septembre 2019 et une extraction de son agenda électronique pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2019 - période à partir de laquelle il avait déclaré avoir commencé à en faire usage.

Malgré les diverses prolongations de délai accordées, à sa demande, le défendeur n’a fourni aucun document en lien avec cet agenda dans le dernier délai échéant le 17 janvier 2022.

Par courrier du 24 janvier 2022, le tribunal a refusé une nouvelle demande de prolongation de délai, dans la mesure où l’intéressé avait été averti que le délai dernièrement prolongé constituait une ultime prolongation.

Dans l’intervalle, par courrier du 30 septembre 2021, le défendeur a annoncé qu’il remettrait au tribunal, avec son mémoire de réponse, le relevé de ses facturations pour l’année 2019 établi par la Caisse des médecins.

36.         Dans ses mémoires de réponse du 10 novembre 2021 (causes n° A/2044/2020 et A/2575/2021), le défendeur a repris en substance, mutatis mutandis, son argumentation développée dans la procédure A/2448/2018.

Il a précisé qu’il était fréquent que plusieurs perfusions soient réalisées simultanément, ou qu’une perfusion soit réalisée simultanément à une consultation ; il demeurait constamment à proximité des patients et leur assurait une surveillance constante ; les patients perfusés étaient installés dans des salles de soins individuelles et il employait deux assistantes administratives, dont une à plein temps. Il traitait souvent entre quinze et dix-huit patients par jour. Son seul revenu, et non son chiffre d’affaires, pouvait, à la rigueur, être comparé à celui des autres infirmiers indépendants du groupe de comparaison. En 2019, son salaire était de CHF 9'400.- net par mois.

Le défendeur a également versé au dossier les documents suivants :

-     un courrier du docteur F______ du 28 juillet 2021 certifiant que la quasi-totalité des patients pris en charge par l’intéressé était des cas complexes et compliqués, autant pour le versant somatique que pour celui psychiatrique ;

-     un courrier du docteur G______, psychiatre, du 16 septembre 2019, attestant que le défendeur respectait les mandats OPAS à la pleine et entière satisfaction des patients ;

-     un courrier de Me H______ du 15 juin 2018 attestant que M. A______ avait prêté des services professionnels quotidiens à domicile, de janvier 2015 à mars 2018, en faveur d’une de ses protégées, à son entière satisfaction.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’il avait annoncé dans son courrier du 30 septembre 2021, le défendeur n’a pas produit le relevé de ses facturations pour l’année 2019 établi par la Caisse des médecins.

37.         Par courriers des 24 janvier et 4 mars 2022, le tribunal de céans a demandé à la Caisse des médecins de lui fournir les relevés de la facturation des prestations du défendeur pour les années 2018 et 2019.

Il ressort en particulier desdits relevés, datés du 15 mars 2022, que les assureurs-maladie ont payé au défendeur en 2018 et 2019, respectivement CHF 299'431.10 et CHF 227'133.35, équivalant à 4'711,84 heures, respectivement 3'526,58 heures par an.

38.         Le 29 mars 2022, le tribunal a accordé aux parties un délai pour se déterminer sur le contenu desdits relevés.

39.         Par courrier du 25 avril 2022, le défendeur a indiqué qu’il n’avait pas d’observations à formuler et que les données fournies par la Caisse des médecins correspondaient aux prestations qu’il avait effectuées « durant l’année 2019 ». Tout en prenant note du refus du tribunal de lui accorder un nouveau délai pour produire son agenda (pour l’année 2019), le défendeur a indiqué qu’il produirait « prochainement » ce document, tout en « se prévalant de la maxime inquisitoire applicable à la présente procédure ». Il aurait produit les relevés établis par la Caisse des médecins pour 2018 et 2019 sur interpellation préalable du tribunal, « dès lors qu’il n’avait absolument aucune raison de ne pas les verser ». Ainsi sa collaboration à l’établissement des faits sur ce point ne pouvait être remise en cause.

40.         Par courrier du 10 juin 2022, les demanderesses ont relevé que les montants facturés par le défendeur en 2018 et 2019 avaient atteint respectivement CHF 320'075.55 et CHF 265'173.60 et que la surfacturation atteindrait, en tenant compte de 10 heures de travail par jour durant 48 semaines par an, CHF 216'739.40 ces deux années-là.

Les montants encaissés par le défendeur étaient censés correspondre à une présence effective auprès du patient. Il s’agissait d’une exigence découlant de la Convention administrative entre l’ASI et les assureurs.

Le pourcentage des heures travaillées en 2018 et 2019 correspondait, par tarifs A, B et C, et compte tenu d’un horaire hebdomadaire de 60 heures, à 0,75%, 47%, 95% et 11,29% (2018), respectivement 0,45%, 53,43% et 6,12% (2019).

Appliqué au tarif horaire correspondant, le revenu « total théorique selon tarifs effectifs » par semaine s’élevait à CHF 3'812.92 en 2018 (60.21 + 3'136.24 + 616.47) et à CHF 3'864.36 en 2029 (35.75 + 3'494.50 + 334.11).

Compte tenu de 48 semaines par an, le revenu annuel « maximum » correspondant s’élevait à CHF 183'020.37 pour 2018 et à CHF 185'489.39 pour 2019, conformément aux tableaux suivants :

 

 

Pour 2018

Tarif

tarif horaire

% par tarif

Total selon tarifs effectifs

A « Evaluation et conseils »

(art. 7a al. 1 let. a OPAS)

79.80

0,75

60.21

B « Examen et traitements »

(art. 7a al. 1 let. b OPAS)

65.40

347,95

30'136.24

C « Soins de base »

(art. 7a al. 1 let. c OPAS)

54.60

11,29

616.47

Heures hebdomadaires en présence du patient

60

3'812.92

Revenu annuel maximum

48 semaines/an

183'020.37

 

Pour 2019

Tarif

tarif horaire

% par tarif

Total selon tarifs effectifs

A « Evaluation et conseils »

(art. 7a al. 1 let. a OPAS)

79.80

0,45

35.75

B « Examen et traitements »

(art. 7a al. 1 let. b OPAS)

65.40

53,43

3'494.50

C « Soins de base »

(art. 7a al. 1 let. c OPAS)

54.60

6,12

334.11

Heures hebdomadaires en présence du patient

60

3'864.36

Revenu annuel maximum

48 semaines/an

185'489.39

 

Au regard des montants facturés à l’AOS en 2018 et 2019 (respectivement CHF 320'075.55 et CHF 265'173.60), la surfacturation atteindrait toujours, en reprenant le raisonnement par l’absurde développé dans sa réplique du 26 avril 2019 (cause A/2448/2018), 10 heures par jour tous les jours durant 48 semaines par an.

41.         Par courrier spontané du 11 juillet 2022, le défendeur a indiqué que les montants mentionnés dans le courrier des demanderesses du 10 juin 2022 étaient faux et ne correspondaient pas, au demeurant, aux montants allégués dans les demandes. Les montants encaissés en 2019 s’expliquaient par un volume de travail très important et par ses « gains en efficacité ». Les prestations facturées l’avaient été sur la base des mandats OPAS validés par les assureurs, si bien qu’il ne pouvait y avoir violation du principe d’économicité. S’il n’avait pas effectué les prestations découlant des mandats OPAS, les patients concernés auraient sans aucun doute signalé la problématique. Les assureurs n’avaient pas enquêté auprès des patients. Les demanderesses n’avaient pas non plus remis en cause les perfusions effectuées. Il était donc arbitraire de retenir que lorsqu’il réalisait deux perfusions simultanément dans deux salles de soins, tout en supervisant continuellement les deux patients, seule une perfusion aurait dû être facturée, le geste ayant été effectué deux fois.

42.         Par trois courriers spontanés des 9 et 12 septembre 2022, le défendeur a maintenu l’intégralité des mesures d’instructions requises dans ses écritures dans les causes A/2448/2018, A/2044/2020, et A/2275/2021, soit en particulier son audition dans les procédures A/2044/2018 et A/2275/2021. Il a sollicité d’être informé d’un éventuel refus du tribunal de mettre en œuvre lesdites mesures, respectivement d’une éventuelle jonction des causes et du versement éventuel de pièces produites dans l’une ou l’autre de ces procédures, et requis l’octroi d’un délai pour se déterminer. En tout état, il a requis « formellement » d’être informé au préalable de la décision du tribunal de garder la cause à juger et requis un délai pour récapituler sa position au regard des résultats de l’instruction.

43.         Par courrier du 11 octobre 2022, le tribunal a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Préliminairement, vu l’identité des parties et l'étroite connexité des cas, il convient, par économie de procédure, de prononcer la jonction des causes A/2448/2018, A/2044/2020 et A/2275/2021 (art. 70 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]). Le tribunal ne rendra ainsi qu'un seul et même arrêt dans ces trois procédures sous le numéro de cause A/2448/2018.

2.         

2.1.       Selon l’art. 89 al. 1 LAMal les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).

Selon l'art. 39 al. 1 de la loi de la République et canton de Genève du 29 mai 1997 d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LaLAMal ; rs/GE J 3 05), un tribunal arbitral est chargé aux termes, notamment, de l'art. 89 LAMal de trancher les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations. Selon l'art. 41 LaLAMal, le tribunal ne peut entrer en matière avant que le cas ait été soumis à un organisme de conciliation prévu par convention ou à une tentative de conciliation conformément aux dispositions de l'art. 45 LaLAMal. Par ailleurs, l'art. 45 LaLAMal prévoit que :

« 1 Le tribunal est saisi par une requête adressée au greffe.

2 Si le cas n'a pas été soumis à un organisme de conciliation prévu par convention, le président du tribunal tente de concilier les parties.

3 En cas d'échec, le tribunal statue après avoir permis aux parties de s'expliquer, soit oralement, soit par un échange de mémoires si la nécessité s'en fait sentir, et après avoir procédé à toute mesure probatoire utile. Il établit les faits d'office et apprécie librement les preuves.

4 Les règles générales de procédure de la loi [de la République et canton de Genève] sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, s'appliquent pour le surplus, notamment en ce qui concerne la récusation des membres du tribunal et l'établissement des faits.

5 Les jugements motivés sont communiqués aux parties par écrit dans les 30 jours ( ) »

Conformément à l'art. 46 al. 1 LaLAMal, les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers (notamment indemnités de témoins, frais d'expertise, port, émoluments d'écriture), ainsi qu'un émolument global n'excédant pas CHF 15'000.-. Dans le jugement ou dans le procès-verbal de conciliation, le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (art. 46 al. 2 LaLAMal). Lorsque le tribunal est saisi d'un litige, il peut ordonner aux parties de faire les avances de frais nécessaires (art. 46 al. 3 LaLAMal).

2.2.       En l’espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l’ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal ; RS 832.102) du défendeur, installé à titre permanent dans le canton de Genève, pendant les années déterminantes 2016, 2018 et 2019, n’est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs autorisés à pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins au sens de la LAMal (cf. site internet de l'OFSP pour la liste des assureurs-maladie admis, disponible sur www.bag.admin.ch/themen/krankenversicherung/00295/11274/index.html?lang=fr).

2.3.       Le défendeur a conclu à l’irrecevabilité des demandes ratione temporis, motif pris de l’absence de conciliation préalable devant un organe paritaire, prévue par les conventions administratives conclues entre les demanderesses et l’ASI – procédure à laquelle il n’avait pas renoncé. A son avis, les dispositions des conventions administratives ont été édictées sur délégation, en application de l’art. 56 al. 5 LAMal, si bien qu’elles ont rang de droit fédéral et priment les dispositions cantonales genevoises en matière de conciliation. De leur côté, les demanderesses estiment en particulier que, soulevé trois mois après l’audience de tentative de conciliation du 9 novembre 2018, le moyen tiré d’une prétendue irrecevabilité des demandes relève de l’abus de droit.

Contrairement à ce que soutient le défendeur, - qui n’a au demeurant pas démontré sa qualité de membre de l’ASI - les conventions en cause ne prescrivent pas, impérativement, un préalable obligatoire de conciliation. Comme cela ressort, par exemple, du texte de l’art. 17 al. 1 et 2 de la Convention administrative entre l’ASI et les « assureurs signant la convention » du 31 mai 2011 (https://www.sbk.ch/files/sbk/service/freiberufliche_pflege/formulare_vertraege/Administrativvertrag_fr_tarifsuisse.pdf), il s’agit là uniquement d’une règle générale, dénuée de caractère contraignant pour les parties : « En règle générale, les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations doivent être réglés directement par les parties concernées (al. 1). Avant de procéder à un arbitrage selon l’art. 89 de la LAMal, une tentative de conciliation a lieu avec la participation de l’assureur concerné et de l’ASI pour autant que les deux parties en litige ne renoncent pas à la tentative de conciliation (al. 2) ». Semblable constat est renforcé par l’absence de toute indication d’un délai pendant lequel la procédure de conciliation devrait être initiée, ni même d’un délai dans lequel la procédure arbitrale judiciaire devrait être introduite en cas d’échec de la conciliation ou de refus d’une partie de s’y soumettre (comp. arrêt du Tribunal fédéral 4A_18/2007 du 6 juin 2007 consid. 4.3.1).

A cela s’ajoute qu’il n'existe pas, dans l’ordre juridique suisse, une tendance marquée à sanctionner la violation d'un mécanisme obligatoire préalable à l'arbitrage par une décision d'irrecevabilité ratione temporis de la demande au fond. Il semblerait plutôt qu'un courant doctrinal majoritaire se dessine, du moins en Suisse, en faveur de la suspension de la procédure arbitrale et de la fixation d'un délai aux parties pour leur permettre de réparer cette omission (comp. en matière d’arbitrage international, arrêt du Tribunal fédéral 4A_46/2011 du 16 mai 2011 consid. 3a). En matière d’assurance-maladie, le droit fédéral ne prévoit du reste plus l'obligation pour les cantons d'instaurer une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du Tribunal arbitral cantonal (arrêts du Tribunal fédéral 9C_778/2016 précité consid. 5.3 ; 4A_18/2007 précité consid. 4.3).

S’il prétend n’avoir pas renoncé à une tentative de conciliation préalable selon l’art. 17 al. 2 de la convention administrative précitée (cette disposition prévoyant également la participation de l’ASI à cette occasion), le défendeur n’a toutefois formulé aucune requête dans ce sens lors de la séance du 14 décembre 2017 avec SANTÉSUISSE, alors qu’il était assisté de deux avocats, ni même jusqu’au dépôt de la demande en justice du 13 juillet 2018, voire ultérieurement, s’il entendait réparer cette omission. Dans une telle perspective, il lui aurait du reste été loisible de se faire assister par un représentant de l’ASI déjà lors de la séance du 14 décembre 2017, en présence des assureurs concernés, respectivement des représentants de SANTÉSUISSE. C’est le lieu de rappeler que la tentative préalable de conciliation prévue par ces conventions administratives vise à éviter autant que faire se peut une saisie du Tribunal arbitral (arrêt du Tribunal fédéral K 143/03 du 30 avril 2004 consid. 8.2 in fine).

Il appert de ces considérations que le caractère obligatoire de la procédure de conciliation prévue par les conventions administratives conclues entre les demanderesses et l’ASI n'est pas avéré.

2.4.       Le serait-il que le sort à réserver au grief d’irrecevabilité ratione temporis ne s'en trouverait pas modifié pour autant.

En vertu de l'art. 2 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Ce principe vaut également dans le domaine de la procédure (ATF 132 I 249 consid. 5 ; ATF 123 III 220 consid. 4d). Il peut y avoir abus de droit, notamment, lorsque l'exercice d'un droit ne répond à aucun intérêt (ATF 123 III 200 consid. 2b). En outre, le principe de la bonne foi s'oppose à ce qu'une partie qui constate un prétendu vice de procédure ne le signale pas immédiatement, à un moment où il pourrait encore être le cas échéant corrigé, mais attende l'issue de la procédure pour l'invoquer ultérieurement si celle-ci lui a été défavorable (ATF 126 III 249 consid. 3c). Agit, dès lors, de manière abusive, la partie qui invoque le non-épuisement du préalable obligatoire de conciliation dans son recours contre la sentence, alors qu'elle ne l'avait pas proposé à l'autre partie avant l'arbitrage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_18/2007 précité consid. 4.3.3 ; consid. 4, non publié, de l'ATF 129 III 675).

En l’occurrence, contrairement à son engagement pris à l’issue de la séance du 14 décembre 2017 avec SANTÉSUISSE, et en dépit de plusieurs relances, le défendeur n’a pas fourni « les éléments pouvant justifier de son agenda et de sa facturation », alors même que son obligation de collaborer impliquait qu’il produisît de lui-même tout document déterminant se trouvant en sa possession. Le défendeur a du reste fait preuve du même défaut de collaboration devant le tribunal de céans : à l’issue de l’audience du 4 décembre 2020, il s’était engagé à fournir son agenda professionnel, avant d’annoncer, par courrier du 1er février 2021, qu’après vérification (sic), il n’avait jamais possédé un tel agenda. Il a ensuite fait valoir - à tort, comme on le verra ci-dessous - que la loi ne l’obligeait pas à communiquer au tribunal une version nominative de son agenda reconstitué pour 2016, respectivement de ses mandats OPAS pour cette année-là, et qu’il devrait préalablement être délié du secret professionnel à cet effet par « l’instance compétente ». De même, ce n’est que le 22 mars 2021, soit plus de trois ans après la séance du 14 décembre 2017 précitée, qu’il a fourni un relevé de sa facturation pour l’année 2016 établi par la Caisse des médecins le 18 mars 2021. Dans ces circonstances, on peut sérieusement douter que le défendeur ait jamais eu la réelle volonté, dont il se targue aujourd’hui, de rechercher une quelconque solution transactionnelle en l’occurrence. De ce point de vue, le grief d’irrecevabilité ratione temporis se révèle abusif.

Quoi qu'il en soit, si telle avait bien été son intention, le défendeur aurait dû la traduire dans les faits. Il ne suffisait pas, à cette fin, d'exciper de l'incompétence du Tribunal arbitral tout au long de la procédure. Au contraire, il eût fallu agir. Et la chose était possible, dès lors qu’une conciliation peut intervenir à n'importe quel moment du litige, y compris pendant une procédure arbitrale en cours, lorsque les parties souhaitent interrompre cette dernière pour explorer les possibilités de règlement amiable. Rien n'eût donc empêché le défendeur de prendre les devants et de mettre en œuvre la procédure de conciliation tout en invitant le Tribunal arbitral à suspendre temporairement la procédure conduite par lui. Au lieu de quoi, il a préféré participer à l'arbitrage, tout en se ménageant la possibilité d'invoquer ultérieurement le moyen pris du défaut de conciliation préalable. Pareille attitude n'apparaît pas conforme aux règles de la bonne foi (comp. arrêt 4A_18/2007 précité consid. 4.3.3.1).

De surcroît, trois tentatives de conciliation ont, finalement, eu lieu entre les parties les 9 novembre 2018 (cause A/2448/2018), 4 décembre 2020 (cause A/2044/2020) et 3 septembre 2021 (cause A/2275/2021) devant le tribunal de céans, entre le défendeur, assisté de son conseil, et les représentantes de SANTÉSUISSE, en application de l’art. 45 al. 2 LaLAMal. Le défendeur ne saurait ainsi, en tout état, se prévaloir d’avoir été privé d’un tel mécanisme en l’occurrence.

Mal fondé, le moyen tiré d’une absence de tentative préalable de conciliation, supposé invoqué en temps utile, est téméraire et ne peut donc qu'être rejeté.

2.5.       Le tribunal de céans est ainsi compétent ratione loci, materiae et temporis pour juger du cas d’espèce.

3.             Le litige porte sur la question de savoir si la pratique du défendeur, en sa qualité d'infirmier indépendant, pendant les années 2016, 2018 et 2019, est contraire au principe de l’économicité, et si, dans l’affirmative, celui-ci est tenu de rembourser les montants réclamés par les demanderesses.

4.         

4.1.       Le défendeur invoque la péremption des prétentions des demanderesses. Il soutient que les demanderesses n’ont pas agi dans le délai d’une année à compter du jour où sont publiées, ou auraient pu l’être, les statistiques annuelles de SASIS SA.

4.2.       Aux termes de l'art. 25 al. 2 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31décembre 2020, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le même délai s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 consid. 4.1). Il s'agit d'une question qui doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (ATF 140 V 521 consid. 2.1).

Depuis le 1er janvier 2021, le délai de péremption est porté d’un à trois ans (art. 25 al. 2 LPGA). L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 134 V 353 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_540/2014 du 5 janvier 2015, consid. 3.1). Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le délai de péremption relative ou absolue en vertu de l’ancien art. 25 al. 2 LPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle-ci reste périmée.

4.3.       Malgré la terminologie légale, il s'agit de délais (relatif ou absolu) de péremption et non de prescription (ATF 142 V 20 consid. 3.2.2). Ces délais ne peuvent par conséquent être interrompus (cf. ATF 136 II 187 consid. 6), ni suspendus et ne laissent pas subsister d'obligation naturelle (ATF 119 V 431 consid. 3a). Le délai de péremption absolu de cinq ans prévu par l’art. 25 al. 2 LPGA signifie que si le délai d’une année a été respecté, la restitution ne peut porter que sur des paiements effectués dans les cinq ans précédant la demande de restitution (ATF 112 V 180 consid. 4a).

Pour préserver le délai, il suffit de déposer une demande devant l'autorité de conciliation prévue par le droit cantonal ou les conventions tarifaires ou devant le Tribunal arbitral cantonal au sens de l'art. 89 al. 1 LAMal. Là où il n'existe pas de procédure de conciliation obligatoire et où, par conséquent, une demande doit être déposée directement devant un tribunal, le délai de péremption est sauvegardé par un acte préalable par lequel l'assureur-maladie fait valoir de manière appropriée sa créance en restitution des prestations contre le fournisseur de prestations (ATF 133 V 579 consid. 4.3.4 et 4.3.5). Si l'acte conservateur a été accompli, le délai se trouve sauvegardé, cela une fois pour toutes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/2016 précité consid. 5.1).

L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 111 V 14 consid. 3). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. A défaut, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle. Dans tous les cas, le délai de péremption commence à courir immédiatement s'il s'avère que les prestations en question étaient clairement indues (arrêt du Tribunal fédéral 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4 non publié in ATF 139 V 106). Cependant, lorsque la restitution est imputable à une faute de l'administration, on ne saurait considérer comme point de départ du délai d'une année le moment où l'erreur a été commise par l'administration, mais le moment auquel celle-ci aurait dû, dans un deuxième temps (par exemple à l'occasion d'un contrôle), se rendre compte de son erreur en faisant preuve de l'attention requise. En effet, si l'on plaçait le moment de la connaissance du dommage à la date du versement indu, cela rendrait souvent illusoire la possibilité pour l'administration de réclamer le remboursement de prestations allouées à tort en cas de faute de sa part (ATF 124 V 380 consid. 1).

Lorsque le début du délai de péremption dépend de la connaissance de certains faits, il incombe au défendeur d'établir que le délai de péremption n'est pas respecté (arrêt du Tribunal fédéral 5C.215/1999 du 9 mars 2000 consid. 6, non publié in ATF 126 III 278).

Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas arbitraire, faute d'éléments établissant le contraire, de retenir comme point de départ du délai de péremption, la date figurant sur les documents intitulés « préparation des données » et correspondant à la prise de connaissance par les caisses-maladie des statistiques légitimant leurs réclamations (arrêts 9C_593/2021 du 6 septembre 2022 consid. 3.3.3 et 9C_968/2009 du 15 décembre 2010 consid. 2.3).

4.4.       Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.             Il s’agit en l’espèce de déterminer la date à compter de laquelle court le délai de péremption du droit pour les demanderesses de réclamer les prétentions litigieuses, soit la date à laquelle elles ont eu (ou pu en avoir) connaissance des données statistiques du défendeur.

5.1.       En l’occurrence, les statistiques 2016 ont été publiées le 17 juillet 2017. Par courrier du 17 juillet 2017 adressé à SANTÉSUISSE, SASIS SA a confirmé que ces données avaient été mises à sa disposition le jour-même. Selon le défendeur, ce courrier ne confirme toutefois pas la date à laquelle les données étaient déjà disponibles, mais fait uniquement état du moment où SANTÉSUISSE les a demandées à SASIS SA. A son avis, le délai de péremption a commencé à courir non pas depuis la publication de ses statistiques, mais dès le moment où ses factures ont été traitées par les caisses-maladie ; c'est à ce moment-là que les assureurs, faisant preuve de toute l'attention que l'on pouvait exiger d'eux, auraient dû découvrir les erreurs de facturation alléguées, car ils disposaient alors de toutes les circonstances déterminantes leur permettant de réclamer le trop-perçu ; il convenait ainsi de distinguer le contrôle de l'économicité de celui du contrôle des factures.

5.2.       Il est vrai que les statistiques pour les infirmiers-ères doivent être spécifiquement demandées par SANTÉSUISSE à SASIS SA au cas par cas et que leurs données ne nécessitent pas d’être traitées comme celles des médecins (qui requièrent notamment la création de groupes de comparaison ou calcul d’indices). Dans l’ATAS/776/2016 précité, le tribunal de céans avait constaté que la date à laquelle les demanderesses ont connaissance des données relatives aux infirmiers-infirmières dépendait très étroitement de celle à laquelle elles s’en étaient inquiétées auprès de SASIS SA. Le tribunal avait toutefois déduit de différentes pièces produites par la partie défenderesse elle-même que les chiffres pertinents concernant les infirmiers-ères étaient établis en même temps que ceux concernant les médecins et avait retenu, à titre de dies a quo, les dates de publication des statistiques, singulièrement des compilations des données de l’infirmière concernée. Dans son arrêt 9C_778/2016 précité, concernant la même affaire, le Tribunal fédéral n'a pas remis en cause l’analogie ainsi opérée avec les statistiques des médecins. Il convient dès lors de procéder de même en l’espèce, en retenant la date de publication des statistiques du 17 juillet 2017 à titre de dies a quo.

Au reste, il ne s’agit pas ici de contrôler seulement une position tarifaire, - dont la facturation erronée serait, le cas échéant, reconnaissable par l'assureur déjà au moment du traitement de la facture litigieuse -, mais d’un contrôle de l’économicité d’un fournisseur de prestations, lequel requiert par définition qu’il soit procédé à une comparaison de l’activité économique du défendeur avec celle des autres infirmiers œuvrant dans le canton de Genève. Or cela nécessite de devoir traiter un nombre important de données relatives non seulement à l’infirmier concerné, mais également aux infirmiers du groupe de comparaison, opération qui prend obligatoirement du temps. Pour garantir leur objectivité et leur représentativité, il est en outre indispensable que ces données portent sur une période suffisamment longue, ce qui exclut de procéder à des comparaisons mensuelles. Il n'y a par ailleurs pas lieu de fixer un délai minimal dans lequel les données devraient être traitées et analysées, celui-ci étant déterminé par le délai de péremption absolu de cinq ans à compter du versement des prestations auquel est soumis le droit à la restitution (comp. arrêt du Tribunal fédéral 9C_821/2012 du 12 avril 2013 consid. 4.3).

Par surabondance, on observera que la prise en compte d’une date de communication des statistiques analogue à celle des médecins contribue à assurer une certaine égalité de traitement entre les infirmiers indépendants eux-mêmes.

5.3.       Le défendeur objecte que les prétentions des assurances membres du GM pour l’année 2018, soit SUPRA-1846 SA, AVENIR ASSURANCE MALADIE SA et MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA, à hauteur de respectivement CHF 6'965.10, CHF 21'412.95 et CHF 153'266.47, sont périmées, dans la mesure où le GM compilait les chiffres fournis par ses membres « en début d’année déjà », comme cela ressortait d’un courrier du GM du 21 janvier 2019.

Contrairement à ce qu’avance le défendeur, pareille pratique ne saurait se déduire dudit courrier. En effet, le GM y expose uniquement que « suite à un contrôle de vos factures, ( ) les prestations que vous avez facturées aux assurances membres du Groupe Mutuel pour les années 2017 et 2018 sont disproportionnées en comparaison à une activité à plein temps d’un infirmier indépendant ». Il faut ainsi bien plutôt considérer qu’il s’agissait-là d’un contrôle aléatoire. D’ailleurs, si le GM avait eu pour pratique de contrôler systématiquement, en début de chaque année, les factures de tous ses membres, on ne voit pas pourquoi il aurait attendu le mois de janvier 2019 pour signaler au défendeur le caractère disproportionné de sa facturation pour l’année 2017. Il n’aurait pas non plus manqué d’en faire de même, en janvier 2017, pour la facturation de l’année 2016, dont les demanderesses ont également invoqué le caractère non économique.

Quoi qu’il en soit, contrairement à l’opinion du défendeur, le Tribunal fédéral a posé que le point de départ du délai de péremption doit être fixé en se fondant sur le moment où les statistiques des factures de SANTÉSUISSE sont portées à la connaissance des assureurs-maladie, et cela quelle que soit la méthode (statistique ou analytique) sur laquelle se fonde la remise en cause du caractère économique des prestations dispensées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_21/2016 du 17 novembre 2016 consid. 6.2).

Peu importe qu’au moment d’envoyer son courrier du 21 janvier 2019, voire le 11 février 2019 au plus tard (soit à l’expiration du délai vainement fixé au défendeur pour se déterminer), le GM pût, le cas échéant, disposer d’indices d’une surfacturation pour l’année 2018, voire se faire une idée générale d’une surfacturation probable compte tenu par ailleurs de sa part de marché importante (cf. déclarations des demanderesses du 4 décembre 2020). Non seulement le défendeur n’a finalement pas fourni au GM, dans le délai imparti, les informations complémentaires « détaillées » requises, « en vue de pouvoir éclaircir (sa) situation », soit en particulier une description « très précise de (son) organisation », ou l’existence de prestations effectuées éventuellement par d’autres personnes et facturées sous son propre n° RCC. Mais encore, ce n’est qu’en prenant connaissance des statistiques 2018 que le GM aura pu corroborer avec suffisamment de certitude le caractère a priori non économique des prestations prises en charge par lui cette année-là.

Il s’ensuit que les créances des assureurs membres du GM pour 2018 n’étaient pas périmées au moment d’en prendre connaissance le 17 juillet 2019.

5.4.       Dans la mesure où le défendeur n’a pas établi à satisfaction de droit que les demanderesses disposaient, avant le 17 juillet 2017, respectivement le 17 juillet 2019 et le 11 novembre 2020, d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, singulièrement le caractère bien-fondé de celle-ci, pour les années 2016, 2018 et 2019, il y a lieu de considérer que les demanderesses, - dont la bonne foi est présumée (art. 3 al. 1 CC) -, ont, comme elles l’allèguent, eu connaissance du motif de restitution, au plus tôt, le 17 juillet 2017, respectivement le 17 juillet 2019 et le 11 novembre 2020.

Il en résulte que la demande en paiement déposée le 13 juillet 2018 auprès du tribunal de céans et portant sur l'année 2016, respecte le délai de péremption d’une année prévu à l'art. 25 al. 2 aLPGA.

Il en va de même des demandes en paiement subséquentes, déposées le 7 juillet 2020 et le 2 juillet 2021, et portant respectivement sur les années 2018 et 2019, étant précisé que, pour les prétentions afférentes à l’année 2019, le délai de péremption d’un an courant dès le 19 juillet 2020, non échu au 1er janvier 2021, a été porté à trois ans dès le 1er janvier 2021, conformément au nouvel art. 25 LPGA entré en vigueur ce jour-là.

6.         

6.1.       Le défendeur conteste la qualité pour agir des demanderesses, motif pris qu’elles n’avaient produit aucune facture prouvant qu’elles avaient effectivement versé des prestations relevant de l’AOS. Ce faisant, il a remis en cause les « Daten-Pools » listant les assureurs ayant pris en charge des prestations LAMal en 2016, 2018 et 2019.

6.2.       Selon l'art. 56 al. 2 let. b LAMal, ont qualité pour demander la restitution les assureurs dans le système du tiers-payant. Selon la jurisprudence, il s'agit de l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l'encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés. Ainsi, il ne saurait être question, dans le cadre de l'art. 56 al. 2 let. a LAMal, d'exiger de chaque assureur-maladie séparément qu'il entame une action en restitution du trop-perçu contre le fournisseur de prestations en cause ; les assureurs - représentés cas échéant par SANTÉSUISSE – peuvent introduire une demande globale de restitution à l'encontre d'un fournisseur de prestations et, à l'issue de la procédure, se partager le montant obtenu au titre de restitution de rétributions perçues sans droit (ATF 127 V 281 consid. 5d). Le fait d'agir collectivement, par l'intermédiaire d'un représentant commun, et de réclamer une somme globale qui sera répartie à la fin de la procédure ne contrevient donc pas au droit fédéral (ATF 136 V 415 consid. 3.2). Il est dès lors sans importance que certains assureurs n'aient remboursé aucun montant pendant une période déterminée. Ils ne participeront pas au partage interne (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 3.3 non publié in ATF 133 V 37, mais in SVR 2007 KV n° 5 p. 19 ; ATF 127 V 281 consid. 5d).

Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle son nom doit figurer dans la demande, ainsi que dans l'intitulé de l'arrêt. Lorsqu'un groupe d'assureurs introduit une demande globale, il peut dès lors seulement réclamer le montant que les membres de ce groupe ont payé en trop, mais non la restitution de montants payés par d'autres assureurs ne faisant pas partie du groupe, à moins d'être au bénéfice d'une procuration ou d'une cession de créance de la part de ces derniers. Dans l'hypothèse où une violation du principe d'économicité est retenue, seuls devraient être restitués par le médecin recherché les montants effectivement remboursés par les caisses-maladie parties à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 4.7). Enfin, la production, par une assurance-maladie, d'une seule facture pour l'année litigieuse suffit à admettre sa légitimation active (ATFA non publié cause K 61/99 du 8 mars 2000, consid. 4.c).

6.3.       Il est notoire que SANTÉSUISSE représente diverses caisses-maladie autorisées à pratiquer à charge de l'assurance-maladie sociale, mais cette association n'a pas qualité pour agir en son nom propre en tant que demanderesse. Toutefois, rejeter la demande de SANTÉSUISSE ou des assureurs-maladie de ce groupe, au motif que les membres du groupe n'ont pas été individuellement énoncés dans l'intitulé de la demande, ne se concilie ni avec le principe de la prohibition du formalisme excessif (cf. art. 9 et 29 al. 1 Cst.), ni avec l'obligation du tribunal d'établir, avec la collaboration des parties, les faits déterminants pour la solution du litige (art. 89 al. 5 LAMal ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 5.3.1).

6.4.       Le point de savoir si une partie a la qualité pour agir (ou légitimation active) ou la qualité pour défendre (légitimation passive) - question qui est examinée d'office (ATF 110 V 347 consid. 1) - se détermine selon le droit applicable au fond, également pour la procédure de l'action soumise au droit public. En principe, c'est le titulaire du droit en cause qui est autorisé à faire valoir une prétention en justice de ce chef, en son propre nom, tandis que la qualité pour défendre appartient à celui qui est l'obligé du droit et contre qui est dirigée l'action du demandeur (RSAS 2006 p. 46 ; ATF 125 III 82 consid. 1a). La qualité pour agir et pour défendre ne sont pas des conditions de procédure, dont dépendrait la recevabilité de la demande, mais constituent des conditions de fond du droit exercé. Leur défaut conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention du demandeur, et non pas à l'irrecevabilité de la demande (SVR 2006 BVG n° 34 p. 131 ; cf. ATF 126 III 59 consid. 1).

7.         

7.1.       En l’espèce, l’action en justice est conduite par SANTÉSUISSE, représentant douze caisses-maladie agréées pour la Suisse. On ne saurait exiger de chaque assureur qu’il entame une action en restitution du trop-perçu, de sorte que SANTÉSUISSE est autorisée à introduire une demande globale (ATAS/1118/2012 consid. 7b ; ATAS/1090/2012 consid. 7b.a).

7.2.       Chaque assureur doit avoir remboursé des factures du défendeur (arrêt du Tribunal fédéral K 30/05 du 12 mars 2007 consid. 5.2 et 6.2). La production, par une assurance-maladie, d'une seule facture pour l'année litigieuse suffit à admettre sa légitimation active (ATFA non publié cause K 61/99 du 8 mars 2000, consid. 4c), étant considéré que le contrôle de la légitimation active, par la production d'une facture, est une exigence minimale que l'on peut attendre des assureurs, exigence qui n'est de loin pas insurmontable ou contraignante (ATAS/1118/2012).

7.3.       En l’occurrence, les demanderesses ont produit trois documents nommés « Daten-Pool » pour les années 2016, 2018 et 2019, lesquels détaillent les montants pris en charge par chaque assureur, tant pour l’année en cause, que pour les coûts directs. Ce document permet de savoir quelles assurances ont pris en charge des soins pour l’année concernée et quelles assurances ne l’ont pas fait. Figurant toutes sur lesdits documents, les demanderesses sont, dès lors, habilitées à demander la restitution de l'intégralité de l'éventuel trop perçu.

Le défendeur conteste la valeur probante des « Daten-Pool ». Il n’apporte toutefois aucun élément à l’appui de sa contestation et le dossier ne contient aucun indice permettant de remettre en cause leur contenu. Or, selon la jurisprudence constante du tribunal de céans, une pleine valeur probante a depuis longtemps été reconnue aux « Daten-Pool », en l'absence d'éléments contraires rendant vraisemblable que l’une ou l’autre des caisses demanderesses n'aurait pas, pour l’année considérée, presté en faveur du fournisseur de prestations concerné, sur la base de sa propre facturation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/2016 précité consid. 6 ; ATAS/209/2018 du 9 mars 2018).

7.4.       Selon l'art. 56 al. 2 let. b LAMal, ont qualité pour demander la restitution des sommes reçues à tort, les assureurs dans le système du tiers payant. Selon la jurisprudence, il s'agit de l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs-maladie, représentés le cas échéant par leur fédération, peuvent introduire une action collective à l'encontre d'un fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés et, à l'issue de la procédure, se partager le montant obtenu à titre de restitution des rétributions perçues sans droit. Il est dès lors sans importance que certains assureurs n'aient remboursé aucun montant pendant une période déterminée. Ils ne participeront pas au partage interne (arrêt K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 3.3 non publié in ATF 133 V 37, mais in SVR 2007 KV n° 5 p. 19 ; ATF 127 V 281 consid. 5d). Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle son nom doit figurer dans la demande, ainsi que dans l'intitulé de l'arrêt. Lorsqu'un groupe d'assureurs introduit une demande globale, il peut dès lors seulement réclamer le montant que les membres de ce groupe ont payé en trop, mais non la restitution de montants payés par d'autres assureurs ne faisant pas partie du groupe, à moins d'être au bénéfice d'une procuration ou d'une cession de créance de la part de ces derniers. Dans l'hypothèse où une violation du principe d'économicité est retenue, seuls devraient être restitués par le médecin recherché les montants effectivement remboursés par les caisses-maladie parties à la procédure (arrêt 9C_167/2010 consid. 2.2).

Aussi peut-on considérer qu’il n’est pas nécessaire, sauf à faire preuve de formalisme excessif, que les demanderesses fournissent en plus une facture démontrant qu’elles sont intervenues au moins une fois en 2016, 2018 ou 2019 (comp. ATAS/440/2021 précité).

Partant, le tribunal de céans admettra la qualité pour agir des demanderesses mentionnées dans le rubrum des demandes, celles-ci étant membres de SANTÉSUISSE ou ayant produit une procuration, et ayant remboursé des coûts directs selon le « Daten-Pool » durant les années 2016, 2018 et 2019.

Par surabondance, on relèvera que les assureurs-maladie mentionnés dans le rubrum du présent arrêt sont ceux qui figurent dans le rubrum des demandes en paiement. Certes, AVANEX a fusionné entretemps avec HELSANA. Cela n'a toutefois pas d'importance, puisque la répartition interne du montant à rembourser entre les caisses demanderesses ne doit pas être spécifiée dans la demande et qu'il est donc également sans importance que le rubrum de la demande et du jugement attaqué mentionne, le cas échéant, des caisses qui ont entre-temps cessé d'exister. Dans cette mesure, les droits et obligations fondés par le présent arrêt sont transmis aux ayants droit des assureurs-maladie mentionnés dans le titre. Dans la mesure où des désignations différentes des parties résultent uniquement d'un changement de nom des caisses demanderesses, il n'y a a priori pas de changement de partie juridiquement pertinent (arrêt du Tribunal fédéral 9C_457/2009 du 10 décembre 2009 consid. 5).

8.         

8.1.       Dans la cause A/2448/2018, le défendeur a conclu à l’irrecevabilité des conclusions par lesquelles les demanderesses ont porté leur prétention initiale de CHF 126'753.- à CHF 141'247.55, puis à CHF 149'699.85, au titre de prestations surfacturées pour l’année 2016 (cf. courrier des demanderesses des 14 avril et 1er juin 2021).

La première augmentation résulte d’un calcul correctif prenant en compte la répartition prorata temporis des prestations du défendeur selon les tarifs A, B et C OPAS, telle qu’elle ressortait du relevé de la Caisse des médecins établi le 18 mars 2021, pour l’année 2016.

La seconde augmentation résulte du mode de calcul retenu par le tribunal de céans dans l’ATAS/776/2016.

8.2.       Selon la jurisprudence du tribunal de céans (ATAS/638/2019 du 3 juillet 2019), une conclusion initiale peut être amplifiée, par application analogique de l'art. 227 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272). Selon cette disposition, la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a) ou que la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b).

L’art. 230 al. 1 CPC prescrit que la demande ne peut être modifiée aux débats principaux que si les conditions fixées à l’art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et que la modification repose sur des faits ou moyens de preuve nouveaux (let. b). Il existe ainsi deux paliers : la modification libre de l’art. 227 CPC, tolérée sous réserve de connexité ou d’admission par l’adversaire, avant les premières plaidoiries, et celle qui est conditionnée par l’apparition des faits ou de moyens de preuve objectivement ou subjectivement nouveaux (Daniel WILLISEGGER, Commentaire bâlois, 3e éd., n. 3 ad art. 227 CPC). Dans le second cas, la modification des conclusions doit donc, d’une part, satisfaire aux exigences alternatives de l'art. 227 al. 1 CPC et, d’autre part, être la conséquence de faits ou de moyens de preuves nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 5A_16/2016 du 26 mai 2016 consid. 5.1). Il y a modification de la demande au sens des art. 227 et 230 CPC, soit lorsqu’une prétention jusqu’alors invoquée est modifiée, soit lorsqu’une nouvelle prétention est invoquée ; le contenu d’une prétention ressort des conclusions et de l’ensemble des allégués de fait sur lesquels elles sont fondées (ATF 139 III 126 consid. 3.2.3). Pour examiner le lien de connexité entre la conclusion nouvelle et la demande initiale, le contenu de la prétention juridique se détermine au regard de l'action ouverte, des conclusions de la demande et des faits invoqués à l'appui de celle-ci, autrement dit par le complexe de faits sur lequel les conclusions se fondent (ATF 139 III 126 consid.3.2.2). Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont admis aux débats principaux que s’ils sont invoqués sans retard et s’ils sont postérieurs à l’échange d’écritures ou à la dernière audience d’instruction (nova proprement dits ; art. 229 al. 1 let. a CPC) ou s’ils existaient avant la clôture de l’échange d’écritures ou la dernière audience d’instruction mais ne pouvaient être invoqués antérieurement bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (novas improprement dits ; art. 229 al. 1 let. b CPC).

8.3.       En l’occurrence, les conclusions additionnelles des demanderesses, qui tendent toujours à réclamer le remboursement de prestations jugées non économiques pour l’année statistique 2016, reposent sur le même complexe de faits que la demande initiale. Elles n’ont pas pour effet de délimiter ni de fixer le fondement juridique de la prétention en cause. Résultant d’un calcul plus précis d’un dommage en lien avec une même cause, la première amplification est fondée sur un moyen de preuve nouveau – soit la liste des factures encaissées du 1er janvier au 31 décembre 2016, établie le 18 mars 2021 par la Caisse des médecins et ventilant lesdites factures proportionnellement aux tarifs différenciés A, B ou C de l’OPAS. Communiqué tardivement par le défendeur, les demanderesses ne pouvaient pas se prévaloir plus tôt de ce document, qu’elles n’étaient au demeurant par légitimées à requérir d’elles-mêmes de la Caisse des médecins. Les demanderesses s’en sont par ailleurs prévalue « sans retard », soit le 14 avril 2021, après en avoir reçu un exemplaire transmis par le tribunal de céans le 30 mars précédent.

Partant, il faut admettre que la conclusion tendant au paiement de CHF 141'247.55 est recevable.

8.4.       Est irrecevable, en revanche, la conclusion amplificatrice des demanderesses tendant au paiement de CHF 149'699.85. Celle-ci se fonde en effet sur une méthode de calcul posée par l’ATAS/776/2016 du 16 septembre 2016,
– dont le bien-fondé a été confirmé par le Tribunal fédéral dans son arrêt 9C_778/2016 précité du 12 décembre 2017 –, soit antérieurement au dépôt de la demande en paiement du 13 juillet 2018. Or, dans cette dernière affaire, les demanderesses et intimées étaient pratiquement les mêmes et étaient représentées par le même mandataire, si bien qu’elles auraient déjà pu se prévaloir de ladite méthode lors du dépôt de la demande en justice, le 13 juillet 2018. Ne l’ayant pas fait en temps utile, elles sont forcloses à s’en prévaloir aujourd’hui.

9.             Subsidiairement, le défendeur a fait valoir que les conclusions additionnelles relatives à l’année 2016 étaient, en tout état, périmées, puisqu’elles avaient été formulées plus d’une année après le dies a quo du délai de péremption, lequel aurait commencé à courir, à suivre les demanderesses, le 17 juillet 2017.

Ce raisonnement ne saurait être suivi.

Comme on vient de le voir, la modification litigieuse résulte en effet d’un moyen de preuve nouveau, dont les demanderesses ne pouvaient pas avoir connaissance avant le 18 mars 2021, date à laquelle la Caisse des médecins, finalement requise par le défendeur, a établi le relevé des factures encaissées par ce dernier durant l’année 2016. Au demeurant, si le défendeur avait dûment respecté son obligation de collaborer, il aurait pu et dû, conformément au principe de la bonne foi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_16/2016 du 26 mai 2016 consid. 5.1), fournir de lui-même ce document à SANTÉSUISSE déjà à fin janvier 2018, conformément au demeurant à son engagement pris à l’issue de la séance du 14 décembre 2017, soit largement avant le dépôt de la demande en justice, le 13 juillet 2018, date à laquelle la prétention initiale des demanderesses n’était pas périmée.

10.          

10.1.   Pour établir l’existence d’une polypragmasie (Überarztung), le Tribunal fédéral admet le recours à trois méthodes : la méthode statistique, la méthode analytique ou une combinaison des deux méthodes. Les tribunaux arbitraux sont en principe libres de choisir la méthode d’examen. Toutefois, la préférence doit être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique, qui en règle générale est appliquée seulement lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut (ATFA non publié du 9 octobre 2006 consid. 4.1 ; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.1). La méthode statistique permet un examen anonyme, standardisé, large, rapide et continu de l'économicité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_570/2015 du 6 juin 2016 consid. 3.3 ; ATF 136 V 415 consid. 6.2).

10.2.   La méthode statistique ou de comparaison des coûts moyens consiste à comparer les frais moyens causés par la pratique d'un médecin particulier avec ceux causés par la pratique d'autres médecins travaillant dans des conditions semblables (ATFA K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.2). Cette méthode est concluante et peut servir comme moyen de preuve, si les caractéristiques essentielles des pratiques comparées sont similaires, si le groupe de comparaison compte au moins dix médecins, si la comparaison s'étend sur une période suffisamment longue et s'il est pris en compte un nombre assez important de cas traités par le médecin contrôlé. Il y a donc polypragmasie lorsque les notes d'honoraires communiquées par un médecin à une caisse-maladie sont, en moyenne, sensiblement plus élevées que celles des autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblable alors qu'aucune circonstance particulière ne justifie la différence de coûts (ATF 119 V 448 consid. 4b).

Pour présumer l'existence d'une polypragmasie, il ne suffit pas que la valeur moyenne statistique (indice de 100, exprimé généralement en pour cent) soit dépassée. Il faut systématiquement tenir compte d'une marge de tolérance (ATF 119 V 448 consid. 4c) et, cas échéant, d'une marge supplémentaire à l'indice limite de tolérance (RAMA 1988 n° K 761 p. 92). La marge de tolérance ne doit pas dépasser l'indice de 130 afin de ne pas vider la méthode statistique de son sens et doit se situer entre les indices de 120 et de 130 (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.2 ; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.1). La marge de tolérance sert à tenir compte des particularités et des différences entre cabinets médicaux ainsi que des imperfections de la méthode statistique en neutralisant certaines variations statistiques (arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 4.3).

10.3.   Le Tribunal fédéral a encore réaffirmé dernièrement le caractère admissible du recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné (ATF 136 V 415 consid. 6.2). Outre le fait que la méthode n'a jamais été valablement remise en cause (cf. par exemple arrêts 9C_205/2008 du 19 décembre 2008 et 9C_649/2007 du 23 mai 2008) et qu'il ne s'agit pas d'une preuve irréfragable, dans la mesure où le médecin recherché en remboursement a effectivement la possibilité de justifier une pratique plus onéreuse que celle de confrères appartenant à son groupe de comparaison (pour une énumération des particularités justifiant une telle pratique, cf. notamment ATFA non publiés K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.3 et K 9/99 du 29 juin 2001 consid. 6c), on rappellera que cette méthode permet un examen anonyme, standardisé, large, rapide et continu de l'économicité (Valérie JUNOD, Polypragmasie, analyse d'une procédure controversée in Cahiers genevois et romands de sécurité sociale n° 40-2008, p. 140 ss) par rapport à une méthode analytique coûteuse, difficile à réaliser à large échelle et mal adaptée lorsqu'il s'agit de déterminer l'ampleur de la polypragmasie et le montant à mettre à charge du médecin (ATF 99 V 193 consid. 3 ; V. JUNOD, op. cit., p. 140 ss). On rappellera encore que la méthode statistique comprend une marge de tolérance qui permet de prendre en considération les spécificités d'une pratique médicale et de neutraliser certaines imperfections inhérentes à son application (ATF 136 V 415 consid. 6.2). Selon la jurisprudence, les situations suivantes liées à la pratique médicale du médecin peuvent justifier un coût moyen plus élevé : une clientèle composée d’un nombre plus élevé que la moyenne de patients nécessitant souvent des soins médicaux (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), un nombre plus élevé de la moyenne de visites à domicile et une très grande région couverte par le cabinet (SVR 1995 p. 125 consid. 4b), un pourcentage très élevé de patients étrangers (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), une clientèle composée d’un nombre plus élevé de patients consultant le praticien depuis de nombreuses années et étant âgés (ATFA non publié K 152/98 du 18 octobre 1999) ou le fait que le médecin s’est installé depuis peu de temps à titre indépendant (réf. citée dans l’ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004).

En présence de telles particularités, deux méthodes de calcul ont été admises (arrêt non publié A. du 30 juillet 2001, K 50/00, résumé dans PJA 2005 p. 1099). D’une part, une marge supplémentaire peut être ajoutée à la marge de tolérance déterminée au préalable (SVR 2001 KV n° 19 p. 52 [K 144/97] consid. 4b, 1995 KV n° 40 p. 125 consid. 4). D’autre part, il est permis de quantifier les particularités en question au moyen de données concrètes recueillies à cette fin, puis de soustraire le montant correspondant des coûts totaux découlant des statistiques (SVR 1995 KV n° 140 p. 125 consid. 4b).

10.4.   Dans la mesure où la méthode statistique consiste en une comparaison des coûts moyens, dont le second terme repose sur des données accessibles seulement aux assureurs-maladie et à leur organisation faîtière, le médecin recherché en restitution doit avoir la possibilité de prendre connaissance des données mentionnées pour être à même de justifier les spécificités de sa pratique par rapport à celle des médecins auxquels il est comparé, faute de quoi son droit d'être entendu est violé. L'accès aux données des deux termes de la comparaison permet également aux autorités arbitrales et judiciaires amenées à se prononcer d'exercer leur contrôle (ATF 136 V 415 consid. 6.3.1). À cet égard, les droits du médecin recherché pour traitements non économiques ont été renforcés. C'est ainsi qu'en plus des informations dont il a la maîtrise dans la mesure où elles résultent de sa propre pratique, le médecin considéré doit avoir accès à ses propres données traitées par SANTÉSUISSE ainsi qu'à certaines données afférentes aux membres du groupe de comparaison, soit le nom des médecins composant le groupe de référence et, sous forme anonymisée, la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, à savoir les mêmes données anonymisées que celles produites par SANTÉSUISSE le concernant pour chacun des médecins du groupe mentionné (« données du pool de données SANTÉSUISSE »).

10.5.   Contrairement à la méthode statistique qui s'appuie essentiellement sur la comparaison chiffrée des médecins, la méthode analytique entre dans le détail de la pratique du médecin soupçonné de polypragmasie (V. JUNOD, op.cit., p. 137). Lorsque le tribunal arbitral décide d'appliquer cette méthode, il ordonne la sélection d'un nombre représentatif de dossiers du médecin concerné (RAMA 1987 p. 349s). Le tribunal décide s'il examine lui-même ces dossiers ou s'il les confie à un ou plusieurs médecins mandatés à titre d'expert. L'expert examine en détail le contenu des dossiers afin de déterminer si chaque décision du médecin était correcte dans le cas particulier. Le médecin mis en cause doit généralement soutenir activement le travail de l'expert. Il a ainsi l'opportunité de discuter les cas considérés a priori douteux par l'expert et d'apporter ses justifications (ATFA non publié K 124/03 du 16 juin 2004 consid. 6 et 7 ; ATFA non publié K 130/06 du 16 juillet 2007 consid. 5 ; V. JUNOD, op. cit., p. 138).

10.6.   D'après la jurisprudence, une pratique non économique constitutive de polypragmasie doit être niée dans le cas où les traitements ont été pour la plupart approuvés de manière spécifique par les assureurs. Les garanties de prise en charge par l'assureur ne représentent pas seulement des garanties de remboursement des coûts, mais comprennent également la confirmation du caractère économique du traitement correspondant (arrêts du Tribunal fédéral 9C_180/2021 du 22 juin 2022 consid. 3.2 et 9C_570/2015 du 6 juin 2016 consid. 7.2).

D'après la jurisprudence, une pratique non économique constitutive de polypragmasie doit être niée dans le cas où les traitements ont été pour la plupart approuvés de manière spécifique par les assureurs (respectivement les médecins-conseils de ceux-ci). Les approbations ne représentent pas seulement des garanties de remboursement des coûts, mais comprennent également la confirmation du caractère économique du traitement correspondant (arrêts Tribunal fédéral 9C_570/2015 du 6 juin 2016 consid. 7.2 ; TFA K 994 du 23 avril 1999 consid. 5c in RAMA 1999 p. 320). Dans de telles circonstances, il n'y a plus de place pour une restitution ultérieure selon la méthode RSS (arrêt TFA K 994 du 23 avril 1999 consid. 5e in RAMA 1999 p. 320). Lorsqu'au contraire, la plupart des traitements n'a pas été cautionnée expressément par les assureurs, la méthode statistique peut servir à déterminer le caractère économique ou non de la pratique du praticien en question. Cela étant, d'après EUGSTER, il y a alors lieu d'exclure les traitements approuvés spécifiquement et de recalculer l'indice du médecin sur la base de ses autres notes d'honoraires (cf. EUGSTER, KVG : Statistische Wirtschaftlichkeitsprüfung im Wandel, in Jusletter vom 25. Juni 2012, n. 32). En effet, ces traitements ont contribué aux indices du médecin et à son coût moyen par patient. Il serait dès lors contradictoire et contraire au principe de la bonne foi de ne pas les exclure, d'une manière ou d'une autre, du montant soumis à restitution. Il appartient à l’assureur d’établir le montant réclamé au titre de la pratique non économique du prestataire de soins (cf. arrêt TFA K 124/03 du 16 juin 2004 consid. 6.2). Peu importe en revanche que le prestataire de soins n'ait pas de sa propre initiative abordé les assureurs concernés pour leur demander une garantie de prise en charge ; seul est déterminant l'accord express donné ou non - ensuite - par les assureurs pour les traitements en question (arrêt du Tribunal arbitral du canton de Fribourg ARB 2019 1 du 12 octobre 2021 consid. 9.1).

10.7.   Le Tribunal établit les faits d'office et apprécie librement les preuves (art. 45 al. 3 LaLAMal). L’autorité peut aussi inviter les parties à la renseigner, notamment à se prononcer sur les faits constatés ou allégués, selon l’art. 24 al. 1 LPA. La maxime d’office n’implique ainsi pas que l’autorité saisie doive établir seule les faits. L'instruction repose aussi sur la coopération des parties, lesquelles sont tenues, de leur côté, conformément à leur devoir de collaborer, de produire tout document se trouvant en leur possession en lien avec des faits déterminants pour la décision (arrêt K 148/2004 du 2 décembre 2005, consid. 5.4.2).

Selon la maxime inquisitoire qui régit la procédure devant le tribunal arbitral des assurances, il appartient au tribunal arbitral d'établir les faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires (art. 89 al. 5 LAMal). Cette maxime doit être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, autrement dit d'étayer leurs propres thèses en renseignant le juge sur les faits de la cause et en lui indiquant les moyens de preuve disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître. Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2).

Le degré de preuve dans les actions selon la LAMal, en particulier celle pour polypragmasie, est celui de la vraisemblance prépondérante. Ce standard est plus élevé que la simple vraisemblance, mais nettement moins élevé que la preuve exigée en matière civile et a fortiori pénale (V. JUNOD, op. cit., p. 33).

10.8.   Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 143 V 71 consid. 4.1). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

11.         Dans son arrêt du 16 septembre 2016 précité (ATAS/776/2016), le tribunal de céans a considéré que la liste des 117 infirmiers-ères du canton de Genève, dont les prestations avaient été remboursées par l’assurance obligatoire des soins de 2009 à 2013, constituait une base valable permettant d'appliquer la méthode statistique. Il a toutefois constaté qu'un correctif devait être apporté s'agissant du taux d’activité de ces infirmiers-ères, consistant à retirer du groupe de contrôle les cas dans lesquels l’exercice d’une activité partielle était plus vraisemblable. Il n'a ainsi pris en considération que les infirmier-ères ayant facturé les plus hauts montants (ou plus de CHF 100'000.-). Il est arrivé aux résultats suivants : 6 en 2009, 5 en 2010 et 2 en 2013. Il a jugé que ces résultats, plus restreints, restaient néanmoins significatifs vu le critère retenu (plus de CHF 100'000.-) pour disposer d'une base de comparaison pertinente. En outre, le Tribunal arbitral a implicitement admis le volume de travail maximal théorique de 60 heures par semaine, 48 semaines par an, allégué par les demanderesses. Cette méthode a été confirmée par le Tribunal fédéral dans son arrêt 9C_778/2016 précité.

Dans son recours au Tribunal fédéral contre cet arrêt, la défenderesse avait affirmé que les conditions posées par la jurisprudence pour admettre l'emploi de la méthode statistique n'étaient dans son cas pas réunies, parce que le taux d'occupation des infirmières pris en considération était inconnu et le volume annuel de facturation fixé par le Tribunal arbitral à CHF 100'000.- arbitraire, parce que celui-ci avait ignoré l'exigence d'une taille minimale de dix personnes pour le groupe de comparaison, et parce qu'il n'avait pas pris les spécificités de sa pratique en considération.

Le Tribunal fédéral a toutefois estimé que la méthode statistique ou de comparaison des coûts moyens mise en œuvre par la juridiction arbitrale, consistant à comparer les frais moyens causés par la pratique d'un fournisseur de soins avec ceux causés par la pratique d'autres fournisseurs de soins travaillant dans des conditions semblables, n'était pas critiquable. Le Tribunal arbitral avait certes retenu un groupe de comparaison restreint, limité à deux infirmières, mais le volume de facturation moyen pris en considération équivalait, pour une activité exercée sur 52 semaines, soit toute l’année, à un volume hebdomadaire de prestations compris entre 35 heures et 51 heures, lequel ne comprenait même pas les temps de déplacement, de formation, de repos (congés et vacances) et de gestion, et qu'il avait au surplus ajouté une marge de tolérance de 30%, ce qui portait la limite du volume de prestations à un horaire hebdomadaire compris entre 45 et 67 heures. On ne voyait dès lors pas pour quel motif la recourante serait lésée par le groupe de comparaison ainsi créé.

Le Tribunal fédéral a par ailleurs relevé que la recourante ne contestait pas les constatations des premiers juges, selon lesquelles les heures qu'elle avait facturées étaient « d'une façon générale, très largement au-dessus du nombre d'heures qu'il est possible d'imaginer qu'une personne puisse accomplir, sur un long terme qui plus est ». Cette dernière n’avait du reste fourni aucune facture ou relevé permettant de justifier sa pratique tout au long de la procédure de première instance et n’avait pas prétendu, ni a fortiori établi, que l'autorité précédente aurait fait preuve d'arbitraire sur ce point. Cette dernière n’avait du reste pas mis en doute le dévouement de la recourante pour ses patients, généralement âgés de plus de 80 ans, ni que ceux-ci réclamaient que davantage de temps leur fut consacré (arrêt 9C_778/2016 précité consid. 7.3.2).

Le Tribunal fédéral en a conclu que la mise en œuvre d'une expertise analytique ne se justifiait pas et qu'il n'avait pas à s'écarter du résultat auquel était parvenue l'autorité cantonale.

12.         En l’occurrence, le défendeur a contesté le volume de travail maximum allégué par les demanderesses. Il n’a toutefois pas produit son agenda professionnel pour l’année 2016 (ni d’ailleurs pour les années 2018 et 2019), affirmant, après vérification, n’en avoir jamais possédé. En lieu et place, il a produit son « calendrier professionnel » pour 2016, qu’il a reconstitué, selon ses dires, « au moyen de différents documents, dont ses mandats OPAS » (cf. courrier du 1er février 2021). Ce document ne mentionne, toutefois, aucune heure de rendez-vous – ce qui est pourtant la vocation principale d’un agenda professionnel –, ni même les noms complets des patients traités, mais seulement leurs initiales. A cet égard, le défendeur a soutenu qu’il n’était pas nécessaire pour lui d’inscrire dans un agenda précisément et systématiquement chaque rendez-vous, dès lors qu’il traitait un nombre limité de patients auxquels il prodiguait les mêmes soins sur une base régulière, continue et prolongée. Cette explication ne saurait convaincre. Il n’est pas réaliste qu’un prestataire de soins - qui compte de surcroît deux assistantes administratives - ne dispose pas d’un agenda professionnel pour la gestion (fixation, annulation ou report) des consultations de ses patients.

Le défendeur s’est également opposé à la production d’un « calendrier professionnel » mentionnant le nom de ses patients, motif pris que, selon la législation applicable, « l’ordre de production du tribunal de céans ne le relevait pas automatiquement de son secret professionnel ». Contrairement à ce que le défendeur soutient, le tribunal de céans a le droit de requérir la production de documents soumis au secret professionnel dans le cadre d'un litige portant sur l'économicité des prestations (art. 56 LAMal) (art. 42 al. 3, 84 et 84a LAMal, 17 al. 2 de la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 ; ATF 131 II 413 consid. 2.3 et ATF 133 V 359). La jurisprudence a d'ailleurs admis qu'il était conforme au principe de la proportionnalité de soumettre au tribunal arbitral l'ensemble des dossiers médicaux, correspondances et autres pièces, à l'occasion d'un examen du caractère économique de traitements (arrêt K 90/01 du 27 novembre 2001 consid. 3, in SVR 2002 KV n° 31 p. 111). Il incombe toutefois au tribunal arbitral de s'assurer que les documents requis ne soient utilisés que dans ce cadre et qu'ils ne soient pas transmis à des tiers non autorisés à les recevoir (cf. ATF 133 V 359 consid. 7 p. 364, consid. 8.3) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_812/2016 du 30 décembre 2016 consid. 3.3, dans lequel la recourante soutenait également qu'aucune disposition légale, de rang fédéral ou cantonal, ne permettait aux médecins d'être déliés de leur secret professionnel dans le cadre d'une procédure arbitrale portant sur l'économicité de traitements). Au reste, il ne s’agit pas ici de renseignements d’ordre médical, lesquels ne seraient d’ailleurs pas opposables aux assureurs concernés (cf. art. 42 al. 4 LAMal), mais uniquement d’indications devant permettre de déterminer la durée et la fréquence des prestations de soins selon l’art. 7 al. 2 OPAS.

Force est ainsi de constater que ce « calendrier professionnel », reconstitué après coup par le défendeur, et ne contenant aucune donnée permettant de vérifier le temps consacré aux patients, ni la nature des prestations en cause, - singulièrement le bien-fondé des prestations facturées -, est totalement dénué de valeur probante.

A l’inverse, la lecture d’un agenda professionnel – original et complet - aurait normalement permis au tribunal de céans de vérifier l'ampleur des prestations par patient alléguées, ainsi que le nombre d'heures effectuées par jour, enfin de comparer les heures de consultation notées dans son agenda avec les heures facturées (comp. ATAS/440/2021 précité consid. 11), et, le cas échéant, déterminer une marge de tolérance liée à l’arrondissement du temps, le TARMED permettant de facturer chaque minute entamée de la dernière unité de temps sur cinq minutes (cf. Décisions CPI TARMED Numéro 05048 du 4 janvier 2006, état au 1er décembre 2020 ; https://www.fmh.ch/files/pdf25/decisions-cpi-tarmed-version-2.0.pdf) ; voir aussi arrêt du Tribunal fédéral 9C_322/2018 du 20 février 2019 consid. 4.3.1). Le Tribunal aurait également pu vérifier dans quelle mesure le défendeur avait fourni des prestations simultanément à plusieurs patients, singulièrement si celui-ci avait facturé son temps à double ou plus. D’un autre côté, la production de son agenda professionnel aurait permis au défendeur, le cas échéant, d'étayer ses affirmations relatives à son volume de travail, étant rappelé qu'il lui appartenait de mettre en évidence, pièces à l'appui, à tout le moins, des indices effectifs dans ce sens (comp. arrêt du Tribunal fédéral 9C_150/2020 du 12 juin 2020, consid. 4.4).

A l’exception d’un seul mandat OPAS expressément accepté par la CSS ASSURANCE le 19 avril 2016, versé au demeurant sous forme anonymisée, le défendeur n’a pas davantage fourni, toujours en violation de son obligation de collaborer, les mandats médicaux qui auraient été acceptés par les assureurs, ni du reste les « différents documents, dont ses mandats OPAS » qui auraient servi à la confection du « calendrier professionnel » au prétexte que le tribunal de céans n’était pas autorisé à en requérir la production faute d’avoir été préalablement délié du secret professionnel par la « commission du secret professionnel » - procédure que l’intéressé n’a du reste jamais initiée de lui-même. Le défendeur s’est limité à affirmer à cet égard, non sans une certaine contradiction, « qu’il n’était pas possible de reconstituer son emploi du temps a posteriori de façon plus précise, sauf à devoir procéder à des recoupements et recherches dont la réalisation impliquerait une allocation de temps et de ressources manifestement disproportionnées ». Or, comme déjà dit, la maxime inquisitoire trouve sa limite dans l’obligation de collaborer des parties. Dans ces conditions, et quand bien même les demanderesses n’ont, de leur côté, pas prétendu ne pas avoir délivré de garanties de prise en charge, il n’y a pas lieu d’ordonner la production de ces pièces – dont l’examen, comme le soutient le défendeur, ne permettrait du reste pas de déterminer précisément l’ampleur de son activité, sauf à devoir procéder à des recoupements et recherches dont la réalisation impliquerait une allocation de temps et de ressources manifestement disproportionnées. Au demeurant, en l’occurrence, ce n’est pas tant la réalité (et la qualité) des soins accordés sur mandats OPAS par le défendeur (que les demanderesses ne remettent pas en cause) qui est contestée que la manière de facturer ses prestations : en particulier, une prestation fournie simultanément à plusieurs patients doit-elle être remboursée cumulativement ? Le défendeur a-t-il indûment procédé à des arrondis dans sa facturation ? De ce point de vue, la production de mandats OPAS acceptés par l’assureur n’apparaît, en toute hypothèse, guère déterminante.

13.     

13.1.   Concernant l’année 2016, les demanderesses ont réclamé le paiement de CHF 126'753.- correspondant à la différence entre le montant de CHF 318'561.- versé au défendeur au titre de l’AOS et le revenu annuel maximum de CHF 191'808.-. Selon elles, l’intéressé pouvait théoriquement réaliser ce revenu sur la base d’une activité exercée en dispensant les trois catégories de soins prévues à l'art. 7a al. 1 let. a, b et c OPAS, à raison de 20 heures chacune (soit 3 x 20 heures par semaine), 48 semaines par année. Ce faisant, elles ont procédé à un calcul plutôt favorable au défendeur, dans la mesure où elles n’ont pris en considération que quatre semaines de vacances par année en tout, sans même ajouter quoi que ce soit pour le temps consacré à la formation continue, aux déplacements ou l’administration, par exemple, et un nombre d’heures hebdomadaire relativement élevé (60 heures), soit 10 heures par jour, 6 jours sur 7.

13.2.   Le défendeur conteste l’utilisation par SANTÉSUISSE d’une méthode propre de comparaison, qu’il qualifie de « schématique », car tenant compte d’un revenu maximal théorique, fondé sur une division arbitraire des trois types prestations prévus par l’art. 7 al. 2 OPAS (tarifs A, B et C), à raison de 20 heures hebdomadaires chacune, soit 60 heures en tout par semaine, durant 48 semaine par an.

Cette argumentation est caduque, du moins en partie, puisque les demanderesses ont, entretemps, procédé à une répartition différenciée des tarifs A, B et C, après avoir pris connaissance des relevés de facturation détaillés fournis par la Caisse des médecins pour les années 2016, 2018 et 2019.

13.3.   Le défendeur a contesté avoir indûment procédé à des arrondis dans sa facturation. Les divisions des tarifs A, B et C en sous-catégories dans ses factures étaient opérées exclusivement à des fins de transparence ; les mandats OPAS qui lui était délivrés décrivaient plus précisément les différentes prestations de soins à administrer en ayant recours à des désignations qui ne se limitaient pas aux trois catégories de tarif. Il appliquait le temps effectif pour chaque tarif lors d’une même intervention et le cumulait avec un seul arrondi aux 5 minutes supérieures. L’indication du temps de 5 minutes dans sa grille de facturation ne signifiait pas qu’il arrondissait chaque acte à 5 minutes s’il était effectué lors d’une même intervention, mais simplement que l’unité de facturation était de 5 minutes.

Pareille explication n’apparaît pas convaincante, déjà parce qu’on ne saisit pas l’intérêt de rappeler, après chaque acte énuméré dans les tarifs respectifs, que l’unité de facturation correspondante est de 5 minutes, - si ce n’est, en réalité, aux fins de facturation. Le défendeur n’a du reste pas contesté le reproche formulé par les demanderesses selon lequel il surfacturait des actes simples qui ne nécessitaient pas de longues durées, soit systématiquement 15 minutes, chaque jour, pour vérifier les signes vitaux (tension artérielle, pouls, respiration, poids) du patient selon l’art. 7 al. 2 let. b OPAS.

Même s’il n’est pas démontré que le défendeur a procédé systématiquement à des arrondis de temps injustifiés tout au long de l’année, il s’agit là néanmoins d’indice corroborant une surfacturation.

13.4.   Un élément supplémentaire de surfacturation pour 2016 réside dans le fait que, jusqu’à la mi-juillet 2016 en tout cas, le défendeur, comme il l’a expliqué lui-même lors de la séance du 14 décembre 2017 avec SANTÉSUISSE, pratiquait des entretiens psychiatriques de groupe de six patients (1 séance de 45 minutes x 6). Or un tel procédé est contraire au « principe du diviseur commun » prévu par le TARMED, qui prescrit une facturation proportionnellement au nombre de participants (cf. par ex. en matière de psychothérapie de groupe : https://www.tarmed-browser.ch/fr/prestations/02.0050-diagnostic-et-therapie-psychiatriques-therapie-de-groupe-par-periode-de-5-min).

Dans le même sens, on relèvera que le TARMED limite la durée d’une séance psychothérapie de groupe à 105 minutes (21 x 5 min), celle d’un entretien individuel étant limitée à 75 minutes. Autrement dit, la durée d’une séance de groupe n’est pas multipliée par le nombre de patients y participant. En revanche, le TARMED limite la durée des séances de thérapie en fonction du nombre de participants (thérapie individuelle – premier entretien 90 min., puis 75 min. ; thérapie de couple, thérapie familiale et thérapie de groupe 105 min. par séance) (ibid).

13.5.   Le défendeur objecte encore que la mise en place d’un centre infirmier lui permettait de traiter plus de patients que ses collègues. Il disposait en particulier de quatre salles de soins (trois salles après 2019), ce qui lui permettait d’effectuer quatre perfusions simultanément, comme en système hospitalier. En toute hypothèse, dans le cadre de la comparaison avec le revenu des autres infirmiers, il convenait de tenir compte des charges qu’il supportait en lien avec la structure qu’il avait créée, dont les salaires de deux assistantes administratives, les loyers des locaux et les « appareils nécessaires ».

D’emblée, on relèvera que la comparaison avec la facturation appliquée par un centre hospitalier est inopérante, déjà parce que les conventions tarifaires conclues spécifiquement entre assureurs et hôpitaux ne sauraient s’appliquer, sans autre, à des prestations médicales ambulatoires, de surcroît sans accord préalable des parties concernées.

Ensuite, l’argumentation du défendeur revient à faire supporter à l’AOS, singulièrement aux assurés, les investissements financiers (librement) consentis par un fournisseur de prestations en tant que chef d’entreprise, ce qui n’est pas admissible. Au demeurant, les buts de la LAMal, notamment la maîtrise des coûts, seraient aisément contournés s'il suffisait aux fournisseurs de prestations, pour y échapper, de se regrouper en un seul cabinet tout en y fournissant des prestations quantitativement et financièrement largement supérieures à celles usuellement accomplies par un seul poste de praticien (comp. arrêt GE.2019.0107 du Tribunal cantonal vaudois, Cour de droit administratif et public, du 4 mai 2020 consid. 5.c.aa).

A cela s’ajoute que les prestations en causes sont facturées à l’heure, soit au temps consacré (art. 7 al. 1 let. a OPAS) et non à l’acte. Dans le système du tarif au temps, c’est le temps effectivement consacré par le médecin à la fourniture de la prestation au patient qui est facturé. Dans le système à l’acte, le temps effectivement consacré par le médecin à la fourniture de la prestation ne joue pas de rôle ; la durée mentionnée dans la description de la position est une valeur moyenne (cf. Décisions CPI TARMED du 1er décembre 2020 Numéro 05048 ; https://www.fmh.ch/files/pdf25/decisions-cpi-tarmed-version-2.0.pdf.). Si, pour les positions du tarif à l’acte, les chiffres d’affaires et le revenu peuvent être améliorés par des gains de productivité (temps réel inférieur au minutage), cela n’est toutefois pas possible pour les positions tarifaires en unités de temps (cf. Rapport du Contrôle fédéral des finances, « Tarmed - le tarif des prestations médicales ambulatoires, Evaluation de la réalisation des objectifs et du rôle de la Confédération », 3 décembre 2010 : https://www.aramis.admin.ch/Texte/?ProjectID=25577). Autrement dit, dans le système du tarif au temps si, dans un même laps de temps, un prestataire (parce qu’il est, par hypothèse, particulièrement rapide ou que l’organisation de son activité le lui permet) parvient à traiter plusieurs patients à la fois, il ne saurait facturer son temps à double (voire au quadruple comme en l’espèce), faute de quoi la fourniture de prestations n’est pas économique. On pourrait d’ailleurs se demander si un éventuel gain en économicité résultant de l’infrastructure mise en place par le défendeur ne devrait pas, en tout état, bénéficier in fine à l’assureur, respectivement à l’assuré (comp. art 56 al. 3 LAMal concernant l’obligation pour le fournisseur de prestations de « répercuter sur le débiteur de la rémunération les avantages directs ou indirects qu’il perçoit » – soit les rabais perçus par exemple en raison du volume d’activité/de patients que structure de soins mise en place par le fournisseur de prestations aura, précisément, permis de générer).

C’est le lieu de rappeler que ce n’est que lorsqu’une surveillance ininterrompue d’une perfusion se montre médicalement nécessaire que la totalité du temps qui y a été consacré est facturable, au sens où l’entend l’art. 7 al. 2 lit. b ch. 9 OPAS (« surveillance de perfusions, de transfusions ou d’appareils servant au contrôle et au maintien des fonctions vitales ou au traitement médical ») (cf. décision de la Commission de conciliation ASI - santésuisse du 10 juillet 2003, Cas Nr. 03/2003 (https://www.sbk.ch/files/sbk/service/freiberufliche_pflege/einigung/faelle/03-2003-fr.pdf). A contrario, si une surveillance continue n’est pas médicalement nécessaire, elle ne saurait donc être considérée comme une prestation économique, ni, partant, être prise en charge par l’AOS.

Autrement dit, un seul infirmier ne saurait, à peine d’avoir le don d’ubiquité, prétendre assurer simultanément une surveillance continue ou constante – médicalement nécessaire – des perfusions des quatre patients se trouvant dans des salles de soins séparées, alors qu’il s’agit d’une prestation devant nécessairement être fournie en présence du patient (cf. dans ce sens ATAS/440/2021 précité consid. 13). En effet, dans un tel cas de figure, une surveillance ininterrompue du patient implique de pouvoir intervenir immédiatement et efficacement, en cas d’urgence ou de nécessité. Pareil suivi ne pourrait manifestement pas être assuré en cas de complication survenant simultanément chez plusieurs patients.

13.6.   Contrairement à ce qu’affirme le défendeur, on ne voit pas que sa patientèle serait différente de celle des autres infirmiers du groupe de comparaison, respectivement que les pathologies traitées (notamment psychiques ou gériatriques) différeraient fondamentalement de celles de ses collègues.

13.7.   Quant à l'allégué selon lequel les soins qu’il prodiguait de manière ambulatoire avaient permis d'éviter nombre d’hospitalisations, de sorte « que les gains en termes d’économicité étaient considérables », il n'est pas prouvé. On ne voit du reste pas quelles mesures d’instruction permettraient en l'espèce de démontrer les séjours hospitaliers prétendument évités (cf. à propos des données statistiques manquantes dans ce contexte : ATF 144 V 79 consid. 6.3 et arrêt du Tribunal fédéral 9C_517/2017 du 8 novembre 2018 consid. 6.3). En tout état, cela ne dispenserait pas le défendeur de s'en tenir à ce qui était exigé par l'intérêt de l'assuré et par le but du traitement, ainsi que l'exige l’art. 23 LAMal (ATF 119 V 448 consid. 5a ; arrêt K 143/03 précité consid.4.5.3).

13.8.   Quand bien même la structure de soins mise en place par le défendeur pourrait contribuer à dégager du temps supplémentaire pour lui permettre de soigner davantage de patients, il est difficilement concevable que celui-ci ait travaillé plus de 13,45 heures par jour (soit 96,20 heures par semaine), durant 366 jours par an en 2016 (= 5’029,75 : 366), et cela sans même compter le temps de déplacement nécessaire aux visites à domicile de ses patients, lesquelles correspondent à 45 à 50% de ses consultations journalières.

Pareil taux d’activité est manifestement exagéré.

13.9.   Enfin, que le défendeur ait soigné quelques patients 7 jours sur 7 ne change rien à l’appréciation qui précède.

13.10.         Les considérations qui précèdent conduisent à conclure que le défendeur n'a pas respecté le principe de l'économicité pour l'année 2016.

13.11.         Elles s’appliquent mutatis mutandis pour les années 2018 et 2019.

14.         Il convient maintenant de déterminer le montant que le défendeur doit rétrocéder aux demanderesses pour l’année 2016.

14.1.   Les demanderesses ont allégué que le volume de prestations du défendeur ne pouvait raisonnablement excéder 60 heures par semaine et 48 semaines par an.

Il n’est toutefois pas inconcevable qu’un infirmier indépendant puisse travailler au--delà de cet horaire et sans prendre de vacances ni jour de repos durant l’année, comme le soutient le défendeur. Les demanderesses n’ont pas étayé plus avant leur argument selon lequel, d’une manière générale, l’évaluation d’économicité des infirmiers indépendants se faisait sur la base d’un « volume maximum facturable calculé en collaboration avec l’ASI » (cf. PV de la séance du 14 décembre 2017). De son côté, le défendeur a affirmé avoir travaillé 12 à 13 heures par jour, 6 jours sur 7, voire 7 jours sur 7, cette année-là. Toutefois, selon le relevé de la Caisse des médecins du 18 mars 2021, celui-ci a facturé 5'029,75 heures, ce qui correspond à un horaire théorique, supérieur, de 13,45 heures par jour, tous les jours, ce qui ne cadre pas avec ses déclarations. De même, ses explications concernant le début et la fin de ses activités et son temps de pause n’ont pas été constantes (comp. procès-verbal de la séance avec SANTÉSUISSE du 14 décembre 2017 et mémoire de réponse du 7 février 2019), ni non plus été démontrées à satisfaction de droit (cf. ci-dessus, consid. 12).

Cela étant, et dans la mesure où la preuve d’un fait négatif – à savoir que le défendeur n’a pas pu travailler, comme soutenu par les demanderesses, au-delà de 60 heures par semaine et plus de 48 semaines par an - est difficile à apporter, le tribunal de céans retiendra, comme étant démontré au degré de la vraisemblance prépondérante en l’occurrence, un volume de prestations maximum que le Tribunal fédéral a considéré comme étant exempt d’arbitraire dans son arrêt 9C_778/2016 précité (consid. 7.3.1), à savoir un horaire de 67 heures par semaine, 52 semaines par an, soit 9,30 heures par jour, tous les jours de l’année, sans même les temps de formation, de repos, de gestion ou de déplacement au domicile des patients – les coûts de ces derniers n’étant pas inclus dans le catalogue de prestations figurant à l’art. 7 al. 2 let a à c OPAS, auquel l’art. 7 a al. 1 OPAS renvoie (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_228/2011 du 23 juin 2012 consid. 3.2.5).

La Haute Cour a en effet constaté dans cet arrêt que le volume de facturation moyen pris en considération par la juridiction arbitrale équivalait, dans l’hypothèse de 52 semaines de travail par an, à un volume hebdomadaire de prestations compris entre 35 heures (sur la base du tarif A le plus élevé de CHF 79.80) et 51 heures (sur la base du tarif C le moins élevé de CHF 54.60), lequel ne comprenait même pas les temps de déplacement, de formation, de repos, de vacances ou de gestion et que le Tribunal arbitral avait au surplus ajouté une marge de tolérance de 30%, ce qui portait la limite du volume de prestations à un horaire hebdomadaire compris entre 45 et 67 heures.

C’est le lieu d’observer, en réponse à l’argument du défendeur, qu’il s’infère de cet arrêt que le Tribunal fédéral a implicitement admis la possibilité de définir un horaire de travail annuel maximal admissible, respectivement un revenu annuel maximal admissible, au-delà duquel il doit être considéré que les prestations facturées par un prestataire de soins relèvent de la polypragmasie, sans pour autant qu’on puisse y voir une violation du principe de la liberté économique (ATAS/209/2018 du 9 mars 2018 consid. 8c, 10b et 10c).

Le volume hebdomadaire maximum retenu en l’occurrence (67 heures) est d’autant plus favorable au défendeur qu’il prend en compte exclusivement (100%) des prestations relevant du tarif C, soit le moins élevé (ce qui augmente d’autant son volume d’activité possible), alors que les prestations fournies en l’espèce au titre du tarif C représentent en réalité seulement 38,92% de son activité en 2016, respectivement 11,29 % en 2018 et 6,12% en 2019.

14.2.   Le montant ainsi dû aux demanderesses pour 2016 s’établit comme suit.

Selon le relevé de la Caisse des médecins du 18 mars 2021, le total des heures payées au défendeur s’est élevé à 5'029.75 heures cette année-là. En appliquant le nouveau pourcentage, plus précis, calculé en fonction du temps dévolu aux prestations correspondant aux tarifs A, B et C (respectivement 2,58%, 58,49% et 38,93%), à une durée hebdomadaire de 67 heures (au lieu de 60), on obtient un revenu hebdomadaire de CHF 4'125.- [67 x (3'694 : 60)]. Compte tenu de 52 semaines par an, on obtient un revenu annuel maximum de CHF 214'500.-. En déduisant cette somme du montant encaissé de CHF 318'561.-, on obtient un solde de CHF 104'061.- (318'561 – 214'500.-), dû à titre de rétrocession d’honoraires indus.

C’est le lieu d’observer que le revenu annuel maximum de CHF 214'500.- est également favorable au défendeur, dans la mesure où ce montant comprend, en partie du moins, des prestations surfacturées, tant en ce qui concerne les entretiens psychiatriques de groupe que pour des perfusions effectuées simultanément ; cf. ci-dessus, consid.13e) – prestations que les demanderesses n’ont toutefois pas chiffrées.

En lien avec l’argument soulevé par le défendeur dans ses déterminations du 21 juin 2021 (ci-dessus, § 25), on relèvera que la restitution de ce montant de CHF 104'061.- ne le privera pas de tout revenu pour 2016, dans la mesure où il a réalisé un revenu net de CHF 164'737.- cette année-là, le solde s’établissant à CHF 60'676.- (= 164'737 - 104'061).

En tout état, la restitution du montant de CHF 104'061.- que le défendeur a facturé en violation du principe de l'économicité du traitement ne saurait être considérée comme disproportionnée eu égard à l'intérêt public prépondérant de limiter les coûts de la santé et l'augmentation des primes d'assurance-maladie (comp. ATAS/261/2010 du 10 mars 2010 consid. 11). Le dossier ne fait d’ailleurs pas ressortir de raisons particulières de prendre une mesure moins radicale que le remboursement total desdits honoraires au sens où l’entend l'art. 59 al. 1 let. b LAMal (« restitution de tout ou partie des honoraires touchés pour des prestations fournies de manière inappropriée »). Le fait que, contrairement à celui de ses confrères du groupe de comparaison, le revenu du défendeur soit « amputé de charges importantes liées à l’infrastructure du centre » ne constitue manifestement pas de telles raisons, l’investissement financier consenti par le défendeur relevant de son libre choix.

15.         Mutatis mutandis, l’argumentation qui précède quant à la surfacturation du défendeur s’applique également aux prestations litigieuses pour les années 2018 et 2019.

16.         Cela étant, il ne se justifie pas de mettre en œuvre les mesures d’instruction requises par le défendeur (notamment expertise analytique et audition de patients), ni de lui accorder un nouveau délai pour se déterminer sur les dossiers des causes A/2448/2018, A/2044/2020 et A/2275/2021, comme demandé dans ses courriers des 9 et 12 septembre 2022.

17.         Concernant les années 2018 et 2019, la rétrocession d’honoraires due aux demanderesses s’établit comme suit :

 

2018

En 2018, le défendeur a encaissé 4'711,84 heures. En appliquant la nouvelle répartition des tarifs OPAS pro rata temporis (A : 0,75% ; B : 47,95% et C : 11,29%) à une durée hebdomadaire de 67 heures, on obtient un revenu hebdomadaire de CHF 4'257.75 [67 x (3'812.92 : 60)] (cf. ci-dessus § 38). Compte tenu de 52 semaines par an, on obtient un revenu annuel maximum de CHF 221'404.- (arrondi), qu’il convient de déduire du montant facturé à l’AOS de CHF 302'001, soit un solde de CHF 80'597.- dus à titre de rétrocession d’honoraires indus.

Incidemment, on notera que le montant de CHF 246'804.- initialement réclamé par les demanderesses a été établi sur la base d’un revenu moyen erroné de CHF 42'459 (arrondi). Il prend en effet en compte les revenus de la totalité des 105 infirmiers-ères ne faisant pas l’objet de demandes de rétrocession dans le canton de Genève pour l’année 2018 (donc y compris le revenu le plus modeste s’élevant à CHF 149.45). Ces revenus ne sont dès lors pas suffisamment représentatifs, puisqu’ils ne comprennent pas les seuls revenus supérieurs à CHF 100’000.- par an.

 

2019

En 2019, 3'526,58 heures ont été payées au défendeur. Cette diminution des heures de travail par rapport aux années précédentes s’explique par le fait qu’en octobre 2019, le défendeur a réduit son volume de travail pour des raisons familiales. En appliquant le nouveau pourcentage de prestations (A : 0,45% ; B : 53,43% et C : 6,12%) à une durée hebdomadaire de 67 heures, on obtient un revenu hebdomadaire de CHF 4'315,20 [67 x (3'864,36 : 60)] (cf. ci-dessus § 38). Compte tenu de 52 semaines par an, on obtient un revenu annuel maximum de CHF 224'391.- (arrondi), qu’il convient de déduire du montant facturé de CHF 299'839.- (arrondi), soit un solde de CHF 75’448.- dû à titre de rétrocession d’honoraires indus.

18.         La procédure devant le Tribunal arbitral n’est pas gratuite. Conformément à l’art. 46 al. 1 LaLAMal, les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers (notamment indemnités de témoins, port, émolument d’écriture), ainsi qu’un émolument global n’excédant pas CHF 15'000.-. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (art. 46 al. 2 LaLAMal).

Les demanderesses, représentées par SANTÉSUISSE, obtiennent gain de cause sur pratiquement la moitié (50,04%) de leurs conclusions, à savoir CHF 260'106.- (104'061 + 80'597 + 75'448) sur des conclusions totales de CHF 519'748.- (arrondi) (149'699.85 + 246'804 + 123'243.80). Cette proportion est appliquée à la répartition des frais et dépens entre les parties. Eu égard au sort du litige, les frais du Tribunal, de CHF 22'769.-, et un émolument de justice, fixé à CHF 5'000.-, seront mis à raison de 1/2 (CHF 11'384,50 + CHF 2'500.-), à la charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement, et à raison de 1/2 (CHF 11'384,50 + CHF 2'500.-), à la charge du défendeur.

Les dépens sont compensés.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES:

Statuant

Conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare les demandes recevables.

Au fond :

2.        Joint les causes A/2448/2018, A/2044/2020 et A/2275/2021, sous la cause A/2448/2018.

3.        Admet partiellement les demandes.

4.        Condamne le défendeur à verser aux demanderesses pour l’année 2016, prises conjointement et solidairement, en mains de SANTÉSUISSE, la somme de CHF 104'061.-.

5.        Condamne le défendeur à verser aux demanderesses pour l’année 2018, prises conjointement et solidairement, en mains de SANTÉSUISSE, la somme de CHF 80’597.-.

6.        Condamne le défendeur à verser aux demanderesses pour l’année 2019, prises conjointement et solidairement, en mains de SANTÉSUISSE, la somme de CHF 75’448.-.

7.        Met les frais du Tribunal, de CHF 22'769.-, et un émolument de justice, fixé à CHF 5'000.-, à la charge des parties, par moitié chacune, les demanderesses étant prises conjointement et solidairement.

8.        Compense les dépens.

 

La greffière

 

 

 

 

Maryline GATTUSO

 

Le président suppléant

 

 

 

 

Jean-Louis BERARDI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le