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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2289/2025

ATA/813/2025 du 25.07.2025 ( FPUBL ) , REFUSE

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2289/2025-FPUBL ATA/813/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 25 juillet 2025

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Laurence CRITTIN, avocate

contre

ÉTABLISSEMENTS PUBLICS POUR L'INTÉGRATION (EPI) intimés
représentés par Me Stéphanie FULD, avocate



Vu, en fait, le recours interjeté le 26 juin 2025 devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par A______ contre la décision des ÉTABLISSEMENTS PUBLICS POUR L’INTÉGRATION (ci-après : EPI) du 26 mai 2025 résiliant ses rapports de service avec effet au 31 août 2025 ; qu’elle a conclu à ce qu’il soit dit que la décision était contraire au droit, qu’elle soit annulée et que sa réintégration soit proposée ;

qu’elle expose avoir été engagée en qualité de cheffe de service à 90% à compter du 1er septembre 2023, qu’elle dépendait de B______, directrice des services sociaux‑éducatifs ; qu’à son arrivée, le service n’avait plus de responsable depuis plusieurs mois ; qu’elle avait dû assumer partiellement le cahier des charges de deux chefs de secteur tous les mercredis pendant un an ; que ses évaluations après 3 et 12 mois avaient été positives ; qu’elle avait constaté divers dysfonctionnements qu’elle avait signalés ; que d’autres collaborateurs avaient signalé des dysfonctionnements ; que les EPI n’avaient toutefois entrepris aucune démarche concrète pour y mettre un terme ; qu’elle avait par ailleurs mis en place plusieurs mesures d’amélioration et avait développé des projets ; qu’elle avait reçu un courriel le 24 janvier 2025 évoquant le contenu d’un entretien du 17 janvier 2025 dans des termes qui ne reflétaient ni la teneur ni le ton de la discussion ; qu’elle contestait avoir été « irritable » ou « virulente » à l’encontre de B______, de sa hiérarchie et des collaborateurs des EPI ; qu’un entretien de service écrit s’était déroulé le 24 avril 2025 ; que son employeur avait tenté d’inverser les rôles, invoquant qu’elle aurait été à l’origine des dysfonctionnements alors qu’elle était lanceuse d’alerte ; que l’entretien de service listait en trois points de prétendues carences lesquelles étaient contredites par ses bonnes évaluations et ses actions concrètes ; qu’elle avait formulé des observations le 22 mai 2025 ; que le même jour, elle avait demandé l’ouverture d’une médiation auprès du groupe de confiance de l’État ; qu’elle avait sollicité de pouvoir reprendre son travail au terme de la médiation dans un environnement apaisé et respectueux des standards du service public ; qu’elle était toutefois en arrêt de travail depuis le 27 janvier 2025 en raison d’un « épuisement professionnel sévère » ; que son employeur avait prononcé la résiliation des rapports de service le lundi 26 mai 2025 ; qu’elle avait sollicité la transmission de « son dossier administratif personnel » ainsi que « l’accès à toutes les données la concernant » ; que son employeur n’y avait donné que très partiellement suite ; qu’elle n’avait notamment pas reçu son évaluation du 3 janvier 2024 et la copie d’un courriel du 24 janvier 2025 ;

qu’elle a conclu préalablement à titre superprovisionnel et provisionnel à la restitution de l’effet suspensif ; que son licenciement constituait l’atteinte finale à sa personnalité, précipitant son incapacité de travail ; que la fin des rapports de service entraînait l’interruption immédiate de son droit aux indemnités perte de gain en cas de maladie ; qu’elle était victime de la situation au sein des EPI ; qu’elle n’était pas en état de chercher un nouvel emploi et était encore inapte à être placée au sens de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0) dont elle ne pourrait pas percevoir les indemnités ; que son intérêt à pouvoir conserver son emploi était important et devait primer sur celui de son employeur à se séparer d’une employée investie depuis un an et demi et qui avait mis en œuvre diverses solutions pour améliorer l’organisation du service et son fonctionnement ; que le retrait de l’effet suspensif n’était pas motivé ; qu’aucun intérêt public ne le justifiait ; que son employeur n’évoquait aucun indice concret permettant de conclure que ses prestations étaient insuffisantes ou que son comportement entraverait son bon fonctionnement ; qu’il n’avait par ailleurs pas tenu compte de ses déterminations, reçues le vendredi 23 mai 2025 en prononçant son licenciement le lundi qui suivait ; que les EPI avaient opté pour la mesure la plus sévère ; que, par ailleurs, l’intérêt public supérieur des résidents, soit des personnes en grande vulnérabilité, à être pris en charge en toute sécurité ainsi que la confiance placée par la population dans les institutions de santé primaient l’intérêt de l’employeur à se séparer d’elle ; que si l’effet suspensif n’était pas restitué, elle serait privée de revenus, alors qu’elle était âgée de 50 ans et en arrêt de travail pour des faits imputables à son employeur ; qu’enfin, le recours avait de bonnes chances de succès ; qu’en effet, les principes de proportionnalité, de bonne foi, d’interdiction de l’arbitraire, notamment, avaient été violés, tout comme plusieurs dispositions de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) ;

que le 1er juillet 2025, la juge déléguée a rejeté la requête en mesures superprovisionnelles urgentes au motif que les rapports de service arriveraient à échéance le 31 août 2025 et qu’une décision sur mesures provisionnelles devait pouvoir intervenir avant cette date ;

que les EPI ont conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif ; que l’intéressée était employée, la période probatoire de deux ans arrivant à échéance le 31 août 2025 ; qu’elle ne fournissait aucun élément concret concernant sa situation financière ; que l’assurance-chômage, respectivement l’assurance invalidité, prévoyaient des mécanismes spécifiques pour les atteintes à la santé qui perduraient dans le temps, notamment par des mesures relatives au marché du travail, respectivement des mesures de réadaptation ; que le préjudice allégué s’avérait dès lors infondé ; que la restitution de l’effet suspensif reviendrait de facto à maintenir les rapports de travail et lui octroyer une rémunération mensuelle jusqu’à droit jugé sur le fond ; que la résiliation des rapports de service se justifiait aussi dans le but d’assurer le bon fonctionnement du service ;

que, dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a relevé que l’octroi de l’effet suspensif aurait pour seul conséquence de suspendre le délai de résiliation applicable ; que la décision litigieuse était intervenue malgré des évaluations positives et l’atteinte de ses objectifs ; qu’aucun manquement ni incompatibilité avec sa fonction n’avait été constatée ; qu’aucune mesure d’accompagnement n’avait été mise en place ; que les EPI avaient agi de façon précipitée et déloyale ; qu’étant en période probatoire, sa protection était moindre que celle des fonctionnaires ; qu’elle ne pouvait pas prétendre à un reclassement au sein de l’État ; que l’indemnité à laquelle elle pourrait avoir droit était plafonnée à six mois maximum de son dernier traitement ; qu’elle était dans l’impossibilité notamment de s’inscrire au chômage dès lors qu’elle serait considérée comme inapte au placement ; que la seule alternative serait le recours à l’aide sociale ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux‑ci, par un ou une juge ;

que l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10) prévoit que, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ; qu’elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire ; que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que les rapports de travail entre les EPI, établissement de droit public, doté de la personnalité juridique (art. 28 de la loi sur l’intégration des personnes handicapées du 16 mai 2003 - LIPH - K 1 36), et son personnel sont régis par la LPAC et le RPAC (art. 43 al. 1 LIPH) ;

que selon l’art 21 al. 3 LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; elle motive sa décision ; elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé ; que l’art. 22 LPAC précise qu’il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c) ;

que saisie d'un recours pour résiliation des rapports de service durant la période probatoire, la chambre administrative dispose, sauf violation des droits et principes constitutionnels, d'un pouvoir d'examen limité à l'application des délais légaux de congé, compte tenu du large pouvoir d'appréciation laissé à l'autorité compétente (ATA/472/2024 du 16 avril 2024 consid. 5.4) ; que la loi ne prévoit pas d'autres conditions pour le licenciement d'employés ; qu’en particulier, contrairement aux fonctionnaires, elle ne requiert pas l’existence d'un motif fondé (art. 21 al. 1 LPAC ; art. 21 al. 3 et 22 a contrario LPAC), ni le respect du principe de reclassement (art. 21 al. 3 in fine LPAC et 46A RPAC ; ATA/166/2024 du 6 février 2024 consid. 4 ; ATA/590/2016 du 12 juillet 2016 consid. 4b et les références citées) ;

qu’aux termes de l'art. 31 al. 3 LPAC, dans sa teneur issue de la loi 12868 entrée en vigueur le 11 mai 2024, si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé ou est contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration ;

qu’en l'espèce, vu l'art. 31 al. 3 LPAC précité, même en cas d'admission du recours, la chambre de céans ne pourrait ordonner la réintégration de la recourante, mais uniquement la proposer ; que la recourante ne peut être suivie lorsqu’elle soutient que la restitution de l’effet suspensif se limiterait à « suspendre le délai de résiliation applicable » ; que ladite restitution aurait pour effet de la réintégrer pendant la durée de la procédure ; qu’elle irait au-delà des compétences de la chambre administrative sur le fond, de sorte qu'elle ne peut l'ordonner (ATA/939/2024 du 14 août 2024 consid. 8 ; ATA/1135/2022 du 8 novembre 2022 consid. 9) ;

que de jurisprudence constante en matière de résiliation des rapports de service, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/1377/2023 du 21 décembre 2023 ; ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées) ;

que, par ailleurs, la recourante, bien qu’elle s’en prévale, n’apporte aucun élément permettant d’apprécier sa situation financière ; qu’elle ne rend ainsi pas vraisemblable que les indemnités de chômage qu’elle percevrait ne lui permettraient pas de couvrir ses charges incompressibles et qu’elle serait ainsi exposée à un préjudice financier difficilement réparable ;

qu’elle ne fait qu’alléguer qu’elle n’aurait pas droit à des indemnités chômage ; que toutefois, sur le plan fédéral, le droit à l'indemnité de chômage en cas d'incapacité de travail passagère est réglé à l'art. 28 LACI (ATF 126 V 127 consid. 3b) ; que de surcroît, sur le plan cantonal, le chapitre II de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20) prévoit spécifiquement des prestations en cas d’incapacité passagère, totale ou partielle de travail ;

qu’en outre, les chances de succès du recours n’apparaissent, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif ;

qu’au vu de ce qui précède, la requête sera rejetée ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la présente procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Laurence CRITTIN, avocate de la recourante, ainsi qu'à Me Stéphanie FULD, avocate des ÉTABLISSEMENTS PUBLICS POUR L'INTÉGRATION.

 

 

 

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Juge

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :