Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1341/2024 du 14.11.2024 sur JTAPI/1029/2024 ( MC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3286/2024-MC ATA/1341/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 14 novembre 2024 En section |
| ||
dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat
contre
COMMISSAIRE DE POLICE intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 octobre 2024 (JTAPI/1029/2024)
A. a. Le 3 octobre 2024, A______, né le ______1996, ressortissant du Nigéria, a été arrêté par la police en raison du vol d'un vélo, commis alors qu'il prenait la fuite pour se soustraire à son interpellation. Le vélo était signalé volé depuis le 21 septembre 2024 et une plainte pénale avait été déposée le 23 septembre 2024.
Selon le rapport d’arrestation, A______ était en possession de CHF 49.60, de EUR 0.05, d'un téléphone portable non signalé volé et de son passeport nigérian valable jusqu'au 1er juillet 2029 ainsi que d’un titre de séjour italien valable jusqu'au 1er janvier 2025.
A______ ayant fait valoir son droit de refuser de répondre, son audition par la police n’a pu avoir lieu.
Le 4 octobre 2024, il a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public à une peine pécuniaire de 50 jours-amende pour vol au sens de l’art. 139 ch. 1 du code pénal Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et empêchement d’accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP).
b. Le même jour, à 16h45, en application de l'art. 74 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), le commissaire de police a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois.
c. Par courrier du 7 octobre 2024 adressé au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), A______ a formé opposition contre cette décision.
d. Le 18 octobre 2024, il a été entendu par le TAPI.
Il était arrivé à Genève le 1er octobre 2024 « pour visiter » car il était en vacances durant tout le mois d’octobre. Il était venu pour trois jours. Il était retourné en Italie le 12 octobre 2024 et avait quitté Genève le 8 octobre 2024. Il ne se souvenait pas de l'heure mais c'était la nuit. Il avait toujours dormi à Annemasse. Il travaillait en Italie comme fermier. C'était la première fois qu'il venait à Genève. Il n'avait aucun besoin spécial de venir dans le canton de Genève. Un ami, dont il ne voulait pas donner le nom de peur qu'il le frappe, lui avait prêté le vélo avec lequel il avait été arrêté par la police. Il l’avait utilisé depuis l'arrêt de bus Palladium jusqu'à la Jonction juste pour aller acheter un kebab et il devait ramener le vélo à l'arrêt de bus. Lorsqu'il avait été arrêté, il se trouvait sur le vélo et la police l'en avait fait descendre en lui indiquant qu’il était volé.
C'était la police qui avait dit qu'elle allait appeler un avocat pour qu'il l'assiste lors de son audition, mais celui-ci n'était pas disponible. Aucune traduction n'avait été faite lors de son audition par la police. Lors du prononcé de la mesure, il y avait un interprète en langue anglaise. On lui avait notifié la décision du 4 octobre 2024, mais il n'avait pas compris qu'il n'avait pas le droit de revenir à Genève. Il comprenait un petit peu le français car il travaillait avec certains collègues francophones. Il ne savait pas lire le français. Il ignorait que le vélo que son ami lui avait prêté était volé. Il était arrivé d'Italie le 18 octobre 2024 au matin. Il allait être entendu par le Ministère public l’après-midi à 14h30 et avait ensuite le projet de se rendre à Annemasse pour prendre ses affaires et repartir en Italie. Il avait été arrêté par la police le 8 octobre 2024, avait passé la nuit à la police et était reparti à Annemasse le 9 octobre 2024. Il n'avait jamais donné comme adresse le B______. Il ne connaissait pas son adresse à Annemasse. Depuis le prononcé de la mesure, il n'était revenu qu'une seule fois à Genève, le 8 octobre 2024 au matin. Il avait compris que s'il ne volait plus de vélo, il pouvait repartir libre, et il contestait avoir volé un vélo. Il reconnaissait être venu à Genève le 8 octobre 2024 alors qu'il savait qu'il n'avait pas le droit de pénétrer sur le canton.
La représentante du commissaire a conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de la mesure. Elle ignorait qui était le policier dont le matricule était indiqué sur le procès-verbal d'audition et qui aurait fonctionné comme interprète en langue anglaise, mais elle pouvait se renseigner. Elle produisait une extraction du fichier des arrestations indiquant que A______ avait été arrêté le 8 octobre 2024 à 19h30. Il résultait de ce qu'il venait d'être dit que A______ était revenu sur le territoire genevois à deux reprises, les 7 et 8 octobre 2024.
A______ a conclu à l’annulation de la mesure d’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prononcée à son encontre le 4 octobre 2024 pour une durée de douze mois et à ce que la pièce produite par la police en audience soit écartée de la procédure.
e. Par jugement du 21 octobre 2024, la TAPI a refusé d’écarter la pièce de la procédure, rejeté l’opposition et confirmé la décision.
A______ ne bénéficiait d'aucune autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement en Suisse, ce qu'il ne conteste au demeurant pas. Il était simplement titulaire d’un permis de séjour lui permettant de résider en Italie.
Il se trouvait au guidon d’un vélo volé lorsqu’il avait été interpellé et n’avait pas voulu donner d’informations concernant l’ami qui le lui aurait selon lui prêté. Il n’avait pas non plus rendu vraisemblable qu’il ne serait arrivé à Genève que le 1er octobre 2024, soit après le vol du vélo à son propriétaire. Il n’avait donné aucune indication sur son lieu de résidence en France et ne semblait pas enclin à respecter les décisions prises à son encontre puisqu’il était revenu à Genève à deux reprises au moins, les 7 et 8 octobre 2024, après le prononcé de la mesure d’interdiction territoriale, alors qu’il savait qu’il ne devait pas revenir dans le canton. Il pouvait être perçu comme une menace pour l'ordre et la sécurité publics et il pourrait commettre d’autres vols s'il était autorisé à continuer à pouvoir se rendre à Genève. Les conditions d'une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée étaient remplies.
L'étendue géographique prenait en considération qu’il était susceptible de reproduire ses agissements coupables dans tout le canton où il n'avait aucune raison de se trouver. Il n’avait pas donné d’indication sur son lieu de résidence en France ni sur ses fréquentations à Genève, reconnu ne pas avoir de besoins spéciaux de venir à Genève et affirmé vouloir repartir en Italie où il avait un travail. Il n'avait ainsi aucune attache sérieuse en Suisse, en particulier à Genève.
B. a. Par acte remis au greffe le 7 novembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’annulation de la décision d’interdiction territoriale. Subsidiairement, la durée de l’interdiction devait être ramenée à six mois.
La décision violait la loi. La simple présence sur un lieu où se pratiquait le trafic de drogue ne suffisait pas à fonder un soupçon de menace pour l’ordre et la sécurité publics. Le possesseur d’une chose mobilière en était présumé propriétaire et le commissaire puis le TAPI avaient retenu de manière choquante et au mépris de la présomption d’innocence qu’il avait une situation précaire et pourrait commettre d’autres vols. Les charges pour prononcer une interdiction de périmètre étaient inexistantes. Il avait formé opposition à l’ordonnance pénale et était toujours présumé innocent. Il avait expliqué ignorer que le vélo qu’il utilisait était volé et il était vraisemblable qu’il serait acquitté au plan pénal. L’interdiction territoriale était ainsi infondée.
La décision était également disproportionnée. Il disposait d’un titre de séjour italien et c’était la première mesure d’interdiction de périmètre dont il faisait l’objet.
b. Le 12 novembre 2024, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.
De simples soupçons – en l’occurrence de vol d’un vélo – suffisaient pour fonder une mesure d’interdiction territoriale. La présence du recourant dans le canton constituait une menace pour l’ordre et la sécurité publics. Celui-ci n’avait aucune attache avec le canton. Le vol ou le recel constituaient un crime par comparaison avec une vente de drogues dures, pour laquelle une durée de 12 mois était souvent prononcée, de sorte que la même durée prononcée dans le cas d’espèce n’apparaissait pas disproportionnée.
c. Le 14 novembre 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.
Il avait expliqué qu’il n’était pas en Suisse le 1er octobre 2024, ce qui n’était contredit par aucun élément du dossier, et il était vraisemblable qu’il serait acquitté de l’infraction de vol qui lui était reprochée. Ainsi, faute d’infraction, aucune menace à l’ordre public ne pouvait être retenue à son encontre.
d. Le 14 novembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
e. Il ressort du rapport de police du 3 octobre 2024 que le vélo en possession duquel le recourant avait été interpellé à la rue des Deux-Ponts était un vélo de compétition doté d’accessoires particuliers, qu’il avait été volé le 21 septembre 2024 à la rue du Stand, qu’il avait son numéro de série partiellement effacé par grattage, qu’il avait ainsi pu être identifié et avait été restitué à son propriétaire, et que le recourant, qui détenait la clé du cadenas du vélo, s’était refusé à toute déclaration.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 7 novembre 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.
3. Est litigieuse la durée, de douze mois, de l’interdiction de pénétrer dans tout le territoire cantonal.
3.1 Aux termes de l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée notamment lorsque l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et que des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou qu'il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (let. b). L’assignation à un territoire ou l’interdiction de pénétrer un territoire peut également être prononcée lorsque l’étranger n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants (let. a).
3.2 Si le législateur a expressément fait référence aux infractions en lien avec le trafic de stupéfiants (art. 74 al. 1 let. a LEI), cela n'exclut toutefois pas d'autres troubles ou menaces à la sécurité et l'ordre publics (ATF 142 II 1 consid. 2.2 et les références), telle par exemple la violation des dispositions de police des étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 consid. 3.1 ; 2C_884/2021 du 5 août 2021 consid. 3.1.). Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, «le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.
La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants ainsi qu'à maintenir les requérants d'asile éloignés des scènes de la drogue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).
Ainsi, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_762/2021 du 13 avril 2022 consid. 5.2) ; de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2021 précité consid. 3.1 et l'arrêt cité). De plus, même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contacts répétés avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 précité consid. 2.1). Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 précité).
Une mesure basée sur l’art. 74 al. 1 let. a LEI ne présuppose pas une condamnation pénale de l’intéressé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2020 précité consid. 3.3 ; 2C_123/2021 du 5 mars 2021).
3.3 L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue de la mesure.
Selon le Tribunal fédéral, celle-ci doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3).
Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).
La mesure doit être nécessaire et suffisante pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4). En particulier, la délimitation géographique et la durée de la mesure doivent être prises en considération en fonction du but poursuivi. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; ATA/748/2018 du 18 juillet 2018 consid. 4b). L'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010, p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.
La mesure ne peut donc pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.
La chambre de céans a déjà plusieurs fois confirmé une interdiction territoriale de douze mois dans le canton de Genève y compris à l’encontre d’une personne sans antécédents, interpellée et condamnée par le Ministère public pour avoir vendu une boulette de cocaïne, l’intéressé n’ayant aucune ressource financière ni aucun intérêt à venir dans le canton (ATA/1316/2022 du 29 décembre 2022 ; ATA/655/2021 du 23 juin 2021 ; ATA/802/2019 du 17 avril 2019), ou à l’encontre d’une ressortissante française condamnée à plusieurs reprises pour infractions à la LStup qui admettait consommer des stupéfiants et s’adonner au trafic de ceux-ci (ATA/255/2022 du 10 mars 2022).
La chambre de céans a confirmé une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois dans le cas d’une personne possédant un titre de séjour en Italie, qui n’avait ni attaches ni aucun titre de séjour en Suisse. Il avait certes, indiqué, avoir des amis à Vernier, mais avait refusé de donner leur nom et leur adresse. Son allégation relative à l'existence desdites amitiés paraissait ainsi peu crédible. Il semblait d'ailleurs davantage avoir utilisé sa présence à Genève pour trouver des moyens de subvenir illégalement à ses besoins en s'adonnant au trafic de drogues. Le recourant n'avait jamais vécu ni à Genève ni en Suisse et n'y avait aucune attache familiale. Il était sans domicile et sans ressources. Aucun élément ne nécessitait ainsi sa présence à Genève. Dans ces circonstances, son intérêt privé à pouvoir venir à Genève dans les douze mois suivants cédait le pas à l'intérêt public à le tenir éloigné du canton pendant cette durée. Par conséquent, le fait d'avoir étendu la mesure d'interdiction à l'ensemble du territoire du canton de Genève n'était pas disproportionné, ni celui d'avoir fixé à douze mois la durée de cette mesure, étant rappelé sur ce dernier point la jurisprudence stricte du Tribunal fédéral (ATA/806/2019 du 18 avril 2019).
Elle a aussi confirmé des interdictions territoriales pour une durée de 18 mois prononcées contre un étranger interpellé en flagrant délit de vente de deux boulettes de cocaïne et auparavant condamné deux fois et arrêté une fois pour trafic de stupéfiants (ATA/2577/2022 du 15 septembre 2022) ou un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, condamné plusieurs fois pour infractions à la LEI et la LStup (ATA/536/2022 du 20 mai 2022).
Elle a rétabli à 24 mois une interdiction territoriale réduite à 18 mois par le TAPI dans le cas d’un ressortissant algérien ne disposant d’aucun lieu de vie en Suisse, hormis le domicile à Genève de sa compagne, où quelques affaires lui appartenant avaient été retrouvées. Il paraissait également vivre chez sa sœur en France voisine. Il n’établissait pas sa paternité sur l’enfant qu’il prétendait être le sien et n’expliquait pas les démarches concrètes qu’il aurait entamées à cet égard en vue d’obtenir les documents d’identité nécessaires à cette reconnaissance. Il avait fait l’objet de multiples condamnations pénales pour infractions à la LStup, mais également pour violation de domicile, vol et dommages à la propriété et lésions corporelles simples contre sa compagne, avait été condamné à des peines privatives de liberté et d’autres procédures pénales étaient en cours contre lui. Il s’agissait en outre d’une seconde mesure. Il n’avait eu aucune considération pour la première décision d’interdiction territoriale prononcée à son encontre le 22 février 2022, pour une durée de douze mois, ni pour l’interdiction d’entrée valable jusqu’au 27 octobre 2027, soit encore pour plus de quatre années. Une durée de 18 mois paraissait donc faible au regard de ces circonstances. La réduction opérée par le TAPI, motivée par la paternité du recourant, ne pouvait en conséquence être confirmée, notamment en l’absence de tout document établissant celle-ci (ATA/609/2023 du 9 juin 2023).
Tout récemment, la chambre de céans a confirmé une interdiction territoriale d’une durée de douze mois étendue à tout le canton, prononcée contre un ressortissant nigérien condamné pour le vol d’un téléphone portable trouvé en sa possession et qu’il soutenait avoir acheté, et ce quand bien même la condamnation n’était pas encore définitive, et compte tenu du fait que le recourant n’avait aucun emploi ni lien avec le canton de Genève ou la Suisse et résidait en France (ATA/628/2024 du 23 mai 2024 consid. 3.6).
Elle a admis le caractère disproportionné d’une interdiction de territoire privant un recourant d’accès au domicile de son amie, chez laquelle il était domicilié et avec laquelle des démarches en vue du mariage étaient en cours (dépôt d’une demande d’autorisation de séjour en vue de mariage ; ATA/668/2020 du 13 juillet 2020).
De même, elle a jugé contraire au droit l’interdiction de tout le canton de Genève notifiée à un recourant qui avait entamé des démarches auprès de l’Office cantonal de la population et des migrations pour l’obtention d’un titre de séjour en vue de mariage et auprès de l’état civil pour reconnaître sa fille, et dont la réalité de la relation n’avait pas été mise en cause par le TAPI (ATA/1171/2019 du 22 juillet 2019).
3.4 En l’espèce, le recourant fait valoir que faute d’avoir commis une infraction, il ne saurait constituer un danger pour la sécurité et l’ordre publics, et que la mesure contestée serait privée de fondement.
Il a refusé de s’exprimer à la police, mais a fait valoir le 18 octobre 2024 devant le TAPI qu’il n’avait séjourné à Genève que du 1er au 8 octobre 2024 pour des motifs de visite, que le vélo lui avait été prêté par un ami dont il ne voulait pas donner le nom de peur qu’il le frappe ; qu’il ignorait que le vélo avait été volé ; qu’il avait utilisé le vélo depuis l’arrêt Palladium jusqu’à la Jonction pour acheter un kebab et qu’il devait ramener le vélo à l’arrêt de bus.
Le recourant prévoit qu’il sera acquitté de l’accusation de vol, faute pour lui d’avoir été présent à Genève avant le 1er octobre 2024, soit lors du vol. Il n’appartient cependant pas à la chambre de céans de se substituer à l’autorité pénale, qui déterminera la portée à accorder aux éléments figurant à la procédure. L’existence d’une ordonnance de condamnation est en l’état suffisante selon la jurisprudence pour établir l’existence d’une menace pour la paix et la sécurité publiques par un justiciable.
Le recourant a refusé de s’expliquer à la police, n’a pas indiqué le nom de l’ami qui lui avait selon lui prêté le vélo au TAPI et n’a pas su indiquer son adresse à Annemasse.
Il a en outre expliqué au TAPI qu’il était convoqué le 18 octobre 2024 au Ministère public pour être entendu, mais n’a documenté ni son audition ni la nouvelle décision du Ministère public, si celle-ci a été prise entre-temps, ni la suite qui y aurait été donnée. Il a indiqué dans ses écritures devant la chambre de céans qu’il pensait qu’il serait acquitté, ce qui laisse entendre qu’il sera jugé par le Tribunal pénal et donc qu’une nouvelle ordonnance pénale a été rendue et a fait l’objet d’une opposition. Il n’en a toutefois pas révélé le contenu alors qu’elle prend vraisemblablement en compte ses explications et vaut acte d’accusation. Or, il pouvait être attendu du recourant qu’il collabore et informe et documente la chambre de céans sur l’état de la procédure pénale, lequel constitue un élément fondamental dans son argumentation dans la présente procédure.
Le recourant a par ailleurs admis qu’il n’avait aucune attache à Genève. Il ne fait pas valoir qu’il disposerait de ressources qui le prémuniraient de la tentation de commettre de nouvelles infractions s’il était autorisé à revenir dans le canton. Compte tenu du danger qu’il représente pour l’ordre et la sécurité publics, la mesure d’interdiction de périmètre apparaît proportionnée et conforme à la jurisprudence suscitée tant dans son périmètre que sa durée.
C’est ainsi de manière conforme au droit que le TAPI l’a confirmée.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
4. La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 7 novembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 octobre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Samir DJAZIRI, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
N. GANTENBEIN
|
| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
|
| la greffière :
|