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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4221/2024

ATA/75/2025 du 17.01.2025 sur JTAPI/1299/2024 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4221/2024-MC ATA/75/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2025

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Betsalel ASSOULINE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 décembre 2024 (JTAPI/1299/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1976, connu sous divers alias, est ressortissant de Tunisie.

b. Il a fait l’objet d’une décision de renvoi de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 3 août 2023, notifiée à l'intéressé à la prison de Champ-Dollon le lendemain. Le recours interjeté à son encontre a été déclaré irrecevable par jugement du 12 octobre 2023 du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI).

c. Par décision du 29 août 2023, valablement notifiée le lendemain, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé à l’encontre d’A______ une interdiction d'entrée en Suisse pour une durée de trois ans dès sa date de départ du territoire.

d. Il a été condamné à sept reprises sur territoire suisse, notamment le 21 février 2024, par le Ministère public genevois, pour vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]).

e. Il a été libéré de détention pénale le 1er septembre 2023 et à nouveau écroué à la prison de Champ-Dollon le 18 septembre 2024.

f. A______ a été reconnu par les autorités tunisiennes comme ressortissant de ce pays le 11 septembre 2024.

B. a. Libéré de détention pénale le 12 novembre 2024, il a été remis entre les mains des services de police.

Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative du précité pour une durée de deux mois et l'a soumis au TAPI. Un vol DEPA était réservé pour la Tunisie pour le 9 décembre 2024.

Au commissaire de police, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi dans son pays d’origine.

b. Par jugement du 15 novembre 2024, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention du 12 novembre 2024 pour deux mois, soit jusqu’au 11 janvier 2025.

c. Le 19 novembre 2024, A______ a déposé une demande d'asile auprès du SEM.

d. Le 3 décembre 2024, le SEM a informé les autorités genevoises que le vol prévu le 9 décembre 2024 devait être annulé « car à l'heure actuelle, l'ambassade n'émettait plus de laissez-passer pour les non-volontaires ».

e. Le 6 décembre 2024, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté le 26 novembre 2024 par A______ contre le jugement du 15 novembre 2024.

Le recourant n’avait rendu vraisemblable ni son homosexualité ni un risque concret qu’il pourrait courir à son retour en Tunisie du fait de son homosexualité ni que son état de santé rendait son renvoi impossible ou inexigible.

C. a. Par requête du 19 décembre 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative d'A______ pour une durée de six mois. Il demeurait dans l'attente de l'issue de la procédure d'asile déposée par l'intéressé.

b. Lors de l’audience devant le TAPI, A______ a indiqué être arrivé en Suisse en 1996. Il était parti en Italie où il était resté 27 ans avant de revenir en Suisse à la fin de l'année 2021. Il était venu voir ses deux sœurs qui vivaient à Genève, l’hébergeaient et le nourrissaient. Elles habitaient, respectivement, __, rue de B______ et __, rue de C______ à D______. Il avait des enfants en Italie, agés de 15 et 25 ans. Il n'était pas d'accord de retourner en Tunisie et refusait de faire les démarches pour obtenir son passeport auprès de l'ambassade. Il avait déposé une demande d'asile, ayant tout perdu, notamment son épouse, à cause de son homosexualité. Il ne pouvait pas retourner en Tunisie car l'homosexualité y était interdite. Il avait également des problèmes d'addiction. S'il avait déposé seulement à ce stade sa demande d'asile, c'était « comme ça », peut‑être car c'était la première fois qu'il était enfermé. Il souhaitait être remis en liberté et irait alors chez sa sœur. Sa détention à Favra était infernale. Il y était rejeté. C'était comme s'il était en Tunisie car le 99% des « gens là‑bas étaient des Arabes » qui le rejetaient à cause de son homosexualité. Il a transmis un texte au TAPI expliquant les raisons pour lesquelles il ne voulait pas retourner en Tunisie. Selon ce texte, il avait déposé une demande d'asile en raison des graves risques de persécution, de torture et d'emprisonnement s'il devait être renvoyé en Tunisie. Il n'avait jamais commis de crime en Suisse, même le vol.

Le représentant de l’OCPM a indiqué qu’il s’agissait du premier cas où l’ambassade n’avait pas délivré de laissez-passer au motif que l’intéressé n’était pas volontaire. L’OCPM avait entendu parler d’un cas similaire dans un autre canton, mais l’information n’était pas vérifiée. Un tel refus étant contraire à l’accord de réadmission avec la Tunisie, cela n’était pas définitif. Le SEM devait examiner la situation, laquelle était peut-être due au changement d’ambassadeur de Tunisie. Le délai de six mois était nécessaire vu la demande d’asile. Le délai de traitement dépendait des preuves fournies par le requérant. L’OCPM ne prévoyait pas de vol spécial pour l’instant en raison du blocage du laissez-passer.

c. Par jugement du 27 décembre 2024, le TAPI a rejeté le recours.

L’intéressé avait fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse et avait été condamné pour vol, infraction constitutive de crime. Sa demande d'asile n'était dictée que dans le but d'empêcher son renvoi, d'autant qu'elle n'avait été déposée que très récemment et ce, après son placement en détention. Les conditions de la détention administrative d’A______ étaient en conséquence réalisées.

Il n’avait pas rendu vraisemblable son homosexualité ni un risque concret qu’il pourrait courir à son retour en Tunisie du fait de son homosexualité. En l'absence d'éléments nouveaux depuis le prononcé de ces décisions, il n'y avait pas lieu de revenir sur ce constat, les circonstances n'ayant pas changé entre temps.

S'agissant de l'impossibilité de retourner en Tunisie vu l'absence de délivrance de laissez-passer, les démarches en vue de son renvoi étaient bloquées par le dépôt de sa demande d'asile et non par un problème d’obtention de laissez-passer. C'était donc à juste titre que les autorités genevoises attendaient l'issue de la procédure d'asile pour entamer de nouvelles démarches en vue de l'obtention d'un tel document. Dès lors que l'intéressé pouvait, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre la Tunisie, l’argument était infondé.

Le recourant ayant exprimé sa ferme opposition à son renvoi en Tunisie, sa détention apparaissait comme le seul moyen apte à permettre l'exécution de son renvoi, toute mesure moins incisive ne pouvant que favoriser sa disparition dans la clandestinité.

Un nouveau contrôle de la détention administrative devait pouvoir être effectué à moyenne échéance sur la base d'informations complètes, de sorte que la prolongation de la détention ne serait ordonnée que pour trois mois supplémentaires. La procédure d'asile devrait être traitée rapidement et en l'état, le TAPI n’avait pas d'informations sur les raisons spécifiques du refus des autorités tunisiennes de délivrer un laissez-passer à des non-volontaires. Ainsi, on ignorait combien de temps les autorités tunisiennes seraient susceptibles de continuer à refuser un laissez-passer au recourant et pour quels motifs, un tel refus n’étant pas prévu par l’Accord de coopération en matière de migration entre la Confédération suisse et la République tunisienne conclu le 11 juin 2012 (RS 0.142.117.589 – ci‑après : l’Accord de coopération).

La demande de prolongation de la détention administrative était admise mais pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 11 avril 2025 inclus.

D. a. Par acte expédié le 10 janvier 2025 à la chambre administrative, A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation.

Les art. 80 al. 6 LEI, ainsi que 1, 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), 31 et 36 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) avaient été violés.

Son renvoi était impossible compte tenu de l’absence d’émission de laissez-passer par l’État tunisien pour ses ressortissants n’ayant pas la volonté d’y retourner. Il était détenu depuis le 12 novembre 2024, soit deux mois. Les autorités ne lui avaient pas donné d’indications concrètes sur une date de vol compte tenu de leur refus, de durée indéterminée, de délivrer des laissez-passer. Son renvoi n’étant dès lors pas prévisible, il devait être immédiatement libéré.

b. L'OCPM a conclu au rejet du recours. L’impossibilité alléguée reposant sur le comportement d’obstruction de l’intéressé, l’art. 80 al. 6 LEI n’était pas violé.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 10 janvier 2025 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Le recourant conteste le bien-fondé de sa détention et sollicite sa libération immédiate.

3.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

3.2 L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 lettre h LEI, permet d'ordonner la détention administrative d'un ressortissant étranger afin d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion notifiée à celui-ci, lorsque la personne concernée a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP).

3.3 Le recourant ayant fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse et été condamné pour vol, infraction constitutive de crime, les conditions de sa détention administrative sont réalisées, les conditions des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. h LEI étant remplies, ce que la chambre de céans a déjà analysé dans son arrêt du 6 décembre 2024.

4.             Le recourant prétend que l'exécution de son expulsion est impossible. Il invoque une violation des art. 3 et 5 CEDH et 80 al. 6 let. a LEI.

4.1 L’art. 3 CEDH proscrit la torture ainsi que tout traitement inhumain ou dégradant.

Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1). Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées).

4.2 Conformément à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH, toute personne a droit à la liberté et à la sûreté, et nul ne peut être privé de sa liberté, sauf s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours.

Selon la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: CourEDH), seul le déroulement de la procédure d'expulsion justifie la privation de liberté ; or, si la procédure n'est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d'être justifiée au regard de cette disposition (ACEDH Khlaifia et autres c. Italie [GC] du 15 décembre 2016, req. n° 1683/12, § 90 ; Suso Musa c. Malte du 23 juillet 2013, req. n° 42337/12, § 91).

4.3 Selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention administrative d'une personne étrangère devant quitter le territoire suisse doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles.

L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références). Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 § 1 let. f CEDH (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 ; arrêt 2C_216/2023 du 22 juin 2023 consid. 6.1 et les arrêts cités).

Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi en fonction des circonstances de chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible, ou du moins raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêts du Tribunal fédéral 2C_468/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1 ; 2C_233/2022 du 12 avril 2022 consid. 4.3.1 ; 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 ; 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 5.1 ; 2C_634/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1).

Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (ATF 130 II 56 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_387/2023 du 7 août 2023 consid. 5.1).

4.4 Le juge de la détention administrative doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière. Ce n'est que lorsque la décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, que le juge de la détention peut, voire doit, refuser ou mettre fin à la détention administrative (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 2.2).

4.5 Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

4.6 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

4.7 Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

5.             Selon l'art. 42 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31) , quiconque dépose une demande d'asile en Suisse peut y séjourner jusqu'à la clôture de la procédure.

5.1 La procédure d'asile débute par une phase préparatoire durant au maximum dix jours pour les procédures dites « Dublin » et 21 jours pour les autres (art. 26 al. 1 LAsi). Au terme de cette phase préparatoire, la procédure d'asile se poursuit sous forme accélérée – auquel cas une décision de première instance doit être rendue dans les huit jours ouvrables suivant la fin de la phase préparatoire – ou, si des mesures d'instruction sont nécessaires, sous forme étendue, auquel cas une décision de première instance doit être rendue dans les deux mois suivant la fin de la procédure préparatoire (art. 26c, 26d et 37 al. 2 et 4 LAsi).

5.2 La demande d'asile est rejetée si la qualité de réfugié n'est ni prouvée ni rendue vraisemblable ou s'il existe un motif d'exclusion au sens des art. 53 et 54 LAsi. L'art. 53 let. c LAsi prévoit que l'asile n'est pas accordé au réfugié qui est sous le coup d'une expulsion au sens des art. 66a ou 66a bis CP.

5.3 Le dépôt d'une demande d'asile n'a pas ipso facto d'effet sur la détention administrative, obligeant uniquement l'autorité à envisager une détention fondée sur l'art. 75 LEI si une détention en vue de renvoi (art. 76 LEI) a déjà été prononcée ou confirmée (Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : loi sur les étrangers, 2017, n. 8 ad art. 76 LEI).

6.             En l'espèce, le recourant allègue que son renvoi serait impossible, l’ambassade de Tunisie ne délivrant plus de laissez-passer. Cet élément ne ressort toutefois que d’une remarque du SEM en marge de l’annulation du vol du 9 décembre 2024. Lors de l’audience devant le TAPI, le représentant de l’OCPM a fourni des explications convaincantes, notamment quant à des changements à l’ambassade, au fait qu’il s’agissait d’un premier cas, que le SEM devait analyser la situation et notamment la question de la compatibilité de la situation avec l’Accord de coopération. L’OCPM peut en conséquence être suivi lorsqu’il soutient qu’en l’état cette situation n’est pas définitive et doit faire l’objet d’une analyse du SEM. Il n’est en conséquence pas établi que le refus soit toujours d’actualité, ni qu’il soit durable.

L’impossibilité du renvoi découle au contraire, en l’état, de la demande d’asile déposée par l’intéressé le 19 novembre 2024, suite au jugement du TAPI du 15 novembre 2024 confirmant l’ordre de mise en détention du 12 novembre 2024 pour une durée de deux mois, et dont il convient d’attendre l’issue.

Dans un cas où une demande d’asile avait été déposée le 29 août 2024, la chambre de céans avait rétabli l’ordre de mise en détention du 3 septembre 2024 pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 2 janvier 2025. Le délai, réduit à deux mois par le TAPI, apparaissait insuffisant pour obtenir une décision définitive et exécutoire sur la demande d’asile que l’intéressé venait de déposer et procéder à son renvoi dans son pays d’origine (ATA/1120/2024 du 24 septembre 2024 consid. 4).

In casu, la durée de trois mois telle que réduite par le TAPI et non contestée par l’OCPM, prolongeant la détention jusqu’au 11 avril 2025 inclus, arrivera à échéance près de cinq mois après le dépôt de la demande d’asile. Ce délai reste proportionné compte tenu notamment des fêtes de fin d’année. Ce délai permettra par ailleurs aux autorités d’obtenir toute explication utile sur la pratique de l’ambassade tunisienne en matière de laissez-passer, indépendamment de la décision sur la demande d’asile et en tous les cas avant de solliciter une éventuelle prolongation de la détention du recourant.

Le principe de célérité est respecté au vu des démarches entreprises, singulièrement de l’organisation du vol le 19 décembre 2024 (art. 76 al. 4 LEI). Celui de la proportionnalité n’est pas violé, aucune autre mesure moins incisive que la détention ne paraissant apte à garantir la présence de l’intéressé lors du vol, compte tenu de son refus de quitter le territoire. La prolongation de trois mois respecte en conséquence la durée maximale autorisée et est nécessaire pour assurer la mise en œuvre du renvoi (art. 79 LEI).

Mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA cum art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 janvier 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 décembre 2024  ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Betsalel ASSOULINE, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement de détention administrative de Favra, pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :