Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/910/2025 du 25.08.2025 ( FPUBL ) , REFUSE
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2644/2025-FPUBL ATA/910/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 25 août 2025 sur mesures provisionnelles et jonction 
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dans la cause
A______ recourante
 
contre
DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé
 
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Attendu, en fait, que :
1. Par acte remis à la poste le 30 juillet 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision du 28 juillet 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours, par laquelle la présidente du département des institutions et du numérique (ci-après : DIN) a résilié ses rapports de service pour motif fondé, avec effet au 31 octobre 2025.
La résiliation vidait de toute portée pratique le recours, pendant, qu’elle avait formé le 4 juillet 2025 contre la décision réduisant son droit aux vacances. La résiliation n’était pas fondée sur une inaptitude médicale, mais sur une interprétation erronée de sa situation médicale antérieure à sa reprise du travail le 12 mars 2024. Un délai-cadre avait artificiellement été maintenu et un reclassement ordonné sans base légale ni décision médicale d’inaptitude. La résiliation avait été préméditée pour masquer la responsabilité de son employeur découlant des atteintes à la santé résultat des manquements aux obligations de protection de la santé.
Il devait être ordonné que cette mesure ne produise aucun effet avant droit jugé afin de garantir un recours effectif et éviter une atteinte irréversible à ses droits.
2. Le 1er août 2025, A______ a complété son recours, exposant que la décision était dépourvue de justification pour une exécution immédiate, qu’il s’agisse de l’intérêt public ou de la bonne marche du service. Aucun trouble ni urgence liés à sa mission n’avaient été identifiés. Elle réalisait en télétravail une étude transversale sur la performance validée par sa cheffe de service. L’exécution immédiate de la décision, avant que la chambre administrative ne se prononce sur l’effet suspensif, compromettait gravement sa garantie constitutionnelle d’un recours effectif. Elle entraînait un préjudice irréversible – perte des rapports de service, du statut et des prestations. Une annulation ultérieure ne permettrait pas de rétablir la situation professionnelle. L’urgence invoquée était fictive et portait atteinte à la garantie du recours effectif et au principe de la bonne foi.
3. Le 3 août 2025, la recourante a encore complété son recours. La décision du 28 juillet 2025 devait être annulée et sa réintégration dans ses rapports de service ordonnée. L’effet suspensif devait être accordé au recours et, sur mesures provisionnelles, le maintien de ses droits statutaires et le gel de toute mesure visant à repourvoir son poste jusqu’à droit jugé devaient être ordonnés. Enfin, la jonction avec la procédure A/2370/2025 portant sur son solde de vacances devait être ordonnée. La résiliation des rapports de service était dépourvue de motif fondé. Elle violait le principe de proportionnalité. Elle soulevait un doute sur la transparence et l’impartialité de la procédure.
4. Par une écriture séparée du 3 août 2025, la recourante a formé une requête urgente tendant à l’octroi de l’effet suspensif et de mesures provisionnelles. Toute mesure d’exécution de la résiliation devait être suspendue immédiatement et le gel de toute mesure visant à repourvoir son poste devait être ordonné.
5. Le 8 août 2025, l’office du personnel de l’État (ci-après : OPE) a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif et de toutes autres conclusions.
6. Le même jour, il a appuyé la demande de jonction des causes.
7. Le 11 août 2025, la recourante a communiqué deux rectifications de plume de son recours.
8. Le 20 août 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions et son argumentation sur effet suspensif. Le retrait de l’effet suspensif la privait de son droit à un recours effectif, la chambre administrative étant invitée à avaliser une mesure exceptionnelle sans disposer des éléments complets pour en contrôler la légalité. Il lui causait une atteinte à sa réputation et à son intégrité, injustement associées à un prétendu trouble du service. Il entraînait une perte immédiate et définitive de son poste, et donc de la poursuite de sa carrière, alors qu’elle travaillait pour l’État depuis 22 ans. La décision contenait en outre des données personnelles sensibles liées à sa santé et présentait une situation erronée et tronquée, qui dénaturait la réalité de son aptitude et de sa capacité auprès des tiers.
9. Le 22 août 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles.
Considérant, en droit, que :
1. Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de ceux‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).
2. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).
3. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1375/2024 du 26 novembre 2024 consid. 4 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024).
 Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 
 253-420, p. 265).
L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018).
4. La restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).
Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018).
La chambre de céans dispose dans l’octroi de mesures provisionnelles d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 précité consid. 5.5.1 ; ATA/941/2018 précité).
5. Selon l’art 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC – B 5 05), l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; elle motive sa décision ; elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées à l’art. 46A du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC – B 5 05.01).
Selon l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).
6. L’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (art. 70 al. 1 LPA). La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (art. 70 al. 2 LPA). La décision de joindre des causes en droit administratif procède de l'exercice du pouvoir d'appréciation du juge, qui est large en la matière (arrêts du Tribunal fédéral 2C_850/2014 et 2C_854/2014 du 10 juin 2016 consid. 11.1). La jonction peut répondre à un souci d'économie de procédure et correspondre à l'intérêt de toutes les parties (ATF 122 II 368 consid. 1a).
7. En l’espèce, vu l'art. 31 al. 3 LPAC précité, même en cas d'admission du recours, la chambre de céans ne pourrait ordonner la réintégration de la recourante, mais uniquement la proposer ; partant, la restitution de l'effet suspensif, qui aurait pour effet de la réintégrer pendant la durée de la procédure, irait au-delà des compétences de la chambre administrative sur le fond, de sorte qu'elle ne peut l'ordonner (ATA/811/2025 du 24 juillet 2025 consid. 8 ; ATA/939/2024 du 14 août 2024 consid. 8 ; ATA/1135/2022 du 8 novembre 2022 consid. 9).
De jurisprudence constante en matière de résiliation des rapports de service, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/1377/2023 du 21 décembre 2023 ; ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées). Ce qui précède vaut d'autant plus en l'espèce que la recourante ne démontre pas que la fin des rapports de service la placerait dans une situation financière très difficile, et n’allègue pas qu’elle n’aurait ni fortune ni d’autres ressources comme par exemple les allocations chômage.
De jurisprudence également constante, un préjudice réputationnel ne constitue en principe pas un dommage irréparable, dès lors qu'une décision finale donnant entièrement raison à la personne concernée est en principe de nature à réparer les atteintes subies (ATA/765/2025 du 11 juillet 2025 ; ATA/489/2025 du 30 avril 2025 et la référence citée). La recourante n'explique pas pour quelle raison il en irait différemment dans le cas d'espèce.
Enfin, la chambre de céans n’ayant pas le pouvoir, en cas d’admission du recours, d’imposer la réintégration de la recourante, elle ne saurait, sur mesures provisionnelles, ordonner que son poste ne soit pas réattribué.
La demande de restitution de l’effet suspensif et de mesures provisionnelles sera ainsi rejetée, étant observé que la présente décision ne préjuge en rien de l’issue du recours, pas plus qu’elle ne prive la recourante de la possibilité de faire valoir ses droits au fond, contrairement à ce que celle-ci semble craindre.
La jonction des causes, que réclame la recourante et à laquelle l’intimée consent, sera en revanche ordonnée, sous la référence A/2370/2025.
8. Il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond.
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
refuse la demande de restitution de l’effet suspensif et de mesures provisionnelles ;
ordonne la jonction de la présente cause avec la cause A/2370/2025, sous la référence A/2370/2025 ;
réserve le sort des frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;
- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;
communique la présente décision à A______ ainsi qu'au département des institutions et du numérique.
La vice-présidente :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN
Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
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