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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2932/2022

ATA/966/2024 du 20.08.2024 sur DITAI/488/2023 ( LCI ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2932/2022-LCI ATA/966/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 août 2024

 

dans la cause

A______ et B______ recourants
représentés par Me Cédric LENOIR, avocat

contre

C______ et D______

E______

F______ et G______

H______ et I______

J______ et K______

L______ et M______,

N______

O______

P______
représentés par Me Anthony WALTER, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE intimés

_________

Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 6 novembre 2023 (DITAI/488/2023)



EN FAIT

A. a. A______ et B______ (ci-après : les propriétaires) sont copropriétaires, à la suite du décès le 10 novembre 2020 de Q______, de la parcelle n° 7'086, en zone 5, d’une superficie de 1'429 m2, de la commune de R______ (ci‑après : la commune) sur laquelle est sise une habitation de 164 m2.

b. C______ et D______, E______, F______ et G______, H______ et I______, J______ et K______, L______ et M______, N______, O______, P______ (ci-après : les voisins) sont respectivement propriétaires de parcelles sises au chemin du S______ et directement voisines, voire situées à faible distance, de la parcelle n° 7'086.

B. a. Le 7 décembre 2018, le département du territoire (ci-après : le département ou le DT) a délivré des autorisations de démolir (M 1______) et de construire (DD 2______/1) cinq logements sous la forme d’habitat groupé sur la parcelle n° 7'086.

En août 2018, la direction générale de l'eau, devenue depuis l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau) avait émis un préavis favorable, à condition, notamment, que « les canalisations d'évacuation des eaux usées et pluviales [ci-après : EU/EP] seront exécutées en système séparatif et raccordées pour les eaux usées au collecteur EU DN 30 cm et pour les eaux pluviales au collecteur EP DN 45 cm du système public d'assainissement des eaux du chemin du S______ par l'intermédiaire des réseaux privés […]. L'ouverture du chantier est subordonnée au règlement des éléments relevant du droit privé. Préalablement au branchement des canalisations des eaux usées et pluviales, le requérant sera tenu de vérifier l'état, le bon fonctionnement et la capacité hydraulique des équipements privés susmentionnés, jusqu'aux équipements publics ».

b. Le recours interjeté par les voisins a été rejeté par jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 5 novembre 2019.

c. Les voisins ont interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Le département et T______ SA, représentant les propriétaires, ont conclu à son rejet.

À l’occasion de leur réplique, les voisins ont produit une expertise concernant l'examen des réseaux eaux usées et eaux claires du chemin du S______. L'auteur de cette étude, datée du 15 février 2020, relevait que les plans produits par les promoteurs étaient faux, en particulier s'agissant du tracé et du sens des canalisations, et ne concordaient pas avec l’extrait du plan cadastral du dossier d’autorisation de construire. Les eaux usées de toutes les parcelles en cause transitaient par une station de pompage située sur la parcelle n° 9’414 et le réseau de canalisations établi par cette étude différait des pièces du dossier. Plus précisément, le réseau de canalisations ne se situait plus dans le plan de servitudes. Les eaux claires, à la place de rejoindre la canalisation publique du chemin du S______ en gravitaire, transitaient du côté opposé via la parcelle n° 7’081, le tracé exact demeurant inconnu. La parcelle n° 7’086 ne bénéficiait d’aucune servitude de canalisation sur les parcelles nos 7’080, 7’081, 7’083, 9’502 et 9’503. La construction projetée augmenterait le débit des eaux usées de 19 %.

Interpellé sur le contenu de l’expertise, le DT a relevé que les recourants faisaient valoir que les données essentielles du plan de canalisations étaient fausses et que, partant, le préavis favorable de l'OCEau serait vicié et ses conditions irréalisables. Cette position n'était pas de nature à modifier l'issue du litige au motif notamment que l’OCEau s’était fondé sur les plans produits qui attestaient, sans que cela soit contesté par les recourants, que la parcelle était dûment équipée. Le fait que les conditions imposées par l'OCEau ne seraient pas réalisables n'y changeait rien. Cette question relevait de la conformité des travaux à l'autorisation de construire qui n'avait pas à être examinée à ce stade et par les instances judiciaires.

d. Par arrêt du 3 novembre 2020, la chambre administrative a rejeté le recours. Elle a précisé notamment, en son consid. 7 :

« c. S'agissant des exigences d'équipement en termes de conduites de canalisations, l'OCEau a rendu trois préavis, respectivement les 13 février 2018, 18 juin 2018 et 13 août 2018. Le dernier préavis prévoit que l'ouverture du chantier est subordonnée au règlement des éléments relevant du droit privé (point 11 du préavis).

Le propriétaire doit pouvoir garantir qu'il jouit du droit d'utiliser l'accès en question de manière durable. On considère parfois qu'une éventuelle servitude ne doit pas forcément avoir été inscrite au registre foncier lors de l'octroi du permis de construire, mais qu'elle doit avoir au moins été convenue, le cas échéant, soumise à la condition suspensive qu'elle sera valide dès l'obtention du permis de construire (Éloi JEANNERAT, Commentaire pratique de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 [LAT - RS 700] : planifier l'affectation, 2016, p. 555, n. 35).

Certes, en l'espèce, ce n'est que l'ouverture du chantier et non la délivrance de l'autorisation de construire qui est conditionnée à l'obtention desdites garanties. Le résultat est toutefois identique. En effet, selon les principes généraux du droit, il n'appartient pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s'élever entre le requérant d'une autorisation de construire et un opposant, celle-ci n'ayant pas pour objet de veiller au respect des droits réels et notamment des servitudes (art. 3 al. 6 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 [LCI - L 5 05] ; ATA/169/2020 du 11 février 2020 consid. 7a ; ATA/166/2018 consid. 5).

Le département a ainsi exigé que « préalablement au branchement des canalisations des eaux usées et pluviales, le requérant, serait tenu de vérifier l'état, le bon fonctionnement et la capacité hydraulique des équipements privés susmentionnés, jusqu'aux équipements publics. Les éventuels travaux de réfection, d'adaptation, voire de reconstruction seraient entrepris dans le cadre de ceux faisant l'objet de la présente requête, d'entente avec notre service ». Le préavis tient en quatre pages et pose quinze conditions dont celles précitées (nos 7, 11 et 12). Les détails contenus dans le préavis témoignent du soin mis par l'OCEau au traitement de ce dossier. Le préavis fait partie intégrante de la décision querellée (point 5 de la décision).

Les problématiques de réfection, d'adaptation et de raccordement des canalisations sur les parcelles voisines, lesquelles relèvent du droit privé, sont donc exorbitantes à l'objet du litige. Cette conclusion est en conformité avec la doctrine qui, contrairement à la problématique de la voie d'accès suffisante, ne prévoit pas de garantie sur le plan juridique à propos des conduites d'amenée en eaux et d'évacuation des eaux usées. Il convient uniquement de procéder à une analyse globale de la situation (Éloi JEANNERAT, op.cit. ad. art. 19 LAT n. 36 et ss et André JOMINI, Commentaire de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, 2010, ad. art. 19 LAT n. 23 et 29 ss).

Les conditions fixées dans le préavis, et en conséquence dans la décision litigieuse, répondent aux exigences légales et jurisprudentielles dès lors que les travaux ne pourront être entrepris qu'une fois les problèmes liés aux évacuations des eaux réglés, preuve à l'appui, à satisfaction des spécialistes du département.

Il apparaît ainsi que l'OCEau s'est, d'une part, préoccupé de la problématique de la canalisation des eaux usées et pluviales et, d'autre part, qu'il a mis en place des exigences et conditions à respecter afin de s'assurer de la conformité du projet avec les normes en vigueur en la matière.

d. De plus, la recourante n'a pas apporté d'autres éléments de nature à mettre en doute l'appréciation de l'OCEau, ceux portant sur les servitudes ne ressortant pas du présent litige. L'expertise produite témoigne des difficultés qu'a eu l'expert pour établir un plan, celui-ci indiquant que son rapport « tente d'établir le débit d'eaux résiduaires actuel et futur » (p. 1), que « plusieurs documents récoltés donnent une cartographie complète ou fragmentaire des réseaux eaux usées et eaux claires (...). Ceux-ci ne sont toutefois pas tous cohérents les uns avec les autres (p. 3) ». « Il reste une incohérence quant à la connexion des réseaux eaux usées » concernant la parcelle n° 7’086 (p. 3). L'exutoire de sept parcelles concernant les eaux claires n'est pas connu, deux possibilités étant proposées par l'expertise. Il ressort ainsi de cette expertise d'une part que le terrain est équipé ce que prouve le schéma produit en p. 4. D'autre part, qu'au vu de la difficulté d'établir les faits, il ne peut être reproché au recourant d'avoir transmis des plans inexacts ni d'avoir violé l'art. 9 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) qui dresse la liste des documents à fournir, dont le plan des canalisations. C'est à juste titre que le département a estimé, et maintenu après connaissance de l'expertise précitée, que les précisions fournies quant aux canalisations étaient suffisantes au stade de la demande d'autorisation de construire, l'OCEau réservant dans son préavis l'apport des précisions complémentaires nécessaires.

e. Force est ainsi de constater que l'instance spécialisée a considéré, après instruction, que le terrain envisagé était équipé au sens de l'art. 22 al. 2 LAT, tout en posant des conditions suspensives, comme les art. 19 al. 1 LAT et 16 al. 1 let. b LCI l'y autorisent. 

Dans la mesure où le département a suivi le préavis positif de l'OCEau, la chambre de céans doit, dans ces circonstances et à l'instar du TAPI composé de personnes possédant des compétences techniques spécifiques, observer une certaine retenue. Le préavis de l'OCEau suffisait ainsi à fonder la décision du département qui a intégré le respect de l'entier des conditions posées par ce dernier au chiffre 5 de la décision querellée » (ATA/1103/2020).

e. L’arrêt de la chambre administrative n’a pas fait l’objet d’un recours auprès du Tribunal fédéral.

C. a. Les voisins ont introduit une demande en conciliation devant le Tribunal civil de première instance le 16 décembre 2019, assignant Q______, concluant à ce qu’il lui soit fait interdiction de procéder aux travaux de construction prévus par l'autorisation DD 2______ et à obtenir différents constats concernant l'état et l'étendue des servitudes de passage, de canalisations et d'utilisation de la pompe. Le défendeur a admis, le 26 août 2020, que les résultats de l'expertise étaient corrects, que les plans, appelés « schémas indicatifs », n'étaient pas exacts.

b. Une plainte pénale a été déposée le 20 janvier 2021 contre inconnu faisant état d’un plan de canalisations erroné produit à l’appui de la DD 2______. La procédure a été ouverte sous les références P/4______/2021.

Parmi les pièces produites dans ce cadre figure un échange de courriels entre un voisin et un inspecteur du département, qui mentionne l'impossibilité d'évacuer les eaux polluées du rez et des étages en gravitaire et la nécessité de « relever mécaniquement l'ensemble du projet ».

c. Par arrêt du 2 février 2022, la chambre pénale de recours (ci-après : CPR) a annulé la décision de non-entrée en matière du Ministère public (ci-après : MP).

Elle a retenu que :

« Compte tenu des éléments factuels incertains subsistant, que la Chambre administrative a relevés mais n'a pas élucidés puisque cela n'était pas nécessaire dans le contexte qui lui était soumis, le Ministère public ne pouvait en tirer aucune conséquence sans avoir au préalable cherché à connaître les circonstances dans lesquelles un plan devant être délivré selon des exigences formelles destinées à garantir l'exercice du droit de chacun de consulter les projets de construction qui sont déposés, et celui des personnes disposant d'un intérêt digne de protection de recourir, cas échéant, avait été dressé et produit. En l'occurrence, il faut admettre que les recourants, en leur qualité de voisins, pourraient avoir être lésés par une éventuelle infraction de faux dans les titres (art. 251 CP) commise en lien avec la présentation de faux documents lors de la soumission de l’autorisation de construire et les promoteurs avoir ainsi obtenu un avantage pécuniaire non négligeable pour n'avoir pas à envisager des installations supplémentaires nécessaires au respect de l'OCEau. Ainsi, en l'état, les allégations des recourants suffisent à leur reconnaître la qualité de lésé, s'agissant d’une éventuelle infraction de faux dans les titres, et les circonstances de l’établissement des plans et de leur utilisation doivent être examinées par le Ministère public.

L'ordonnance querellée sera par conséquent annulée, le prononcé d'une ordonnance de non-entrée en matière n'étant pas envisageable et la cause sera retournée au Ministère public pour ouverture d'une instruction, charge à lui de mener les actes d'enquêtes utiles, notamment l'audition des recourants, des promoteurs, des responsables de l'établissement des plans et de l’employé du Département cité par l’un des recourants ».

d. Le MP a ouvert une instruction en août 2022, portant sur une éventuelle infraction de faux dans les titres commis en lien avec la présentation de faux documents lors de la soumission de l’autorisation de construire.

D. a. Le 24 mars 2022, T______ SA, pour le compte des propriétaires, a déposé une requête complémentaire pour une « modification du concept de gestion et d’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées ». La requête a été enregistrée sous les références DD 2______/2.

b. Tous les préavis ont été favorables y compris celui de l’OCEau, daté du 3 juin 2022, qui mentionnait que les conditions de son préavis initial du 13 août 2018 étaient remplacées par cinq autres conditions. Il précisait qu’il ne vérifiait pas le respect des éléments de droit privé dans la mesure où l’autorisation de construire rappelait que les droits des tiers étaient réservés conformément à l’art. 3 al. 6 LCI.

Un rapport de conformité devrait être produit à la « fermeture » du chantier. Plusieurs pièces étaient exigées.

Le 14 juillet 2022, le DT a délivré l’autorisation DD 2______/2. Les conditions figurant notamment dans le préavis du 3 juin 2022 de l’OCEau faisaient partie intégrante de la DD.

E. a. Par acte du 13 septembre 2022, les voisins ont interjeté recours auprès du TAPI contre cette autorisation, concluant à son annulation. Préalablement, ils ont sollicité, notamment, le prononcé de la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale P/4______/2021. La cause a été ouverte sous les références A/2932/2022.

b. Sous ces mêmes références, les voisins ont déposé, le 12 décembre 2022, une demande de constat de la caducité de l’autorisation de construire DD 2______/1 et de l’autorisation complémentaire DD 2______/2 devant le TAPI. Après une suspension liée au décès d’une partie, la cause a été reprise le 20 février 2023.

c. Après un échange d’écritures, le TAPI a refusé la suspension de la procédure par décision du 22 décembre 2022.

d. La brigade financière a procédé à des auditions les 28 août et 11 octobre 2023 dans la P/4______/2021 et une perquisition a été ordonnée par le MP le 12 octobre 2023.

Selon l’ordonnance de perquisition et de séquestre rendue à l’encontre de T______ SA le 12 octobre 2023, la procédure P/4______/2021 avait été ouverte contre inconnu des chefs de faux dans les titres. Il était reproché à l’auteur d’avoir, en 2017 à Genève, présenté de faux documents lors de la soumission de l’autorisation de construire déposée en décembre 2017 sur la parcelle précitée. Dans le cadre de l’instruction, des soupçons suffisants étaient apparus pour ouvrir également une instruction contre inconnu pour l’autorisation de construire complémentaire. Il était reproché à l’auteur d’avoir, en mars 2022, dans le cadre de cette demande, contrefait ou apposé la signature de U______ en tant que requérant mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ), sans son accord, le présentant comme tel alors qu’il se trouvait en incapacité de travail, trompant l’autorité, ceci dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui, en lui faisant porter la responsabilité de cette demande d’autorisation problématique au vu des plans de canalisations produits à l’appui de la demande d’autorisation déposée le 13 décembre 2017, et de se procurer ou procurer à un tiers un avantage illicite, soit tenter de faire avaliser la première autorisation malgré les plans de canalisations erronés en dissimulant cette problématique.

e. Le 25 octobre 2023, les voisins ont déposé devant la chambre administrative une demande de révision de l’arrêt du 3 novembre 2020. La cause a été ouverte sous les références A/3961/2023.

f. Par décision du 6 novembre 2023 le TAPI a suspendu l’instruction du recours jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale P/4______/2021.

V______, représentant de T______ SA, mandataire des propriétaires, avait été auditionné à la brigade financière le 28 août 2023, ce qui laissait entrevoir la possibilité d’une issue prochaine de la procédure pénale. Sans vouloir préjuger de la décision pénale et en tenant dûment compte du principe de la présomption d’innocence, l’allégation de l’avocat de certains des recourants, selon laquelle le mandataire des intimés aurait admis que le plan de canalisations produit à l’appui de la demande d’autorisation principale était « faux », laissait concevoir que la possibilité d’une éventuelle condamnation pénale ne serait pas entièrement illusoire. Or, une condamnation pour faux dans les titres, soit un crime, ou tout au moins un délit dans les cas de très peu de gravité, entraînerait automatiquement, en cas de demande de révision, la caducité de la décision de construire principale, par ailleurs avec effet rétroactif puisqu’il faudrait vraisemblablement retenir que les intimés avaient été de mauvaise foi. Cela aurait évidemment un impact sur la procédure qui concernait une autorisation de construire complémentaire, laquelle ne pouvait exister indépendamment de l’autorisation de construire principale qu’elle devait corriger.

F. a. Par acte du 16 novembre 2023, les propriétaires ont interjeté recours contre cette décision devant la chambre administrative. Ils ont conclu à l’annulation de la décision incidente et à ce qu’il soit ordonné au TAPI qu’il reprenne l’instruction du recours.

L’existence d’un plan erroné dans le cadre de l’autorisation initiale, qui n’était pas l’objet de la présente procédure, était déjà connue du TAPI lorsque de sa décision de refus de suspension de la procédure du 12 décembre 2022, les décisions de justice reproduites à cette occasion mentionnant explicitement le fait que les plans de canalisation contenaient des inexactitudes. Une instruction pénale était déjà en cours, seule une audition ayant eu lieu après la première décision. Le recours interjeté le 13 septembre 2022 avait pour seule conclusion l’annulation de la décision d’autorisation de construire complémentaire portant sur la modification du concept de gestion et évacuation des EP/EU. Ce n’était que par écriture spontanée du 12 décembre 2022 que les recourants avaient conclu au constat de la caducité des autorisations principales et complémentaires. Formulées hors délai de recours, ces conclusions, nouvelles, étaient irrecevables. De surcroît, les voisins auraient dû solliciter au préalable du DT une décision sur la caducité des autorisations, avant d’attaquer en justice un éventuel refus. Or le TAPI avait instruit le recours sur les conclusions en constatation de nullité sans ouvrir une procédure séparée ni a fortiori joindre les procédures. Les voisins n’avaient pas demandé la reconsidération ou la révision de la DD 2______/1 ni du jugement du TAPI ni même de l’arrêt de la chambre administrative du 3 novembre 2020.

Les travaux ne pouvaient pas se poursuivre tant que la DD 3______/2 n’entrait pas en force. Il était en effet impératif de pouvoir évacuer les eaux de chantier dans le réseau, ce qui impliquait de raccorder le chantier audit réseau. Une construction était inhabitable si elle n’était pas raccordée aux eaux usées. Enfin, les travaux de fouilles pour les canalisations et leur mode d’évacuation ne pouvaient débuter qu’une fois validé le tracé définitif des canalisations et leur mode d’évacuation (gravitaire, pompes de relevage, etc.), ces éléments faisant partie intégrante de la DD 3______/2. Ils subissaient un important préjudice financier en raison du blocage du chantier, notamment une charge fiscale en lien avec un terrain nu, d’une valeur importante, sis dans une commune prestigieuse, sans revenu locatif ou produits de revente, le coût du projet se renchérissant par ailleurs en raison de la hausse des taux d’intérêts hypothécaires et des coûts de construction dus à l’inflation importante.

Le recours était recevable au vu de l’importance du préjudice économique subi par les copropriétaires à la suite de la décision de suspension de l’instruction de la procédure. Les voisins soutenaient par ailleurs que l’autorisation de construire principale serait caduque en application de l’art. 33A RCI qui précise qu’en cas de suspension du chantier excédant une année, le département peut soit ordonner l’achèvement de l’ouvrage, soit exiger la démolition des parties inachevées et la remise en état des lieux. Il était probable, au vu de la volonté des voisins de retarder le projet, que la procédure prenne plus d’une année pour aboutir à une décision finale en force. L’arrêt de la CPR demandant la reprise de l’instruction avait été prononcé le 2 février 2022. Or, aucun acte d’instruction n’avait été diligenté jusqu’au mois d’août 2023. Il fallait en conséquence s’attendre à ce que la procédure pénale soit excessivement longue.

Sur le fond, les conditions de l’art. 14 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n’étaient pas réunies. Depuis sa décision de refus de suspension du 12 décembre 2022, le TAPI semblait avoir considéré que les chances d’aboutir de la procédure pénale seraient élevées. Il s’était fondé sur un propos rapporté d’une audition d’une personne appelée à donner des renseignements. Ce raisonnement violait le principe de présomption d’innocence et les conditions d’application de l’art. 14 LPA. Il n’expliquait pas non plus en quoi la présente procédure de recours, dont l’objet était la validité de l’autorisation complémentaire, ne pourrait être mené à son terme qu’en ayant connaissance de l’issue de la procédure pénale. L’autorisation complémentaire portait sur une modification du schéma de raccordement des eaux usées et pluviales, complètement différent de celui présenté dans l’autorisation initiale. Personne ne prétendait que le présent dossier contiendrait un faux dans les titres ou un plan erroné, la procédure pénale ne portant que sur un plan produit dans le cadre de l’autorisation initiale.

b. Le 24 novembre 2023, le DT s’en est rapporté à justice.

c. Les voisins ont conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. La DD 2______/1 était déjà caduque, ce qu’ils avaient demandé au TAPI de constater. La procédure pénale progressait régulièrement. Les recourants invoquaient des hypothèses contradictoires pour fonder leur hypothétique dommage économique. Il n’était pas crédible qu’en l’état ils ignorent la nature, vente ou location d’appartements, de l’opération immobilière dans laquelle ils s’étaient engagés. L’opération immobilière était pilotée par un promoteur qui avait fondé une société spécifiquement dédiée à cette opération. Son rôle n’était pas compréhensible si les appartements étaient destinés à la location. Il apparaissait pour le surplus surprenant que les propriétaires s’exposent à la notion de commerçant professionnel d’immeubles pour une éventuelle vente sur plan d’appartements. Jusqu’à preuve du contraire, le rôle des propriétaires se limitait à la vente du terrain, ce qu’ils restaient libres de faire. L’avantage indu des plans produits lors de la DD 2______/1 pouvait résulter notamment dans la mise en place d’un système d’évacuation d’eau moins onéreux, le passage en force sans négociation préalable avec le voisinage des servitudes de conduite nécessaire, l’obtention d’une autorisation de construire avant un changement législatif défavorable alors que le terrain n’était pas équipé juridiquement et factuellement.

d. Dans leur réplique, les propriétaires ont persisté dans leurs conclusions, à l’instar des voisins dans leur duplique.

e. Dans une réplique spontanée, les propriétaires ont relevé qu’un droit d’emption avait été inscrit en faveur d’une SA sur la parcelle, échéant le 15 juin 2025. Si la procédure devait se prolonger au-delà de cette date, ils risqueraient de perdre le bénéfice de la promesse de vente qui y était liée ce qui constituerait pour eux un préjudice irréparable.

L’allégation que la signature d’un MPQ, U______, associé chez T______ SA, aurait été apposée sans son accord était sans conséquence sur l’issue de la procédure relative à l’autorisation complémentaire. La LCI exigeait simplement qu’un MPQ réponde du projet, ce qui était le cas en la personne de V______. Cela l’était aussi au moment du dépôt, U______ étant alors enregistré comme MPQ. Les rapports entre associés et l’organisation interne du bureau d’architectes étaient sans incidence sur la validité de l’autorisation de construire, les droits des tiers n’étant en rien lésés par cette problématique.

L’autorisation de construire étant en force, elle avait partiellement été mise en œuvre. La maison d’enfance des propriétaires avait été détruite.

f. À la demande de la juge déléguée, le procureur a transmis, les rapports de renseignements de la police des 5 et 11 octobre 2023 ainsi que les procès-verbaux des personnes entendues dans le cadre de la procédure pénale. Les pièces pouvaient être versées à la procédure et étaient consultables pour toutes les parties, y compris T______ SA.

Il ressort de la procédure pénale les éléments suivants :

– selon le rapport intermédiaire de renseignements de la police du 5 octobre 2023, G______, plaignant, avait été entendu le 4 janvier 2023. W______, inspecteur en assainissement auprès de l’OCEau, avait expliqué avoir délivré son préavis positif sur la base du plan fourni dans la demande d’autorisation de construire initiale. De façon générale, pour les canalisations, les fonctionnaires de l’OCEau se basaient uniquement sur les plans fournis par les mandataires. Ils n’avaient pas les moyens de vérifier l’existence ou l’absence de canalisations mentionnées sur les plans, d’autant plus il s’agissait de demandes privées. Selon V______, architecte de T______, il avait signé la demande complémentaire, reprenant le projet à la suite de U______, qui avait signé la requête initiale mais ne travaillait plus dans leur société, en raison de problèmes liés à la qualité de son travail. V______ ne connaissait pas les ingénieurs de X______ INGENIERIE qui avaient établi les plans litigieux ;

– selon le rapport intermédiaire de renseignements de la police du 11 octobre 2023, U______ avait déclaré lors de son audition qu’il n’avait jamais signé de demande d’autorisation de construire pour le projet en question. Il n’était probablement pas encore MPQ à la date du dépôt de la demande initiale. La demande complémentaire comportait, à son insu, sa signature en qualité de requérant et de MPQ. Or, il était à cette époque en incapacité totale de travailler, laquelle avait duré jusqu’à son licenciement en juillet 2022. Son nom avait par ailleurs été utilisé à son insu pour l’ouverture du chantier en 2022, via la plate-forme DEMAT.

À la suite de cette affirmation, les voisins avaient déclaré qu’ils déposeraient une plainte pénale contre inconnu.

La police précisait avoir obtenu les dossiers des demandes d’autorisation. La demande initiale était signée par V______, contrairement aux affirmations de ce dernier. La demande complémentaire comportait deux signatures strictement identiques, comme mandataire et requérant. La suite de l’enquête devrait déterminer si ces signatures étaient électroniques ;

– selon le rapport intermédiaire de renseignements de la police du 20 octobre 2023, U______ avait transmis les certificats médicaux prouvant sa totale incapacité de travail du 22 février au 24 mai 2022. La police avait procédé à une perquisition au bureau de T______ SA le 17 octobre 2022 [recte : 2023]. Y______, architecte associé, avait expliqué que les signatures en format électronique des associés, dont U______, pouvaient être utilisées uniquement par eux afin de signer des documents au nom d’un associé absent pour ne pas bloquer des dossiers en cours. Cette façon de faire avait été mise en place avec l’accord collégial de tous les associés dont U______. Il ignorait toutefois qui avait apposé sa signature sur la demande complémentaire concernée.

Différents éléments physiques avaient été saisis lors de la perquisition à l’instar de dossiers papier relatifs au projet immobilier concerné ainsi que des documents électroniques et échanges de courriels. La police avait demandé l’obtention des données de l’ancienne boîte mail de U______ auprès du serveur qui hébergeait la société.

Z______, architecte qui s’était aussi occupé du projet litigieux, avait été d’accord d’être immédiatement entendu par la police. Il ne s’expliquait pas les différences entre les plans des demandes initiales et complémentaires. Il ne se souvenait pas d’un problème lié aux servitudes. Au vu du départ à la retraite de V______, il avait été décidé par l’ensemble des administrateurs, dont U______, que les dossiers de celui-là seraient repris par la succession, soit U______, Y______ et lui-même, raison pour laquelle ils avaient décidé de remplacer V______ par U______ dans le dossier en question. Ils n’avaient eu aucune volonté de tromper ni de produire des faux. Apposer la signature de l’un d’entre eux en son absence était une pratique courante et convenue oralement entre les administrateurs afin de ne pas bloquer l’avancement de dossiers en cours. U______ avait entamé une procédure prud’homale à leur encontre.

g. Après consultation du dossier pénal, le département a précisé que son contenu n’était pas de nature à modifier sa position du 24 novembre 2023.

h. Les voisins ont relevé que le procès-verbal d’audition de U______ était surtout pertinent pour la suspension de la procédure A/2032/2020 [recte : A/2932/2022]. Celui-ci n’était, dans les faits, MPQ ni de la demande d’autorisation principale ni de la complémentaire. W______ avait confirmé que le DT se basait uniquement sur les plans déposés par le mandataire et qu’il n’avait aucun moyen de savoir si le plan était erroné. Les voisins contestaient le soin mis par l’OCEau au traitement du dossier, contrairement à ce qu’avait retenu la chambre administrative. La suspension était nécessaire dans l’attente des auditions de la société auteure des plans de canalisations versés à la procédure, du dépôt de la boîte mail de U______ et de l’audition prochaine de AA______, promoteur.

i. T______ SA a relevé que le dossier pénal transmis à la chambre de céans était incomplet. La plainte pénale et les documents perquisitionnés dans ses locaux ne s’y trouvaient pas. Par ailleurs, n’ayant été entendus qu’en qualité de personnes appelées à donner des renseignements, les représentants de la société n’avaient pas accès au dossier. La société n’était pas en mesure de se déterminer sur le dossier pénal dont seuls les éléments à charge avaient été livrés par les voisins. Une décision contraire à leurs conclusions violerait les droits à un procès équitable et d’être entendu. Déterminer si le plan de canalisations produit dans le cadre de la demande initiale devait être faux sur le plan pénal n’était pas pertinent pour décider si le nouveau concept d’évacuation des eaux de l’autorisation complémentaire était conforme au droit des constructions. L’argumentation relative à la demande de révision s’appliquait mutatis mutandis dès lors qu’il n’appartenait pas au TAPI d’anticiper l’éventuelle révision de l’arrêt validant l’autorisation initiale pour savoir si l’autorisation complémentaire tomberait. Il n’y avait aucun motif justifiant que la procédure soit suspendue. Par ailleurs, on discernait mal en quoi les droits des voisins seraient atteints par le fait que la signature du MPQ aurait été apposée sans son consentement sur la requête d’autorisation. La question des rapports internes entre les associés du bureau d’architectes ne les concernait pas.

j. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b LPA).

2.             Le litige porte sur la décision du TAPI de suspendre la procédure, à savoir une décision incidente, ce que les parties ne contestent pas.

2.1 Selon l’art. 57 let. c LPA, les décisions incidentes peuvent faire l’objet d’un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longe et coûteuse.

L’art. 57 let. c LPA a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Le préjudice irréparable visé par l’art. 93 al. 1 let. a et b LTF suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Un préjudice est irréparable lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l’estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

2.2 En l’espèce, les recourants invoquent un dommage irréparable, la suspension de la procédure les exposant à voir la DD déclarée caduque et impliquant notamment l’éventuelle perte de la promesse de vente et des frais mensuels importants pour un terrain nu.

La procédure pénale a été ouverte le 21 janvier 2021 et l’arrêt de la CPR a été prononcé le 2 février 2022. Aucun acte d’instruction n’a été mené avant novembre 2023 et les parties n’allèguent pas que la procédure pénale pourrait se terminer prochainement. Les recourants rendent vraisemblable l’existence des frais mensuels importants pour le terrain nu et ont produit les documents relatifs à la promesse de vente. La validité de la DD est plus délicate et pourrait éventuellement faire l’objet d’un litige. Toutefois, au vu de la durée de la procédure pénale, une suspension de la procédure administrative comme dépendante de celle-là, pourrait entraîner un dommage irréparable.

Le recours est en conséquence recevable.

3.             Selon l’art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 3.1).

La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101) d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, lorsque ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/812/2021 du 10 août 2021 consid. 2a ; ATA/1493/2019 précité consid. 3b).

4.             À teneur de l'art. 2 LCI, les demandes d’autorisation sont adressées au département (al. 1). Le règlement d’application détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (al. 2). Les plans et autres documents joints à toute demande d’autorisation publiée dans la Feuille d’avis officielle doivent être établis et signés par une personne inscrite au tableau des MPQ dans la catégorie correspondant à la nature de l’ouvrage, au sens de la loi sur l'exercice des professions d'architecte et d'ingénieur du 17 décembre 1982 [LPAI - L 5 40] ; art. 2 al. 3 LCI).

La demande définitive doit être adressée au département sur formule officielle, en 10 exemplaires (art. 9 al. 1 1ère phrase RCI). Il y a lieu de joindre notamment les plans et documents suivants : b) extrait du plan cadastral conforme aux al. 2 et 4 de l'art. 7 de l'ordonnance fédérale sur la mensuration officielle du 18 novembre 1992 (OMO – RS 211.432.2) obtenu soit sur le guichet cartographique de la mensuration officielle, soit auprès d'un ingénieur-géomètre officiel. Sur ce plan, la nouvelle construction doit être figurée et cotée par rapport aux limites de propriété, avec des niveaux aux angles des constructions, des coupes de principe sur la construction projetée, et l'indication des gabarits théoriques, de telle sorte qu'il soit facile de déterminer ses relations avec les voies les plus proches (publiques ou chemins privés) et les propriétés limitrophes sur une profondeur de 15 m au moins, en indiquant les constructions existantes et, le cas échéant, les distances aux lisières forestières, au lac et aux cours d'eau. Sont également précisés : les emplacements de stationnement, l'aménagement des accès, les raccordements à la voie publique, les sens de circulation prévus, ainsi que les raccords aux canalisations d'évacuation existantes, les bâtiments encore non cadastrés ou qui ne nécessitent pas de cadastration, éventuellement à conserver ou à démolir, et les arbres à abattre (10 ex.). La signature du plan cadastral par un ingénieur-géomètre officiel est obligatoire, sauf lorsque l'objet de la demande porte uniquement sur la transformation, la rénovation ou le changement d'affectation d'une construction ; g) plan des canalisations d’évacuation des eaux usées et pluviales existantes et à construire, jusqu’aux points de déversement aux collecteurs en indiquant les diamètres et niveaux. À défaut d’égout, le mode d’évacuation des eaux pluviales et d’épuration des eaux usées avec le plan de détail de l’installation d’épuration en indiquant son type, son volume ainsi que le nombre d’utilisateurs (10 ex.) ; h) plan détaillé des canalisations d’eaux usées et pluviales intérieures des constructions (10 ex.) ; i) copie certifiée conforme de l’acte constitutif de la servitude de passage, maintien et entretien des canalisations sur fonds d’autrui ou attestation d’un notaire certifiant qu’il a mandat irrévocable des parties d’instrumenter un tel acte (10 ex.) ; (art. 9 al. 2 RCI).

5.             La LPAI a pour objet de réglementer l'exercice indépendant de la profession d'architecte ou d'ingénieur civil, ou de professions apparentées, sur le territoire du canton de Genève. L'exercice de cette profession est restreint, pour les travaux dont l'exécution est soumise à autorisation en vertu de la LCI, aux MPQ reconnus par l'État (art. 1).

À teneur de l'art. 6 LPAI, le mandataire est tenu de faire définir clairement son mandat (al. 1). Il s'acquitte avec soin et diligence des tâches que lui confie son mandant, dont il sert au mieux les intérêts légitimes tout en s'attachant à développer, dans l'intérêt général, des réalisations de bonne qualité au titre de la sécurité, de la salubrité, de l'esthétique et de l'environnement (al. 2).

Il résulte de cette dernière disposition que le respect du droit public est l'un des devoirs incombant à l'architecte (Blaise KNAPP, La profession d'architecte en droit public, in Le droit de l'architecte, 3ème éd., 1986, p. 487 ss n. 510).

Selon les travaux préparatoires de la LPAI, la ratio legis de celle-ci était d'atteindre, par des restrictions appropriées au libre exercice de cette activité économique, un ou plusieurs buts d'intérêt public prépondérant à l'intérêt privé - opposé - des particuliers. Il peut s'agir d'assurer aux mandants, à l'instar des capacités professionnelles exigées des mandataires dans le domaine médical ou juridique, des prestations d'une certaine qualité nécessitée par la nature ou l'importance des intérêts du mandant. Il peut s'agir aussi de l'intérêt social de la communauté dans son ensemble, aux titres de la sécurité, de la santé, de l'esthétique et de la protection de l'environnement, à ce que les constructions ne comportent pas de risques pour le public, ni ne déparent l'aspect général des lieux. Il peut s'agir notamment de l'intérêt des autorités compétentes à ce que leurs interlocuteurs, lors de la présentation et de l'instruction de dossiers de demandes d'autorisations de construire, respectivement lors de l'exécution des travaux, soient des personnes qualifiées, contribuant ainsi, d'une manière générale, à une meilleure application de la loi (MGC 1982/IV p. 5204).

Il s'ensuit que les manquements professionnels de l'architecte concernés par la LPAI peuvent aussi être trouvés dans les relations qu'entretient ce dernier avec les autorités administratives, respectivement dans l'exécution scrupuleuse des injonctions qu'elles formulent et, d'une manière générale, dans le respect des règles juridiques du droit de la construction justifiant l'existence même du tableau des architectes habilités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2010 du 18 juin 2010 consid. 6 ; ATA/118/2013 du 26 février 2013).

6.             En l’espèce, dans le cadre de la procédure relative à la DD 2______, le DT, et plus spécialement l’OCEau, se sont déterminés sur la base des plans produits par les MPQ. La chambre administrative a rejeté le recours formé contre cette autorisation.

Dans le cadre du présent recours, les propriétaires allèguent que le schéma de raccordement des eaux usées et pluviales produit à l’appui de la requête complémentaire serait « complètement différent » de celui présenté dans l’autorisation initiale.

Depuis l’arrêt de la chambre administrative du 3 novembre 2020, une procédure pénale a été ouverte en lien avec des pièces versées à la première procédure. Les déclarations de l’architecte devant la police évoquent l’éventuelle production de plans « erronés ». On ignore, en l’état de la procédure, le résultat de la perquisition effectuée par le MP dans le bureau d’architectes. Outre la commission d’une éventuelle infraction pénale, ceci pourrait impliquer que les autorités administratives se seraient prononcées sur des plans erronés, ce que certain(s) MPQ aurai(en)t peut-être su, voire tu ou nié au moment où l’OCEau a préavisé, où le département a autorisé les constructions, puis où les juridictions administratives se sont prononcées en fonction notamment du préavis de l’office précité, spécialisé.

Les recourants allèguent que le TAPI ne serait pas compétent pour une reconsidération de la DD 2______ qui a fait l’objet d’un arrêt de la chambre de céans. Ils ignoraient alors qu’une demande de révision contre cet arrêt avait été déposée devant la chambre de céans, qu’elle a rejetée par arrêt de ce jour, les conditions de l’art. 80 LPA n’étant pas remplies. Elle a de même rejeté la demande de suspension de la procédure de révision comme dépendant de la procédure pénale ou de la présente cause référencée A/2932/2022. Dans cet arrêt, la chambre administrative a principalement retenu que le département avait confirmé, après avoir pris connaissance des pièces d’ores et déjà versées au dossier de la procédure pénale, que son issue était sans incidence sur le préavis de l’OCEau, et par voie de conséquence sur l’autorisation de construire. La chambre de céans a conclu que dans ces conditions, il ne se justifiait pas de suspendre la procédure en révision dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

Déterminer les éventuelles conséquences pénales voire civiles de la production desdits plans ne relève pas de la compétence de la chambre de céans. Le département avait conditionné l’autorisation délivrée le 7 décembre 2018 au respect de diverses conditions figurant dans les préavis recueillis, dont celui de l’OCEau du 13 août 2018 (point 5) et avait réservé les droits des tiers (point 2). Ce dernier office avait notamment conditionné l’ouverture du chantier au règlement des éléments relevant du droit privé. Il avait exigé que les canalisations d’évacuation des eaux usées et pluviales soient exécutées en systèmes séparatifs et raccordées à des collecteurs dont il précisait les spécificités et le fait que les canalisations ralliaient les collecteurs par les réseaux privés. Il avait de même conditionné le branchement desdites canalisations à la vérification de l’État, au bon fonctionnement et à la capacité hydraulique des équipements privés concernés. Comme le relevait l’arrêt de la chambre de céans, le préavis de l’OCEau tenait en quatre pages et posait quinze conditions.

Ces conditions garantissaient suffisamment que le chantier ne soit pas ouvert sans que les questions de canalisations ne soient réglées. Dans ces conditions, les inexactitudes contenues dans les plans pour des raisons qu’il n’appartient pas à la chambre de céans de déterminer, sont sans incidence sur le préavis de l’OCEau, compte tenu des cautèles qui étaient posées, ce que le département a confirmé après avoir pris connaissance des pièces de la procédure pénale.

Les recourants peuvent être suivis lorsqu’ils contestent qu’une condamnation pour faux dans les titres entraînerait automatiquement la caducité de l’autorisation de construire principale, par ailleurs avec effet rétroactif. Compte tenu de ce qui précède, rien n'indique que l’éventuel crime ou délit ait influencé la décision.

Il ne se justifie en conséquence pas de suspendre la présente procédure comme dépendante de l’issue pénale, étant relevé que l’allégation de faux dans les signatures relève de l’organisation interne du bureau d’architectes et est sans conséquence sur l’issue de la présente procédure.

Le recours sera admis.

7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des voisins, pris solidairement (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux recourants, pris solidairement, à la charge des voisins, pris solidairement (art. 87 al. 2 LPA).

*******

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 novembre 2023 par A______ et B______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 6 novembre 2023 ;

au fond :

l’admet ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de C______ et D______, E______, F______ et G______, H______ et I______, J______ et K______, L______ et M______, N______, O______, P______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à A______ et B______ à la charge solidaire de C______ et D______, E______, F______ et G______, H______ et I______, J______ et K______, L______ et M______, N______, O______, P______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Cédric LENOIR, avocat des recourants, à Me Anthony WALTER, avocat des intimés, au département du territoire – OAC, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :