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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2847/2018

ATAS/638/2019 du 03.07.2019 ( ARBIT ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 16.09.2019, rendu le 23.07.2020, PARTIELMNT ADMIS, 9C_571/2019
En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2847/2018 ATAS/638/2019

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 3 juillet 2019

 

En la cause

HELSANA ASSURANCES SA, sise Zürichstrasse 130, DÜBENDORF

PROGRES ASSURANCES SA, sise Zürichstrasse 130, Dübendorf, représentée HELSANA ASSURANCES SA

 

 

demanderesses

 

contre

A______ SA, sis à GENÈVE

 

 

défenderesse

EN FAIT

1.        A______ SA (ci-après A______) a été créé en 1987 par Monsieur B______, qui est également le médecin répondant, ainsi que l'administrateur et président de cette société. Celle-ci dispense des soins à domicile et d'urgence 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Au bénéfice d'une autorisation pour l'exploitation d'un établissement médical, A______ emploie plusieurs médecins. Il est enregistré sous n° 1______ registre des codes-créanciers (RCC), à savoir le répertoire des créanciers créé pour la saisie, le paiement et le traitement des factures des fournisseurs de prestations médicales et géré par le département Registres de SASIS SA.

2.        Groupe médical multidisciplinaire de C______ SA a été fondée en 1999 par Monsieur B______ qui en était également l'administrateur. Elle avait le but suivant: achat, location, mise à disposition d'infrastructures administratives et scientifiques pour les professions médicales et paramédicales. En janvier 2004, elle a été dissoute sans liquidation par le fait que A______ a repris ses actifs et passifs, et radiée du registre du commerce en mai 2007. Cette structure continue à fournir des prestations médicales sous la dénomination D______ de C______, sans avoir la personnalité juridique, et dispose de son propre n° RCC, à savoir le n° 2______.

3.        Du 1er janvier 2001 et jusqu'au 31 décembre 2011, l'admission des médecins à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins a été soumise à la preuve d'un besoin.

4.        Dès le 1er juillet 2013, le Conseil fédéral a de nouveau soumis l'admission des médecins à la preuve du besoin jusqu'au 30 juin 2016. Cette mesure a été ensuite prorogée jusqu'au 30 juin 2019.

5.        Par arrêtés adoptés entre juin 2006 et juillet 2017, la direction générale de la santé (ci-après : DGS) du canton de Genève a autorisé 22 médecins travaillant chez A______ à exercer la profession de médecin à titre indépendant ou à titre dépendant sous leur propre responsabilité dans le canton de Genève. Il s'agit des docteurs E______, F______, G_______, H_______, I_______, J_______, K_______, L_______, M_______, N_______, O_______, P_______, Q_______, R_______, S_______, T_______, U_______, V_______, W_______, X_______, Y_______ et Z_______. Par arrêtés séparés, parfois dans le même arrêté, la DGS a constaté que ces médecins n'étaient pas autorisés à prodiguer des soins à la charge de l'assurance-maladie obligatoire dans le cadre de l'exercice de la profession de médecin à titre indépendant ou à titre dépendant sous leur propre responsabilité, en qualité de médecins praticiens dans le canton de Genève. Ces décisions sont entrées en force. Le 1er septembre 2011, la DGS a autorisé le Dr AA_______ à exercer la profession de médecin à titre dépendant, sous la surveillance d'un médecin exerçant avec un titre postgrade correspondant, dans le canton de Genève.

6.        Par courriel du 21 décembre 2016, le médecin cantonal délégué de Genève a demandé au D______ de C______, dont M. B______ est également le médecin répondant, si le docteur N_______ fournissait des prestations à la charge la loi sur l'assurance-maladie (LAMal) en tant que salarié de ce centre médical. Le médecin répondant a répondu, par courriel du 22 décembre 2016, que celui-ci exerçait son activité de médecin dans son centre, mais sans prodiguer des soins à la charge de l'assurance-maladie obligatoire à titre indépendant ou dépendant sous sa propre responsabilité.

7.        Par courriel du 3 janvier 2017, le médecin cantonal délégué a demandé à M. B______ quelles activités le Dr N_______ déployait audit centre, tout en attirant son attention sur le fait que la clause du besoin s'appliquait à tout le secteur ambulatoire, de sorte que les éventuelles prestations médicales de ce médecin ne pouvaient être facturées ni par le biais de l'institution ni par lui-même. Par ailleurs, les assureurs-maladie étaient informés de ce type de situation.

8.        M. B______ a répondu par courriel du 4 janvier 2017 que le Dr N_______ exerçait son activité en qualité de médecin dépendant et sous la responsabilité du médecin-répondant, ce qui était conforme à la loi cantonale et à l'arrêté du Conseil d'Etat, ainsi que compatible avec la LAMal.

9.        Le 24 février 2017, le médecin cantonal de Genève a adressé aux institutions de santé du canton de Genève une information sur le moratoire et la mise à jour des listes des médecins pratiquant dans lesdites institutions. Il les a informées que le nouveau règlement d'application de l'ordonnance fédérale sur la limitation de l'admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins s'appliquait non seulement aux cabinets médicaux, mais également aux institutions de santé. Suite à la mise en oeuvre de ce moratoire, les médecins n'ayant pas obtenu d'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance-maladie recevaient un arrêté leur signifiant cette non-autorisation, dont une copie était adressée aux assurances-maladie. Ainsi, ces médecins ne pouvaient pas facturer des prestations ambulatoires à la charge de la LAMal, ni sous leur propre identité, ni sous celle du médecin répondant d'une institution, d'un autre médecin ou des codes créanciers d'une institution. Toute infraction à cette interdiction était susceptible d'être poursuivie par les assurances-maladie. Afin de mettre à jour le registre des médecins, au bénéfice d'une autorisation de facturer à la charge de la LAMal ou non et pratiquant dans les institutions de santé du canton, le médecin cantonal leur a demandé de lui adresser une liste des médecins employés dans leur institution.

10.    Par courrier du 31 mars 2017, A______ a adressé au médecin cantonal la liste des médecins employés par A______ et le D______ de C______, liste dans laquelle figurent plusieurs médecins pratiquant sous la responsabilité du médecin-répondant de ces institutions. Selon A______, cette pratique était conforme aux arrêtés de la DGS. Cela étant, elle a invité le médecin cantonal à confirmer les arrêtés antérieurement rendus et à autoriser les médecins engagés dans ces institutions, ainsi que ceux qui seraient engagés dans le futur, à déployer leur activité sous la responsabilité de celles-ci.

11.    Par courriel du 9 mai 2018, le médecin cantonal a transmis à Santésuisse la liste des médecins non autorisés à facturer à la charge de la LAMal, et travaillant dans les institutions de santé. Parmi ceux-ci figurent 22 médecins de A______.

12.    Par courrier du 5 juin 2018, Helsana assurances SA (ci-après : Helsana) a informé A______ que des irrégularités en termes d'autorisations de pratiquer au sein de son service médical d'urgence à domicile avaient été portées à sa connaissance. Plusieurs médecins non admis au titre de la LAMal avaient facturé des prestations médicales sous le n° RCC 3_______ depuis plusieurs années. Ces médecins ne pouvaient être exemptés de la preuve du besoin au sens de la loi. Cela étant, Helsana a invité A______ à lui communiquer la liste des médecins ayant l'autorisation de facturer des prestations sous le n° RCC 3_______ et celle des médecins n'ayant pas une telle autorisation. En attendant la réception de ces listes, Helsana suspendait provisoirement le remboursement des factures émanant du n° RCC précité.

13.    Par courrier du 16 juin 2018, A______ a fait parvenir à Helsana la liste de ses médecins, telle qu'elle l'avait établie à la demande de la DGS le 30 mars 2017. Elle a précisé que cette liste avait fait l'objet d'un examen critique par ladite direction et le Conseil d'Etat entre janvier et avril 2017 et que ceux-ci avaient ensuite confirmé la pratique de A______. En matière de facturation à la charge des assurances sociales, A______ se fondait sur le libellé précis des arrêtés prononcés par la DGS. Ces arrêtés appliquaient strictement la disposition légale relative au moratoire à l'égard des médecins soumis à celui-ci, mais réservaient une exception à l'application de ces dispositions en cas de pratique médicale sous l'autorité du médecin répondant de A______. Cette dernière en avait fait part également à la DGS et au Conseil d'Etat, lesquels n'étaient pas intervenus à la suite de cette communication. De surcroît, ils n'avaient pas changé le libellé des arrêtés de la DGS et avaient ainsi confirmé que la pratique de A______ était conforme à la loi cantonale d'application de la LAMal et de son règlement.

14.    Par courrier du 10 août 2018, le responsable de A______ a invité le Président du Conseil d'Etat à prendre position sur une demande de Helsana de restituer les prestations facturées par ses médecins salariés qui travaillaient sous sa responsabilité. Il a allégué avoir exposé le 21 janvier 2017 au Président du Conseil d'Etat de l'époque que la lecture des arrêtés de la DGS était sans ambiguïté, dans le sens que seules ne pouvaient pas être prises en charge par les assureurs-maladie les activités médicales exercées de manière indépendante ou dépendante sous la propre responsabilité du médecin. A contrario, les prestations fournies par un médecin sous la responsabilité du médecin-répondant de l'institution devaient être remboursées. Il avait renseigné le médecin cantonal au sujet des médecins employés dans son institution. Cette communication n'avait pas été suivie d'une demande d'information ou de recommandation de la part de la DGS ou du médecin cantonal. Par ailleurs, le libellé des arrêtés n'avait pas changé par la suite.

15.    Par courrier du 23 août 2018, Helsana a demandé au Conseiller d'Etat en charge du département de l'emploi et de la santé (ci-après : DES) de clarifier pour les 22 médecins de A______ non autorisés à facturer à la charge de la LAMal s'ils avaient le droit de le faire sous le n° RCC de cette institution.

16.    À la même date, Helsana et Progrès Assurances SA (ci-après : Progrès) ont saisi le Tribunal arbitral des assurances sociales d'une requête en conciliation concernant une action en paiement de CHF 2'307'119.-, avec intérêts à 5% dès le dépôt de la demande, à l'encontre de A______, sous suite de dépens. La demande en paiement est fondée sur le fait que les demanderesses avaient remboursé les factures de plusieurs médecins de A______ qui n'avaient pas l'autorisation de facturer à la charge de la LAMal. Préalablement, elles ont demandé la suspension de la cause jusqu'à la réponse du Conseil d'Etat à la requête de Helsana du 23 août 2018.

17.    Le 1er octobre 2018, le Conseiller d'Etat en charge du DES a confirmé à Helsana que les médecins concernés de A______ ne pouvaient pas facturer à la charge de la LAMal, sauf le docteur F______ qui avait obtenu son autorisation de pratiquer en 2006. A cette date, il était admis que les médecins travaillant en institution pouvaient facturer à la charge de la LAMal sous l'autorité du médecin responsable, et ce jusqu'en 2009, la loi ayant été modifiée par la suite. A ce jour, il pouvait facturer par conséquent ses prestations à la charge de la LAMal, tant qu'il exerçait au nom et pour le compte de A______. Les Drs O_______ et V_______ avaient obtenu leur autorisation de pratiquer avant le moratoire en 2011 et auraient pu, à compter du mois de janvier 2012, demander une autorisation de pratiquer à la charge de la LAMal, ce qu'ils avaient toutefois omis de faire. Les autres médecins avaient demandé l'autorisation de pratiquer après la réinstauration de la clause du besoin. Dès lors que le canton de Genève avait fait usage de la faculté qui lui était octroyée par la LAMal de limiter le nombre de médecins admis à facturer à la charge de la LAMal, ces médecins avaient reçu une décision de refus du droit de facturer leurs prestations à la charge des assureurs-maladie. A la connaissance du Conseiller d'Etat, aucun de ces médecins n'avait contesté la décision reçue. Il a en outre expliqué que la DGS rendait deux autorisations : une autorisation, dite de police, de pratiquer et une seconde portant sur le droit de facturer à la charge de la LAMal. Par ailleurs, le libellé de la décision ne saurait être compris comme une « exception », contrairement à ce qu'alléguait le médecin-responsable de A______. Le DES entendait appliquer strictement la clause du besoin et non permettre, par l'intermédiaire de cabinets de groupe ou d'une institution de santé, de contourner ses effets en admettant une facturation au moyen du code créancier d'un médecin l'ayant dûment obtenu. Au demeurant, il n'avait jamais confirmé ni approuvé la pratique mise en place par le médecin-responsable de A______ dans cette institution et ne tolérait pas davantage la facturation, sous le code créancier d'un médecin responsable, de prestations effectuées par des médecins non admis à pratiquer à la charge de la LAMal dans d'autres cabinets de groupe ou institutions de santé.

18.    Le 17 octobre 2018, le Président du Conseil d'Etat a répondu au médecin-responsable de A______. Il a précisé que tous les professionnels de santé devaient être en possession d'une autorisation de pratiquer pour prendre en charge des patients. La loi précisait trois catégories de professionnels, à savoir les professionnels exerçant à titre indépendant, ceux exerçant à titre dépendant sous leur propre responsabilité et ceux exerçant à titre dépendant sous la responsabilité d'un professionnel de la santé. Ces derniers n'étaient pas encore au bénéfice d'une formation post-graduée, contrairement aux premières catégories qui étaient par ailleurs mentionnées dans le registre fédéral des professions médicales (ci-après : MEDREG) et exerçaient soit en cabinet individuellement ou en cabinet de groupe ou dans une institution de santé sous leur propre responsabilité. Depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2018 de la modification de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires, il n'y avait plus que deux catégories, à savoir les médecins exerçant à titre d'activité économique privée sous leur propre responsabilité professionnelle et ceux exerçant sous surveillance dans le cadre d'une formation post-grade. En outre, le moratoire actuel s'appliquait tant aux médecins individuellement qu'aux institutions de santé qui les employaient et délivraient des prestations ambulatoires facturables à la charge de la LAMal, comme cela était précisé dans cette loi. Partant, chaque médecin exerçant auprès de A______ était de facto soumis à la limitation de pratiquer à la charge de la LAMal. Le libellé des arrêtés ne pouvait pas être interprété comme accordant une dérogation aux médecins travaillant sous la responsabilité du médecin répondant ou d'une institution de santé. En effet, un médecin ayant l'autorisation de travailler sous sa propre responsabilité ne pouvait pas être « mis sous surveillance » par un médecin-répondant d'une institution, cela étant contraire à la loi. Seuls les médecins en formation post-grade étaient considérés comme travaillant sous la responsabilité d'un autre médecin. Le Président du Conseil d'Etat a en outre contesté formellement que l'interprétation du médecin-responsable de A______ eût été validée par les services compétents de l'État. Toutes les institutions de santé du canton avaient enfin été informées en février 2017 par lettre circulaire de cette situation. Aucune institution de santé n'avait reçu de dérogation.

19.    Par écritures du 5 novembre 2018, la défenderesse s'est déterminée sur la requête en conciliation, en contestant le bien-fondé de la demande en paiement. Elle a relevé que la loi sur la santé était en cours de modification et qu'une nouvelle disposition avait été votée qui prescrivait que « les personnes exerçant une profession médicale universitaire sous la surveillance professionnelle d'un professionnel de la santé autorisé à pratiquer la même discipline et qui suit une formation post-grade n'ont pas besoin d'obtenir un droit de pratiquer ». Cela confirmait le principe que l'activité médicale sous surveillance était toujours accessible à l'ensemble des praticiens, étant précisé que la surveillance relevait de l'obligation d'organisation d'une institution de santé imposée par la loi. Par ailleurs, la loi sur les professions médicales et universitaires faisait usage des termes « toutes personnes désirant exercer une profession médicale universitaire dans le service public ou à titre d'activité économique privée sous la surveillance professionnelle », ce qui ne permettait pas de conclure qu'une activité sous surveillance était réservée aux seuls médecins en cours de formation et interdite aux autres. En outre, selon cette loi, seul l'exercice d'une profession médicale universitaire à titre d'activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle requerrait une autorisation du canton sur le territoire duquel la profession médicale était exercée. Partant, cette disposition prévoyait que les médecins exerçant sous surveillance demeuraient soustraits à la procédure d'autorisation de pratiquer cantonale. Il y avait ainsi lieu d'interpréter le droit fédéral et le droit cantonal dans le sens qu'une activité pouvait être exercée de manière dépendante soit sous la propre responsabilité du médecin soit sous la responsabilité d'un médecin-répondant. La défenderesse a relevé également que les services de l'Etat n'étaient pas intervenus à son encontre entre avril 2017 et le courant de 2018. Ce long silence constituait une ratification, au moins par actes concluants, de l'ensemble des situations qui lui avaient été rapportées jusqu'à cette date. Le principe de la bonne foi commandait ainsi d'admettre sans aucune réserve la facturation à la charge de la LAMal par des médecins exerçant sous la responsabilité d'un médecin-répondant. Enfin, le Conseil d'Etat avait la compétence d'interdire toute activité à la charge de la LAMal, y compris l'activité exercée sous surveillance. Néanmoins, dans ses arrêtés, il a omis de mentionner l'activité exercée sous surveillance. Ce faisant, il avait exprimé spécifiquement que l'ensemble des médecins de la défenderesse pouvaient facturer à la charge de la LAMal dans le cadre de l'activité sous surveillance. Une autre interprétation de ces arrêtés serait contraire au principe de la bonne foi et à la règle in dubio contra stipulatorem. Ce revirement exprimé aujourd'hui par le Conseil d'Etat ne reposait donc sur aucune base légale.

20.    La tentative de conciliation des parties en date du 7 novembre 2018 par-devant le tribunal de céans s'est soldée par un échec.

21.    Par écritures du 26 novembre 2018, les demanderesses ont complété leur demande et ont conclu à la restitution de CHF 2'235'252.-, avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2018, sous suite de dépens. La part de Helsana s'élevait à CHF 2'061'782.- et celle de Progrès à CHF 174'170.-. Elles ont choisi Madame AB_______ comme arbitre. Durant les cinq dernières années, la défenderesse avait facturé des soins, d'un total de CHF 2'235'952.-, réalisés en faveur des assurés des demanderesses par des médecins non autorisés à pratiquer à la charge de la LAMal. Cela étant, la défenderesse était tenue de rembourser cette somme. Il était précisé à cet égard dans le règlement d'application, que les médecins qui exerçaient au sein d'une institution de santé n'étaient admis à pratiquer à la charge de la LAMal que si le nombre maximum fixé pour le canton et le domaine de spécialité concerné n'était pas atteint. La réglementation du droit fédéral était directement applicable et ne nécessitait aucune base légale au sens formel supplémentaire au niveau cantonal, selon la jurisprudence. Sur la base de la réglementation du droit fédéral, il appartenait au canton de décider si les fournisseurs de prestations concernés par le régime de la limitation, au bénéfice d'une autorisation d'exercer leur profession, pouvaient également pratiquer à la charge de la LAMal. Dès l'entrée en vigueur de cette réglementation, pour une durée de trois ans, l'admission des fournisseurs supplémentaires visés par la LAMal, autorisés à pratiquer à la charge de la LAMal, était soumise à la clause du besoin. Il en était de même pour les médecins qui exerçaient au sein des institutions de santé ou dans le domaine ambulatoire des hôpitaux. Toutefois, le canton pouvait décider de lever les limitations de pratiquer en cas de besoin avéré pour tout ou certains domaines de spécialité. Le règlement d'application cantonal précisait bien que seules des admissions à pratiquer étaient délivrées (impliquant une décision positive précisant dans quel domaine un requérant peut pratiquer à la charge de la LAMal) et non pas des décisions à ne pas pratiquer (impliquant qu'il ne peut s'agir de décisions précisant dans quel domaine un médecin ne peut pas pratiquer à la charge de la LAMal et lui permettant de le faire dans ceux qui sont tus). Chaque médecin devait ainsi bénéficier d'une autorisation explicite de facturer à la charge de la LAMal. Or, les médecins de la défenderesse ne possédaient pas d'autorisation explicite, même en qualité de médecin dépendant sous la responsabilité d'un autre. Au demeurant, le Conseil d'Etat, respectivement le Département concerné, avait rendu de nombreux arrêtés mentionnant que les médecins mis en cause n'étaient pas admis à prodiguer des soins à charge de la LAMal.

22.    Dans sa réponse du 30 novembre 2018, la défenderesse a conclu préalablement à ce qu'il soit constaté que les demanderesses conservaient depuis le 1er juin 2018 sans droit par devers elles les prestations qu'elle avait facturées, et à ce qu'il soit ordonné que l'entier de ces sommes soit libéré en sa faveur, assorti d'un intérêt à 5% dès les dates respectives d'exigibilité de chacune des prestations en cause. Principalement, elle a conclu au rejet de la demande et à la condamnation des demanderesses au paiement des prestations facturées à compter du 1er juin 2018, avec intérêts à 5% dès la date d'exigibilité de ces sommes, sous suite de dépens. La défenderesse a par ailleurs désigné Monsieur AC________ en tant qu'arbitre. Sur le fond, elle a considéré que la transmission de la liste des médecins sans autorisation de facturer à la charge de la LAMal constituait une dénonciation anonyme. Au demeurant, elle s'est étonnée que les demanderesses semblaient demander uniquement à la défenderesse la restitution des prestations indûment perçues, à l'exception des autres institutions de santé du canton de Genève. Concernant le courriel du 9 mai 2018 adressé à Santésuisse, elle en a contesté l'authenticité. Par ailleurs, dans le courrier du 23 août 2018, le Conseiller d'Etat en charge du DES ne s'était pas exprimé ni sur le mode rédactionnel de ses arrêtés, ni les conditions de la pratique médicale exercée de manière dépendante sous surveillance. Il ne s'agissait pas d'une réponse claire et univoque. Le Conseiller d'Etat semblait plutôt ne pas vouloir prendre parti ou approfondir le dossier. La défenderesse a en outre exposé qu'à compter du 1er juillet 2013, soit postérieurement au moratoire, elle avait engagé plusieurs médecins, dont la majorité était d'origine étrangère, mais qui disposaient tous d'une formation complète, ce qui était attesté par la délivrance de la reconnaissance de leurs diplômes, et d'une expérience de médecine d'urgence. Ces engagements étaient intervenus exclusivement en remplacement de médecins qui avaient choisi de quitter la défenderesse. Depuis sa création, la défenderesse facturait les prestations de ces médecins sous le numéro de concordat de l'institution avec indication de l'identité numérique (GLN/EAN) du médecin intervenu. Aucun médecin de l'institution ne facturait sous son propre numéro de concordat. Cette situation était connue de la DGS au plus tard à partir de janvier 2017. Par ailleurs, la défenderesse s'était adressée oralement au Président du Conseil d'Etat, lequel lui avait confirmé que son mode de faire était conforme aux intentions politiques du canton, aux lois et aux règlements. Le Président du Conseil d'Etat n'avait réagi qu'en date du 17 octobre 2018 pour la première fois. Quant à son courrier du 1er septembre 2018, en réponse à une requête des demanderesses, il ne s'y déterminait pas sur le droit ou l'absence de droit de facturer à la charge de l'assurance-maladie des prestations pratiquées en tant que médecin dépendant exerçant sous surveillance. Le 17 octobre 2018, le Conseil d'Etat avait confirmé le droit de pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire à titre de médecin dépendant et sous surveillance, soutenant toutefois que ce mode de pratiquer la médecine n'était plus possible à partir du 1er janvier 2018. Par ailleurs, les autres caisses-maladie continuaient à rembourser les factures des médecins mis en cause, même après avoir requis divers renseignements. La défenderesse a aussi relevé que le canton du Valais lui avait accordé le droit de pratiquer à la charge de cinq équivalents plein temps sans indication nominative et avec obligation de facturer sous le numéro de concordat de l'institution. Dans le canton de Vaud, le médecin chef de clinique auprès d'une institution privée était dispensé de requérir un droit de pratiquer et un droit de pratiquer à la charge de la LAMal. Enfin, l'institution Médecins du Léman avait informé la défenderesse que son institution ne bénéficiait d'aucun droit de pratiquer à la charge de l'assurance-maladie et facturait néanmoins sous le numéro de concordat de l'institution. La défenderesse s'étonnait en outre que les demanderesses eussent suspendu le paiement des factures transmises par la défenderesse depuis le 5 juin 2018 sans aucune motivation et sans avoir requis une mesure provisionnelle. Or, un acte de justice propre était par nature interdit. Les demanderesses ne pouvaient pas non plus compenser leurs créances, dans la mesure où celles-ci n'étaient en l'état pas exigibles. Ainsi, il y avait lieu de constater que les demanderesses avaient sans droit refusé de rembourser les factures dès le 1er juin 2018. Il n'y avait pas non plus de base légale pour la créance en restitution des demanderesses dans la LAMal, s'agissant de prestations exclues du champ d'application de cette loi, selon les demanderesses. Partant, les règles sur l'enrichissement illégitime s'appliquaient, selon lesquelles était soumis à répétition uniquement « l'enrichissement du bénéficiaire lequel est constitué du solde disponible auprès du bénéficiaire ensuite de l'usage qu'il en aurait fait en agissant de bonne foi ». La défenderesse a mis également en cause la recevabilité de la demande, soupçonnant les demanderesses d'agir pour le compte d'un tiers qui demeurait inconnu. Elle a fondé ce soupçon sur le fait que Helsana ne pouvait expliquer pourquoi elle avait choisi de n'agir que contre la défenderesse et non contre les autres institutions de santé. Au demeurant, il y avait à Genève une pénurie de médecins de premier recours. De ce fait, la DGS avait délibérément exclu de l'interdiction de facturer à la charge de la LAMal les médecins de l'ensemble des institutions de santé, à savoir la pratique dépendante de ce métier sous la responsabilité du médecin répondant de l'institution ou, selon la terminologie légale depuis le 1er janvier 2018, sous surveillance. A cet égard, la défenderesse a relevé qu'une institution de santé devait de par la loi fonctionner sous la responsabilité d'un médecin, lequel répondait des actes et des omissions des médecins engagés par l'institution devant la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients. La défenderesse prenait très à coeur cette responsabilité, en choisissant des médecins particulièrement expérimentés quant au type d'intervention pratiquée. Cela ne dispensait pas pour autant le médecin répondant d'être rendu responsable pour d'éventuelles erreurs de prise en charge médicale, conjointement avec le médecin intervenant. La loi consacrait en outre la liberté du médecin d'exercer sa profession dans les conditions d'une profession libérale, soit selon sa libre appréciation, sous la seule réserve que le médecin en cours de formation ne pouvait fournir des prestations que sous la surveillance de médecins complètement formés. Le Tribunal fédéral avait en outre jugé que les médecins dépendants exerçant au sein d'une institution de santé étaient exclus du moratoire. Suite à l'arrêt du 29 octobre 2017 du Tribunal fédéral, la DGS avait modifié le libellé de ses arrêtés comme suit : « Monsieur AD______. est autorisé à exercer la profession de médecin à titre indépendant, non à charge de l'assurance-maladie, dans le canton de Genève, conformément aux lois, règlements et instructions relatives à cette profession ». Un tel arrêté autorisait le médecin à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie dans le cadre d'une activité dépendante.

23.    Par écriture du 18 janvier 2019, les demanderesses ont amplifié leur demande, en concluant à ce que le M.B_______ , respectivement la défenderesse soient condamnés au remboursement de CHF 2'342'322.- avec intérêts supplémentaires de 5% à partir du 30 août 2018 sur CHF 2'307'119.-. A cet égard, les demanderesses ont précisé que le GLN de la défenderesse avait été également utilisé pour le D______ de C______, auparavant Groupe médical multidisciplinaire de C______ SA, dont la défenderesse avait repris les actifs et les passifs et qui avait été radiée le 21 mai 2007. Partant, leur demande de remboursement comprenait également les honoraires pour les prestations effectuées par des médecins non autorisés à facturer à la charge de la LAMal dudit centre. Les demanderesses ont en outre amplifiée leur demande de CHF 106'370.- concernant les honoraires facturés pour les prestations fournies par le docteur AA_______ (EAN 4______) qui n'avait pas de formation post-grade. Ce médecin ne pouvait pas non plus se prévaloir de l'exception prévue par la LAMal, n'étant pas titulaire d'une autorisation de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. La somme de CHF 106'370.- avait été facturée durant la période du 1er septembre 2013 au 31 août 2018. Cas échéant, les demanderesses ont considéré que la présente requête valait requête en conciliation interrompant la péremption "pour ce poste et à l'encontre du Dr B______ pour toute la valeur litigieuse".

24.    Par écriture du 5 mars 2019, la défenderesse s'en est rapportée à justice quant à la recevabilité de l'amplification du 18 janvier 2019 de la demande. Elle a constaté que les demanderesses étendaient leurs conclusions à l'encontre de M. B______, sans toutefois demander son appel en cause. Une telle requête devait être écartée, la situation juridique de ce dernier n'étant pas susceptible d'être affectée par les suites de la procédure. Concernant le Dr AA_______, il collaborait avec la défenderesse de manière continue depuis le 1er septembre 2011 et il était au bénéfice d'une autorisation de pratiquer à Genève depuis cette date, soit une autorisation délivrée avant la réintroduction du moratoire le 1er juillet 2013. Son droit de pratiquer à la charge des assurances sociales découlait de l'application de la disposition transitoire de la modification du 21 juin 2013, reprise par la disposition transitoire de la modification du 17 juin 2016, selon laquelle, les médecins actifs antérieurement au 1er juillet 2013 étaient exceptés de la clause du besoin. Au demeurant, le Dr AA_______ ne figurait pas dans la liste des médecins non autorisés à facturer à la charge de la LAMal, identifiés par le médecin cantonal. Enfin, la défenderesse a joint à ses écritures la synthèse des travaux relative à une modification de la LAMal en ce qui concerne l'admission des fournisseurs de prestations.

25.    Par courrier du 20 mars 2019, la défenderesse a invité le Tribunal de céans à traiter en tant que mesures provisionnelles urgentes les conclusions préalables numéros 2 et 3 de ses écritures du 30 novembre 2018, à savoir les conclusions tendant à dire et prononcer que c'était sans droit que les demanderesses conservaient à compter du 1er juin 2018 par devers elles les prestations facturées par la défenderesse, et qu'il soit ordonné que l'entier des sommes dues à la défenderesse soit libéré, assorti d'un intérêt à 5% calculé dès les dates respectives d'exigibilité de chacune des sommes conservées. En effet, les demanderesses avaient compensé l'entier de la facturation due à la défenderesse avec la prétention qu'elles faisaient valoir dans la présente procédure. Cela représentait une amputation de 20% environ de son chiffre d'affaires, ce qui était propre à causer un dommage irrémédiable.

26.    Par courrier du 21 mars 2019, le Tribunal de céans n'est pas entré en matière sur les conclusions sur mesures provisionnelles.

27.    Par écriture du 29 avril 2019, les demanderesses ont persisté dans leurs conclusions. Elles ont admis que les Drs O_______, T_______ et V_______ avaient reçu leur autorisation de pratiquer avant l'introduction de la clause du besoin en juillet 2013. Cependant, selon le courrier du Conseiller d'Etat POGGIA, ces médecins auraient pu requérir une autorisation de facturer, mais ne l'avaient pas fait. En vertu du règlement d'application de la loi, ces médecins n'étaient en principe pas soumis à la clause du besoin, à condition qu'ils continuassent d'exercer dans le même cadre au-delà du 5 juillet 2013. Il appartenait ainsi à la défenderesse de démontrer la continuité d'exercice dans le même cadre après le 5 juillet 2013 pour ces trois médecins et d'établir que ceux-ci avaient été annoncés avant fin août 2013 à la DGS. Il en allait de même du Dr AA_______, dont le permis de séjour était insuffisant comme preuve de continuité de la pratique. Par ailleurs, la loi cantonale prévoyait aussi qu'il devait être annoncé à la DGS un mois après l'adoption du règlement. Au demeurant, il n'appartenait ni à la justice, ni aux assureurs-maladie, ni aux prestataires de soins de décider s'il y avait lieu de délivrer des admissions supplémentaires à pratiquer à la charge de l'assurance-obligatoire des soins, en raison des besoins en soins de la population. En outre, aussi bien la loi fédérale que la loi genevoise prévoyaient que les médecins au bénéfice d'un titre post-grade fédéral ou jugé équivalent qui exerçaient dans un cabinet une activité dépendante ou indépendante au sein d'une institution de soins ambulatoires dispensés par des médecins, étaient soumis à la limitation de l'admission. Ainsi, il était sans importance que le médecin travaillait sous surveillance d'un médecin répondant. Seul importait que le médecin octroyant des soins fût individuellement autorisé à facturer à la charge de la LAMal. La notion de surveillance était uniquement relevante pour l'autorisation de police de pratiquer, délivrée sur la base des lois régissant l'exercice de la médecine, mais non pas pour l'autorisation de facturer à la charge de la LAMal. S'agissant de la base légale pour demander la restitution des prestations indûment versées, celle-ci n'était pas fondée sur le droit civil, mais sur la LAMal. Cette loi ne s'appliquait pas seulement à la restitution de prestations non-économiques, mais également aux prestations versées de manière injustifiée, notamment en cas de correction tarifaire. La convention-cadre TARMED prévoyait également la restitution des prestations d'assurance indûment encaissées, en cas de violation de la Convention. En l'absence d'une commission paritaire de confiance dans le canton de Genève, le Tribunal arbitral était compétent. Au demeurant, même en appliquant les conditions légales du droit civil à la restitution des prestations indûment perçues, il conviendrait d'admettre que celles-ci permettaient de demander la restitution. Les demanderesses avaient en outre un intérêt à agir évident. Quant à la compensation, le débiteur pouvait opposer la compensation même si sa créance était contestée.

28.    À leurs écritures précitées, les demanderesses ont notamment annexé le courrier du 15 mars 2019 du médecin cantonal de Genève adressé « à qui de droit ». Dans ce courrier, le médecin cantonal a exposé que, du fait que plusieurs médecins avaient obtenu leur autorisation avant le début de la période sans limitation (du 1er janvier 2012 au 5 juillet 2013) et que plusieurs avaient un n° RCC, une nouvelle enquête avait été menée pour identifier les médecins ayant reçu leur autorisation de pratiquer depuis le mois de juillet 2013 jusqu'à nos jours, mais sans autorisation de facturer à la charge de l'assurance de base. Ainsi, 41 médecins avec un titre post-grade, mais sans autorisation de facturer à la charge de l'assurance de base, avaient été contactés. Ils avaient tous une adresse professionnelle dans le canton de Genève. Il y avait deux catégories de médecins parmi ceux-ci : ceux qui facturaient avec le n° RCC d'un médecin responsable ou d'une institution de santé et ceux qui ne facturaient ni avec leur n° RCC, ni sous le n° RCC d'un autre médecin ou d'une institution. Tous les médecins travaillant auprès de la défenderesse ou y ayant travaillé ont indiqué au médecin cantonal avoir facturé sous le n° RCC de M. B______ ou de l'institution, à l'exception de trois médecins facturant sous le n° RCC d'autres institutions.

29.    Par écriture du 3 mai 2019, les demanderesses ont informé le Tribunal de céans que, selon la jurisprudence récente du Tribunal administratif fédéral, l'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins était personnelle pour le médecin nommé et non rattachée à l'institution de soins.

30.    Par écriture du 7 mai 2019, le défendeur a mis en cause la recevabilité de l'écriture du 29 avril 2019 des demanderesses, estimant qu'il s'agissait d'un mémoire de réplique tardif à sa propre écriture du 30 novembre 2018 et que les demanderesses auraient pu se déterminer uniquement sur la demande de renseignement du 17 janvier 2019 et de la réponse de la défenderesse du 29 janvier 2019. Cependant, il s'en rapportait à justice quant à la recevabilité. Quant à la correspondance du 3 mai 2019, elle abordait un élément de droit connu des parties, si bien qu'il s'agissait d'une communication non autorisée et partant irrecevable. Pour le surplus, la défenderesse a persisté dans ses conclusions, tout en faisant observer que les médecins en cause étaient au bénéfice d'une autorisation personnelle de pratiquer à la charge de l'assurance maladie.

31.    Faisant suite à une demande de renseignement du Tribunal de céans, la défenderesse l'a informé le 16 mai 2019 que le Dr AA_______ avait travaillé continuellement dans son institution dès 2011 et le Dr V_______ de manière régulière dès novembre 2009. Quant au Dr AD________, il avait travaillé pour la défenderesse dès 2008, mais avait suspendu son activité de janvier 2009 à août 2016. Le Dr Z_______ avait rejoint A______ à partir de décembre 2016.

32.    Par écriture du 8 juin 2019, les demanderesses ont soutenu que les Drs AD________ et Z_______ étaient soumis à la clause du besoin et qu'ils n'étaient pas en droit de facturer les prestations à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Quant aux Drs V_______ et AA_______, la défenderesse avait rendu vraisemblable qu'ils avaient exercé leur pratique avant l'introduction du moratoire. L'existence de la continuité devait toutefois être appréciée par la DGS, seule habilitée à admettre que les exigences du règlement fussent remplies. Au demeurant, la défenderesse n'avait toujours pas prouvé avoir annoncé à la DGS, dans le mois suivant l'adoption du règlement genevois d'application de l'ordonnance fédérale, les médecins qui exerceraient en continuité. Partant, ils étaient également soumis à la clause de besoin.

33.    Par écriture du 20 juin 2019, la défenderesse s'en est rapportée à justice quant au contenu des dernières écritures des demanderesses, tout en relevant que les médecins mis en cause satisfaisaient à la législation applicable. Par ailleurs, tous les médecins travaillant dans son institution étaient inscrits dans le registre fédéral de la profession. Enfin, le Conseil d'État avait repris le 3 juin intégralement les observations que la défenderesse lui avait transmises à propos de l'admission à pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins pour les institutions de soins ambulatoires, à certaines conditions, ici réalisées.

34.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Selon l'art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal), les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations sont jugés par un tribunal arbitral. Le tribunal arbitral compétent est celui dont le tarif est appliqué ou du canton dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l'assuré (système du tiers garant; art. 42 al. 1); en pareil cas, l'assureur représente, à ses frais, l'assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal).

Ni la LAMal, ni ses dispositions d'exécution ne définissent précisément ce qu'il faut entendre par litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations. Comme sous le régime de la LAMA (art. 25 al. 1 LAMA), la notion de litige doit être entendue dans un sens large (ATF 111 V 342 consid. 1b et les références). Il est nécessaire, cependant, que soient en cause des rapports juridiques qui résultent de la LAMal ou qui ont été établis en vertu de cette loi. Le litige doit concerner la position particulière de l'assureur ou du fournisseur de prestations dans le cadre de la LAMal (Gebhard EUGSTER, Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Sociale Sicherheit, p. 231, ch. 413 ; Alfred MAURER, Das neue Krankenversicherungsrecht, p. 172, RAMA 2004 n° K 286 p. 291 consid. d ; ATF 123 V 280 consid. 5 ; voir aussi, à propos de l'ancien droit, ATF 121 V 311 consid. 2b, 112 V 307 consid. 3b).

En l'espèce, la défenderesse est un fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l'ordonnance sur l'assurance-maladie 27 juin 1995 (OAMal), installé à titre permanent à Genève. Elle a par ailleurs effectué ses prestations dans le système du tiers payant et est ainsi créancière de la rémunération (art. 42 al. 2 LAMal).

Quant à la qualité d'assureur, autorisé à pratiquer l'assurance obligatoire des soins, des demanderesses, elle n'est pas contestable.

Enfin est en cause un rapport juridique qui résulte de la LAMal, à savoir le droit d'un fournisseur de prestations de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

La compétence du Tribunal de céans pour connaître du présent litige est ainsi établie.

2.        Dans le cadre des exigences posées par le droit fédéral, la procédure est régie par les cantons (art. 89 al. 5 LAMal). Elle n'est par conséquent pas soumise à la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003 (cf. art. 1 al. 2 let. e LAMal).

3.        Du point de vue temporel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 132 V 215 consid. 3.1.1). Partant sont applicables en l'espèce les dispositions légales en vigueur lors de l'introduction du second moratoire en date du 1er juillet 2013, ainsi que leurs modifications subséquentes.

4.        La défenderesse met en cause la recevabilité des écritures du 29 avril 2019 des demanderesses, dans la mesure où celles-ci ne répondent pas seulement aux dernières écritures de la défenderesse, mais également à celles du 30 novembre 2018.

Aucun délai n'avait été accordé aux demanderesses pour se déterminer sur les écritures du 30 novembre 2018 de la défenderesse, si bien qu'elles étaient en droit de le faire spontanément en vertu de leur droit d'être entendu. Si elles avaient formellement demandé de pouvoir y répondre, le Tribunal de céans aurait dû faire droit à leur demande. Ces écritures sont par conséquent recevables. En effet, les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 8 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101) ) et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) garantissent un droit inconditionnel à la réplique (Stéphane GRODECKI, Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 244 ch. 924 ss).

La défenderesse conteste aussi la recevabilité des écritures du 3 mai 2019 des demanderesses. Il s'agit d'un acte spontané destiné à compléter leur détermination du 29 avril 2019. Aucun délai n'ayant été fixé aux demanderesses pour leur droit de réplique et les écritures spontanées étant admissibles (GRODECKI/JORDAN, op. cit.), ces écritures sont également recevables.

5.        La défenderesse semble contester la recevabilité de la demande, en particulier la qualité pour recourir des demanderesses, leur déniant un intérêt digne de protection.

En vertu de l'art. 60 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1983 (LPA - E 5 10) a qualité pour recourir notamment toute personne qui est touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d'Etat ou une décision et a un intérêt personnel de protection à ce que l'acte soit annulé ou modifié. La jurisprudence a défini en droit administratif genevois la qualité pour agir de la même manière qu'en droit fédéral, à savoir à l'art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), selon lequel a qualité pour former un recours notamment celui qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c; GRODECKI/JORDAN, op. cit., p. 182 ch. 692 ss).

En l'occurrence, l'intérêt personnel des demanderesses à obtenir la restitution des prestations éventuellement remboursées à tort ne fait pas de doute.

En ce que la défenderesse soupçonne les demanderesses de plaider par procuration, ces soupçons ne reposent sur aucun fondement. Même en admettant que les demanderesses ont choisi de demander la restitution de prestations uniquement à la défenderesse et non pas à d'autres institutions de santé qui emploient également des médecins non autorisés à facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, cela ne permettrait pas de constater ni qu'elles agissent en réalité pour une tierce personne ni qu'elles n'ont pas d'intérêt digne de protection à obtenir la restitution des sommes versées cas échéant à tort. Au demeurant, les demanderesses, ainsi que d'autres assureurs-maladie ont introduit dans l'intervalle également des actions en paiement à l'encontre d'autres institutions de soins ambulatoires du canton de Genève.

Partant, la demande doit être déclarée recevable.

6.        Par écritures du 18 janvier 2019, les demanderesses ont amplifié leur demande en paiement de CHF 106'370.- concernant les soins prodigués par le Dr AA_______.

a. La question de la modification d'une demande initiale n'est pas réglée par la procédure cantonale ni par les dispositions de la procédure fédérale. Partant, il sied d'appliquer par analogie l'art. 227 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), selon lequel la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a) ou que la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b).

b. En l'occurrence, une connexité entre les prétentions initiales et les nouvelles doit être admise, puisqu'elles sont fondées sur les mêmes causes, à savoir la restitution des prestations fournies par des médecins sans autorisation de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

Aussi, les demanderesses sont en droit d'augmenter leurs conclusions.

7.        La défenderesse conclut reconventionnellement au paiement de toutes ses factures pour soins prodigués aux assurés des demanderesses, qui sont en suspens depuis le 1er juin 2018, avec intérêts à 5% dès les dates respectives d'exigibilité de chacune des prestations en cause. En effet, les demanderesses semblent opposer la compensation au paiement des factures de la défenderesse avec les prétentions qu'elles font valoir dans la présente procédure.

La recevabilité de la demande reconventionnelle peut être admise en ce qu'elle tend à la condamnation des demanderesses au paiement des factures de la défenderesse pour les soins prodigués par les médecins mis en cause. En effet, en application par analogie de l'art. 14 al. 1 CPC, il doit être admis qu'une demande reconventionnelle puisse être formée au for de l'action principale lorsqu'elle est dans une relation de connexité avec la demande principale.

Cette connexité fait toutefois défaut pour les prestations effectuées par les autres médecins employés par la défenderesse, de sorte que la recevabilité de la demande reconventionnelle les concernant doit être niée.

8.        L'objet du litige consiste à déterminer si les factures établies par la défenderesse pour les consultations effectuées depuis le début du moratoire en date du 1er juillet 2013 par 22 de ses médecins intervenants, d'un montant total de CHF 2'342'322.-, sont à la charge de l'assurance obligatoire des soins, étant précisé que les demanderesses ont renoncé à réclamer la restitution des prestations effectuées par le Dr F______, et le cas échéant si les prestations indûment perçues doivent être restituées.

9.        a. Concernant les parties à la procédure, la demande est formellement dirigée contre A______ et non contre M. B______, même si son nom est mentionné en-dessous de ce centre médical. Cela résulte également du fait que les demanderesses ont désigné la partie adverse au singulier et non au pluriel dans leur demande initiale.

M. B______ n'est ainsi pas partie à la procédure.

Si l'intention des demanderesses était d'étendre leur demande à une nouvelle partie, il leur eût appartenu de le requérir expressément. Toutefois, une telle requête aurait dû être rejetée, s'agissant d'une nouvelle demande contre une autre partie. Un appel en cause n'a au demeurant pas été ordonné.

b. Quant au D______ de C______, il n'a pas la personnalité juridique et est exploité pas A______ qui a par conséquent seule la légitimation active et passive pour les créances et dettes de cette structure.

10.    a. L'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles (art. 25 al. 1 LAMal). Ces prestations comprennent notamment les examens, traitements et soins dispensés sous forme ambulatoire au domicile du patient, en milieu hospitalier ou semi-hospitalier ou dans un établissement médico-social par des médecins, des chiropraticiens et des personnes fournissant des prestations sur prescription ou sur mandat médical (cf. art 25 al. 2 let. a LAMal).

Selon l'art. 35 al. 1 LAMal, les fournisseurs de prestations qui remplissent les conditions des art. 36 à 40 LAMal sont admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Il s'agit notamment des médecins, des hôpitaux, des établissements médico-sociaux et des institutions de soins ambulatoires dispensés par des médecins (art. 35 al. 2 let. a, h, k et n LAMal).

b. La loi fixe, de manière impérative, les conditions auxquelles un fournisseur de prestations peut être admis à pratiquer aux frais de l'assurance obligatoire des soins (art. 35 LAMal; ATF 125 V 448 consid. 3a ). Pour les médecins, l'art. 36 LAMal dispose qu'ils doivent être titulaires du diplôme fédéral et d'une formation postgraduée reconnue par le Conseil fédéral ; ce dernier règle l'admission des médecins titulaires d'un certificat scientifique équivalent (art. 36 al. 2 LAMal). Concernant les institutions de soins ambulatoires dispensés par des médecins, l'art. 36a LAMal, introduit dès le 1er janvier 2001, précise qu'elles sont admises lorsque ces médecins remplissent les conditions fixées à l'art. 36 LAMal. Enfin, les conditions d'admission des hôpitaux et d'autres institutions qui prodiguent des soins en milieu hospitalier ou semi-hospitalier, ainsi que des établissements médico-sociaux, figurent à l'art. 39 al. 1 LAMal.

Conformément à l'art. 38 LAMal, le Conseil fédéral règle l'admission des fournisseurs de prestations énumérés à l'art. 35 al. 2 lettres c à g et m, après consultation préalable des cantons et des organisations intéressées.

11.    Le 1er janvier 2001, l'Assemblée fédérale a introduit dans la LAMal l'art. 55a intitulé "limitation de l'admission de pratiquer à la charge de l'assurance-maladie", aux termes duquel le Conseil fédéral peut, pour une durée limitée à 3 ans au plus, faire dépendre de la preuve d'un besoin l'admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins au sens des art. 36 à 38. Il fixe les critères correspondants (al. 1). Les cantons et les fédérations de fournisseurs de prestations et d'assureurs doivent être consultés au préalable (al. 2). Les cantons désignent les fournisseurs de prestations conformément à l'al. 1 (al. 3).

Sur cette base, le Conseil fédéral a édicté le 3 juillet 2002 une ordonnance sur la limitation de l'admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire (RS 832.103), qui est entrée en vigueur le 4 juillet 2002 et a sorti ses effets dans un premier temps jusqu'au 3 juillet 2005. La durée de validité de l'ordonnance a été par la suite prolongée jusqu'au 31 décembre 2011 (cf. art. 6 al. 2 de l'ordonnance, introduit par le ch. I de l'ordonnance du 25 mai 2005, en vigueur depuis le 4 juillet 2005).

En application de ces anciennes dispositions légales, le Tribunal fédéral a jugé que ni les institutions de soins ambulatoires au sens de l'art. 35 al. 2 let. n LAMal, ni les médecins salariés travaillant pour elles ne sont soumis à titre individuel à la limitation de l'admission des fournisseurs de prestations à la charge de l'assurance-maladie obligatoire (ATF 133 V 613 consid. 5.3, 5.4 et 6, p. 609 s.). En effet, l'art. 38 LAMal n'autorise le Conseil fédéral qu'à régler l'admission des fournisseurs de prestations énumérés à l'art. 35 al. 2 let. c à g, i et m. Or, les institutions de soins ambulatoires dispensés par des médecins sont mentionnées à la let. n de cette disposition et ne font ainsi pas partie des fournisseurs de prestations pour lesquels le Conseil fédéral peut régler l'admission.

12.    L'art. 55a LAMal a été par la suite modifié à plusieurs reprises.

a. Dans sa nouvelle teneur en vigueur du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, cette disposition prescrit à l'alinéa 1 que l'admission des médecins au sein des institutions au sens de l'art. 36a LAMal et dans le domaine ambulatoire des hôpitaux au sens de l'art. 39 LAMal peut également être soumise à la preuve d'un besoin, tout en excluant de cette preuve les médecins au bénéfice d'un titre postgrade fédéral en médecine générale ou pédiatrie, de médecin praticien ou internistes, à condition, pour ces deux dernières spécialités, qu'ils ne soient pas au bénéfice d'un autre titre postgrade.

b. Dans sa version valable du 1er juillet 2013 au 30 juin 2016, l'art. 55a LAMal prévoit aussi expressément la possibilité de faire dépendre de l'établissement de la preuve d'un besoin l'admission de tous les médecins qui exercent une activité dépendante ou indépendante, ainsi que des médecins qui exercent au sein d'une institution au sens de l'art. 36a LAMal ou dans le domaine ambulatoire d'un hôpital au sens de l'art. 39 LAMal, sans exception pour certaines spécialités (al. 1). Ne sont pas soumis à la preuve du besoin les personnes qui ont exercé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade (al. 2). Le Conseil fédéral fixe les critères permettant d'établir la preuve du besoin après avoir consulté les cantons, les fédérations de fournisseurs de prestations, les fédérations des assureurs et les associations de patients (al. 3). Les cantons désignent les médecins visés à l'al. 1. Ils peuvent assortir leur admission de conditions (al. 4). 

Selon les dispositions transitoires relatives à la modification de la LAMal du 21 juin 2013,

« 1 Les médecins qui ont été admis en vertu de l'art. 36 et ont pratiqué dans leur propre cabinet à la charge de l'assurance obligatoire des soins avant l'entrée en vigueur de la modification du 21 juin 2013 ne sont pas soumis à la preuve du besoin.

Les médecins qui ont exercé au sein d'une institution au sens de l'art. 36a ou dans le domaine ambulatoire d'un hôpital au sens de l'art. 39 avant l'entrée en vigueur de la modification du 21 juin 2013 ne sont pas soumis à la preuve du besoin s'ils continuent d'exercer au sein de la même institution ou dans le domaine ambulatoire du même hôpital. »

c. Le 17 juin 2016, la validité de l'art. 55a LAMal a été prolongée du 1er juillet 2016 au 30 juin 2019. La teneur de cette disposition n'a pratiquement pas changé.

Cette modification est également assortie d'une disposition transitoire, selon laquelle les médecins qui ont été admis en vertu de l'art. 36 LAMal et ont pratiqué dans leur propre cabinet à la charge de l'assurance obligatoire des soins avant l'entrée en vigueur de la modification du 17 juin 2016 ne sont pas soumis à la preuve du besoin (al. 1). Il en va de même des médecins qui ont exercé au sein d'une institution au sens de l'art. 36a LAMal ou dans le domaine obligatoire d'un hôpital au sens de l'art. 39 LAMal avant l'entrée en vigueur de cette modification, s'ils continuent d'exercer au sein de la même institution ou dans les domaines obligatoires du même hôpital (al. 2).

Dans le message concernant la modification de la LAMal (réintroduction temporaire de l'admission selon le besoin) du 21 novembre 2012, le Conseil fédéral expose par ailleurs que l'art. 55a al. 1 LAMal concerne également les médecins exerçant une activité dépendante, l'activité des médecins au sein des institutions au sens de l'art. 36a LAMal et celle dans le domaine obligatoire des hôpitaux au sens de l'art. 39 LAMal (FF 2012 p. 8716).

13.    Le Tribunal administratif fédéral a jugé qu'il résulte de l'historique et de la ratio legis de l'art. 55a LAMal que l'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins doit être délivrée pour chacun des médecins exerçant en sein d'une institution de soins ambulatoires et non seulement à cette dernière. Ces médecins sont ainsi individuellement soumis à la preuve du besoin, à moins de remplir les conditions de l'art. 55a al. 2 LAMal ou des dispositions transitoires (arrêt C-3592/2018 du 11 décembre 2018 consid. 7).

14.    Faisant usage de la compétence qui lui est conférée par l'art. 55a LAMal, le Conseil fédéral a édicté le 3 juillet 2013 l'ordonnance sur la limitation de l'admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire (OLAF ; RS 832.103). Cette ordonnance est entrée en vigueur le 5 juillet 2013 pour une durée échéant le 30 juin 2016. Elle a été par la suite prolongée jusqu'au 30 juin 2019, puis jusqu'au 30 juin 2021.

Selon l'art. 1 OLAF, les médecins visés à l'art. 36 LAMal et les médecins qui exercent au sein des institutions au sens de l'art. 36a LAMal ne sont admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins que si le nombre maximum fixé par l'annexe 1 pour le canton et le domaine de spécialité concerné n'est pas atteint (al. 1). Les personnes visées à l'art. 55a al. 2 LAMal et dans les dispositions transitoires relatives à la modification du 17 juin 2016 de la LAMal ne sont pas soumises à la limitation prévue à l'al. 1 (al. 2).

15.    La règlementation du droit fédéral est directement applicable et peut être exécutée par les cantons sans être concrétisée par des règles d'exécution correspondantes. La transposition de la règlementation fédérale en droit cantonal constitue ainsi du droit d'exécution dépendant. En vertu de la règlementation fédérale, les cantons sont par conséquent tenus de décider si les fournisseurs de prestations concernés qui obtiennent une autorisation d'exercer leur profession, sont également admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (ATF 133 V 613 consid. 4.2 p. 616 s.).

16.    Dans le canton de Genève, sous réserve des compétences attribuées au Grand Conseil, l'application de la LAMal est confiée au Conseil d'Etat, qui peut déléguer ses compétences au département responsable (cf. art. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 - LaLAMal - J 3 05). Selon l'art. 1 al. 2 du règlement d'exécution de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 15 décembre 1997 (RaLAMal - J 3 05.01), dans sa teneur valable depuis le 4 septembre 2018, c'est le DES (auparavant département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé - DEAS), soit pour lui la DGS, qui est compétent pour l'admission des fournisseurs de prestations et la définition de leurs mandats de prestations.

Le Conseil d'État a adopté le 27 janvier 2010 le règlement d'application de l'OLAF, lequel a été en vigueur du 4 février 2010 jusqu'au 31 décembre 2011. Le 16 avril 2014, il a réintroduit ce règlement avec une entrée en vigueur au 23 avril 2014 (RaOLAF - J 3 05.50). Selon l'art. 3 RaOLAF, les fournisseurs de prestations visés par la limitation de l'admission sont les médecins au bénéfice d'un titre postgrade fédéral ou jugé équivalent au sens de l'art. 36 LAMal qui exercent dans un cabinet une activité dépendante ou indépendante, au sein d'une institution au sens de l'art. 36a LAMal ou dans le domaine ambulatoire d'un hôpital au sens de l'art. 39 LAMal.

En vertu de l'art. 4 RaOLAF, ne sont pas soumis à cette limitation les médecins qui peuvent attester avoir exercé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse de formation reconnu en présentant :

a)      des certificats FMH établis au cours de la formation postgraduée au sein d'établissements suisses reconnus ;

b)      ou des attestations de travail établies par des établissements suisses de formation postgraduée reconnus.

L'art. 5 RaOLAF prescrit qu'une admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins ne peut être délivrée que si le nombre maximum de médecins par domaine de spécialité, fixé par l'annexe 1 de l'OLAF, n'est pas atteint (al. 1). En fonction des besoins en soins de la population, la DGS a la possibilité de délivrer des admissions supplémentaires à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. La commission quadripartite consultative peut, à cet égard, émettre des préavis (al. 2). Conformément à l'art. 9 al. 1 RaOLAF, les institutions au sens de l'art. 36a LAMal communiquent tous les six mois à la DGS la liste nominative des médecins salariés, mentionnés à l'art. 36 al. 1 LAMal exerçant en leur sein, ainsi que leurs domaines de spécialité.

L'art. 18 RaOLAF relatif aux dispositions transitoires a la teneur suivante:

"1 Les médecins ayant été admis en vertu de l'article 36 de la loi fédérale et ayant pratiqué dans leur propre cabinet, en leur propre nom et sous leur propre responsabilité, à la charge de l'assurance obligatoire des soins avant le 5 juillet 2013 ne sont pas soumis à limitation.

2 Sur demande de la direction générale, les médecins, n'ayant pas exercé pendant au moins 3 ans dans un établissement suisse de formation reconnu, fournissent les informations et présentent les documents de preuve y relatifs. A cette fin, la direction générale peut exiger :

a) tout document démontrant que le médecin concerné s'est effectivement installé dans son propre cabinet avant le 5 juillet 2013;

b) une attestation des assurances-maladie démontrant que le médecin concerné a exercé dans son propre cabinet, en son propre nom et sous sa propre responsabilité avant le 5 juillet 2013.

3 Les médecins pratiquant dans une institution au sens de l'article 36a de la loi fédérale ou dans le domaine ambulatoire d'un hôpital au sens de l'article 39 de la loi fédérale avant le 5 juillet 2013 et qui continuent d'exercer dans le même cadre au-delà de la date précitée ne sont pas soumis à limitation. Sur demande de la direction générale, les médecins fournissent les documents de preuve y relatifs.

Les médecins ne répondant pas aux conditions mentionnées aux alinéas 1 et/ou 2 reçoivent un arrêté départemental constatant qu'ils sont soumis à la limitation. Ils peuvent néanmoins être admis à pratiquer à titre indépendant à la charge de l'assurance obligatoire des soins, si les conditions de l'article 5 du présent règlement sont remplies.

5 Les institutions au sens de l'article 36a de la loi fédérale et les hôpitaux au sens de l'article 39 de la loi fédérale doivent annoncer à la direction générale, dans un délai d'un mois après l'adoption du présent règlement, les médecins qui ne peuvent attester, au 5 juillet 2013, avoir exercé pendant au moins 3 ans dans un établissement suisse de formation reconnu."

17.    En ce qui concerne l'exercice d'une profession médicale au niveau fédéral, l'art. 34 de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006, qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 2017 (LPMED ; RS 811.11), prescrivait que seul l'exercice d'une profession médicale universitaire à titre indépendant requiert une autorisation du canton sur le territoire duquel la profession médicale est exercée.

La novelle du 20 mars 2015, introduite avec effet au 1er janvier 2018, prévoit à l'art. 34 LPMED que l'exercice de toute profession médicale universitaire à titre d'activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle requiert une autorisation du canton sur le territoire duquel la profession médicale est exercée (al. 1). L'exercice d'une profession dans un service public cantonal ou communal n'est pas considéré comme relevant d'une activité économique privée (art. 2). Selon l'art. 33a LPMED, toute personne exerçant une profession médicale universitaire doit être inscrite au registre des professions médicales universitaires et disposer des connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession (al. 1). Toute personne désirant exercer une profession médicale universitaire dans le secteur public ou à titre d'activité économique privée sous surveillance professionnelle et qui ne possède ni un diplôme fédéral ni un diplôme étranger reconnu doit être titulaire d'un diplôme l'autorisant dans le pays de délivrance à exercer une profession médicale universitaire sous surveillance professionnelle et soumettre une demande auprès de la Commission des professions médicales pour être inscrite au registre (al. 2). Quant aux employeurs de médecins exerçant sous surveillance professionnelle, ils sont tenus de vérifier que ceux-ci sont inscrits au registre des professions médicales et qu'ils disposent des connaissances linguistiques nécessaires (al. 3).

La notion d'exercice « à titre indépendant » à l'art. 34 LPMéd a été remplacée par celle d'exercice « à titre d'activité économique privée, sous sa propre responsabilité professionnelle » sur incitation des cantons qui critiquaient le fait que la LPMéd réglait uniquement l'exercice d'une activité professionnelle à titre indépendant (Message concernant la modification de la loi sur les professions médicales [LPMéd] du 3 juillet 2013, FF 2013 p. 5586). La règlementation des conditions d'exercice de l'activité dépendante était dans la compétence des cantons (Message op. cit. p. 5557). Les médecins exerçant dans un cabinet constitué en société anonyme ou le pharmacien salarié par le propriétaire de l'officine où il travaille n'étaient pas considérés comme exerçant à titre indépendant et n'étaient ainsi pas soumis aux dispositions de la LPMéd.  Par conséquent, ils échappaient au régime d'autorisation fédérale de leur pratique, ce qui n'était pas dans l'intérêt de la qualité des soins. Désormais, la LPMéd régit les activités économiques lucratives privées de toutes les personnes exerçant sous leur propre responsabilité (Message op. cit. p. 5587 s.).

En vertu du principe de proportionnalité, l'obligation d'obtenir une autorisation de pratiquer est limitée à l'activité exercée sous sa propre responsabilité professionnelle. En effet, cette obligation et cas échéant celle de formation continue exigée pour l'exercice d'une activité économique privée portent une atteinte grave à la liberté économique. Or, lorsqu'une personne travaille dans un rapport de subordination, il faut considérer que la surveillance offre un contrôle suffisant pour assurer la sécurité des patients. La responsabilité du traitement incombe alors à un professionnel titulaire de la formation correspondante (Message op. cit. p. 5591).

18.    Dans le canton de Genève, la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) prescrit à l'art. 74, dans sa teneur entrée en vigueur le 17 novembre 2018, qu'une personne n'a le droit de pratiquer une profession de la santé que si elle est au bénéfice d'une autorisation délivrée par le département ou a suivi le processus d'annonce prévu par la LPMéd (al. 1). Les personnes exerçant une profession médicale universitaire sous la surveillance professionnelle d'un professionnel de la santé, autorisé à pratiquer la même discipline, et qui suivent une formation postgrade, sont dispensées d'obtenir une autorisation de pratiquer (al. 2). L'art. 72 LS distingue par ailleurs trois catégories de professionnels de la santé, à savoir ceux qui exercent à titre indépendant (let. a), ceux qui exercent à titre dépendant sous leur propre responsabilité (let. b) et ceux qui exercent à titre dépendant sous la responsabilité d'un professionnel de la santé cité aux lettres a ou b. Selon l'alinéa 2 de cette disposition, les notions d'indépendance et de dépendance s'entendent au sens de la législation en matière d'assurances sociales. Conformément à l'art. 72A LS, le professionnel de la santé ne peut pas pratiquer sous sa propre responsabilité dans le cadre de sa formation (al. 1). Sous réserve du droit fédéral, le Conseil d'Etat fixe la durée de formation admise selon la profession et la spécialisation ainsi que le nombre de personnes en formation dont peut être responsable un professionnel autorisé, en distinguant la formation en pratique privée de celle en institution de santé. Il peut charger le département de régler le détail de cette matière (al. 2). Aux termes de l'art. 18 du règlement sur les professions de la santé du 22 août 2006 (RPS - K 3 02.01), toute personne qui veut exercer la profession de médecin sous sa propre responsabilité professionnelle doit être titulaire du diplôme fédéral de médecin et du titre postgrade correspondant ou des titres reconnus en vertu du droit fédéral (al. 1). Les personnes qui ne possèdent pas ces titres ne peuvent exercer que sous surveillance professionnelle et doivent être inscrites au registre des professions médicales universitaires visé à l'art. 51 LPMéd (al. 2). La profession de médecin sous surveillance ne peut être exercée que sous la responsabilité d'un professionnel autorisé à exercer ladite profession sous sa propre responsabilité et qui exerce lui-même dans des lieux de formation reconnus (al.3).

Dans sa teneur valable depuis le 1er septembre 2006, l'art. 74 LS ne comportait qu'un seul alinéa qui prescrivait qu'une personne n'a le droit de pratiquer une profession de la santé que si elle est au bénéfice d'une autorisation de pratique délivrée par le département.

L'ancienne teneur de l'art. 72 al. 1 LS était la suivante: 

« 1 Au sens de la présente loi, pratique à titre dépendant le professionnel de la santé qui oeuvre sous la responsabilité et la surveillance d'un autre professionnel autorisé de la même branche.

2 Dans le cadre de sa formation, le professionnel de la santé pratique à titre dépendant.

3 Le Conseil d'Etat fixe la durée de formation admise selon la profession et la spécialisation ainsi que le nombre de personnes en formation dont peut être responsable un professionnel autorisé, en distinguant la formation en pratique privée de celle en institution de santé. Il peut charger le département de régler le détail de cette matière. »

L'art. 101 LS règle l'admission des institutions de santé. Leur extension, transformation et exploitation sont soumises à autorisation (al. 1). Selon l'alinéa 2 de cette disposition, l'autorisation d'exploitation est délivrée par le département lorsque l'institution est dirigée par une ou des personnes responsables qui possèdent la formation ou les titres nécessaires (let. a), est dotée d'une organisation adéquate (let. b), dispose du personnel qualifié nécessaire ayant reçu une formation professionnelle adéquate (let. c), dispose des locaux et de l'équipement nécessaires répondant aux exigences d'hygiène et de sécurité des patients (let. d), participe à l'établissement des statistiques et des autres moyens de mesures nécessaires à la réalisation et à l'évaluation de la planification sanitaire cantonale (let. e) et garantit, s'il y a lieu, la fourniture adéquate en médicaments (let. f). L'autorisation d'exploitation indique la mission de l'institution de santé et peut fixer un nombre maximal de personnes que l'institution peut prendre en charge (al. 3).
Le Conseil d'Etat définit, selon la nature des prestations offertes, pour chaque catégorie d'institution, les conditions spécifiques d'octroi de l'autorisation d'exploitation (al. 4). Par ailleurs, selon l'art. 8 du règlement sur les institutions de santé du 22 août 2006 (RISanté - K 2 05.06), l'employeur a l'obligation de vérifier que le professionnel de la santé qu'il emploie est au bénéfice d'un droit de pratiquer cantonal (al. 1) et d'annoncer par écrit et sans délai au Médecin cantonal l'engagement ou le départ de tout professionnel de la santé (al. 2 en lien avec art. 1A al. 1 let. b RISanté).

19.    Il résulte de la réglementation fédérale que, depuis la réintroduction du moratoire avec effet au 1er juillet 2013, les médecins doivent obtenir, outre l'autorisation de pratiquer leur profession, une autorisation pour facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, sauf exception prévue par la loi. La première autorisation relève de la police sanitaire et a pour but de garantir que seules les personnes qui ne mettent pas en danger la santé publique, travaillent pour l'assurance obligatoire des soins. Quant à la seconde autorisation, elle est régie par le droit des assurances sociales et vise à maitriser les coûts de la santé (Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie [Admission des fournisseurs de prestations], FF 2018 p. 3280 ss).

L'obligation d'une autorisation de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins résulte notamment de l'art. 55a al. 4 2ème phrase LAMal qui prescrit que les cantons peuvent assortir « l'admission » des médecins à des conditions. L'al. 5 de cette disposition utilise également le terme « admission », laquelle expire lorsque le titulaire n'en fait pas usage dans un certain délai. Selon l'art. 1 al. 1 OLAF, les médecins exerçant au sein des institutions de santé ne sont admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins que si le nombre maximum fixé par l'annexe 1 pour le canton et le domaine de spécialité concerné n'est pas atteint. Les art. 3 let. b et 4 OLAF font aussi référence à une admission de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

En application des dispositions fédérales, l'art. 5 RaOLAF soumet à autorisation le fait de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins également au niveau cantonal.

Dès l'entrée en vigueur de la novelle du 12 juin 2009 en date du 1er janvier 2010, l'art. 55a al. 1 let. b LAMal permet en outre de faire dépendre de la preuve d'un besoin l'admission de médecins pratiquant au sein d'une institution de santé au sens de l'art. 36a LAMal. Partant, l'arrêt du Tribunal fédéral rendu en 2007 sur la base de l'ancienne teneur de l'art. 55a LAMal n'est plus valable (ATF 133 V 613 consid. 5.3, 5.4 et 6, p. 609 s.). Suite à l'introduction du moratoire avec effet au 1er juillet 2013, les médecins de ces institutions doivent par conséquent obtenir une autorisation de pratiquer à la charge de la LAMal à titre individuel.

Ne sont exceptés de la preuve du besoin, selon les dispositions transitoires de la LAMal relatives aux modifications du 21 juin 2013, respectivement du 17 juin 2016, que les médecins ayant pratiqué dans leur propre cabinet à la charge de l'assurance obligatoire des soins avant l'entrée en vigueur de la modification du 21 juin 2013, respectivement du 17 juin 2016 (al. 1) et les médecins ayant exercé au sein d'une institution de santé ou dans le domaine obligatoire d'un hôpital avant l'entrée en vigueur de ces modifications, s'ils continuent à exercer au sein de la même institution ou dans les domaines obligatoires du même hôpital (al. 2).

20.    a. En l'occurrence, il n'est pas contesté que les 22 médecins en cause ont l'autorisation d'exercer leur profession dans le canton de Genève.

Cependant, ils ne sont pas au bénéfice d'une autorisation de facturer à la charge de la LAMal, alors qu'une telle autorisation est expressément requise pour les médecins qui ont obtenu l'autorisation de pratiquer leur profession pendant le moratoire, comme exposé ci-dessus.

b. En ce que la défenderesse fait une distinction entre le fait de prodiguer des soins à la charge de l'assurance-maladie obligatoire des soins dans le cadre de l'exercice de la profession de médecin à titre indépendant ou à titre dépendant, sous sa propre responsabilité ou sous la responsabilité d'un médecin tiers, il convient de relever qu'une telle distinction ne figure ni dans la réglementation fédérale, ni dans la réglementation cantonale concernant l'admission de facturer à la charge de cette assurance. En effet, l'art. 55a LAMal se réfère aux médecins exerçant une activité dépendante ou indépendante (al. 1 let. a) et aux médecins qui exercent au sein d'une institution au sens de l'art. 36a (let. b). Il en va de même de l'art. 3 RaOLAF. Telle est également la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral susmentionnée, selon laquelle chacun des médecins d'une institution de soins ambulatoires doit être au bénéfice d'une autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

Par conséquent, une autorisation de prodiguer des soins à la charge de l'assurance-maladie obligatoire est exigée pour tous les médecins exerçant la profession à titre d'indépendant ou de dépendant, sous réserve des dispositions transitoires.

c. En ce que la défenderesse se réfère à la LS pour soutenir qu'une activité médicale sous surveillance est accessible à tout médecin, il sied de rappeler en premier lieu que cette loi concerne uniquement le droit de pratiquer la profession de médecin, mais non l'autorisation de prodiguer des soins à la charge de la LAMal. Le moratoire instauré par la LAMal et l'OLAF n'interdit pas le droit de pratiquer sous la responsabilité d'un autre médecin, mais restreint uniquement le droit de faire rembourser les prestations par l'assurance obligatoire des soins.

Partant, les prestations accomplies par les médecins en cause de la défenderesse ne sont en principe pas à la charge de l'assurance obligatoire des soins, à défaut d'une autorisation cantonale dans ce sens, sous réserve des exceptions prévues par les dispositions transitoires.

21.    La défenderesse se prévaut de la règle d'interprétation dite des clauses ambiguës, à savoir celles qui peuvent, en toute bonne foi, être comprises de différentes manières (cf. ATF 118 II 344). Selon cette règle, ces clauses doivent être interprétées in dubio contra stipulatorem. Cependant, cette règle ne s'applique qu'à l'interprétation de clauses contractuelles en droit privé, notamment des conditions générales d'assurance (cf. ATF 122 III 118 consid. 2d p. 124). Une telle règle n'existe pas en droit public et ne pourrait en tout état de cause pas s'appliquer à l'interprétation d'un acte unilatéral émanant d'une autorité, telle qu'une autorisation.

Au demeurant, les arrêtés du Conseil d'Etat concernant les médecins en cause ne sauraient être considérés comme des autorisations de pratiquer à la charge de la LAMal sous la responsabilité ou la surveillance du médecin responsable d'une institution de santé, une telle autorisation devant être formulée positivement.

22.    La défenderesse soutient en substance que le comportement des autorités responsables est contraire au principe de la bonne foi, dans la mesure où celles-ci lui ont laissé croire qu'une autorisation de pratiquer à la charge de la LAMal n'est pas nécessaire lorsque les médecins de son institution de santé travaillent sous sa responsabilité. Cet argument se confond avec celui selon lequel la DGS, par son silence, lui a accordé par actes concluants l'autorisation de facturer les prestations effectuées par des médecins sans autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, lorsque ces prestations ont été fournies sous la responsabilité du médecin-répondant et facturées par l'institution de soins ambulatoires.

a. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1 ; ATF 128 II 112 consid. 10b/aa ; ATF 126 II 377 consid. 3a et les arrêts cités). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les nombreuses références citées).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6 ; ATF 129 I 161 consid. 4.1; ATF 126 II 377 consid. 3a et les références citées). Une autorité ne peut toutefois pas valablement promettre le fait d'une autre autorité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 7/04 du 27 janvier 2005 consid. 3.1).

b. En l'espèce, une éventuelle violation du principe de la bonne foi ne peut être reprochée aux demanderesses.

Quant à une violation du principe de la bonne foi par les autorités du canton de Genève, elle ne peut en tout état de cause pas être constatée. En effet, ni le médecin cantonal ni la DGS ne sont intervenus dans une situation concrète à l'égard de la défenderesse, en lui faisant croire que les médecins en cause n'auraient pas besoin d'une autorisation de pratiquer à la charge de la LAMal, lorsque leurs prestations sont facturées sous le n° RCC de la défenderesse. Au contraire, la DGS a délivré des arrêtés stipulant que ces médecins ne sont pas admis à prodiguer des soins à la charge de l'assurance-maladie obligatoire dans l'exercice de la profession de médecin à titre indépendant ou à titre dépendant sous leur propre responsabilité. S'agissant d'éventuelles promesses obtenues par le Président du Conseil d'Etat de l'époque, elles ne sont pas établies, indépendamment du fait que ce denier n'était pas l'autorité compétente, dans la mesure où il n'était pas en charge du DEAS (aujourd'hui DES).

Certes, les autorités compétentes ne sont pas intervenues immédiatement après l'introduction du moratoire en date du 1er juillet 2013 pour contrôler que les médecins travaillant dans les institutions de santé sont au bénéfice d'une autorisation de pratiquer à la charge de la LAMal. En effet, elles semblent avoir attendu fin 2016 pour demander des renseignements au sujet des médecins employés dans ces institutions. Ce n'est qu'en 2017 qu'elles ont invité les institutions de santé à leur transmettre la liste des médecins y travaillant. L'absence de contrôle et de sanctions ne peut cependant pas être considérée comme un comportement susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime, au vu des arrêtés précités.

Il est vrai que le médecin cantonal délégué n'a pas répondu directement au courrier du 4 janvier 2017 du médecin répondant de la défenderesse, par lequel celui-ci a fait savoir que le Dr N_______ travaillait comme médecin dépendant sous la responsabilité du premier, tout en estimant que cela était conforme à la loi cantonale, à l'arrêté du Conseil d'État et à la LAMal. Il convient toutefois de considérer que la lettre adressée par le médecin cantonal le 24 février 2017 à toutes les institutions de santé, et donc également à la défenderesse, constitue une réponse à ce courrier. En effet, dans cette lettre, le médecin cantonal les informe que le moratoire s'applique également aux médecins travaillant dans les institutions de santé et que ceux qui n'ont pas obtenu une autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins reçoivent un arrêté leur signifiant cette non-autorisation. Ces médecins ne peuvent pas facturer des prestations ambulatoires à la charge de cette assurance ni sous leur propre identité ni sous celle du médecin répondant d'une institution. Cette réponse est claire et aurait dû dissiper tout doute de la défenderesse sur la question de savoir si ses médecins, ayant fait l'objet d'un arrêté de refus d'autorisation de pratiquer à la charge de la LAMal, ont le droit de le faire lorsque les soins sont facturés sous le n° RCC de l'institution de santé ou du médecin répondant.

La défenderesse a demandé le 31 mars 2017 au médecin cantonal d'autoriser les médecins travaillant dans son institution à prodiguer des soins sous la responsabilité de celle-ci. Cette lettre est restée sans réponse, ce qui ne saurait cependant être considéré comme une assurance que l'autorisation est accordée ou que l'autorisation n'est pas nécessaire.

Par ailleurs, les médecins de la défenderesse avaient la possibilité de contester le refus d'autorisation. Or, aucun d'eux n'a recouru contre ces décisions qui sont par conséquent entrées en force et ne peuvent plus être mises en question dans la présente procédure.

23.    Quant à la question de savoir si la défenderesse répond à un besoin dans le canton de Genève, le Tribunal de céans n'est pas compétent pour répondre à cette question. Cette question n'est en outre pas pertinente, dans la mesure où seule est décisive l'existence d'une autorisation de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins pour chacun des médecins intervenant pour la défenderesse, à moins d'en être dispensé de par la loi.

24.    En ce que défenderesse fait valoir avoir fait l'objet d'une dénonciation anonyme, elle n'en tire aucune conséquence juridique. Au demeurant, l'art. 7 al. 1 et 2 OLAF prescrit notamment que les cantons sont tenus de communiquer aux assureurs l'identité des médecins travaillant dans les institutions de soins ambulatoires. La teneur de cette disposition est la suivante:

"1 Les cantons communiquent:

a. à l'Office fédéral de la santé publique, les réglementations édictées en vertu des art. 2 et 3;

b. aux assureurs:

1. dans un délai d'un mois, toutes les décisions sur les demandes d'admission fondées sur la présente ordonnance,

2. l'identité des médecins qui continuent à exercer au sein des institutions au sens de l'art. 36a LAMal en vertu de l'al. 2 des dispositions transitoires relatives à la modification du 17 juin 20162 de la LAMal,

2 Les institutions au sens de l'art. 36a LAMal communiquent au canton, dans un délai d'un mois, l'identité des médecins qui exercent en leur sein ainsi que toute modification de leur nombre, de la période d'embauche et des domaines de spécialité visés à l'annexe 1 dans lesquels ces médecins exercent."

Partant, ce grief est sans pertinence.

25.    Se pose cependant la question de savoir si les médecins de la défenderesse qui ont demandé leur admission pendant le premier moratoire et auxquels, de ce fait, le droit de prodiguer des soins à la charge de l'assurance obligatoire des soins a été refusé, doivent être exemptés de la preuve du besoin. Il s'agit des docteurs O_______, V_______ et Z_______, lesquels ont obtenu l'autorisation de pratiquer, non à la charge de l'assurance obligatoire des soins, respectivement les 30 janvier 2008, 18 décembre 2008 et 26 octobre 2006. Quant au Dr AA_______, il a obtenu le 1er septembre 2011 l'autorisation de pratiquer à titre de dépendant sous la surveillance d'un médecin exerçant avec un titre postgrade correspondant.

a. Les dispositions transitoires relatives à la modification de l'art. 55a LAMal du 21 juin 2013 et du 17 juin 2016, prévoient que les médecins qui ont exercé au sein d'une institution au sens de l'art. 36a LAMal avant l'entrée en vigueur de ces modifications ne sont pas soumis à la preuve du besoin, s'ils continuent d'exercer au sein de la même institution. Cela est également prévu à l'art. 18 al. 3 RaOLAF, selon lequel les médecins pratiquant dans une institution au sens de l'art. 36a LAMal avant le 5 juillet 2013 et qui continuent d'exercer dans le même cadre au-delà de cette date, ne sont pas soumis à la limitation.

Par ailleurs, ce n'est que durant les moratoires que l'admission des médecins peut être soumise à la clause du besoin, conformément à l'art. 55a LAMal. Or, la validité de l'art. 55a LAMal et de l'OLAF était limitée au 31 décembre 2011 durant le premier moratoire. Quant au RaOLAF, sa validité était également limitée la première fois jusqu'au 31 décembre 2011. Partant, dès le 1er janvier 2012, l'activité des médecins n'était plus soumise à la preuve d'un besoin, si bien que tous les médecins admis à pratiquer avaient en principe de nouveau le droit de facturer leurs soins à la charge de l'assurance obligatoire des soins, en vertu de l'art. 35 LAMal, et de demander cas échéant un numéro au RCC.

b. L'interdiction de facturer les soins à la charge de la LAMal étant devenue caduque et ce droit ne nécessitant plus une autorisation à partir du 1er janvier 2012, les Drs O_______, V_______, Z_______ et AA_______ étaient automatiquement autorisés à prodiguer des soins à charge de l'assurance obligatoire des soins dès cette date. Il faut cependant encore, après la réintroduction du moratoire, qu'ils aient continué à exercer leur profession au sein de la défenderesse au-delà du 1er juillet 2013.

Pour les Drs AA_______ et V_______, cela doit être admis et n'est pas non plus contesté par les demanderesses, lesquelles estiment toutefois que la continuité d'exercice doit être confirmée par la DGS, seule habilitée à constater que les exigences de l'art. 18 al. 3 RaOLAF sont remplies. Cela ne résulte cependant pas des dispositions applicables. Certes, l'art. 18 al. 5 RaOLAF prescrit que les institutions de soins ambulatoires doivent annoncer à la DGS, dans un délai d'un mois après l'adoption de ce règlement, les médecins qui ne peuvent pas attester, au 5 juillet 2013, avoir exercé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse de formation reconnue. Cependant, la non observation de cette disposition légale n'entraîne pas pour autant l'interdiction de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, dès lors que l'annonce à la DGS ne constitue pas une condition d'octroi. Seules des mesures et sanctions administratives et pénales prévues aux art. 125A ss LS peuvent être prononcées en cas de violation de la loi et de ses règlements.

Quant au Dr O_______, la défenderesse a admis qu'il a interrompu son activité dans son institution entre janvier 2009 et août 2016. Par conséquent, l'exigence de la continuité n'est pas remplie, de sorte que ce médecin n'est pas autorisé à facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, à défaut d'une autorisation dans ce sens.

En ce qui concerne le Dr Z_______, il n'a rejoint l'institution de la défenderesse qu'en décembre 2016. Il n'y a ainsi pas non plus de continuité de l'exercice avant et après le moratoire, de sorte qu'il n'a pas non plus de droit de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

26.    Les demanderesses ont détaillé les sommes remboursées, par assurance, à chacun des médecins mis en cause dans la présente procédure, sauf pour le Dr AA_______ (cf. pièces 9 et 53 à 74 demanderesses). Ces sommes ne sont pas contestées par la défenderesse.

Il ressort du dossier que, durant la période du 1er septembre 2013 au 25 juillet 2018, les demanderesses ont remboursé pour le Dr V_______ la somme de CHF 283'820.- et pour le Dr AA_______ le montant de CHF 106'370.- dans le cadre de l'assurance obligatoire des soins. Partant, il convient de déduire ces sommes des prétentions des demanderesses. Dans la mesure où les demanderesses n'ont pas précisé pour le Dr AA_______ quel montant versé aux assurés traités par ce dernier les concerne individuellement, les honoraires relatifs à celui-ci et au Dr V_______ seront déduits les honoraires globaux des médecins mis en cause, et la défenderesse sera condamnée à verser les prestations indûment perçues aux demanderesses prises conjointement, charge à elles de répartir entre elles la somme reçue.

Quant aux prétentions relatives au D______ de C______, elles ressortent également la pièce 9 des demanderesses qui liste les prestations prises en charge par celles-ci pour les médecins de la défenderesse et dudit centre, sans toutefois faire une distinction entre ces deux entités. En tout état de cause, la défenderesse n'a pas contesté les montants remboursés pour les prestations fournies par les médecins en cause.

Il s'avère ainsi que les demanderesses ont remboursé à tort à la défenderesse CHF 1'952'132.- (CHF 2'342'322 - CHF 106'370 - CHF 283'820.-).

27.    a. Aux termes de l'art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l'intérêt de l'assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépassent cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de cette loi. Ont qualité pour demander la restitution l'assuré ou l'assureur dans le système du tiers garant (al. 2 let. a) et l'assureur dans le système du tiers payant (al. 2 let. b).

L'art. 56 al. 2 LAMal n'est pas applicable uniquement aux cas de restitution en raison d'un traitement non économique, mais également aux autres situations où des prestations ont été touchées de manière indue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_258/2010 du 30 novembre 2011 consid. 5.4).

b. Selon la jurisprudence en la matière, a qualité pour agir l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l'encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés (ATF 127 V 286 consid. 5d).

Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle il doit être mentionné dans la demande, ainsi que dans l'arrêt (RAMA 2003, p. 221). Lorsqu'un groupe d'assureurs introduit une demande collective, il ne peut dès lors réclamer que le montant que les membres de ce groupe ont payé. Il n'est pas habilité d'exiger le remboursement d'un montant que d'autres assureurs, lesquels ne sont pas représentés par ce groupe, ont pris en charge.

c. Quant aux dispositions de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), elles ne sont pas applicables, s'agissant d'une prétention fondée sur le droit administratif, plus particulièrement la LAMal.

28.    Comme exposé ci-dessus, l'art. 56 al. 2 LAMal constitue une base légale valable pour toutes les situations où des prestations ont été touchées de manière indue par un fournisseur de prestations.

Il n'est pas ailleurs pas contesté que les prestations fournies par les médecins en cause ont été facturées par la défenderesse dans le système du tiers payant. Celle-ci est par conséquent la débitrice des prestations indûment touchées.

Les demanderesses ont en outre justifié avoir remboursé les prestations litigieuses.

Cela étant, elles sont légitimées à demander à la défenderesse la restitution des prestations prodiguées par les médecins de la défenderesse, non autorisés à facturer à la charge de la LAMal, et qu'elles ont remboursées depuis le 1er septembre 2013, d'un montant total de CHF1'952'132.-.

29.    Aux termes de l'art. 25 al. 2 LPGA, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant. Cette disposition s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 p. 582 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les délais de la disposition précitée constituent des délais de péremption (ATF 142 V 20, consid. 3.2.2 p. 24). Ils ne peuvent dès lors être interrompus (ATF 136 II 187 consid. 6 p. 192).

30.    a. En ce qui concerne leurs conclusions initiales, les demanderesses ont eu connaissance le 9 mai 2018 de l'identité des médecins travaillant pour la défenderesse sans être au bénéfice d'une autorisation de facturer leurs prestations à la charge de la LAMal. C'est en effet à cette date que le médecin cantonal a transmis aux assureurs-maladie la liste des médecins non autorisés à le faire. Partant, la demande du 23 août 2018 a été déposée dans le délai légal d'une année à partir de la connaissance du dommage.

Par ailleurs, les demanderesses ont limité leur demande de restitution aux prestations remboursées dès le 1er septembre 2013 (cf. pièce 9 demanderesses), de sorte que le délai de péremption de cinq ans est également respecté.

b. S'agissant de l'amplification des conclusions par écritures datées du 18 janvier 2019, mais postées seulement le 21 janvier 2019, le délai d'une année à partir de la connaissance du fait que le Dr AA_______ ne bénéficie pas d'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, est respecté, dès lors qu'il n'appert pas que les demanderesses ont su ce fait avant le 9 mai 2018, et que les conclusions ont été amplifiées avant l'expiration d'une année à compter de cette dernière date. Toutefois, à la date du 21 janvier 2019, une partie des prétentions contre ce médecin était déjà prescrite. Seul aurait pu être demandé le remboursement des prestations effectuées durant les cinq dernières années précédant le 21 janvier 2019. Cependant, au vu de ce qui précède, cette question peut rester ouverte.

31.    Les demanderesses concluent au paiement d'intérêts moratoires de 5 % dès le 1er septembre 2018.

La LAMal ne prévoit pas le paiement d'intérêts moratoires dans les contestations portées devant le tribunal arbitral et opposant un fournisseur de prestations à un assureur. Un droit aux intérêts moratoires sur des prestations de restitution ne peut pas non plus être déduit de l'art. 26 LPGA. Il n'existe ainsi aucune obligation de payer des intérêts moratoires pour le fournisseur de prestations tenu à restitution, à moins que cela soit prévu dans une convention tarifaire (ATF 139 V 82 consid. 3.3.1 p. 83 s.), ce qui n'est pas le cas.

32.    La demande sera par conséquent partiellement admise et la défenderesse condamnée à rembourser CHF1'952'132.- aux demanderesses, prises conjointement et solidairement, sous réserve de la compensation avec les prestations dues à la défenderesse.

33.    a. Quant à la demande reconventionnelle, il appert que les demanderesses sont tenues de rembourser à la défenderesse les prestations fournies par les Drs V_______ et AA_______ depuis juin 2018. Il y a par conséquent lieu de les condamner au paiement de celles-ci.

En ce qui concerne les autres médecins mis en cause, ils ne sont pas autorisés à pratiquer à la charge de la LAMal, de sorte que les demanderesses ont le droit de refuser le remboursement de leurs prestations.

b. S'agissant des intérêts moratoires, l'art. 26 al. 2 LPGA prévoit que des intérêts moratoires sont dus pour toute créance de prestations d'assurances sociales à l'échéance d'un délai de 24 mois à compter de la naissance du droit, mais au plus tôt douze mois à partir du moment où l'assuré fait valoir ce droit, pour autant qu'il se soit entièrement conformé à l'obligation de collaborer qui lui incombe.

Ces délais n'ayant pas expirés en l'espèce, aucun intérêt moratoire n'est dû.

34.    Les demanderesses et la défenderesse concluent à l'octroi de dépens. Cependant, elles ne sont pas représentées par un mandataire professionnel et n'ont pas exposé et démontré avoir eu des frais particuliers pour la procédure en cause (cf. art. 87 al. 2 LPA). Partant leurs conclusions dans ce sens doivent être rejetées.

35.    La procédure devant le Tribunal arbitral n'étant pas gratuite (cf. art. 46 LaLAMal), les frais de la procédure, de CHF 4'600.-, et l'émolument de justice, fixé à CHF 1'000.-, seront mis à la charge de la défenderesse à raison de CHF 4'704.- (84%) et à la charge des demanderesses à raison de CHF 896.- (16 %).

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES:

Statuant

 

1.        Admet la recevabilité de la demande principale.

2.        L'admet partiellement au fond.

3.        Condamne la défenderesse au paiement de CHF 1'952'132.- aux demanderesses, prises conjointement et solidairement, charge à elles de se répartir la somme obtenue, sous réserve de la compensation avec les prestations dues par les demanderesses à la défenderesse.

4.        Admet partiellement la demande reconventionnelle, dans la mesure où elle est recevable.

5.        Condamne les demanderesses à rembourser à la défenderesse, aux conditions de la LAMal, les honoraires relatifs aux prestations fournies par les Drs V_______ et AA_______ depuis juin 2018 dans le cadre de leurs activités pour la défenderesse, sous réserve de la compensation.

6.        Met les frais de la procédure de CHF 4'600.- et un émolument de justice de CHF 1'000.- à la charge de la défenderesse à concurrence de CHF 4'704.- et à la charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement, à concurrence de CHF 896.-.

7.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Irene PONCET

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le