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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1796/2025

ATA/1174/2025 du 28.10.2025 ( DIV ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1796/2025-DIV ATA/1174/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 octobre 2025

 

dans la cause

 

A______

B______

C______

D______ recourants

contre

GRAND CONSEIL intimé

 



EN FAIT

A. a. Le 9 octobre 2024, B______ et D______ ont déposé au Grand Conseil une pétition munie de 133 signatures, intitulée « Pour un master en professions judiciaires » (ci-après : la pétition).

b. La pétition a été traitée sous la référence P 1______.

Le 31 octobre 2024, elle a été transmise à la commission des pétitions du Grand Conseil (ci-après : la commission).

c. Le 25 novembre 2024, la commission a entendu B______ et D______.

Le 16 décembre 2024, la commission a entendu E______, vice-bâtonnier de l’ordre des avocats (ci-après : OdA), et F______, première secrétaire du jeune barreau de l’OdA.

Le 21 décembre 2024, B______, agissant au nom de A______ (A______ ; ci-après : l’association), a écrit à la commission que G______ avait admis que l’école d’avocature (ci-après : ECAV) opérait une sélection préalable au stage d’avocat.

Le 20 janvier 2025, la commission a entendu H______ et I______, professeurs à l’université de Genève, le second par ailleurs président de l’ECAV.

Le 3 mars 2025, la commission a entendu J______, conseillère d’État chargée du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP), et K______, directrice de l’unité des hautes écoles au sein du DIP.

Le 24 mars 2025, la commission a adopté les rapports et approuvé par treize voix contre deux la proposition du rapport de majorité de classer la pétition.

d. Le 1er avril 2025, le Grand Conseil a transmis à B______ le rapport P 1______-A de la commission et lui a indiqué que la pétition était inscrite à l’ordre du jour des 10 et 11 avril 2025.

e. Le 11 avril 2025, le Grand Conseil a adopté le rapport P 1______-A et classé la pétition, ce dont il a informé B______ le 15 avril 2025.

B. a. Le 1er mai 2025, l’association, B______ et C______ et D______ – agissant individuellement et au nom de l’association – ont adressé au Grand Conseil une « Demande de constatation (4A LPA) – La violation du droit à la liberté d’expression (10 CEDH) ».

L’acte conclut à ce qu’il plaise au Grand Conseil,

« Préalablement

« 1. Accuser réception de la demande avec mention d’un traitement indicatif ;

« 2. Ordonner à L______ d’indiquer son éventuelle participation au groupe de travail sur la réforme de l’ECAV et en informer les demandeurs ;

« 3. Immédiatement garantir la composition régulière de l’autorité en récusant :

« a) L______ ;

« b) Et les membres du personnel de la Chancellerie d’État.

« 4. Transmettre l’identité du suppléant de L______ et accorder un délai pour faire valoir d’éventuels motif de récusation.

« Principalement et statuant dans un délai raisonnable,

« 1. Constater le chilling effect ;

« 2. Constater la violation du droit de pétition ;

« 3. Constater la violation de l’obligation positive de transparence ;

« 4. Constater la violation de la protection des lanceurs d’alerte ;

« 5. Constater la violation de la séparation des pouvoirs ;

« 6. Constater la violation arbitraire de la LLCA ;

« 7. Constater l’arbitraire absolu.

« Cela fait,

« 8. Constater la violation de la liberté d’expression ;

« 9. Publier la décision en vue de révoquer publiquement l’ensemble des faits contraires à la vérité. »

Ils possédaient un intérêt digne de protection à exiger du Grand Conseil qu’il constate la violation de leur droit à la liberté d’expression.

Ils se plaignaient des actes illicites de l’autorité, soit « la communication d’informations qui [n’étaient] pas conformes à la vérité, colportées, au nom du Conseil d’État par-devant le Grand Conseil […], lequel a[vait] finalement ratifié lesdites informations (arbitraires dans leurs résultats) en portant le discrédit sur la pétition […] et, par réflexe, sur [eux] ».

Le courrier du Grand Conseil du 15 avril 2025 n’indiquait pas être une décision et n’en comportait pas les éléments matériels. Une action civile en protection de la personnalité paraissait exclue. La loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08) n’étendait pas ses effets au droit de pétition. Le droit de pétition ne leur donnait aucun droit à un traitement particulier ni une quelconque qualité de partie. Aucune action, civile ou administrative, n’étant ouverte, ils agissaient par la voie de l’art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

En « tant que sceller de son sceau » des faits faux, le Grand Conseil avait porté atteinte à leur droit de pétition par des informations non sincères, inexactes et insuffisantes, proscrites par les art. 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 9 al. 3 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE ‑ A 2 00), garantissant la liberté d’expression.

La demande ne constituait pas une action populaire. Ils étaient directement, et particulièrement, touchés. Malgré l’ensemble des pièces qu’ils avaient produites, le rapport de la commission affirmait que leur pétition se fondait sur des allégations qui n’étaient pas correctes, ce qui laissait entendre qu’ils auraient menti. La commission avait refusé de reconnaître les faits, puis les avait contredits « outrageusement » en s’attachant à porter le discrédit sur eux.

Une demande de constatation avait été adressée parallèlement au Conseil d’État et à l’Université. La chancellerie du Conseil d’État assurait la transversalité des informations. Elle assumait l’instruction des dossiers en sa qualité de responsable du traitement des recours au Conseil d’État ainsi que la conduite de certaines procédures judiciaires. Le pouvoir législatif était totalement dépendant du pouvoir exécutif en violation de la séparation des pouvoirs. Tout le personnel de la Chancellerie devait être récusé.

Constituait un motif de récusation la violation du devoir de transparence, qu’un membre du Grand Conseil violait s’il ne révélait pas ses liens avec des groupes d’intérêt. L______, députée membre du bureau du Grand Conseil, était avocate et membre de l’OdA. Lors des débats, elle avait qualifié de « mauvaise manière de procéder » ce qui n’était que l’exercice de leur droit de pétition et proposé pour ce seul motif le classement de la pétition. Elle avait affirmé que leurs arguments sur le financement et le taux d’échec de l’ECAV n’avaient pas été objectivés, alors qu’elle avait reçu les pièces qu’ils avaient produites et qui établissaient que 700 à 952 personnes avaient été exclues de la profession d’avocat depuis la création de l’ECAV, alors que seulement 84 à 98 l’auraient été si l’ECAV n’avait pas existé. Elle démontrait ainsi s’accommoder des contre-vérités et faisait preuve de prévention.

En recouvrant de son autorité des contre-vérités, le Grand Conseil soufflait « mécaniquement un vent dissuasif (chilling effect) glaçant la perception – par les membres des instances de contrôle, les acteurs de la chaîne judiciaire et de la société civile, les membres de l’UNIGE, ou encore, plus généralement, par la population dans son ensemble – de la surface décrétée du droit de s’exprimer de manière critique au sujet de l’ECAV et de son fonctionnement. » L’État introduisait une confusion volontaire entre assertion institutionnelle et vérité, créant les conditions propices à l’émergence de l’autocensure. Le président de l’ECAV, par ailleurs professeur de procédure pénale, s’était plaint que l’ECAV avait même « été taxée d’être placée sous le règne de la corruption. » C’était les accuser de manière calomnieuse sous couvert d’autorité. Il avait aussi parlé à leur sujet de « petit noyau dur », expression qui parachevait la mise en scène d’un isolement discursif. Il n’était plus question pour le Grand Conseil de répondre à une pétition mais de neutraliser leur parole dissidente et mensongère. Le professeur de procédure pénale avait aussi qualifié d’accusation aussi grave qu’infondée les termes de « détournement d’argent » qu’avait utilisé B______ pour critiquer le paiement d’une étude de marché à un partenaire privé, ce qui constituait une intimidation et poursuivait un effet dissuasif.

L’État avait porté une atteinte injustifiée à leur liberté d’expression, sous l’angle du droit de pétition comme moyen de contrôle de l’État, du devoir de transparence de l’État, de la protection des lanceurs d’alerte, de la séparation des pouvoirs et de l’arbitraire.

b. La demande a également été adressée à tous les députés du Grand Conseil le 2 mai 2025 et diffusée par communiqué de presse du 5 mai 2025.

c. Par courrier du 8 mai 2025, adressé à l’association à l’adresse de B______, le président du Grand Conseil a retourné l’acte et ses annexes.

Les cas où la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) était applicable au Grand Conseil étaient extrêmement limités, celui-ci n’agissant que très rarement comme autorité décisionnelle et exerçant principalement une activité de législateur.

Dans le traitement de la pétition, il avait agi en qualité de législateur et selon les normes de la loi sur l’exercice du droit de pétition du 14 septembre 1979 (LPétition - A 5 10) et de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 (LRGC - B 1 01).

L’issue des travaux du Grand Conseil ne pouvait donc pas faire l’objet d’une demande de contestation et le traitement de la pétition, désormais clos, n’ouvrait pas de voie à une contestation, de quelque nature qu’elle soit.

C. a. Par acte remis au greffe le 23 mai 2025, l’association, B______ et C______ et D______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce courrier, concluant à ce que la nullité de la décision du Grand Conseil du 8 mai 2025 soit constatée, que la cause soit renvoyée au Grand Conseil pour examen de leur demande. Subsidiairement, la décision devait être annulée et la cause renvoyée au Grand Conseil.

L’association n’avait pas de ressource. D______ était avocat stagiaire dans le canton de Vaud, était exclu du milieu juridique et judiciaire en raison de ses activités et ne percevait pas de rémunération depuis des mois, son temps étant consumé par ses activité bénévoles. C______ était en arrêt maladie de longue durée. Ils demandaient à être « épargnés des frais de justice ».

Le refus du Grand Conseil d’entrer en matière devait être qualifié de décision. Il consacrait un déni de justice formel. Ils étaient directement touchés et possédaient la qualité pour recourir.

La décision ne faisait aucune mention de la demande de récusation, ce qui constituait un motif de nullité.

La décision du Grand Conseil violait leur droit d’accès à un tribunal et à leur droit à un procès effectif et équitable.

b. Le 25 juin 2025, le Grand Conseil a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

Il avait agi en sa qualité de législateur. Le droit de pétition ne constituait pas un droit à une prestation positive. Ni les constitutions fédérale et genevoise, ni les lois applicables ne prévoyaient de voies de recours. La LPA ne trouvait pas application et aucune décision ni acte attaquable n’avait été prononcé.

Les recourants ne possédaient aucun intérêt digne de protection. Ils n’étaient pas affectés personnellement et concrètement par la décision de classement.

Les recourants pouvaient agir en protection de la personnalité sous l’angle du droit privé. Ils ne réalisaient ainsi en toute hypothèse pas les conditions pour réclamer une décision.

c. Le 30 juin 2025, les recourants ont persisté dans leurs conclusions et leur argumentation.

Ils ne contestaient pas le sort de leur pétition mais la communication d’informations non conformes à la vérité que le Grand Conseil avait ratifiées. L’acte matériel visé n’était pas le classement.

C’était d’une atteinte à leur liberté d’expression et non à leur honneur qu’ils se plaignaient.

Les pièces produites prouvaient que les recourants étaient les auteurs de la pétition et que l’intimé avait ratifié des éléments faux.

d. Le 1er juillet 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             La chambre de céans examine d’office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/91/2023 du 31 janvier 2023 consid. 1 ; ATA/139/2021 du 9 février 2021 consid. 2).

1.1 La compétence de la chambre administrative est définie à l'art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05). Elle est, sous réserve des compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales, l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 LOJ). Selon l'art. 132 al. 2 LOJ, le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA. Sont réservées les exceptions prévues par la loi.

1.2 En vertu de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

À teneur de l’art. 4A al. 1 LPA, intitulé « droit à un acte attaquable », toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l'autorité compétente pour des actes fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et touchant à des droits ou des obligations s’abstienne d'actes illicites, cesse de les accomplir, ou les révoque (let. a), élimine les conséquences d'actes illicites (let. b), constate le caractère illicite de tels actes (let. c). L'autorité statue par décision (art. 4A al. 2 LPA). Lorsqu'elle n'est pas désignée, l'autorité compétente est celle dont relève directement l'intervention étatique en question (art. 4A al. 3 LPA).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (ATA/1656/2019 du 12 novembre 2019 consid. 2b ; ATA/385/2018 du 24 avril 2018 consid. 4b et les références citées). Il ne suffit pas que l'acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu'acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l'administré par la volonté de l'autorité, mais sur la base de la loi et conformément à celle-ci (ATA/599/2021 du 8 juin 2021 consid. 5b ; ATA/1656/2019 précité consid. 2c). La décision a pour objet de régler une situation juridique, c'est-à-dire de déterminer les droits et obligations de sujets de droit en tant que tels (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p. 339 ss).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en droit public, la notion de « décision » au sens large vise habituellement toute résolution que prend une autorité et qui est destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'une obligation. Au sens étroit, c'est un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un cas individuel et concret (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; 106 Ia 65 consid. 3 ; 99 Ia 518 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1). La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré (ATF 141 I 201 consid. 4.2). Constitue une décision un acte étatique qui touche la situation juridique de l'intéressé, l'astreignant à faire, à s'abstenir ou à tolérer quelque chose, ou qui règle d'une autre manière obligatoire ses rapports avec l'État (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.2 et les références citées). De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2). Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 précité consid. 2.1 et les références citées).

Un acte matériel est défini comme un acte qui n'a pas pour objet de produire un effet juridique, même s'il peut en pratique en produire, notamment s'il met en jeu la responsabilité de l'État (ATA/1292/2021 du 25 novembre 2021 consid. 2d ; ATA/354/2017 du 28 mars 2017 consid. 3a ; ATA/549/2016 du 28 juin 2016 consid. 2d ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3e éd. 2012, p. 12 s ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 52 ; MGC 2007-2008/XI 1 A p. 10926). Les mesures internes, qui organisent l'activité concrète de l'administration, sont assimilables aux actes matériels de celle-ci. Il en résulte qu'elles ne peuvent être attaquées en tant que telles par des recours, qui ne sont en principe ouverts que contre des décisions, voire contre des normes (ATA/1292/2021 précité consid. 2d ; ATA/549/2016 précité consid. 2d ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 666).

Les organes législatifs fédéraux, cantonaux ou communaux peuvent être chargés par la loi d’adopter des actes qui constituent des décisions administratives. (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 8 et 794). La chambre de céans a déclaré recevable le recours contre l’exclusion d’une candidate de la procédure conduisant à l’élection au poste de médiatrice cantonale prononcée par le bureau du Grand Conseil en raison du défaut de production d’un justificatif (ATA/1091/2024 du 17 septembre 2024).

1.3 Selon l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/91/2023 précité consid. 3b et les références citées). L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (ATA/1352/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3d).

L'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à la partie recourante en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que la partie recourante soit touchée de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (ATF 143 III 578 consid. 3.2.2.2 ; 137 II 40 consid. 2.3).

1.4 Selon la Cst-GE, le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif (art. 80 al. 1). Il adopte les lois (art. 91 al. 1), autorise par voie législative la ratification des conventions intercantonales (art. 93 al. 1), exerce la haute surveillance sur le Conseil d’État, l’administration et les institutions cantonales de droit public, ainsi que sur la gestion et l’administration du pouvoir judiciaire et de la Cour des comptes (art. 94), adopte le budget annuel, autorise les dépenses, approuve les comptes annuels et fixe les impôts (art. 96), vote le budget (art. 97) et les aliénations d’immeubles (art. 98) et exerce le droit de grâce (art. 99).

Selon l’art. 2 LRGC, le Grand Conseil a notamment la compétence de : (a) exercer le droit de grâce ; (b) adopter, amender ou rejeter les projets et propositions qui lui sont présentés par les députés ou le Conseil d’État ; (c)  se prononcer sur les initiatives populaires ; (d) accorder des amnisties générales ou particulières ; (f) proposer, accepter ou rejeter les conventions intercantonales et les traités, dans les limites tracées par la Constitution fédérale ; (g) fixer les impôts ; (h) accorder les autorisations d'engager les charges de fonctionnement et les dépenses d'investissement ainsi que les autorisations d'aliéner le patrimoine administratif ; (i) approuver les états financiers individuels et consolidés de l’État ainsi que les états financiers et les rapports de gestion des entités du périmètre de consolidation ; (j) statuer sur les propositions du Conseil d’État en matière de traitements des fonctionnaires publics, lorsque ces traitements n’ont pas été fixés par la constitution ; (k) créer ou dissoudre des fondations de droit public ; (l-m) élire les magistrats du pouvoir judiciaire ; (n) élire les membres des commissions, le préposé cantonal à la protection des données ; (o) recevoir les serments des conseillers d’État et des magistrats ; (p) approuver la création ou la dissolution d’organismes de coopération transfrontalière et leurs statuts ; (q) se prononcer sur les pétitions ; (r) se prononcer sur certaines levées de secret ; (s) exercer le droit d’initiative cantonal ; (t) se prononcer sur les levées d’immunité ; (u) saisir le Cour des comptes ; (v-w) se prononcer sur des demandes de destitution d’un conseiller d’État.

1.5 Sous le titre II consacré aux droits fondamentaux, l’art. 33 de la Cst-GE prévoit que toute personne a le droit, sans encourir de préjudice, d’adresser une pétition aux autorités et de récolter des signatures à cet effet (al. 1). Les autorités examinent les pétitions qui leur sont adressées. Elles y répondent dans les meilleurs délais (al. 2).

1.5.1 Selon la LPétition, une pétition est un écrit qualifié comme tel par lequel une personne formule librement une plainte, une demande ou un vœu à l’intention de l’autorité cantonale ou communale de son choix (art. 1).

Toute pétition doit être signée par son ou ses auteurs avec indication de leur lieu de domicile (art. 2 LPétition). L’autorité qui reçoit une pétition l’étudie et peut procéder, dans les limites de ses compétences, aux auditions et demandes de renseignements nécessaires (art. 3 al. 1 LPétition). L’autorité peut conseiller au pétitionnaire de s’adresser à une autre autorité pour raison de compétence en la matière (art. 3 al. 2). Les autorités ainsi que leurs services doivent apporter leur collaboration à l’étude d’une pétition, dans les limites de la loi (art. 3 al. 3 LPétition).

L’art. 4 LPétition prévoit qu’après examen de la pétition, l’autorité doit, soit : (a) donner suite à la pétition dans les limites de ses compétences ; (b) la renvoyer à l’autorité compétente en la matière ; (c) la classer (al. 1). Ses conclusions sont précisées dans un rapport (al. 2). L’autorité peut différer la publication de son rapport lorsque l’objet de la pétition est le même que celui porté devant les tribunaux (al. 3). L’autorité communique son rapport au pétitionnaire ou à son représentant (art. 5 al. 1 LPétition). Elle en donne connaissance aux personnes qui justifient d’un intérêt légitime pour l’objet de la pétition (art. 5 al. 2 LPétition).

L’autorité ne doit pas communiquer à des tiers, même intéressés, les signatures apposées sur une pétition (art. 6 LPétition).

Pour le surplus, la procédure d’examen des pétitions adressées au Grand Conseil est régie par la LRGC.

1.5.2 Au nombre de ses compétences, l’art. 2 let. q de la LRGC prévoit que le Grand Conseil se prononce sur les pétitions qui lui sont adressées. Celles-ci ont leur place dans les ordres du jour de ses sessions (art. 95 et 97 Cst-GE).

L’art. 220 LRGC prévoit que dès le début de la législature, le Grand Conseil nomme une commission de quinze membres, chargée d’examiner les pétitions et de faire rapport sur chacune d’elles.

La LRGC règle le traitement des pétitions à son chapitre XII.

La pétition est un écrit par lequel une ou plusieurs personnes formulent librement une plainte, une demande ou un vœu à l’adresse du Grand Conseil (art. 167 LRGC). Elle doit être qualifiée comme telle, signée par son ou ses auteurs et mentionner le domicile du ou des responsables (art. 168 LRGC). Les noms des cosignataires de la pétition ne sont pas communiqués à des tiers, même intéressés (art. 169 LRGC). Les responsables d’une pétition peuvent en tout temps la retirer (art. 170 LRGC).

Selon l’art. 171 LRGC, le président du Grand Conseil annonce les pétitions au cours de la séance qui suit leur réception (al. 1). Il n’en est donné lecture que sur demande de 20 députés (al. 2). Elles sont renvoyées à la commission des pétitions sans discussion. Toutefois, cette dernière peut décider de les renvoyer à une autre commission saisie de l’objet auquel elles se rapportent. À l'unanimité, la commission peut décider souverainement de ne pas auditionner les pétitionnaires (al. 3). Le texte de la pétition est en principe joint au rapport (al. 4).

L’art. 172 LRGC prévoit qu’après avoir délibéré sur le rapport de la commission, le Grand Conseil statue sur l’une des propositions formulées par la commission : (a) renvoi à une autre commission du Grand Conseil ; (b) renvoi pour examen au Conseil d’État ou à une autre autorité compétente ; (c) dépôt pour information sur le bureau et (d) classement (al. 1). La proposition de classement qui n’est pas assortie d’un rapport de minorité ne donne pas lieu à un débat à moins que 10 députés ne proposent l’un des trois autres modes de traitement de la pétition (al. 2). Dans le cas de l’al. 1 let. b, le Conseil d’État ou l’autorité compétente sont tenus de faire connaître au Grand Conseil, dans un délai de 6 mois à compter de la date de la décision de celui-ci, la suite qu’ils ont donnée à la pétition (al.3). Le Grand Conseil prend acte de ce rapport (al. 4). Toutefois, si le rapport est incomplet, le Grand Conseil peut demander au Conseil d’État ou à l’autorité compétente de lui fournir un rapport complémentaire (al. 5).

Selon l’art. 194 al. 1 LRGC, les rapports portant sur un projet de loi, une motion, une résolution, une pétition ou un rapport divers doivent être présentés au Grand Conseil au plus tard 2 ans après leur renvoi en commission.

1.5.3 L’une des fonctions essentielles du droit de pétition consiste à permettre aux citoyens d’exercer une certaine influence sur les prises de décision des organes de l’État, et d’être entendus par les autorités, quand bien même une pétition n’a pas les mêmes effets juridiques contraignants qu’une initiative ou un référendum. Le droit de pétition protège d’abord les actes qui servent à préparer la pétition elle-même, soit notamment la récolte des signatures, et les pétitionnaires contre le risque de subir des conséquences préjudiciables pour avoir rédigé une pétition, l’interdiction des sanctions étant l’un des aspects les plus importants de ce droit fondamental. Les pétitionnaires sont ainsi protégés contre la divulgation de leur identité. Contrairement aux droits politiques et aux droits de recours en général, le droit de pétition ne confère pas aux pétitionnaires un droit à ce que l’autorité examine la requête au fonds, y réponde ou en tienne compte. Il suffit qu’elle en prenne connaissance. Elle peut ensuite fort bien la classer. Le droit de pétition ne confère pas au particulier un droit à une prestation positive (Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, 4e éd. 2021, vol. 2 n. 1'634 s.).

1.5.4 Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable, en 2020, le recours formé contre le classement d’une pétition par le Grand Conseil du canton de Vaud. Le droit de pétition est consacré à l'art. 33 Cst. et, en droit vaudois, à l'art. 31 Cst./VD, selon lequel toute personne a le droit, sans encourir de préjudice, d'adresser une pétition aux autorités et de récolter des signatures à cet effet (al. 1). Les autorités examinent les pétitions qui leur sont adressées. Les autorités législatives et exécutives sont tenues d'y répondre (al. 2). L'art. 105 de la loi vaudoise sur le Grand Conseil (LGC) reprend ces principes en consacrant un droit à ce que la pétition soit examinée et une obligation du Grand Conseil d'y répondre (al. 1). Aucune de ces dispositions ne confère au pétitionnaire une position comparable à celle d'une partie à une procédure, quand bien même le pétitionnaire est, dans la règle, entendu (art. 107 al. 1 LGC). Le droit de pétition constitue en effet une simple liberté qui ne garantit aucun droit à une prestation positive (ATF 119 Ia 53 consid. 3 ; 104 Ia 434 consid. 5). Le pétitionnaire ne dispose ainsi d'aucun droit à ce qu'il soit donné une suite favorable à sa démarche, et sa position n'est pas différente de celle du dénonciateur qui ne dispose pas de la qualité pour recourir sur le fond (arrêt du Tribunal fédéral 1C_155/2020 du 24 mars 2020 consid. 2.2. et les références citées). Le Tribunal fédéral a confirmé ce raisonnement en rejetant une demande de révision de cet arrêt (arrêt du Tribunal fédéral 1F_12/2020 du 25 juin 2020 consid. 2.2).

1.6 Les libertés d'opinion et d'information sont garanties par l'art. 16 al. 1 Cst. Toute personne a le droit de former, d'exprimer et de répandre librement son opinion (art. 16 al. 2 Cst.). Selon l'art. 10 § 1 de la CEDH, la liberté d'expression comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière (arrêt du Tribunal fédéral 6B_138/2023 du 18 octobre 2023 consid. 3.3.1). Vu la portée reconnue à la liberté d'expression, seules des conditions restrictives peuvent justifier une ingérence de l'État, en particulier lorsqu'il intervient à titre préventif (arrêts du Tribunal fédéral 1C_360/2019 du 15 janvier 2020 consid. 3.2 ; 1C_9/2012 du 7 mai 2012 consid. 2.2 = RDAF 2014 I 284).

1.7 Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (art. 6 § 1 CEDH).

1.8 Le droit à un recours effectif, tel que garanti par l'art. 13 CEDH, exige un recours au niveau national permettant d'examiner l'existence d'une ingérence dans l'exercice d'un droit protégé par la Convention, mais ne garantit pas, en tant que tel, l'accès général à un tribunal (ATF 137 I 296 consid. 4.3.1 ; 133 I 49 consid. 3.1 ; 129 II 193 consid. 3.2).

1.9 En l’espèce, le recours a pour objet le courrier du 8 mai 2025 du président du Grand Conseil relevant que l’issue des travaux du Grand Conseil sur la pétition litigieuse ne pouvait pas faire l’objet d’une demande de contestation, de quelque nature qu’elle soit.

En répondant à la demande des recourants, le Grand Conseil n’a pas agi en qualité d’autorité administrative. Son courrier ne peut ainsi être considéré comme une décision au sens de l’art. 4 LPA.

En l’absence d’acte matériel, l’art. 4A LPA ne trouve par ailleurs pas application.

Il suit de là que le recours est irrecevable.

2.             Vu l’issue de la procédure, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge solidaire des recourants et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 23 mai 2025 par A______, B______, C______ et D______ contre le courrier du président du Grand Conseil du 8 mai 2025 ;

met à la charge solidaire de A______, B______, C______ et D______ un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, B______, C______ et D______ ainsi qu'au Grand Conseil.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :