Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/887/2025 du 19.08.2025 ( FORMA ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
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 | POUVOIR JUDICIAIRE A/906/2025-FORMA ATA/887/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 19 août 2025 1ère section | 
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dans la cause
A______ recourante
 représentée par sa mère, B
contre
SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES intimé
 
A. a. A______, née le ______ 2002, célibataire et originaire du canton de Genève, a habité à Carouge avec sa mère, B______, et son frère, C______, né le ______ 2000, depuis sa naissance.
Ses parents se sont séparés en 2005. Par jugement du 30 mai 2008 (JTAPI/7649/2008), le Tribunal de première instance (ci-après : TPI) a prononcé leur divorce, en prévoyant notamment le versement d’une contribution à l’entretien des deux enfants de CHF 1'000.- « jusqu’à la majorité voire au-delà si l’enfant bénéficiaire poursuit une formation professionnelle ou des études sérieuses et régulières ».
b. Le 29 juin 2007, la mère de A______ a donné naissance à un troisième enfant, D______, dont le père est E______ (ci‑après : le beau-père).
Depuis le 1er septembre 2013, sa mère et son beau-père habitent ensemble.
B. a. Depuis l’année scolaire 2017/2018, A______ a bénéficié d’une bourse d’études.
b. Dans sa demande de bourse d’études du 11 novembre 2022 portant sur sa première année universitaire 2022/2023, A______ a précisé qu’elle avait reçu de la part de son père une pension alimentaire de CHF 500.- par mois depuis 2020 mais celui-ci ne la versait plus depuis le mois de juillet 2022.
c. Par courrier du 24 février 2023, le service des bourses et des prêts d’études (ci‑après : SBPE) lui a octroyé une bourse d’études d’un montant annuel de CHF 1'394.-, en prenant en compte la pension alimentaire due. Il l’invitait à déposer une demande auprès du service cantonal d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA) et à lui remettre une décision, positive ou négative, pour revoir cette décision, si nécessaire. Le ménage commun entre sa mère et son beau-père n’était pas pris en considération, tandis que l’entretien de son demi-frère l’était dans la détermination des charges.
d. Par décision du 2 mars 2023, le SCARPA a accordé à A______ une avance mensuelle de la pension de CHF 500.- dès le 1er février 2023. Il entreprendrait les démarches nécessaires en vue du recouvrement de la pension que devait lui verser son père.
e. Selon la transaction n°ACTP/142/2023 du 10 mai 2023, A______ a renoncé à toute contribution à son entretien de la part de son père à partir du 1er juin 2023, vu l’état de santé et la situation financière de celui-ci, de sorte que le jugement du TPI a été modifié en conséquence.
Le SCARPA a ainsi mis fin à son mandat avec effet au 1er juin 2023.
f. Par décision du 27 juin 2023, le SPBE, revenant sur sa précédente décision, a octroyé à A______ une bourse d’études d’un montant de CHF 10'766.- pour l’année universitaire 2022/2023. Seule la situation financière de sa mère et des trois enfants était prise en considération.
Il était précisé qu’il comptait sur la pension alimentaire due par son père du 1er février au 31 août 2023, soit un montant de CHF 3'500.- (7 x CHF 500.-). Vu la transaction précitée, elle y avait renoncé alors que celle-ci lui était due d’après le jugement de divorce du TPI.
g. Selon la demande de A______ du 23 octobre 2023, le SBPE lui a accordé une bourse d’études d’un montant de CHF 10'865.- pour l’année universitaire 2023/2024, par décision du 26 février 2024. Celle-ci prenait en considération la situation financière de la mère et des trois enfants.
h. Le 30 septembre 2024, A______ a adressé une demande de bourse d’études pour l’année universitaire 2024/2025.
i. Par décision du 29 janvier 2025, le SBPE a octroyé à A______ une bourse d’études d’un montant de CHF 757.-.
Dès lors que la jurisprudence retenait que les beaux-parents de la personne en formation faisaient partie des personnes tenues au financement de sa formation, les revenus et charges de son beau-père avaient été pris en compte, ce qui ressortait du procès-verbal de calcul.
j. Par lettre datée du 17 février 2025, A______ a demandé une réévaluation de sa situation, son beau-père n’ayant jamais joué le rôle de soutien financier ni affectif dans sa formation bien qu’ils vivaient sous le même toit. En prenant en considération la situation financière de son beau-père, la décision n’était pas conforme à sa réalité et la plaçait dans une situation injuste.
Le TPI l’avait convoquée sur demande de son père afin de le dispenser de son obligation de verser une contribution à son entretien. De guerre lasse, elle y avait renoncé. Elle souhaitait pouvoir désormais se consacrer sereinement à ses études, sans devoir lutter chaque année pour obtenir une bourse d’études qui lui était essentielle.
k. Par décision sur réclamation du même jour, le SBPE a maintenu sa précédente décision.
Conformément à la loi, aux recommandations de la Conférence suisse des institutions d’action sociale et à la jurisprudence (ci-après : normes CSIAS), il pouvait être tenu compte, dans le domaine de l’octroi d’aides financières à la formation, des ressources de la personne concubine dans l’appréciation de la situation financière de la personne en formation, en particulier de ses besoins financiers. Le concubinage et le mariage étaient assimilés à une union matrimoniale et étaient traités de la même manière, tant pour la personne en formation que les personnes tenues au financement de sa formation.
C. a. Par acte déposé le 17 mars 205, A______ et sa mère ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en demandant « une réévaluation qui tiendrait davantage compte de [leur] situation particulière » afin que « la bourse puisse être ajustée de manière à mieux refléter [leur] réalité familiale et financière ».
La complexité de leur situation familiale s’agissant d’une mère de trois enfants, dont deux issus de son union avec son ex-mari et un de sa relation avec son concubin actuel devait être prise en considération. Bien que faisant ménage commun avec son beau-père, celui-ci n’avait jamais pris d’engagement formel en tant que beau‑père, ni dans son éducation, ni dans sa prise en charge financière. Les dépenses communes du couple se limitaient aux frais liés au logement et à leur enfant commun. Étudiante en dernière année de Bachelor, elle souhaitait terminer ses études dans de bonnes conditions. La « nouvelle jurisprudence » la plaçait dans une situation difficile et imprévue et ne correspondait pas à sa réalité. Elle n’avait pas le sentiment que sa situation avait été pleinement comprise, ce qui avait ajouté à sa confusion et à son inquiétude.
Elle a notamment produit les documents suivants :
- une attestation de son beau-père confirmant qu’il n’avait « jamais contribué financièrement au développement de [la recourante] et aussi à son éducation. [Il] ne particip[ait] à aucun frais pour elle et ni pour les dépenses liées à sa formation » ;
- une attestation du service des immatriculations de l’université de Genève du 26 février 2025 confirmant son inscription pour le semestre de printemps 2025.
b. Le SBPE a conclu au rejet du recours.
Bien que non mariés, la mère et le beau-père de la recourante formaient une communauté de toit et de table depuis onze ans après avoir donné naissance à un enfant commun qui deviendrait majeur cette année, réalité qui ne pouvait être ignorée.
De fait, elle avait déjà bénéficié de bourses d’études pour cas de rigueur, puisqu’elle avait bénéficié de prestations financières étatiques sans la prise en compte de la situation financière de son beau-père. Bien que ce dernier attestait ne pas l’aider, le SBPE se devait de prendre en compte sa capacité financière contributive théorique.
c. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, à réception des dernières écritures rectificatives du SBPE.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous ces aspects (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 28 al. 3 de la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 - LBPE - C 1 20).
2. Le destinataire de la décision (art. 60 al. 1 let. a LPA) est A______. Le recours a été déposé par sa mère et elle. Conformément à l'art. 9 LPA, son ascendante majeure peut la représenter valablement dans la procédure.
Partant, le recours est recevable sur ce point.
3. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant.
Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas, en soi, un motif d’irrecevabilité, pourvu que l’autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/657/2022 du 23 juin 2022 consid. 2b). Une requête en annulation d’une décision doit, par exemple, être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/20/2022 du 11 janvier 2022 consid. 2b et les arrêts cités ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, Vol. II, 2011, 3e éd., p. 624 n. 5.3.1.2).
Il ressort clairement de l'acte de recours que la recourante demande matériellement l'annulation de la décision attaquée et un nouveau calcul du montant de sa bourse d’études pour l’année universitaire 2024/2025 ne tenant pas compte de la situation financière de son beau-père. Le recours est donc recevable.
4. L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision du SBPE du 18 février 2025, par laquelle ce dernier a maintenu sa décision du 29 janvier 2025 d’octroyer à la recourante une bourse d’études d’un montant de CHF 757.- pour l’année universitaire 2024/2025.
La chambre de céans applique le droit d'office (ATA/211/2017 du 21 février 2017 consid. 5), la juridiction administrative chargée de statuer étant liée par les conclusions des parties, mais pas par les motifs que celles-ci invoquent (art. 69 al. 1 LPA).
5. La recourante se plaint de l’insuffisance du montant de la bourse octroyée, en raison de la prise en considération de la situation financière de son beau-père dans le calcul y relatif.
5.1 La LPBE règle l'octroi d'aides financières aux personnes en formation (art. 1 al. 1 LPE). Le financement de la formation incombe aux parents et aux tiers qui y sont légalement tenus (art. 1 al. 2 let. a LBPE) et aux personnes en formation elles‑mêmes (art. 1 al. 2 let. b LBPE). Les aides financières sont accordées à titre subsidiaire (art. 1 al. 3 LBPE).
Les parents sont le père et la mère de la personne en formation (art. 1 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les bourses et prêts d'études du 2 mai 2012 - RBPE - C 1 20.01). Les tiers légalement tenus de subvenir à l'entretien de la personne en formation sont le conjoint marié ou le partenaire enregistré de la personne en formation (art. 1 al. 2 RBPE).
La LPBE s’applique aux personnes en formation au sens de l'art. 4 al. 3 LBPE (art. 3 al. 1 LPBE), soit une personne qui suit une formation reconnue au sens de l’art. 11 LBPE et est régulièrement inscrite dans l'un des établissements de formation reconnus selon l’art. 12 LBPE (art. 4 al. 3 LBPE).
Les aides financières sont généralement accordées sous forme de bourses, de prêts ou de remboursement de taxes (art. 5 al. 1 LBPE). Des bourses et prêts peuvent être octroyés aux personnes qui remplissent les conditions des art. 11 à 17 LBPE (art. 10 LBPE).
5.2 Si les revenus de la personne en formation, de ses parents (père et mère), de son conjoint ou sa conjointe ou sa ou son partenaire enregistré et des autres personnes qui sont tenues légalement au financement de la formation, ainsi que les prestations fournies par des personnes tierces ne suffisent pas à couvrir les frais de formation, le canton finance, sur demande, les besoins reconnus par le biais de bourses ou de prêts (art. 18 al. 1 LBPE).
Selon l’art. 9 RBPE, le budget des parents, soit le père et la mère de la personne en formation (art. 1 al. 1 RBPE), ou des personnes légalement tenues au financement de la personne en formation sert à déterminer la situation financière de la personne en formation (al. 1). Un budget commun est établi pour les parents qui sont mariés ou vivent en ménage commun sans être mariés (al. 2). Si le budget présente un excédent (a) de ressources, il est divisé par le nombre d'enfants et pris en considération dans le calcul du budget de la personne en formation, (b) de charges, il est divisé par le nombre de personnes qui composent la famille et considéré comme une charge dans le calcul du budget de la personne en formation.
5.3 S’agissant des personnes légalement tenues au financement de la personne en formation que mentionne l’art. 9 al. 1 RBPE, il y a lieu de se référer au droit civil pour appréhender ces notions, de même que l'existence d'un lien légal fondant une éventuelle obligation d'entretien à l'égard de la personne en formation.
Il résulte du devoir général d'assistance entre époux selon l'art. 159 al. 3 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CC - RS 210) concrétisé à l'art. 278 al. 2 CC, que les conjoints doivent en principe s'entraider financièrement pour l'éducation des enfants issus d'une précédente union ou nés hors mariage (ATF 127 III 68 consid. 3). Le devoir d'assistance du conjoint – qui s'applique aussi à l'entretien de l'enfant majeur (arrêts du Tribunal fédéral 5A_685/2008 du 18 décembre 2008 consid. 3.2.4 ; 5C.53/2005 du 31 mai 2005 consid. 4.1, publié in FamPra.ch 2005 p. 969) – est toutefois subsidiaire. Lorsque l'enfant vit auprès de sa mère et de son beau-père, le père biologique répond donc en principe de ses besoins en argent (art. 276 al. 2 CC). Le devoir d'assistance du nouveau conjoint se résume alors à compenser une éventuelle différence entre une contribution insuffisante du père biologique et les besoins de l'enfant ainsi qu'à supporter le risque lié à l'encaissement des contributions d'entretien (ATF 120 II 285 consid. 2b).
Lorsque l’enfant concerné vit dans la communauté familiale, le coût de son entretien est pris en compte selon les dispositions sur l’entretien de la famille, soit selon l’art. 163 CC. Le nouveau conjoint subvient aux dépenses d'entretien de la famille diminuées des prestations versées pour l’enfant et remplit ainsi en même temps son devoir d'assistance en tant qu'époux (art. 163 al. 1 CC) et beau-père (art. 278 al. 2 CC). Pour cette raison, quand, durant la vie commune, le nouveau conjoint a subvenu aux besoins de l'enfant de son époux, il convient d'admettre qu'il existe une convention entre les époux concernant le montant de l'apport financier du beau-père (arrêts du Tribunal fédéral 5A_440/2014 du 20 novembre 2014 consid. 4.3.2.2 ; 5P.242/2006 du 2 août 2006 consid. 5, publié in FamPra.ch 2006 p. 950 et les références).
5.4 Le Tribunal fédéral reconnaît les normes CSIAS relatives à la conception et au calcul de l’aide sociale. Il s’agit de recommandations à l’attention des autorités sociales des cantons, des communes, de la Confédération et des institutions sociales privées, non contraignantes mais contribuant à harmoniser la notion de besoin dans l’aide sociale (ATF 146 I 1 consid. 5.2). Élaborées en collaboration avec les cantons, les communes, les villes et les organismes d’aide sociale privée, approuvées par la Conférence suisse des directeurs cantonaux des affaires sociales et régulièrement révisées, les normes CSIAS visent à garantir la sécurité juridique et l’égalité de droit.
Selon la norme CSIAS D.4.4, dans sa version du 1er janvier 2021, accessible sur le site Internet de la CSIAS (site internet de la CSIAS in : https://skos.ch/fr/les-normes-csias/origine-et-signification, consulté en août 2025), dans un concubinage stable, le revenu et la fortune d’une personne non bénéficiaire sont pris en compte de manière appropriée lorsqu’il s’agit de déterminer le droit à l’aide sociale du ou de la partenaire et des enfants communs (al. 1). Un concubinage est considéré comme stable lorsque les partenaires cohabitent depuis au moins deux ans ou lorsqu’ils vivent ensemble depuis moins longtemps et ont un enfant commun. Une telle présomption peut être réfutée (al. 2). Le revenu et la fortune sont pris en compte dans la contribution de concubinage. Ce montant fait partie des ressources financières de la personne bénéficiaire (al. 3).
5.5 De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral considère que la relation de concubinage stable justifiant un devoir d'assistance mutuel doit être comprise comme une communauté de vie d'une certaine durée, voire durable, entre deux personnes, à caractère en principe exclusif, qui présente une composante tant spirituelle que corporelle et économique, et qui est parfois désignée comme une communauté de toit, de table et de lit (ATF 118 II 235 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_613/2010 du 3 décembre 2010 consid. 2 et les arrêts cités). Le fait qu'une personne fasse ménage commun avec son partenaire constitue un simple indice, mais non la preuve de l'existence de liens aussi étroits que ceux qui unissent des époux (ATF 138 III 97 consid. 3.4.3). Il en découle que, dans plusieurs domaines du droit, la portée du concubinage a été appréhendée en fonction de sa durée. Cependant, en l'absence de règle légale précise, on ne saurait retenir une durée prédéfinie pour admettre un concubinage stable. Si plusieurs années de vie commune sont certes un élément parlant en faveur d'une relation de concubinage stable, elles ne sont pas à elles seules décisives. Le juge doit au contraire procéder dans chaque cas à une appréciation de l'ensemble des circonstances de la vie commune afin d'en déterminer la qualité et si celle-ci peut être qualifiée de relation de concubinage stable (ATF 145 I 108 consid. 4.4.2 ; 138 III 157 consid. 2.3.3).
5.6 Dans son arrêt ATA/1243/2017 du 29 août 2017, la chambre de céans a retenu que les dispositions légales de la LBPE et du RBPE renvoyaient expressément aux parents, mais également aux personnes tenues au financement de la personne en formation, et que la belle-mère de la recourante entrait précisément dans cette dernière catégorie, de sorte que tant les revenus que les charges de celle‑ci devaient être intégrés dans le calcul du budget de la famille (consid. 10).
Cette jurisprudence a été confirmée à plusieurs reprises (ATA/1015/2024 du 27 août 2024 consid. 3 ; ATA/323/2024 du 5 mars 2024 consid. 3.14 ; ATA/1054/2023 du 26 septembre 2023 consid. 2.10 ; ATA/834/2023 du 9 août 2023 consid. 2.10 ; ATA/1091/2022 du 1er novembre 2022 consid. 4 ; ATA/244/2022 du 8 mars 2022 consid. 4 ; ATA/1243/2017 du 29 août 2017 consid. 10).
En particulier, dans l’arrêt ATA/648/2023 du 20 juin 2023, la chambre de céans a estimé que si, certes, la LBPE ne contenait pas de référence à l’aide financière apportée par le concubin de la personne en formation et qu’il n’existait pas d’obligation légale d’entretien entre concubins, il pouvait, dans le domaine de l'octroi d'aides financières à la formation, être tenu compte des ressources du concubin dans l’appréciation de la situation financière de la personne en formation, en particulier de ses besoins financiers. Prenant en compte le revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) de la recourante de CHF 3'341.- et celui de son compagnon, de CHF 104'864.-, ainsi que leurs besoins et ceux de leur fille de CHF 74'203.-, elle a estimé que l’excédent de ressources relativement important, en tenant compte de l’intégralité du RDU du compagnon, permettait de retenir que les besoins financiers de la recourante étaient couverts. Même en ne tenant compte que d’une partie du RDU du concubin et des ressources de la recourante, les charges du ménage que celle-ci formait avec son compagnon et sa fille resteraient entièrement couvertes. Dans ces circonstances, l’autorité intimée, en tant qu’elle était parvenue à la conclusion que les besoins financiers de la recourante étaient couverts et avait ainsi refusé ses prestations, n’avait pas fait une application arbitraire de la LBPE ni ne pouvait se voir reprocher d’avoir violé le principe de l’égalité de traitement (consid. 2.10).
5.7 Selon l’art. 19 LBPE, les frais reconnus engendrés par la formation et l'entretien de la personne en formation servent de base de calcul pour les aides financières (al. 1). Une aide financière est versée s'il existe un découvert entre les frais reconnus engendrés par la formation et l'entretien de la personne en formation et les revenus qui peuvent être pris en compte selon l'art. 18 al. 1 et 2 LBPE. Le découvert représente la différence négative entre les revenus de la personne en formation et des personnes légalement tenues de financer les frais de formation et les coûts d'entretien et de formation de ces mêmes personnes (al. 2). Le calcul du découvert est établi à partir du budget des parents ou des personnes légalement tenues au financement de la personne en formation. Ce budget tient compte des revenus et des charges minimales pour couvrir les besoins essentiels (al. 3). Pour le calcul du budget de la personne en formation, il est pris en compte le revenu réalisé durant la formation après déduction d'une franchise dont le montant est fixé par le règlement, la pension alimentaire et les rentes versées par les assurances sociales et la fortune déclarée (al. 4).
Le revenu déterminant est celui résultant de la loi sur le RDU du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06 ; art. 18 al. 2 LBPE). Le calcul du RDU est individuel. Il s'applique aux personnes majeures et à l'ensemble des prestations sociales visées à l'art. 13 LRDU, parmi lesquelles les bourses d'études (art. 8 al. 1 et 13 al. 1 let. b ch. 5 LRDU). Une franchise de CHF 7'800.- est déduite du revenu annuel réalisé par la personne en formation dans le cadre d'une activité lucrative (art. 11 RBPE).
Les éléments énoncés aux art. 4 à 7 LRDU, constituant le socle du RDU, se définissent conformément à la législation fiscale genevoise, en particulier la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08).
5.8 En l’espèce, la recourante conteste la prise en compte, dans le budget familial, des revenus de son beau-père.
Or, comme l’a retenu l’autorité précédente, la chambre administrative a confirmé à plusieurs reprises que les beaux-parents devaient être considérés comme des tiers légalement tenus de subvenir à l’entretien de la personne en formation au sens de l’art. 1 al. 2 LBPE.
En dépit des arguments de la recourante, il n’y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence. Elle correspond en effet à la volonté du législateur cantonal de considérer la bourse d’études comme un encouragement subsidiaire à la formation axé sur le besoin. Le financement de la formation par l’État n’intervient qu’à titre subsidiaire si les parents et les tiers légalement tenus de le faire ne peuvent assumer les frais de formation.
Du fait que la mère de la recourante vit en concubinage stable depuis près de onze ans, sa capacité financière doit être définie en tenant compte de cette situation.
La jurisprudence précitée retient également qu’il ne saurait y avoir de violation du principe de l’égalité de traitement en la matière, dès lors que celui-ci ne peut être invoqué avec succès que lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique ou lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Or, en l’espèce, les étudiants bénéficiant, en plus de l’aide financière de leurs parents, de l’assistance du conjoint de l’un d’entre eux, ne se trouvent pas dans la même situation que ceux qui ne peuvent compter que sur le soutien financier des parents, puisque précisément leur capacité financière au sens de la LBPE, soit les prestations raisonnablement exigibles de la part des parents et des tiers légalement tenus au financement de la formation, est en principe supérieure. Le beau-père de la recourante ne saurait ainsi simplement s’opposer à ses obligations légales.
En outre, il ressort du dossier que, ce n’est qu’à titre subsidiaire, soit à partir du moment où le père de la recourante n’a plus versé de contribution d’entretien, que l’intimé a pris en considération la situation financière du beau-père de la recourante. Ainsi, il ne s’y est référé qu’en second recours, lorsque le père de la recourante n’assumait plus ses obligations légales. Cette approche est conforme aux bases légales et à la jurisprudence y relative susmentionnées.
Le SBPE pouvait ainsi, sans violer la loi, prendre en compte les revenus et les charges du beau-père de la recourante. Pour le reste, la recourante ne conteste pas les calculs opérés par l’autorité intimée et aucun élément pertinent ne permet de les remettre en cause.
C’est en conséquence sans violer le droit ni son large pouvoir d’appréciation que le SBPE a refusé l’octroi d’une bourse.
6. La recourante se prévaut de la complexité de sa situation qui justifierait un traitement particulier.
6.1.1 Selon l'art. 23 LBPE, intitulé « cas particuliers », lors de l'octroi des bourses et des prêts d'études, il est tenu compte des particularités que comportent les filières d'études en matière d'organisation dans le temps ou de contenu (al. 1). La bourse peut être complétée par un prêt lorsqu'une formation fortement structurée rend plus difficile l'exercice d'une activité professionnelle en parallèle. Il en va de même lorsque les frais de formation dépassent largement les frais reconnus (al. 2). Des bourses pour des cas de rigueur peuvent être octroyées dans les limites des disponibilités budgétaires (al. 3).
L'art. 16 RBPE précise que le service peut octroyer des bourses pour des cas de rigueur, en particulier pour les personnes en formation qui, pour des raisons familiales, personnelles ou de santé, se trouveraient dans une situation de précarité.
6.1.2 Selon les travaux préparatoires, s'agissant des cas particuliers relatifs à l'art. 23 al. 3 LBPE, il est nécessaire de prévoir un régime particulier pour les personnes en formation qui se trouvent dans des situations difficiles, notamment en raison du refus des parents de prendre en charge les frais de formation ou en cas de reprise d'une formation après des années consacrées à l'entretien de personnes à charge (MGC 2008-2009 XI/2, p. 14'941 ; ATA/610/2020 du 23 juin 2020 consid. 7b).
6.1.3 Dans son arrêt ATA/1355/2024 du 19 novembre 2024, la chambre de céans a précisé que l'art. 23 al. 3 LBPE ne visait pas les personnes en dehors du cercle des bénéficiaires, mais avait uniquement trait aux circonstances exceptionnelles subjectives aux bénéficiaires (consid. 3.9).
6.2 Sous le terme de droit acquis est désigné un ensemble assez hétérogène de droits des administrés envers l’État dont la caractéristique commune est qu’ils bénéficient d’une garantie particulière de stabilité. Des droits acquis peuvent être conférés par la loi lorsque celle-ci les qualifie comme tels ou lorsqu’elle garantit leur pérennité, soit si le législateur a promis dans la loi que celle-ci ne serait pas modifiée ou serait maintenue telle quelle pendant un certain temps (ATA/48/2024 du 16 janvier 2024 consid. 4.13 et l’arrêt cité).
Un droit acquis peut être créé dans les mêmes conditions que par la loi par une décision individuelle. En tant que telle, la répétition de décisions successives de contenu identique ne crée pas non plus de droit acquis. La catégorie la plus importante de droits acquis est constituée de ceux qui sont créés par un contrat entre l’État et les administrés. La stabilité particulière du droit est ici fondée sur le principe pacta sunt servanda (principe de la confiance ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 266 s.).
6.3 Aux termes de l'art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), les organes de l'État et les particuliers doivent agir conformément aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_145/2019 du 3 juin 2020 consid. 6.3.2). De ce principe découle notamment le droit de toute personne à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1). Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de celles-ci. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée et que l'intérêt à l'application correcte du droit n'apparaisse pas prépondérant (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_41/2024 du 9 décembre 2024 consid. 4.1).
6.4 Dans son arrêt ATA/465/2025 du 29 avril 2025, la chambre de céans a déjà eu l’occasion de retenir que, conformément aux art. 13 et 18 LBPE, l'octroi d'aides financières dont les montants peuvent varier d'une année à l'autre résultait du système légal, ce qui n’était pas contraire au droit. Par ailleurs, le mécanisme de l'art. 18 LBPE permettait d'éviter que l'administration ne demeure indéfiniment liée par une erreur ou une omission qu'elle avait pu commettre initialement. La répétition de décisions successives de contenu identique ne créait pas de droit acquis, ni ne constituait une assurance susceptible d'entraîner l'application de l'art. 9 Cst., de sorte que le recourant ne pouvait pas se prévaloir des décisions passées (consid. 6.3).
6.5 En l’occurrence, depuis plusieurs années, soit depuis l’année scolaire 2017/2018, la recourante bénéficie d’une bourse d’études. Du mois de juillet 2020 au mois de juillet 2022, son père lui a versé une contribution d’entretien d’un montant de CHF 500.- par mois. Tandis que le SCARPA lui avait accordé une avance mensuelle de ladite pension de CHF 500.- dès le 1er février 2023, la recourante a renoncé à toute contribution d’entretien de la part de son père à partir du 1er juin 2023.
Bien que l’intimé lui ait indiqué qu’il comptait sur la pension alimentaire due par son père pour la période du 1er février au 31 août 2023, soit un montant de CHF 3'500.-, il lui a accordé une bourse d’études de CHF 10'865.- pour l’année universitaire 2023/2024, laquelle prenait uniquement en considération la situation financière de la mère et des trois enfants.
Ce n’est que dès l’année universitaire suivante, soit 2024/2025, que l’intimé a réduit le montant de la bourse d’études allouée en tenant compte également de la situation financière du beau-père dans le calcul de celle-ci.
Conformément à la jurisprudence précitée, la recourante ne disposait toutefois pas d’un quelconque droit au versement d’un certain montant annuel au titre de bourse d’études, ce d’autant plus qu’elle a elle-même renoncé au paiement de la part de son père d’une contribution d’entretien.
En outre, tel qu’indiqué précédemment, sa situation familiale et les obligations légales en découlant pour son beau-père ne constituent pas des circonstances particulières, au vu de l’abondante jurisprudence en la matière. En effet, d’autres étudiants se trouvant dans la même situation que la recourante se voient appliquer les mêmes principes.
Finalement, la recourante n’indique pas que son beau-père, avec lequel elle vit en famille, serait dans l’impossibilité de pourvoir à ses besoins.
Pour le surplus, les calculs ne sont pas contestés.
Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’intimé a rejeté la réclamation de l’étudiante.
Partant, le recours sera rejeté.
7. Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument, la procédure étant gratuite (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
 LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 17 mars 2025 par A______, représentée par sa mère B______, contre la décision du service des bourses et prêts d'études du 18 février 2025 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______, représentée par sa mère B______, ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| le greffier-juriste : 
 
 F. SCHEFFRE 
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 | la présidente siégeant : 
 
 F. PAYOT ZEN-RUFFINEN | 
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le 
 
 
 
 
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 | la greffière : 
 
 
 
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